Architecture gothique
Au début du XVI°s. à l’aube d’une période que des promoteurs appelleront la Renaissance, l’activité artistique et architecturale est intense en Italie, et particulièrement à Rome. Dans la Ville Eternelle, les souverains pontifes règnent et l’Eglise élabore à nouveau de grands projets politiques. La profonde misère du siècle qui s’achève et l’effritement des régimes monarchiques en Occident peuvent justifier et doivent servir les ambitions pontificales. L’architecture, l’art et les idées qui se développent dans l’auguste cité doivent rayonner et s’imposer sur les terres qui furent celles de l’Empire et qui sont aujourd’hui celles de l’Eglise. Dans la société qui gravite alors à Saint Pierre au Vatican, nombreux sont les adeptes de la nouvelle école qui, faute de commandes à Rome, sont tout disposés à partir en ambassadeur de cette renaissance. Cependant, l’Occident septentrional a vécu et si la fin du Moyen Age apparaît tragédie, sa période classique s’était révélée particulièrement brillante.
Au nord des Alpes, l’art des cathédrales s’est imposé sur une période de plus de trois siècles et les constructeurs qui pratiquent toujours cette architecture dans sa version flamboyante n’ont nullement l’impression d’avoir dit leur dernier mot. Les équipes qui continuent à travailler sur les chantiers septentrionaux refusent de laisser la place à ceux de leurs confrères venus de la péninsule italique alors, une lutte d’influence s’engage et tous les arguments sont bons, y compris la calomnie.
Les villes allemandes, qui ont gardé depuis le Saint Empire Romain Germanique des liens étroits avec le saint Siège, sont les premières sollicitées par les apôtres de l’art nouveau et les maîtres allemands les premiers heurtés par le courant critique né dans la Ville Eternelle. Pour la nouvelle école, où le concept artistique et architectural est dominant, tout ce qui s’écarte des formes antiques est naturellement d’origine barbare et sur les bords du Rhin les formes qui se sont développées du XI° au XV°s. viennent nécessairement du Nord, des terres très sommairement désignées comme gothiques. L’architecture autochtone est donc gothique et, dès le début du XV°s., les architectes français totalement dépendant de l’esprit renaissance vont adopter ce terme qui devient même péjoratif.
Les bâtisseurs de la renaissance, comme ceux du Baroque et du Classique avaient privilégié les murs porteurs et les façades monumentales au détriment des voûtes ainsi la plupart d’entre eux étaient incapables de comprendre et d’apprécier la remarquable et subtile technique qui se cachait derrière les formes gothiques. La France en était à ce point à l’époque de la révolution et c’est sans doute ce qui explique le saccage et la destruction de nombreuses abbayes et cathédrales. L’intelligentsia de l’époque n’a aucune notion de la valeur du patrimoine médiéval et Napoléon, lui-même, venu de Méditerranée n’a rien fait pour arrêter le saccage ; c’est sous son règne que la grande abbatiale de Cluny III fut dépecée par les marchands de pierres à bâtir. Cependant tout excès engendre une réaction salutaire et, dès 1830, nombreux sont ceux qui réagissent aux excès révolutionnaires et s’attachent à restaurer, à comprendre les œuvres du Moyen Age religieux. Le Génie du Christianisme de Chateaubriand est à inscrire dans ce mouvement et parmi les architectes, Viollet le Duc, un homme de grand talent entreprend d’étudier méthodiquement l’architecture des cathédrales.
La nécropole royale de Saint Denis, particulièrement touchée par les exactions des bonnets rouges faisait alors l’objet de restauration et Viollet le Duc dut intervenir sur la façade occidentale pour réparer les outrages commis par un architecte diocésain adepte de l’école classique. Ainsi, dans sa démarche et selon les textes en sa possession cet édifice illustre dont le chevet fut consacré en 1144 était à l’origine du procédé qui allait caractériser la procédure dite gothique et que les contemporains dénommaient opus francorum. La voûte sur croisées d’ogives en était le caractère essentiel. Dans sa quête ultérieure, il allait privilégier les édifices de la seconde moitié du XII°s. situés en Ile de France puis les cathédrales gothiques du XIII°s.