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Implantation celtique
La société médiévale
Toute civilisation naît dans le sillon du laboureur et s'achève dans les désordres urbains, dans les querelles de système. Cette courbe semble s'inscrire sur trois siècles: un siècle archaïque où tout se met en place, un siècle classique et enfin un siècle baroque, un baroque où les formes, en tout domaine, échappent à la raison pour répondre à l'idéologie du temps. Ce fut le sort de la civilisation gallo-romaine et l'époque médiévale n'y échappera pas.
Au X°, les désordres qui ont achevé la brève renaissance carolingienne laissent l'Occident libre de tout système. Il est désormais possible d'imaginer un nouveau cadre de civilisation mais, pour l'heure, le premier souci des 6 à 8 millions d'individus qui peuplent l'ancienne Gaule romaine est beaucoup plus ordinaire. Il s'agit simplement de manger à sa faim. Tous, ou presque, sont alors retournés à la terre et chacun fait de son mieux pour remettre en culture la belle campagne occidentale, mais les chances ne sont pas égales.
Les Francs, bien installés au nord et qui, par deux fois déjà, sont partis dans une folle chevauchée conquérir l'Aquitaine, sont maintenant organisés en gros villages aptes à la culture céréalière et disposent également, aux confins de leurs terres, des traditionnelles régions métallurgiques de la Meuse et de la Moselle. Par contre, sur le chaînon Centre-Europe, les gens de coutumes dites celtiques continuent de partager leurs terres à chaque succession et ruinent ainsi toute chance de développement. Enfin, sur les bords de la Méditerranée, de Lyon à Toulouse, les terres qui furent province romaine restent, elles, attachées à d'autres coutumes ancestrales mais tout aussi archaïques. Cependant, tous vont travailler avec ardeur et conviction. La population grandit, des besoins nouveaux apparaissent.
L'infrastructure rurale a pratiquement disparu et les échanges vont se faire en des lieux favorables; un carrefour fréquenté ou un simple hameau bien placé sur un itinéraire économique qui reprend vie. C'est l'amorce d'une bourgade. Le phénomène réveille souvent un lieu qui fut prospère à l'époque romaine, mais les ruraux de l'an 1000 l'ignorent. Dès le marché établi, ces premiers échelons de la nouvelle articulation économique se retournent en amont, vers les circuits de grand négoce qui retrouvent les traditionnelles voies sur berge. Mais là sont installés les vieux oppidum devenus lieu de refuge au Bas-Empire où règnent maintenant féodaux et protecteurs, tous gens de système qui ont survécu à la condamnation de l'espèce. Ils voient, avec le sourire, revenir le temps des chariots bien remplis qui cheminent au pied de leur repaire.
Dans ce cadre en plein renouveau, les vieilles cités gallo-romaines encore inquiètes et toujours cernées de murailles peuvent se considérer comme de belles négligées. Il leur faudra un siècle et plus pour retrouver une place dans la société mais elles le feront avec brio, en exploitant au mieux le pouvoir ecclésiastique qu'elles ont préservé durant six siècles. Ce sera le temps des cathédrales.
Implantation dite celtique
Après la période pastorale où les troupeaux sont menés en pâturage extensif, durant la belle saison, et parqués l'hiver derrière une levée de terre ou sur un éperon barré, vient le temps de la mise en culture et pour profiter de son travail, pour mettre ses récoltes à l'abri des bêtes vagabondes, chacun s'installe sur ses terres. Cette mutation qui s'amorce sans doute au néolithique se développe grâce aux outils de bronze et de fer. Mais la petite exploitation avec habitat centré qui représente un stade obligé dans le développement agricole peut être également le fait d'une mentalité bien établie. Dans une étude antérieure, nous l'avons cataloguée comme trait dominant des populations dites de caractère celtique, mais ceci est une appellation de convenance. Si nous trouvons aujourd'hui encore cette articulation rurale sur l'ensemble du chaînon Centre-Europe c'est que ces gens ont conservé, à travers les siècles, des us et coutumes qui les maintiennent en ces conditions archaïques et parfois précaires.
