Verdun - La cathédrale
Le site de Verdun se compose d’un oppidum caractérisé enserré par un méandre de la Meuse, au sud, et un affluent secondaire, au nord. C’est une excellente position défensive qui fut exploitée dès la préhistoire. Lieu de repli hivernal au néolithique puis à l’Age du Bronze, il perd son intérêt avec l’Age du Fer, mais surtout à l’époque de la Tène où l’agriculture s’impose face au pastoral. Vidée de ses troupeaux, la position haute se transforme et reçoit une occupation noble et bourgeoise tandis que les artisans aménagent les îles de la Meuse où ils bénéficient de l’eau courante. 1.500 à 2.000 habitants sur la partie orientale de l’oppidum et quelques milliers dans les îles, telle est sans doute la physionomie de Verdun à l’heure de la conquête romaine. Une riche population agricole s’était développée sur les deux rives du fleuve et l’oppidum était son haut lieu politique et religieux. Là se tenaient les grands conseils régionaux et l’éperon pouvait également servir de refuge aux populations environnantes. Citadins et ruraux formaient la tribu des Vérodunenses.
Les Romains acceptent le site, aménagent la voie sur berge qui longe la Meuse et fixent à cet endroit le franchissement du fleuve par une voie stratégique qui relie la grande plate forme routière de Reims à la ville de Metz. Verdun se développe. La partie haute est urbanisée sur une voie médiane dont le tracé demeure visible dans le paysage urbain tandis que les activités économiques confirment leur implantation dans la vallée de la Meuse. Sur la Pax Romana, la population augmente considérablement, 4 à 6.000 sur l’oppidum et 8 à 12.000 répartis dans les faubourgs et sur les îles et rives de la Meuse. C’est alors Verodunum, une ville moyenne en Gaule romaine.
La crise du Bas Empire va ruiner l’agglomération et la population se replie sur l’oppidum mais ne peut l’occuper en totalité, l’habitat se concentre sur la partie est donnant accès au pont sur la Meuse, L’urbanisation maillée sera sauvegardée mais l’occupation se scinde en deux, la partie sud de la voie est cernée d’une enceinte Bas Empire et devient la cité, tandis que la partie nord reçoit un habitat plus ouvert. La partie ouest de l’oppidum est momentanément abandonnée mais, bien vite, les abords de la voie axiale se repeuplent; c’est le quartier des échoppes et des petites gens, ce sera aussi le quartier des premiers chrétiens.
Au tout début du IV°s., profitant de la renaissance constantinienne, un pasteur nommé Firmin, venu de Toulouse, se présente sur l’oppidum, s’installe dans le faubourg ouest et prend en mains la communauté chrétienne; ce sera le premier évêque connu. Quelques années plus tard, satisfait de son œuvre, il gagne Amiens où il reprend son sacerdoce mais avec beaucoup moins de succès. Il y sera martyrisé et devient Saint Firmin. Sur les deux siècles qui vont suivre, nous n’avons plus aucune information sur les évêques de la ville. Le deuxième dont les textes font mention est un dénommé Vanne. Il vit au temps de Clovis et saura à la fois convenir aux habitants de la cité et à la communauté du faubourg où il réforme et développe la petite fondation établie par Firmin. A son décès, c’est là qu’il sera inhumé, et l’abbaye hors les murs lui sera désormais dédiée et ensuite confiée aux Bénédictins. A l’époque carolingienne, c’est là que vont se dérouler les négociations préliminaires à la signature du traité de Verdun. Sur cette longue période, que devient la cathédrale? Nous n’avons aucune information sur les édifices qui vont se succéder mais l’abbaye Saint Vanne doit drainer l’essentiel des activités religieuses et le sanctuaire de la cité demeure sans doute bien modeste.
Cathédrale de Barnouin
Les restaurations et fouilles qui suivirent la guerre de 1914/1918 ont mis à jour quelques parties de la cathédrale élevée par l’évêque Barnouin de 917 à 937. L’ouvrage comportait un hémicycle prolongé d’une partie droite qui se trouve précisément à la croisée du transept oriental de la cathédrale actuelle. Elle était flanquée d’un transept débordant de 10m de largeur interne et de 34m d’envergure. Enfin, l’ouvrage comportait une nef à collatéraux dont nous ignorons la longueur, mais comme la façade occidentale n’a pas été identifiée, nous pouvons raisonnablement penser que ses fondations ont servi de substructure au mur oriental de l’actuel transept occidental, sa longueur était donc de 30m et la largeur interne des trois vaisseaux environ 21m. En élévation il nous est possible de restituer cet édifice. L’abside paraît trop légère pour être voûtée, elle était donc couverte sur charpente apparente, de même que le transept, qui est la partie des édifices religieux qui évoluera le moins au cours des siècles précédant l’An Mille. Enfin, la nef de caractère purement basilical comportait sans doute une élévation sur piles quadrangulaires, comme bon nombre d’édifices carolingiens n’ayant plus accès aux colonnes monolithiques de l’antiquité. Cette cathédrale achevée vers 939 aura une existence relativement courte.
