La renaissance romane
Pour la période historique allant de 950 à 1150, l’appellation romane n’est pas des plus adéquates. Conçue pour l’architecture, elle ne devrait pas sortir de ce cadre mais, comme toutes les définitions dites « génériques », elle se révèle bien pratique.
Historiens et analystes ne se sont pas toujours intéressés aux raisons et causes des périodes de récession et de développement qui ont marqué la vie des sociétés et dans cette quête, beaucoup ont projeté sur l’époque en question leurs humeurs et la marque de leur engagement. Les écoles sont nombreuses. A l’une des extrémités de l’éventail, il y a l’esprit libertaire qui nous affirme que les peuples sont heureux lorsqu’ils peuvent donner libre cours à leurs aspirations profondes et se débarrasser ainsi des exploiteurs et des faiseurs de guerre. A l’autre extrémité il y a ce que l’on appelle aujourd’hui des colbertistes qui nous affirment que les périodes fastes de l’Histoire sont toujours l’oeuvre de gouvernements forts et centralisés sachant maîtriser les humeurs néfastes du peuple tout en dégageant le meilleur qui est en lui. Ces deux options ont eu tour à tour leur période et l’expérience nous prouve quelles sont également guettées par la dérive contenue dans tout système idéologique. Les anciens disaient « marchand d’idées, faiseur de désordre », nous admettrons donc qu’il appartient aux hommes sages de se gouverner au milieu de l’éventail en se gardant des dérives de droite comme de gauche. Mais l’Histoire nous enseigne également que cela n’est possible qu’un temps avant que les démons qui sommeillent en nous ne viennent à nouveau perturber cette sage conduite.
En 950, la société occidentale n’a plus de problèmes socio politiques ni religieux, toutes les structures carolingiennes ont été emportées dans la débâcle de l’Empire. L’Occident est à reconstruire, une fois encore, mais avec un avantage sur la période du Bas Empire, les ruines engendrées par les invasions normandes n’ont pas touché la société rurale. Parallèlement, les frontières de l’Est sérieusement tenues par les Germaniques, et l’Italie passée sous leur contrôle ainsi que les Musulmans d’Espagne tenus en respect par la première reconquête, assurent à la société occidentale une totale quiétude. D’autre part, si les structures impériales se sont désagrégées, l’embellie économique due à une monnaie stable et à la reprise des échanges, demeure. Elle a permis la mise en place de nombreux circuits marchands qui ont bénéficié aux faubourgs des cités et aux bourgades de l’intérieur. Les voyageurs circulent nombreux et la demande stimule le grand négoce qui diffuse les produits stratégiques et notamment le fer dont les besoins militaires de l’Empire carolingien ont multiplié la production. La société rurale qui représente plus de 92% de la population voit, maintenant, sur les marchés, les moyens de développer son agriculture et de produire ainsi des excédants pour échanger et faire vivre villes et bourgades. C’est un cycle de renouveau amorcé et qui doit se développer si rien ne vient l’étouffer ou le briser. Pour l’heure, il touche essentiellement le monde rural et n’engendre aucun témoignage digne de figurer dans l’Histoire.
Six siècles plus tard, après des heures bien sombres, le brave monsieur de Sully nous dira que « pâturages et labourages sont les deux mamelles de la France » assurant ainsi la promotion d’un renouveau rural qui fut à l’origine de notre civilisation contemporaine.
Les faubourgs des grandes cités seront les premiers à tirer parti du phénomène ce qui permettra aux grosses bourgades des agglomérations bicéphales de se distinguer très tôt en construisant de vastes édifices religieux, tel Saint Martin de Tours, Saint Bénigne de Dijon et Saint Remi de Reims. Les cités intra muros, elles, manquent de place et d’ambition pour reconstruire de grandes cathédrales, Chartres, avec l’œuvre de Fulbert est l’exception qui confirme la règle. Sans doute les multiples interactions socioéconomiques qui ont longtemps sclérosé les cités sont elles encore trop présentes?
Le phénomène va naturellement servir l’émergence des bourgades rurales dont l’origine prête à controverse. Pour la plupart d’entre elles, nous n’avons aucune preuve tangible de leur existence sur le premier millénaire mais leur situation et l’absence de sites fossiles nous assurent de leur antériorité. Certes, en l’an 900, de nombreuses bourgades ne sont pas encore caractérisées et dans les terres dites celtiques, les petits commerçants et artisans vivant dans les campagnes ont commercé en itinérant, mais le renouveau qui s’amorce leur permet de se concentrer dans une localité existante et bien placée dans le contexte des cheminements économiques. Une fois installés dans la place, ils vont discrètement évincer la composante agricole et créer l’agglomération de leurs besoins.
