Worms - La cathédrale
L'occupation du site est attestée depuis le troisième millénaire avant J.C. C‘est alors une petite agglomération avec de modestes huttes de bois et un accostage pour les embarcations. Ces constructions seront souvent brûlées et détruites mais l’intérêt du site et l’infrastructure qui demeure feront qu’il sera privilégié lors de toutes les reconstructions. A la Tène finale, sur la période qui précède la conquête romaine, la ville de Worms s'articulait selon les besoins socio-économiques de l'environnement. Trois à quatre mille personnes s'activent dans la zone portuaire établie sur un bras mort, aujourd'hui absorbé par l'agglomération, tandis qu'une petite cité cernée de levées de terre et de défenses en bois occupe l'emplacement actuel de la cathédrale, c‘est là que résident notables, négociants ainsi qu'une petite caste militaire. Cette population ne devait pas excéder 25 à 30% de l'occupation basse, soit 1000 à 1500 personnes. Les marchandises transitant par le fleuve intéressent une large clientèle et la ville, dans son ensemble, possède déjà les caractères d'une métropole économique avec une assiette de 30 à 35 km de rayon.
Après la conquête des Gaules, le Rhin devient frontière et les Romains installent à Worms une occupation de caractère militaire nécessitée par la garde du fleuve, ce qui n’empêche pas l’agglomération de confirmer ses caractères économiques. L'ordre impérial chasse la petite caste militaire devenue anachronique et confère le pouvoir aux bourgeois et commerçants qui ont eu la sagesse de comprendre tout le profit qu'ils pouvaient tirer de la Paix Romaine. Les installations portuaires, naturellement situées en zone inondable lors des grandes crues, resteront précaires mais l'enceinte haute sera démolie pour laisser place à une agglomération ouverte, régulièrement urbanisée qui conservera cependant le même centre. Ses coordonnées nous sont fournies par l'axe du forum qui est aujourd'hui celui de la cathédrale et par la muraille nord-ouest qui reprend le tracé d'un cardo. Bon nombre d'artères de l'agglomération actuelle ont préservé l'empreinte du maillage urbain.
Avec la prise en contrôle de la rive est, le potentiel économique du site s'accroît et la ville s'enrichit mais son assiette restera limitée par l'emprise de Mayence au nord et de Speyer au sud. La cité couvre environ 60 ha et compte 15.000 habitants et les quartiers du port une superficie sensiblement égale. Cette agglomération basse comporte à la fois des îlots commerçants très denses et des zones de stockage et de prémanufacturation où l'occupation permanente est peu nombreuse. La cité romaine de Worms peut donc compter au sommet de sa courbe 25/30.000 personnes. Le site de Mayence, relativement proche, acquiert les prérogatives de grande métropole.
Au centre de la ville haute, régulièrement urbanisée, le forum est un ensemble rectangulaire, ouvert, avec des constructions fonctionnelles d'une certaine ampleur et de facture ordinaire, le nécessaire sans plus. La destinée économique de la cité ne lui permet pas de construire les grands ensembles monumentaux plus utiles au prestige qu’à ses intérêts.
Après les troubles de 250/275, la défense de l'Empire est repliée sur le Rhin et la crise économique est profonde. La brève renaissance constantinienne n'aura que peu d'effets. Cependant les villes d'occident refusent d'accepter le déclin, et Worms, comme tant d'autres, tente de restaurer son cadre ancien. Mais la ville n'a plus les moyens d'occuper les 60 hectares de l'agglomération, alors, bourgeois et notables reconstruisent un centre à la romaine, espérant ainsi jeter les bases d'un renouveau qui ne viendra pas.