La cathédrale actuelle
L'évêque Heimon reprend les travaux en 988 qui porteront sur la partie occidentale. La campagne commence par une abside rectangulaire édifiée sur une crypte aujourd'hui disparue. Elle est flanquée de deux tourelles carrées contenant des escaliers de bois qui permettent l'accès au volume compris entre les combles et le plafond à caissons. Au siècle suivant, lorsque le premier niveau de ces tours sera garni de voûtes d'arêtes, des escaliers à vis indépendants seront édifiés à l'extérieur. Cette abside ouvre sur un transept à croisée régulière dont le modèle est sans doute à la cathédrale de Metz, élevée par Thierry Ier, vers 970/980, tandis que Strasbourg et Mayence restent fidèles au transept sans structure perpendiculaire, comme à Fulda. A Verdun, le nouvel ensemble se raccorde provisoirement à la nef carolingienne et la différence d'entraxe est de 2, 50 m. Cette première campagne doit s'achever en l'an 1000.
Sur les deux décades qui vont suivre, Heimon poursuit ses travaux et substitue, pas à pas, une nouvelle nef à l'ancienne. Elle est plus large, 12, 50 m au lieu de 10 m, mais les élévations reposent toujours sur de puissantes piles quadrangulaires en maçonnerie. Le procédé offre une bien meilleure stabilité que les colonnes monolithiques chères aux constructeurs antiques; nef et bas-côtés sont toujours couverts sur charpente. Vers 1020, la nouvelle oeuvre rejoint le transept du X°s. et les travaux connaissent une pose.
En 1048, l'édifice est gravement endommagé par un incendie et ce sont les parties orientales qui ont le plus souffert. Les travaux reprennent avec l'édification d'un transept oriental et la nef est prolongée de deux travées bâtardes qui couvrent le volume perpendiculaire du X°s. Ce nouveau transept est flanqué d'une abside rectangulaire établie sur une crypte de même plan. Elle est sans doute de caractère archaïque et semblable à celles de l'ouest. L'ouvrage est encadré de deux tours et cette fois le programme prévoit, d'emblée, le voûtement du premier niveau. Les escaliers à vis sont intégrés dans le volume des maçonneries.
L'ensemble est achevé vers 1085. La cathédrale de Verdun est alors un édifice de taille moyenne, parfaitement équilibré dans ses masses, avec deux transepts, deux absides rectangulaires sur crypte encadrées de quatre tours à cinq niveaux dont les trois premiers sont aveugles. L'ensemble des plafonds est à caissons et le volume des combles accessible par les escaliers des tours. C'est une réussite sur le plan esthétique et la qualité du gros oeuvre lui permettra de supporter, sans dommage, les voûtes édifiées entre 1378 et 1394.
Au XII°s, les parties orientales de l'édifice furent endommagées et la réfection confiée au maître d'œuvre Garin. Celui-ci démolit l'ancienne crypte du XI°s. et la remplace par celle avec hémicycle que nous voyons aujourd'hui. Ultérieurement, cette base fut surmontée d'un nouveau chœur de même plan. C'est cet hémicycle du XII°s. qui sera repris avec contrefort et voûtes gothiques. L'œuvre consacrée en 1147, était sans doute coiffée d'un cul-de-four sur profil brisé, selon le parti bourguignon.
Après les graves dommages subis en 1916, les restaurateurs eurent un choix à faire. Rendre à l'édifice son aspect médiéval ou bien choisir la voie de la prudence, celle qui n'engendre aucune polémique: restaurer l'œuvre telle qu'elle était précédemment. C'est la solution qui fut choisie et menée à bien et nous pouvons regretter que la cathédrale de Verdun n'ait pas retrouvé ses quatre tourelles romanes et ses puissantes piles rustiques du XI°s. Les voûtes gothiques pouvaient subsister.