Pour aller au-delà de l'exploitation de première génération, il faut une paire de bœufs et l'outillage adéquat. C'est un équipement qui dépasse généralement les moyens d'une famille et pour rassembler, préserver des successions le patrimoine et l'équipement, il faut la poigne ferme d'un patriarche ou les contraintes d'une infrastructure collective. Faute de cela, chaque nouveau couple prend son indépendance, gère ses propres terres, isole son foyer et retombe ainsi dans le contexte de l'exploitation de première génération, même si l'habitat et les terres restent centrés sur une cour commune dans le hameau. C'est un choix de société qui conditionne l'articulation rurale et bloque le développement.
La première conséquence du système est d'ordre économique. Faute d'une bonne exploitation des sols et par manque de récolte céréalière, les familles ne peuvent acquérir les produits de grand négoce, le métal notamment, et se trouvent maintenues en condition précaire. D'autre part, l'implantation disséminée empêche la fixation de commerces de proximité et les artisans et commerçants choisissent un site à leur convenance, ce sera la bourgade. Cette articulation distincte est d'abord favorable à l'économie mais ces systèmes distincts risquent d'évoluer vers des gestions opportunistes, et les rapports entre ruraux et habitants du bourg peuvent devenir irrationnels, voire conflictuels. En période difficile, l'agglomération se ferme de murailles, exploite sa situation, prélève des charges exagérées sur les transactions. Dans ces conditions, elle s'attire la haine de son environnement rural et ne peut plus compter sur son soutien défensif, ce qui accentue son isolement. L'économie toute entière se sclérose. C'est un phénomène caractéristique du bas Moyen Age.
D'autre part, ces familles isolées, sans conscience collective et sans grand moyen matériel, ne peuvent se défendre face à l'emprise des féodaux. Ces protecteurs qui deviennent vite des tyrans locaux, vivent non de leur travail mais des droits et redevances en tout genre qu'ils imposent. Ce sont également ces petits hobereaux sans titre qui créent et alimentent les querelles et guerres régionales, actions violentes d'autant plus nombreuses que les temps sont durs. Ce sont les querelles des grands féodaux qui justifient les guerres mais ce sont les petits hobereaux qui les alimentent. Ensuite, le calme revenu, après épuisement des forces, ces familles sans titre feront tout pour préserver l'articulation sociale qui garantit leur état. Le protecteur vit de l'insécurité.
Un autre handicap de ce choix de société est l'articulation des voies de communication. Chaque exploitant développe son propre réseau de chemin de proximité et lui accorde un entretien minimum puisque ses animaux sont à majorité des bovidés à deux sabots dont les pieds s'accommodent mal des chemins empierrés. Ces embryons de voie se ramifient, certes, mais en très mauvaises conditions. Pour parcourir une certaine distance, il faut aller de fondrières en chemins privés, et, seuls les hommes en armes et les pèlerins circulent sans engendrer d'animosité. Les seules voies considérées comme collectives sont celles que les ruraux empruntent pour se rendre à la bourgade les jours de foire et de marché. Cela renforce les prérogatives de ce centre mais son emprise sera limitée par le chemin à parcourir. Au-delà de 3 lieues (12km), les populations rurales seront tentées de favoriser un site plus proche. Le bourg de Belleme et son environnement illustrent bien l'articulation dite celtique.
Cet équilibre d'intérêt entre milieu rural et bourgade, ainsi que la difficulté à dégager de grands itinéraires, gêne et même interdit la formation de métropole. Ainsi dans le vaste polygone formé par les villes de Bourges, Orléans, Tours, Angers, Poitiers, Angoulême et Limoges, aucune cité d'importance, aucun évêché ne s'est imposé sur toute la période historique. C'est une articulation qui prive également ces populations de représentation politique et les met à la merci des convoitises hégémoniques.