Au centre du forum, s'élève un ensemble administratif de 30 x 50 m. constitué d'une basilique à trois nefs établie en perpendiculaire face à un atrium de plan carré: c'est le palais du Bas-Empire. Son orientation respecte les coordonnées de l'ancien maillage urbain provisoirement restauré. Mais les temps sont troubles et ce domaine passe aux mains d'une tyrannie locale tandis que les demeures des bourgeois et notables qui l'entourent vont se protéger d'une défense. Nous n'avons aucune certitude sur l'importance de ce castrum du Bas Empire, mais nous pouvons l'identifier avec le volume du domaine épiscopal qui le supplantera, soit dix ha environ. La muraille nord-ouest sera reprise par la défense médiévale et là se fixeront définitivement les limites de l'agglomération, côté plateau. Les développements ultérieurs se feront vers le sud-est, sur l'espace de la ville portuaire. Il est possible que ce premier castrum, légèrement défendu, se réduise ensuite aux limites strictes du domaine épiscopal, soit 250 x 250m environ, et cela dès l'an 600.
Dès 400, l'empire romain néglige les frontières du nord/est, la garnison de Worms se retire en 406 et les barbares déferlent à nouveau sur l'Occident. Beaucoup ne feront que passer mais les Burgondes trouvent la région à leur goût et s'y installent. Vers 415/420, fixés en nombre, ils se marient et font souche. A cette époque, ce qui subsiste de volonté politique au sein de l'empire leur accorde officiellement le territoire avec mission de le défendre. De 420 à 435, les Burgondes confirment leur installation dans la province mais la famille régnante se comporte de manière indigne; intrigues, querelles, assassinats sont de règle pour accéder au pouvoir. D'autre part, les chefs de guerre désireux d'agrandir leurs domaines s'en prennent aux Romains et, en 435, ces derniers écrasent les Burgondes qui ont pris les armes. Ils se soumettent mais leur potentiel militaire est amoindri. Ainsi, en 436, lorsque les Huns se présentent dans la vallée du Rhin, les Burgondes sont défaits une seconde fois. C'est sur cette trame historique que se développera la chanson des Nibelungen dont le premier texte écrit ne remonte pas au-delà du XI°/XII°s.
Dès 450, dans le vide politique qui s'est installé en Occident septentrional, un peuple émerge doucement mais sûrement. Ce sont les Francs. Après que Clovis, le jeune roi de Tournai, eut vaincu Syagrius le dernier des Romains et mené à bien sa folle chevauchée en Aquitaine, nul n'ose contester son emprise politique. Ensuite, la lignée monarchique se déconsidère rapidement mais le peuple franc continue sa méthodique implantation. Agriculteurs et propriétaires terriens dans l'âme, ils installent des domaines qui leur assurent un réel contrôle sur les terres septentrionales. La grande plaine du Rhin est acquise, par eux, dès 500 et ce territoire fait partie du royaume d'Austrasie dont la capitale est Metz.
Les souverains Mérovingiens qui ne sont pas les bienvenus dans les grandes cités épiscopales comme Mayence et Strasbourg, résident parfois à Worms et l'ensemble basilical du Bas-Empire, maintes fois restauré, leur sert de palais. C'est la que résidera Brunehaut qui gère le royaume durant la minorité de son fils, avant que les descendants de son beau-frère ne la fassent périr, en 613.
A cette époque, Worms n'est sans doute qu'une très modeste cité. 1000 à 1500 personnes vivent dans le castrum et 3 à 4000 artisans, commerçants et bateliers s'activent sur les bords du fleuve dans une agglomération de bois toujours exposée aux exactions, comme aux grandes crues. Là, nous trouvons une communauté chrétienne dont l'origine peut remonter aux Bas-Empire. Articulée en paroisse, elle entretient quelques modestes sanctuaires et ces gens choisissent naturellement un guide spirituel, un patriarche qui fait fonction d'évêque mais n'en a certainement pas le titre. Depuis le IV°s., la papauté ne reconnaît que les sièges installés dans les cités fortes du Bas-Empire qui entretiennent des relations régulières avec elle. Ainsi, Worms est à l'ombre de Mayence et le statu quo demeure; ceci explique que le castrum soit devenu domaine, puis résidence royale.
