Tewkesbury - La cathédrale
Si la voie romaine venant du sud-est et franchisant la Severn au niveau de Gloucester était purement stratégique celle qui longeait le fleuve sur sa rive est avait un caractère éminemment économique. Aménagée au second siècle pour faciliter le cheminement sur berge, elle franchit à 15km en amont de Gloucester un petit affluent, l’Avon. Ce confluent constituait un site privilégié qui fut sans doute occupé à l’époque celtique, ensuite l’agglomération se déplaça sur la rive est, à cheval sur la nouvelle voie et sur le carrefour engendré par un franchissement léger, et ce fut l’origine de Tewkesbury. Cette agglomération ouverte et prospère connut ensuite des heures difficiles mais le potentiel économique du site était tel qu’il allait renaître à chaque période favorable.
Comment se présente le bourg au XI° 150 à 200 maisons de bois avec une population proche de 1500 habitants et une petite église de plan primitif celtique au centre de l’agglomération, soit bien peu de raisons pour figurer dans l’Histoire selon les textes. Les Bénédictins cependant ne s’y trompent pas, ce lieu vaut la peine d’être pris en mains et ce sera fait dès la fin du XI°s. Vers 1100 un programme de construction est élaboré et pour l’abbatiale le projet est simple, il suffit de reprendre le parti de Gloucester. Mais ici les moyens sont modestes et l’ouvrage sera plus rustique.
Le chevet
Les travaux du chevet de Tewkesbury doivent commencer une bonne décennie après celui de son modèle Gloucester, ce qui nous donne une date située entre 1110 et 1115 environ. Le plan au sol est identique avec abside et déambulatoire ouvrant sur trois chapelles rayonnantes établies sur 112°. L’élévation du sanctuaire est également portée sur quatre grosses piles mais elles sont rondes et non ovales ce qui a sans doute engendré quelques mouvements dus aux résultantes externes. Ce dessin implique sur le déambulatoire des travées alternativement en trapèze et en triangle avec doubleau et voûtes d’arêtes sur les travées faisant face aux chapelles. Existait-il des nervures sous les arêtes des voûtes? Nous l’ignorons. L’ensemble des parties hautes du chevet sera repris à la période gothique et seules subsistent les grosses piles rondes. Cependant, nous trouvons sur le mur oriental du transept des éléments nous permettant une restitution.
Le second niveau du chevet était constitué de tribunes non voûtées ouvrant sur le sanctuaire par de grandes baies géminées, ce que laissent supposer les reprises sur la structure de l’arc du transept. Le troisième niveau était garni de petites baies géminées, étroites, identiques à celles conservées sur le mur est du transept. Enfin, le quatrième niveau comportait un registre de fenêtres hautes de taille modeste et probablement sans galerie de circulation. Pour retrouver cet étagement il faut prendre en compte les tailloirs d’origine dont il subsiste une partie sur la face externe des grosses piles. Enfin, le plafond à caissons était aligné sur celui de la nef comme en témoignent les larmiers hauts subsistant sur la tour lanterne, soit une hauteur nominale de 20m avec des variations en fonction du dallage.
L’ensemble du chevet avec hémicycle et deux travées droites, sans crypte, réalisé en un lieu où les bons matériaux manquaient, et ou la main d’œuvre auxiliaire qualifiée faisait également défaut, a du s’échelonner sur une bonne vingtaine d’années. L’achèvement se situe vers 1130/1135.
Croisée et transept
Les grands arcs de la croisée nécessitent des épaulements satisfaisants et, pour ce faire, il faut aménager deux ou trois travées de la nef avant de les lancer mais les élévations à gros piliers choisies à Gloucester et Tewkesbury n’offrent que peu d’inertie. Après les difficultés rencontrées à la croisée de Gloucester, le maître de Tewkesbury qui a parfaitement compris ces problèmes de mécanique statique va concevoir un aménagement original. La croisée sera portée par deux gros supports quadrangulaires traditionnels avec piles engagées correspondant aux rouleaux du grand arc. Elles seront flanquées côté nef des premières grosses piles rondes et, côté transept, des deux tronçons de piles rondes correspondant aux premier et second niveaux. L’inertie longitudinale est considérable, le volume est de 5m X 2m 40,. Dans ces conditions nul besoin d’ avoir recours au volume d’inertie de la nef et du chevet.