Habitation de chaume et de torchis
Dans le second volet du programme nous dirons que toute construction fonctionnelle et modeste sera réalisée avec des matériaux trouvés dans un rayon de 5 à 10 km en moyenne. Ceci est particulièrement approprié dans les régions de caractère celtique où la charrette à essieu tournant, attelé d'une paire de bœufs, n'est pas apte à transporter de lourdes charges sur un long trajet. Les sabots des bovidés ne conviennent guère aux routes empierrées et la majorité des chemins sont de terre battue. D'autre part, faute de revêtement dur, le bandage étroit des roues celtiques s'enfonce rapidement dans les sols humides. Ces populations n'ont jamais choisi d'atteler en ligne pour que les bêtes puissent marcher sur la bande herbeuse tandis que les roues ferrées suivent deux bandes de roulement empierré.
Sur les maisons bretonnes que nous avons étudiées, les murs étaient constitués de grosses pierres trouvées sur place, calées si nécessaire avec des petites, et dont les interstices étaient obturés de torchis grossier fait de terre mêlée de petite végétation, l'ensemble étant amalgamé au pilon. Cependant, les pierres dures susceptibles d'être convenablement empilées ne se trouvent pas dans toutes les régions de l'ouest. Dans la majorité des territoires situés entre la Seine et la Loire, les matériaux sur site sont de l'argile non éolien et le bois ce qui permet de réaliser l'ouvrage ci dessus. Les murs sont à base d'argile compacté avec de la paille de seigle ou de blé haché menu et le travail est toujours réalisé au pilon (A), tandis que les bois sont travaillés à l'herminette ou au doloir avec des montages par entailles. Les portes et les meubles sont réalisés de la même manière avec des planches de bois refendues (B) la couverture est végétale ( C) et la cheminée (D) en argile talochée sur une armature de bois (E).
Habitat agricole dit celtique
Afin de traiter l'habitat rustique destiné à l'exploitation des terres, nous allons nous référer à la notion de programme chère à Viollet le Duc qui dit que toute construction doit, avant tout, correspondre aux besoins de l'utilisateur, les notions de style venant ensuite.
Sur les terres dites celtiques, les surfaces d'exploitation sont morcelées et l'habitat doit se plier à l'usage qui en sera fait. En (A) nous avons représenté la construction la plus modeste : l'habitat étable où la famille de 4/5 personnes s'installe à une extrémité, autour du foyer (A,F), tandis que le petit troupeau de chèvres ou de moutons occupera l'extrémité opposée. Cette concentration se fera sur une très courte période d'hiver. Dès le printemps, ou dès que la température sera plus clémente, bon nombre des activités seront réalisées à l'extérieur, éventuellement sous un abri léger. Les surfaces moyennes exploitées ne dépassent pas 2ha tandis que la surface cultivée à la main est constituée par un grand jardin qui produira les légumes verts et les graines séchées. La cueillette des noisettes et des châtaignes apportera un complément variable. Nous avons représenté le bâtiment avec des angles arrondis ce qui est le meilleur procédé avec des matériaux médiocres et de gros volumes d'argile.
Sur le dessin (B) nous avons un ouvrage semblable mais légèrement plus évolué. Le volume est décomposé en deux par une palissade faite de rondins ce qui permet de dissocier l'espace des humains de celui des animaux. Cette disposition impose deux accès (Bl, et B2). La surface de terre exploitée ne change guère, 3/4 ha environ, mais les chèvres et les moutons sont réduits en nombre pour abriter une vache dont la production de lait est plus importante pour un même poids de végétaux consommés. Les angles de l'ouvrage qui sont les plus fragiles avec des maçonneries médiocres sont ici traités en éperon (B, 3). Comme pour l'ouvrage précédent, la faîtière est portée par des faisceaux.