C'est Brunehaut qui fit rentrer le patriarche dans le castrum et lui concéda un lieu de culte. Ensuite, Dagobert Ier (625/639) fit démolir le vieux palais pour lui substituer la première cathédrale établie intra-muros. C'était un édifice de structure basilicale à trois nefs, large de 23m et long de 47m. Les élévations portées par des files de colonnes représentaient une portée de 12m. Le chœur oriental rectangulaire était flanqué de deux sacristies. Enfin, la façade occidentale semblait dotée d'une abside. Ainsi le siège du monarque en ce lieu ne serait pas un fait carolingien mais remontrait au VII°s. Cet édifice sera restauré et modifié de 852 à 872 mais nous ignorons dans quelles mesures. Ce fut sans doute un développement du côté oriental. C'est cette cathédrale de Dagobert que Burchard trouve, à son accession, en l'an 1000.
La cathédrale de Burchard
La nouvelle cathédrale de Worms est à l’origine de la grande architecture rhénane du XI°s mais il est bien difficile de dégager l’ouvrage primitif des aménagements réalisés au XII°s, de 1130 à 1181. D'autre part, bon nombre d’auteurs ont voulu décomposer l'ensemble de l'ouvrage en deux campagnes ce qui a grandement gêné les investigations et surtout donné à l'œuvre de Burchard une avance inconcevable dans le contexte de l’An 1000. Ainsi, en réaction, d’autres ont estimé l'édifice fondamentalement refait au XII°s, selon eux, seule la base des tours occidentales était du XI°s. Enfin, les restaurations de 1729 à 1732 masqueront tous les détails de l'appareillage ainsi les controverses s’installent. Nous choisirons d'analyser la cathédrale de Worms sur trois campagnes successives, ce qui a permet de justifier la consécration intermédiaire de 1110, généralement négligée.
L'œuvre de Burchard réalisée en un temps extrêmement court, de 1000 à 1018, assure la transition entre le carolingien et la nouvelle architecture qui se met en place (le roman). Les travaux commencent par le chevet formé d’un sanctuaire rectangulaire, comme à l'abbatiale de Limburg dont il sera le modèle. Il est flanqué de deux grandes sacristies convenant à un édifice épiscopal où le chapitre est important et les services religieux divers et nombreux. Suit un transept dont la croisée est délimitée par quatre arcs, ceux du chevet et des croisillons étant à un niveau inférieur à celui de la nef, c’est la composition de Nivelles. Cet ensemble occidental fut réalisés en cinq ou six années, un temps très court compte tenu de l’ouverture du chantier et des travaux préliminaires. Les élévations sont sur une base de cinq pieds nominale: quatre pour le mur et un pour les structures internes, si structures externes il y a, elles se limitent à des raidisseurs en moyen appareil intégrés aux parements. C’est la partie de l’édifice qui va engendrer de nombreux problèmes sans doute à cause du sol formé de ruines antiques compactées et peut être de matériaux de récupération intégrés dans la maçonnerie.
Cette première partie de l’ouvrage ne se distingue guère des autres réalisations de l’époque telles Nivelles et Limburg mais les équipes qualifiées sont maintenant réunies. En carrière, les bonnes veines sont dégagées et les pierres extraites sont plus aptes à un appareillage soigné. Les fours à chaux fonctionnent et le bois nécessaire aux échafaudages et aux charpentes se trouve sur le chantier, ceci permet aux maîtres d'œuvre d'envisager la nef d'une toute autre manière. Pour résister aux incendies de charpente qui sont fréquents, l'élévation sera portée à six pieds et basée sur de puissantes piles rectangulaires remplaçant avantageusement les traditionnelles colonnes antiques. Le volume de ces piles monte jusqu’au niveau des fenêtres hautes qui se trouvent coiffées par un arc. A l’intérieur de cette structure, le mur ne fait que cinq pieds. L’idée est astucieuse. L'abbatiale de Limburg qui revient aux colonnes à tambour ne pourra l'exploiter mais le constructeur de la cathédrale de Speyer reprendra la formule trente années plus tard. La nef de Burchard va marquer son époque. Sa puissance et ses qualités lui permettront de tenir les voûtes installées au XII°s. L’ensemble de l’ouvrage demeure couvert sur charpente et les murs extérieurs restent à l'épaisseur de quatre pieds.