En perpendiculaire les murs est et ouest du transept offrent un épaulement suffisant et les arcs porteront sur de simples corbeaux. L’alignement de ces murs se trouve pratiquement à l’axe du volume longitudinal formé par la double pile. Ce traitement magistral va permettre de réaliser la superbe tour lanterne de 14m de côté sur 45m de haut. Quatre étages dominent la nef. Celui qui reçoit les combles, le plus important, et trois autres garnis d’arcatures dont la fonction est décorative. Cette tour romane, l’une des plus belles de Grande Bretagne en son temps, était sans doute la réplique de celle de Gloucester, elle était alors couronnée d’une flèche en charpente inspirée des ouvrages normands.
Le transept avec croisillons débordants est classique. Il comporte deux chapelles orientées et ne semble pas avoir été doté de tribunes. Deux escaliers à vis sont intégrés dans les angles est et donnent accès aux tribunes non voûtées du chevet. L’achèvement de la croisée et du gros œuvre du transept peut se situer vers 1145.
La nef
L’élévation de la nef est une réplique rustique de celle de Gloucester. Les grosses piles rondes sont établies sur un pas moyen de 5m 50. Leur hauteur est de 9m 35 pour un diamètre de 1m 90, soit légèrement plus petites que le modèle. Les archivoltes sont dotées d’un simple rouleau de décharge et le modeste niveau médian est garni de baies géminées d’un traitement très fruste; elles sont au nombre de deux par travée et équidistante comme l’absence de voûtes le permettait. Le troisième niveau était garni d’un registre de fenêtres hautes mais leur importance primitive est incertaine, les aménagements de 1686 ont profondément modifié ces parties. Nous pouvons cependant proposer deux hypothèses. Dans la première, l’état actuel avec l’important entablement de base est d’origine et le traitement était particulièrement rustique. Dans la seconde, ces fenêtres hautes étaient traditionnelles avec une galerie de circulation et deux arcades de flanquement. C’est une disposition qui disparaît avec l’établissement des voûtes en 1471 et les reprises externes de 1686.
Les huit premières travées de la nef seront achevées vers 1150 mais un obstacle doit gêner l’accès direct , il se fera pour un temps par le porche nord ouvrant sur la septième travée.
La travée occidentale
Le superbe porche en plein cintre, profond de six ressauts est donné pour roman et contemporain de l’édification, soit 1150/1155 environ et c’est fort probable mais la huitième travée plus courte que les précédentes, ainsi que la travée porche qui suit, posent de nombreuses interrogations. Les derniers supports constitués d’un demi grosse pile ronde sont liés à une portion de mur de même épaisseur et une membrure rectangulaire, aujourd’hui tronquée, devait porter un arc diaphragme. D’autre part, les bas côtés de la huitième travée furent entièrement repris au XVII°s. de 1686 à 1690. Quel était donc l’état d’origine?
Nous avons semble-t-il des assises suffisantes pour deux tours de façade modestes et non débordantes et dont les escaliers à vis subsistent. Elles furent sans doute démolies lors de la crise que connut l’Ordre Bénédictin et l’Église d’obédience romaine, au XVII°s.
Isolée dans son cadre de verdure, l’abbatiale de Tewkesbury est un superbe témoignage de cette grande époque romane anglo normande.
Tewkesbury : vue d'ensemble de l'abbatiale côté sud
Tewkesbury : vue du chevet avec ses trois chapelles rayonnantes et les aménagements gothiques
Tewkesbury : la nef à gros piliers romans (école de Chartres) et ses voûtes gothiques
Tewkesbury : bas-côté de la nef avec gros piliers romans et voûtes gothiques
Tewkesbury : la croisée romane avec les reprises de l'époque gothique