Cependant, ce renouveau rural ne saurait se faire sans le désir et la participation des intéressés et l’Église fut à l’origine du mouvement. Les usages et besoins religieux des occidentaux ont considérablement évolué depuis l’Édit de Milan. Cette religion née en Orient et qui s’est imposée dans l’Empire romain parmi les couches les plus pauvres, avec un caractère de contestation sociale a, depuis lors, conquis l’ensemble de la population et n’a plus rien à apporter puisque les riches et les pauvres sont également acquis à l’Église. Il y a également une mutation profonde dans l’esprit. Comme tout mouvement de « caractère révolutionnaire », l’Église des premiers temps chrétiens s’intéressait à l’individu, sapant l’homogénéité des familles et l’autorité patriarcale qui en est le garant. En six siècles, cette articulation traditionnelle a repris le dessus ; les enfants sont chrétiens parce que leurs parents le sont et c’est au sein de la famille que le caractère religieux se préserve et que l’éducation chrétienne se pratique.
Après le temps de la petite église rurale ou grange consacrée, amplement suffisante comme lieu de prières et cadre des sacrements et des funérailles, les vastes régions de caractère dit celtique qui ont longtemps échappé à tout encadrement religieux centralisé, éprouvent maintenant le besoin d’une meilleure cohésion et d’un lieu de culte de meilleure facture. L’esprit d’humilité donné comme grande parade aux péchés d’orgueil va disparaître et les chrétiens seront fiers de reconstruire leurs églises, et sans honte de les décorer plus richement. Mais les nouveaux bénédictins qui parcourent le monde rural dès le XI° siècle sont également partie prenante et leur langage est nouveau. Vous êtes chrétiens, disent-ils soyez en fiers, construisez de belles églises pour montrer votre engagement et votre force à ces petits seigneurs qui se disent vos maîtres. Dieu seul a ce pouvoir. Faute d’une législation, faute d’une justice temporelle qui ne leur appartient pas, les chrétiens et le clergé vont imaginer des sanctions subtiles et lourdes à l’encontre de ceux qui ont gravement fauté. Ils seront privés de messes, de sacrements, considérés comme des pestiférés et le bon peuple va se voiler la face sur leur passage. Enfin, leur famille également touchée par l’opprobre, les fera bien vite céder. Un long pèlerinage est souvent le rachat imposé.
L’Église est le cœur du village et c’est le lieu où naissent l’esprit et la volonté, les familles veulent également participer au renouveau, améliorer leur habitat, développer l’agriculture. Ainsi leurs besoins en produits manufacturés de qualité vont naître et s’accroître considérablement. L’esprit est nouveau, le cadre de vie doit l’être également.
Physionnomie rurale
Après le cadre et l’esprit, voyons les modalités. Les impératifs du monde rural sont constants à travers les âges, et les phases du développement comme de la récession respectent le même processus. Dans des conditions socioéconomiques moyennes, comme celles que nous avons accordées à l’An Mille, l’essentiel des installations se trouve sur les bords des cours d’eau et ruisseaux. Les exploitations sont polyvalentes avec troupeaux de bovidés et cultures céréalières diversement réparties. Selon les régions, le rapport entre ces deux modes d’agriculture varie considérablement; la part céréalière est forte dans les régions où l’agglomération règne sur des plaines ou plateaux calcaires, elle sera beaucoup plus faible sur les terres dites celtiques comme dans les montagnes érodées. Sur la période de l’An Mille, ces dernières produisent un minimum de céréales et la vie des populations est souvent difficile, certes le bétail assure l’essentiel mais les carences alimentaires sont souvent présentes. Cependant la vie s’y est constamment maintenue avec parfois quelques périodes de famine. Je citerai de mémoire la réflexion d’un collègue italien énoncée au cours d’un congrès : la France est un pays riche où il y eut toujours quelques pauvres et l’Italie un pays pauvre où il y eut toujours beaucoup trop de riches.