Cette nef longue de dix travées est achevée vers 1015/1016 et Burchard a suffisamment confiance en son équipe pour lui demander la réalisation d'une grande abside voûtée à l'est, comme sur l'édifice précédent mais l'habileté dans l'édification des murs porteurs ne prédispose par forcément à l’aménagement d'une voûte et le cul-de-four de 9m de portée établi à 23 ou 24m de haut dépasse la compétence des équipes en place. Achevée pour la consécration de 1018 elle s'écroule peu après. Reprise de 1020 à 1024, elle est cette fois flanquée de deux tourelles d'escaliers de fort diamètre. C'est probablement la première réalisation du genre et la formule est excellente. Cette réfection doit être terminée en 1025, à la mort de Burchard puisqu'il est inhumé dans cette abside occidentale. A cette époque, la cathédrale peut être considérée comme achevée. Elle est fidèle au parti de l'An 1000 mais plus vaste et plus haute que la majorité de ses contemporaines et c'est la première nef dont l'élévation est traitée sur une valeur nominale de six pieds.
La seconde campagne
En 1090 l’énorme kaiserdom s'impose en références et l'évêque de Worms veut améliorer sa cathédrale, d'autant qu'à Speyer les travaux reprennent afin de voûter la nef dont les élévations sur base, de huit pieds sont de nature à justifier toutes les audaces. L'abside orientale de la cathédrale de Burchard apparaît comme la partie la plus fragile. Construite dans les conditions déjà énoncées, elle est maintenant lézardée. C'est la que porteront les premiers travaux. Une abside en hémicycle est édifiée au delà du volume rectangulaire, puis flanquée de deux tourelles rondes plus puissantes que celles de l'ouest. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus. A la fin du XI°s, les constructeurs ont compris les pièges que réservent les terrains formés d'anciens niveaux urbains arasés et compactés, suffisants pour porter des structures légères, ils s‘affaissent régulièrement sous les charges importantes. Les fondations deviendront de plus en plus profondes et, au XIII°s. les longrines portant les élévations des cathédrales descendront jusqu'au sol vierge. A Worms, lors de cette campagne les deux sacristies nord et sud sont également voûtées, ce qui les met en mesure d'épauler la voûte sur croisée d'ogive lancée vers 1135/1140 sur la partie droite. A l'appui de cette hypothèse nous dirons qu'elles ne furent pas affectées par les travaux du milieu du XII°s. Elles comportent aujourd'hui des reprises du XV°s. et XVII°s. Les murs pignons qui clôturent les croisillons seront probablement refaits lors de la même campagne, mais la croisée ne fut pas touchée. Il est alors trop tôt pour envisager le passage aux arcs brisés qui la structurent actuellement.
Sur la nef, nous avons vu que la campagne menée par Burchard avait particulièrement soigné l'élévation mais sans doute négligé quelque peu les murs des bas-côtés. C'est une option logique dans le parti basilical mais, dans cette fin du XI°s, l'architecture évolue rapidement. Tous les édifices contemporains sont maintenant dotés de voûtes d'arêtes sur les bas-côtés, ce qui augmente considérablement la tenue des élévations. Les piles élevées par Burchard sont de nature à supporter des voûtes mais pas les murs externes. Ils vont subir une réfection quasi complète ce qui leur permet d‘absorber les réactions des belles voûtes d'arêtes installées sur les bas côtés.
Enfin, sur l'abside occidentale maintenant encadrée de deux tours, de vieilles fissures se sont réveillées et l'ouvrage de Burchard est remplacé par une abside rectangulaire qui sera reprise au milieu du XII°s. Ainsi modifiée, la cathédrale de Worms est en conformité avec le parti régnant à cette époque, fin XI°s début XII°s L’ensemble de ces aménagements va justifier la consécration de 1110.
La troisième campagne
Sur le premier tiers du XII°s, les expériences de voûtement se multiplient mais, si les réussites sont nombreuses, elles demeurent liées à des élévations puissantes et sur portées réduites (inférieures à 9m). Seul le maître de Cluny réalise, dès 1090, des voûtes de 11m 20 de portée à plus de 30m de hauteur. Cependant, la maîtrise du procédé va se perdre et, dès 1130, lors de la nouvelle campagne menée sur la nef, des voûtes réalisées à l'identique mais sans le savoir faire requis, vont s'écrouler. A cette époque, seules les coupoles sur pendentifs importées d'Orient que l’on trouve dès 1010/1020 à Saint Marc de Venise et en Périgord se révèlent fiables sur de grandes portées mais il faut impérativement les associer à l'élévation requise, et ce parti est très loin des réalisations septentrionales.
