Saint Martin de Tours
Si les chroniqueurs du temps passé aimaient à nous conter le fracas des batailles et les secrets d’alcôve, pour le peuple de France il fallait bien vivre et nul auteur ne s’en souciait, ici est le grand écueil de l’Histoire selon les textes. Pour assurer le pain de chaque jour, l’agriculteur doit labourer son champ, soigner son cheptel et si d’aventure il dégage quelques excédents, il se rendra au bourg voisin pour les échanger contre des produits manufacturés qu’il ne peut réaliser, des tissus de qualité et de l’outillage de fer. Cependant les artisans doivent se procurer des matières premières dont l’origine est parfois lointaine et c’est le grand négoce qui va traiter ces approvisionnements. Les transporteurs suivis empruntent les voies navigables, les chemins menant d’une rivière à l’autre et les ponts établis sur les lieux de franchissement. En ces quelques lignes nous avons défini les origines de la métropole des Turons et les raisons de sa pérennité sur les vingt siècles qui vont suivre.
Si le confluent des grandes voies fluviales est un excellent lieu de marché, les grandes villes ne s’y installent que rarement puisque les communications terrestres sont rendues difficiles par les deux fleuves. Le lieu où la Loire et le Cher se rencontrent est impropre à l’urbanisation par contre, à quelques kilomètres en amont, une émergence bien stabilisée va se révéler favorable. De surcroît, elle est desservie en aval par une dépression en eau joignant les deux fleuves, il y a là des accostages situés hors les grands courants d’hiver et une bonne protection contre les intrus.
A l’époque gauloise, la place de commerce est déjà bien développée puisque les Romains l’accepteront dans leur plan d’urbanisation malgré les conditions de sol peu favorables. Ils vont construire en amont de la ville gauloise une grande cité de caractère augustéen qui englobera la précédente au siècle des Antonins, c‘est Caesarodunum. Cette grande agglomération vit essentiellement du commerce et la crise du Bas Empire va la ruiner, les notables se réfugient dans l’amphithéâtre transformé en redoute puis construisent une modeste cité forte autour de l’édifice qui contrôle également le pont romain. C’est le transit qui leur assure de quoi vivre. En parallèle, et dès la Renaissance Constantinienne, la batellerie et ses ressources permettent la réalisation d’un faubourg sur l’ancien site gaulois. Tours est devenu une ville bicéphale mais 700m séparent les deux agglomérations.
Avec la Renaissance Constantinienne, les notables de la cité se choisissent un évêque d’obédience bourgeoise et tentent d’instaurer une emprise sur le bourg grâce au contrôle du pont et de la navigation sur la Loire qui passe difficilement sous l’ouvrage restauré. Les habitants du bourg cherchent une parade, il leur faut un évêque de leur bord élu grâce à leurs voix : ce sera Martin, un centurion dévoyé qui vit maintenant avec une petite communauté à Ligugé, au sud de Poitiers. Il accepte sa charge épiscopale le 4 juillet 374 mais, dès la célébration de ses premiers offices, il indispose la communauté avec sa chevelure en désordre et ses vêtements vulgaires. Le Chapitre lui fait comprendre qu’il serait bien inspiré de rejoindre les caves de l’autre rive occupées par bon nombre de ses semblables. Il accepte sans doute avec plaisir : ce sera la naissance de l’abbaye de Marmoutier Mais, bientôt, celui qui sera considéré comme l‘apôtre des Gaules reprend les chemins du Val de Loire. Vers 396, il meurt à Candes (Saint Martin) et ses fidèles emmènent son corps à Angers où il est honoré comme un saint. Mais le bourg de Tours va récupérer la dépouille de Martin le 11 novembre 397.
En 573, après le décès de l’évêque Eufrone, les habitants de la cité choisissent Grégoire, un personnage de caractère qui entend réconcilier les deux pôles de la cité. Pour cela il fait construire une grande et belle basilique sur la sépulture de Saint Martin déjà très honorée. Grégoire (de Tours) va mourir en odeur de sainteté mais c’est le renouveau économique, permettant l’installation de nombreux commerçants sur la voie joignant le bourg et la cité, qui va véritablement constituer une agglomération unique.