Cependant, ces régions montagneuses ne sont jamais très éloignées de plaines alluviales plus ou moins aptes aux cultures céréalières, et, dès que l’économie s’est convenablement articulée, les éleveurs amènent leurs bêtes, sur pied, au marché afin d’obtenir des sacs de céréales destinés à passer les périodes critiques. La mise en place de ces échanges constitue toujours la seconde phase d’une restauration économique et pour l’époque romane, elle se situe de 1000 à 1100.
Sur la même période, ce sont naturellement les régions à vocation céréalières qui acquièrent les premières leur suffisance alimentaire et, déjà, à l’époque antique, la densité des voies romaines prenait en compte cette Gaule riche majoritaire et cette Gaule pauvre minoritaire.
Les pélérinages
Difficile de bien saisir les caractères de ce temps sans traiter des pèlerinages. Depuis la fin de l’Empire, les chrétiens se sont rendus à Rome pour prier sur les tombes des saints Pierre et Paul, les seuls apôtres présents en Occident, mais les Italiens et les Romains en particulier ne feront rien, ou peu, pour les héberger gratuitement ; c’est donc un pèlerinage de gens aisés où il faut payer son gîte et son écuelle dans des maisons religieuses qui accueillent également les voyageurs. Selon l’esprit il y a quelques places pour les indigents mais elles sont toujours occupées. Arrivés à Rome, ces pèlerins sont sollicités de toute part et nous devons reconnaître que la ville éternelle a bien besoin de cette manne financière. Nous avons vu un chroniqueur germanique dépeindre le triste état de la cité à l’arrivée d’Othon 1er et les choses ne vont guère s’arranger sur le siècle à venir. Si la gestion de la cour pontificale fut assainie par les Bénédictins, la ville est toujours soumise au désordre et à la pauvreté, l’histoire qui suit en dit long sur cette avidité romaine.
En 1094, un moine champenois devenu Pape sous le nom de Urbain II, grâce aux voix des Bénédictins de Cluny, peut s’installer au Vatican mais se trouve exposé à l’anti Pape Guibert, soutenu par la noblesse de Rome et sans doute par un clan germanique. Guibert avait fait occuper par ses partisans en armes le château Saint Ange et le palais du Latran. Urbain II menacé au Vatican même, s’était réfugié dans la maison forte des Frangipanis, ses seuls alliés dans la ville. Guibert semble triompher.
A cette époque, Geoffroy de Vendôme, nouvel abbé de la Trinité, part pour Rome afin de se faire confirmer dans sa charge comme dans son titre de cardinal qui lui revient de droit. Informé des difficultés rencontrées par Urbain II, il prit la précaution de se munir d’un bon pactole, 10.000 sous d’or dit la chronique, et d’une puissante escorte. Arrivé dans la ville éternelle, il vendit ses chevaux et ses mules et se procura ainsi 3.000 sous supplémentaires. Cette somme lui permit de racheter le Latran et le château Saint Ange au capitaine Ferruccio qui les occupait et qui fut enchanté du marché. Geoffroy acheta également le départ de tous les indésirables qui s’étaient incrustés au Vatican et y installa des hommes à lui. Cette sécurité acquise permit à Urbain II, de revenir en France, de consacrer un grand nombre d’églises et de prêcher pour une croisade destinée à libérer Jérusalem du joug musulman. Cette aventure romane montre bien que la France est alors la fille aînée de l’Église et même le plus sûr bastion de la chrétienté.
Saint Jacques de Compostelle
Le projet de reconquérir les terres chrétiennes d’Espagne occupées par les Musulmans, fut toujours présent à l’esprit des chrétiens mais la volonté politique manquait. Certes l’ensemble des seigneurs d’emprise qui régnait sur l’Aquitaine et les régions sud de la France auraient pu rassembler une force conséquente mais ils avaient davantage le souci de bien vivre que d’aller affronter en un pays lointain des guerriers que l’on disait redoutables. De leur côté, les Francs, puissance militaire majeure se désintéressaient du sujet, il fallut les invasions du sud de la France et surtout le saccage des positions franques établies dans l’ouest après les conquêtes de Clovis pour les motiver. Charles Martel, puis Pépin le Bref, vont refouler les envahisseurs au-delà des Pyrénées et Pépin fit payer cher aux Aquitains leur compromission avec les envahisseurs.