Face à ce dilemme une idée fait son chemin. Il faut modifier les voûtes d'arêtes, leur donner une forme bombée. Les Bourguignons ont amorcé la mutation et leurs réalisations sont satisfaisantes mais c'est le maître d'œuvre de Speyer qui va réaliser le chef d'œuvre du genre vers 1085.En préliminaire, il établit sur les puissantes piles de Conradt II, des structures additives alternées lui permettant d'obtenir des travées de 13m 80 de large sur 12m de long en moyenne et là, il installe des voûtes d'arêtes dont le sommet bombé s'achève en calotte hémisphérique. C'est une réussite qui impressionne son collègue de Worms, mais il doit convenir que ses élévations sont trop faibles. Cependant, des innovations techniques voient le jour chaque décennie, les constructeurs lombards participent à cette recherche et, vers 1120, le maître d’œuvre de Saint Ambroise de Milan lance sur une nef flanquée de bas côtés et tribunes voûtées une imposante voûte bombée qu’il structure de nervures en croix. Vers 1130, ces réalisations inspirent confiance et le maître d'œuvre en charge de la cathédrale de Worms, qui vient d’ouvrir une troisième campagne pense exploiter ce procédé. La travée droite du chœur oriental lui semble toute indiquée pour mener cette première expérience, mais, les options de traitement restent diverses.
La coupole hémisphérique intégrée (composition très rare) ne donne aucune ligne de contrainte caractérisée mais les quatre plans de coupe représentent des ellipses qui ne sont pas compatible avec les arcs, doubleaux et formerets qui sont en plein cintre. Alors les constructeurs partiront d'une base conforme à la voûte d'arêtes pour aboutir en calotte hémisphérique. Le volume comporte donc des arêtes sur la partie inférieure. Ces incompatibilités dans les volumes n’apparaissent pas au premier regard mais le coffrage de la voûte doit en tenir compte et la difficulté n’est pas mince.
Après décoffrage, l'ensemble se comporte comme un monolithe reconstitué et donne satisfaction mais, si quelques mouvements apparaissent, les arêtes inférieures sont sollicitées par les secteurs d'arc ce qui porte à l'éclatement interne. Le phénomène est plus flagrant encore sur les voûtes d'arêtes barlong réalisées par les Normands à la fin du XI°s, d'où les nervures en croix établies par le constructeur de Lessay, vers 1095. Le maître de Saint Ambroise s’est-il inspiré de ces réalisations normandes? C’est peu probable. Par réflexion et par expérimentation, tous les constructeurs en arriveront aux mêmes conclusions, par contre, d’étroits rapports liaient les constructeurs lombards à ceux de la vallée du Rhin et le maître de Worms qui va réaliser, dès 1135, une voûte bombée avec nervures en croix sur la travée droite du chœur de sa cathédrale s’est probablement inspiré de Saint Ambroise.
Sur la même décennie, le constructeur Jean de Vendôme, qui doit aménager la nef de la cathédrale du Mans va mener sa propre réflexion, opter lui aussi pour les nervures en croix sous un volume bombé, ce sera la voûte angevine.
La voûte établie sur la partie droite du chevet de Worms est de profil sérieusement bombé structuré de deux puissantes nervures en croix. Ses bases seront alignées sur le cul-de-four de 1110 repris à cet effet, mais le niveau d'assises ainsi établi se trouve maintenant plus haut que les tailloirs de l’arc donnant sur la croisée. Il sera démonté comme ceux donnant sur les croisillons. Les nouveaux, plus puissants et légèrement brisés seront établis sur des piles renforcées, ainsi les quatre arcs de la croisée sont alignés. Les trois arcatures, le bandeau médian et la fenêtre haute que l’on voit aujourd’hui sur le flanc de la partie droite correspondent à l’élévation de l’abside rectangulaire élevée par Burchard vers 1002/1003. Cette nouvelle croisée reçoit quatre puissantes trompes et sur le polygone ainsi formé, s'élève un niveau garni d'arcades et une coupole de même plan mais, là, il faut être circonspect, les réfections du XVII°s ont sérieusement aménagé les parties hautes. Enfin, les deux croisillons sont également surélevés pour s'aligner sur la croisée et dotés de voûtes sur nervures en croix de même facture que celles du chevet. Ces reprises sur la partie orientale s’achèvent en 1144, la nef est toujours couverte sur charpente.
