Bernay

L’abbaye de Bernay naît de la volonté ducale. Après son mariage avec Richard II, Judith de Bretagne entreprend la fondation d’une abbaye sur son douaire de Bernay. Les dates sont incertaines et la nouvelle communauté doit s’implanter sur ces terres entre 1000/1008. Ses débuts sont modestes. Pour que les moines aient d’emblée les moyens de vivre, ces fondations se font sur un grand domaine rural et les bâtiments d’exploitation transformés constituent le premier abri de la communauté. Ensuite il faut construire une église et ce premier lieu de culte sera modeste et rustique; c’est là que Judith est inhumée à sa mort survenue le 17 juin 1017.

Dans les années 1020,Guillaume de Volpiano venu de Cluny, et grand bâtisseur, lance un nouveau programme à Bernay. C’est une vaste abbatiale avec nef à collatéraux et transept flanqué de deux chapelles orientées, avec, en partie orientale, un chevet avec abside, absidioles et partie droite à deux travées flanquées de bas côtés. Les travaux entrepris par l’ouest avancent rapidement et les fondations ainsi que l’implantation prennent le pas sur l’élévation. Pour cette dernière, le choix se porte sur un parti basilical amélioré avec piles rectangulaires flanquées de structures engagées dans le plan longitudinal. Comme les bons matériaux manquent, l’ouvrage est traité sur une épaisseur de quatre pieds (1m 25 environ) et les archivoltes seront soutenues par deux rouleaux, l’un portant sur une pile engagée, l’autre sur une colonne de même nature, le rouleau inférieur sera taillé en demi cylindrique. Ce sont des originalités qui disparaissent ensuite de l’École Normande. Il n’existe aucune structure côté nef mais nous trouvons une mince pile engagée (un raidisseur) vers le bas côté, il devait sans doute filer jusqu’à la corniche et s’intégrer dans une composition avec bandes et arcatures lombardes. Un même raidisseur figure à l’opposé sur le mur externe. Nous dirons que dans le programme primitif les bas côtés n’étaient pas voûtés.

Pour activer les travaux, il faut davantage de moyens et le Duc Richard II confirme la dotation en 1025, ce qui doit régler bien des litiges mineurs. Vers 1030, le maître d’œuvre décide de voûter les bas côtés de la nef. Pour ce faire, il établit un arc doubleau entre les petites piles engagées mais il a scrupules à coiffer cette travée d’une voûte d’arêtes qui imposerait de piqueter dans les maçonneries et notamment dans la puissante archivolte. Il choisit donc de monter en encorbellement quatre pendentifs pour atteindre un plan approximativement circulaire et de coiffer le bas côté d’une coupole aplatie, légère et convenablement appareillée. En maints endroits, les traces de cet aménagement sont flagrantes, ainsi la travée telle que nous la voyons prend forme vers 1035, soit dix bonnes années avant celle du Mont Saint Michel. Sachons que les deux fondations étaient très proches, les abbés Thierry et Raoul Vielles eurent la charge des deux communautés.

Vers 1045, la nef de Bernay est pratiquement achevée et la nouvelle œuvre touche les parties préservées de l’ancienne abbatiale. Il faudra dix années, 1045/1055, pour réaliser le transept et les deux chapelles orientées. En 1055, l’abbatiale de Bernay est confiée à un homme énergique Vital de Creuilly, qui va achever l’ouvrage. Sans rompre l’unité de l’édifice, il reprend la croisée sur un plan carré et la coiffe d’une tour lanterne puis réalise un chevet long de deux travées droites avec bas côtés clôturés à l’est par une grande abside flanquée de deux absidioles. Ici les piles cantonnées sont équilibrées et s’inscrivent pratiquement dans un cercle et nous avons là, nous semble-t-il, un ouvrage oriental très semblable à celui que nous avons imaginé pour le Mont Saint Michel. Cependant, le remarquable chevet du Mont avait été repris en d’autres lieux, ainsi, par petites touches et méthodiquement, le parti normand se constitue. En fin de cycle, ce sera le grand programme avec tribunes accessibles mais toujours en préservant l’étagement à trois niveaux hérité du parti basilical. Jumièges constitue une exception en Normandie

 

 

 

Bernay – L'abbatiale : la nef élévation nord

 

Bernay – L'abbatiale : bas côté, voûte en calotte