Au temps de Charlemagne, les Bénédictins vont le presser d’intervenir sur les terres d’Espagne Ils lui offrent une bonne raison chrétienne : protéger le tombeau de l’apôtre Jean le Mineur dont la sépulture vient d’être découverte en Galice, au lieu dit le Champ de l’Étoile (Compo stella). C’est une pieuse machination imaginée sans doute par les moines de Saint Martin de Tours pour forcer la main de l’Empereur. A cette époque, les chrétiens d’Occident n’ont que de très vagues connaissances sur la vie et l’œuvre des apôtres et l’idée de la sépulture de Jean, en Galice, leur paraît défendable cependant une autre ville d’Espagne aimerait bien exploiter l’argument. Les chrétiens de Saragosse voient le tombeau du saint à Notre Dame du Pïlier, c’est tout aussi erroné mais plus crédible sur le plan géographique. Saragosse, grande cité romaine proche de la Méditerranée, était plus à même de tenter et d’accueillir l’un des saints fondateurs de l’Église, cependant, les abbés de Saint Martin de Tours, comme les nombreux moines favorables à la discipline irlandaise, imposèrent Compostelle afin d’aider leurs frères Galiciens celtiques.
A Rome, où les érudits du Vatican possèdent une bonne information sur les faits et gestes des apôtres, le Pape s’insurge et refuse de reconnaître l’authenticité de la découverte mais les tenants de Compostelle accusent Rome de vouloir ainsi préserver ses pèlerinages et les intérêts qu’ils confèrent, finalement le différend s’apaise : vox populi, vox Dei.
Charlemagne fut invité à intervenir en Espagne. Il fallut l’en prier plusieurs fois et quand il se décida ses options furent plus stratégiques. Il franchit les Pyrénées, se dirige vers Saragosse avec l’intention de libérer la ville, ainsi que Barcelone, son objectif est de constituer une marche militaire conséquente au-delà des montagnes. Mais l’opération est mal préparée, l‘armée s’engage malencontreusement au nord de l’Èbre et, après maintes difficultés, doit rebrousser chemin. Ses actions ultérieures porteront essentiellement sur l’installation et le renforcement de cette marche de Catalogne et Compostelle fut oublié pour un temps.
Vers 950, les moines de Tours reprirent leur projet et comme ils ne disposaient pas de bras armé pour combattre les Infidèles, ils vont imaginer un stratagème certes indélicat mais bien efficace : envoyer des pèlerins en Espagne, vers Compostelle, malgré les risques, espérant bien transformer un banal incident en Cassius belli qui dresserait les Chrétiens contre les Musulmans. Mais lorsque le pèlerinage fut bien suivi, la première reconquête menée par les royaumes cantabriques avaient déjà largement dégagé les chemins d’accès à Compostelle et porté la ligne de bataille sur le Duero.
A la fin du XI°s, de nombreux chevaliers français accompagnent les pèlerins puis rejoignent l’ordre militaire de Compostelle dont les casernements se trouvent à Valladolid, afin de combattre sous la bannière de Saint Jacques le Matamore. Dès le XII°s, l’esprit des Croisades se substitue à l’action des volontaires et c’est lors de la seconde expédition qu’une troupe menée par Bernard de Clairvaux obtiendra des succès décisifs en créant le royaume du Portugal à partir du Comté de Porto-Cales.
Contrairement à celui menant à Rome, ce pèlerinage entraîne de petites gens. Les premiers à s’engager furent les pêcheurs repentis mais aussi ceux désireux de racheter des fautes plus graves. Sur la période de l’An Mille, les pèlerins suivent de petits chemins dans les montagnes de Galice et font de nombreux arrêts pour aménager la voie, construire des auberges mais également travailler dans les champs pour gagner leur pain. C’est une ambiance exaltante et bientôt des compagnons de divers corps de métier vont s’engager pour mener à bien ces travaux, c‘est ainsi que les petites églises des Chemins de Saint Jacques porteront la marque de l’architecture romane de France. A la fin du XI°s, une chaîne de grands sanctuaires inspirés de Saint Martin de Tours, va jalonner la route ouverte naguère par Charlemagne et menant aux Pyrénées. Enfin ce sont les Cisterciens de Bernard de Clairvaux qui ouvrent une nouvelle voie plus facile longeant la vallée du Duero. Elle sera ponctuée de cathédrales du parti austère et archaïque adopté par l’Ordre. Les chemins de Compostelle vont finalement servir davantage la gloire de l’Église de France que les chrétiens d’Espagne et c’est ce que nous retiendrons.