Doit-on considérer ces voûtes comme des croisées d'ogive? Le sujet fut âprement discuté. Nous ne prendrons pas parti. Chaque réalisation doit être étudiée et jugée selon ses caractères architectoniques, sous quelle rubrique la placer ensuite, peu importe.
Les travaux reprennent vers 1155. Les piles élevées par Burchard sont flanquées en alternance de structures engagées destinées à porter les doubleaux. Les cinq travées majeures ainsi formées reçoivent de belles voûtes sur nervures en croix soigneusement moulurées, mais le volume d'extrados demeure hémisphérique. Enfin, pour assurer la stabilité de ces voûtes, des piles engagées sont installées au droit des travées et leur sommet se termine en de puissantes arcades dominant les fenêtres. Cette inertie complémentaire sera suffisante, l’ouvrage ne sera pas repris avec des arcs boutant.
A cette époque, les voûtes rhénanes ont évolué dans le traitement mais pas dans le volume. Elle se distingue alors des réalisations de l'Ile de France où les quatre voûtains devenus indépendants ont acquis leurs caractères propres. Cette fois encore la campagne est rapidement menée. Les travaux sont achevés en 1170.
Restait le chœur occidental qui avait donné tant d'inquiétudes depuis l'origine. La partie droite aménagée au début du siècle est reprise. Le constructeur profite de la stabilité latérale offerte par les deux tours pour élever au sommet une haute coupole polygonale basée sur trompes. Enfin, l'édifice est clôturé à l'ouest par une belle abside polygonale dont les caractères et le décor restent romans malgré la date avancée dans le XII°s. La voûte est une coupole de profil brisé avec fines nervures soulignant les secteurs du polygone. Lors de la même campagne, les deux tours ont été surélevées d'un étage et garnies d'un niveau d'arcatures correspondant à celui du volume central. Il rappelle également celui qui ceinture la tour de la croisée. Cette ultime campagne couvre la période 1171/1181.
Aménagements ultérieurs
Après les différents aménagements des XI° et XII°s, la cathédrale de Worms conservait la trace de toutes les modifications subies. Sur les murs, le moyen appareil de la première campagne voisinait avec les reprises en grand appareil des secondes et troisièmes campagnes cette diversité des traitements serait aujourd’hui considérée comme naturelle mais elle déplut aux évêques du XVIII°s. C’est une époque où le grand appareil règne en maître et la cathédrale sera entièrement reprise en parements, à cela il faut ajouter le couronnement de la coupole occidentale ainsi que celui des tours réalisé en pyramide de pierres en lieu et place des couvertures en charpente.
A la fin du XIX°s, à l’époque du roman germanique triomphant, de nouvelles restaurations effectuées à Worms sur la période 1886/1935, confirmera cette coutume de refaire à neuf, mais ceci ne doit pas masquer les caractères XI° et XII°s. que l’œuvre porte en elle. Enfin, les dernières restaurations après l’incendie des combles survenu au cours de la dernière guerre, seront beaucoup plus honnêtes mais n’iront pas à l’encontre de l’habillage refait au XVIII°s.
Worms – La cathédrale : maquette, vue d'ensemble
Worms – La cathédrale : nef et abside occidentale
Worms – La cathédrale : abside occidentale
Worms – La cathédrale : la nef intérieure, vue d'ensemble
Worms – La cathédrale : la nef, les voûtes du bas côté sud
Worms – La cathédrale : l'abside orientale et sa tour lanterne
Worms – La cathédrale : l'abside occidentale et sa tour lanterne