Ce sujet sera amplement développé dans un fascicule consacré à la civilisation romane dans les provinces de l’Ouest.
Provins
Les origines de cette ville sont fort mal connues et le sujet prête naturellement à controverse. Résumons nos acquis. Pour l’époque romaine la Tabula 31 (R. Chevallier) nous donne un itinéraire reliant Sens à Senlis (la D 209 ?) qui dessert sur la latitude de Provins une agglomération antique nommée Riobé. Dès le XIX°s. des découvertes archéologiques furent signalées à Chateaubleau et des fouilles menées dans les années 1960/1970 ont livré des vestiges importants et un théâtre. Dès lors la cause était entendue, il s’agissait de Riobé; d’autre part les caractères de la D 209 correspondaient bien au programme augustéen, ce qui corroborait l’identification. Ainsi, toute hypothèse proposant des origines antiques pour Provins, était mal venue et, l’histoire selon les textes allait s’imposer.
Au début du X°s, les descendants des comtes nommés par Charlemagne et dont la charge est devenue héréditaire par le bon vouloir des détenteurs, acquièrent des sites d’emprise afin de conforter leur situation. Parmi eux, Herbert II, comte de Vermandois, qui vient de se distinguer en emprisonnant Charles le Simple vers 915/918, rassemble une troupe d’aventuriers en armes et occupe le castrum de Provins. La date est incertaine mais doit se situer entre 920/925. C’est le premier texte concernant l’agglomération. Ce coup de force inquiète les moines de Saint-Ayoul qui cachent les reliques de leur saint Patron dans une petite église de bois située sur les terres basses, à 700m du pied de l’oppidum. Elles y resteront. Ensuite, l’histoire et le développement de Provins se feront sous la férule des comtes installés dans le castrum. Leurs titres changent avec les successions: ils seront tour à tour comtes de Blois, de Meaux puis de Champagne mais toujours adversaires convaincus de la maison royale .
Cette histoire selon les textes, constamment alimentée, finira par occulter toute interrogation et recherche sur les origines de la cité. Cependant, la Tabula 31 nous donne également un itinéraire antique menant de Troyes à Senlis qui franchit la vallée de la Voulzie à la hauteur de Provins à moins de 1000m du castrum avant de se diriger vers le Nord pour joindre le grand Morin à la Ferté Gaucher. Cette voie constitue donc un bon argument en faveur d’une origine antique pour Provins.
La Voulzie qui descend du plateau crayeux de la Brie reçoit un petit affluent venu du Nord et un ancien marais stabilisé de longue date, occupe l’entre deux rives du confluent. Les cours d’eau ont toujours constitué un lieu privilégié pour l’habitat rural qui parque ses troupeaux dans la vallée et met les plateaux en culture, le phénomène était déjà bien développé à l’époque Gauloise. Après la Conquête, le franchissement de la rivière par une voie romaine engendre pour le site de Provins, une conjoncture économique nouvelle, les cheminements se croisent et le potentiel en transit donne naissance à une petite agglomération qui va se développer tout au long de la Pax Romana. Les artisans qui ont besoin d’eau courante s’installent sur les berges de la rivière et le revers des habitations est occupé par des jardins maraîchers, quant aux commerçants et notables, la meilleure place pour eux se situe au nord, à droite et à gauche de la voie romaine, soit à la Fontaine Riante et à Saint Syllas. A cette époque prospère, l’oppidum de l’ouest est sans intérêt. Quelle fut l’importance de cette agglomération au siècle des Antonins? 4 à 6.000 personnes constitue une estimation moyenne.
Provins, vicus gallo romain disparaît en 250/275 et la population se replie sur l’oppidum dont elle fixe les abords avec des murs de soutènement. Ensuite une défense domine l’escarpe d’où le nom de castrum. Mais, bien vite, les artisans quittent le réduit et s’installent au pied de l’oppidum sur les rives du cours d’eau. Vers 450, la ville de Provins et ses 4 à 6.000 habitants, ont acquis une articulation satisfaisante pour les six siècles à venir. Ils n’ont aucune raison de figurer dans les textes. En 836, Aigulphe évêque de Bourges, meurt en odeur de sainteté et certaines de ses reliques sont transportées à Provins où il devient Saint Ayoul. Quant à Saint Quiriace, patron de la ville haute, son culte se limite au diocèse de Sens et nous ignorons tout du personnage.