Sur le modèle ( C), une cloison en dur (Cl) sépare l'étable ( C2 ) de l'habitat ( C3), lui même décomposé par une cloison légère en deux volumes: un espace jour et un espace nuit. Nous avons là un aménagement plus confortable. Les surfaces exploitées demeurent incluses entre 4/6 ha mais, deux bovidés sont mis sous le joug afin de cultiver une plus grande surface mais c'est toujours l'araire qui retourne le sol. Ces terres labourées s'ajoutent au jardin toujours travaillé à l'aide d'outils à main.
En (D) la surface au sol de l'ouvrage a pratiquement doublé. Une cloison en dur sépare toujours l'étable (Dl) de l'habitat (D2) lui mêle séparé en deux afin de former un espace jour et un espace nuit cependant, la distribution de l'étable est plus élaborée. Nous trouvons là un volume d'accès (D4) ouvrant sur deux espaces distincts. Il s'agit de mieux séparer les espèces tout en réservant une place de choix pour les vaches et leur veau mais la distribution peut varier selon les besoins. Sur les quatre édifices que nous venons de voir, le foin séché pour l'hiver est installé sous la couverture avec un accès direct par une ouverture pratiquée dans le plafond de l'étable mais sur l'ouvrage (D) les longueurs sont telles qu'il faut ouvrir une grande lucarne sous la toiture pour introduire directement le foin de la charrette au grenier.
Dans les bâtiments (E) le principe de l'ouvrage est préservé et la partie habitation s'améliore. La pièce commune (El) où se trouve le foyer ouvre maintenant sur deux chambres (E2) et (E3), l'une pour les parents l'autre pour les enfants, ce qui dispense du lit clos. L'étable ne change guère mais son affectation est différente. Les troupeaux de chèvres et de moutons seront réduits et le nombre de bovidés augmenté, quelques vaches plus une paire de bœufs pour la charrue et la charrette. Cet équipement permet de labourer convenablement 2 à 3 ha sur les 6 à 8 de la propriété. Une fois débarrassée de l'ivraie la production céréalière du champ labouré peut atteindre 10 à 12 quintaux à l'hectare. D'autre part, comme la subsistance alimentaire essentielle requiert 1.000 à 1.200 grammes d'orge ou de blé par personne, les 3.000 kg produits par l'exploitation couvrent largement les besoins d'une famille de 8 à 10 personnes sur les 200 jours de Tinter saison. Sur les bonnes années l'agriculteur peut même dégager un excédent, conservé pour la sécurité alimentaire de la famille ou vendu sur les marchés pour se procurer l'outillage nécessaire aux travaux ainsi que le fer, produit stratégique par excellence. La charrette et la charrue celtiques requièrent 80 à 120 kg de métal.
Cette nouvelle agriculture demande un hangar (A4) pour abriter le seigle ou le blé sur plusieurs mois après la moisson. C'est là que le grain sera battu et la paille soigneusement récupérée. Le gros problème est la conservation du grain face aux rongeurs. Le grenier celtique posé sur 4/6 grosses pierres qui est commun en Galice est l'une des meilleures formules mais le stockage dans des jarres en terre est également une solution. Heureusement, le chat est un bon allié de l'agriculteur; il retrouve là sa fonction primitive dans les greniers d'Alexandrie.
Cette exploitation que nous dirons de qualité fut illustrée par la chanson « Deux beaux bœufs blancs dans mon étable, deux beaux bœufs blancs tâchés de roux, ma charrue est en bois d'érable et mon aiguillon en branche de houx » Cette réussite est le summum qu'un agriculteur peut espérer dans le cadre du mode celtique et bien souvent le démembrement réalisé lors des successions ruine l'organisation. La sauvegarde de ces grandes exploitations se fera surtout dans les hameaux où les héritiers s'aménagent un habitat distinct.
Habitat agricole dit celtique : élévation
Sur cette planche nous avons représenté en élévation les diverses constructions déjà étudiées en plan. Sur le dessin (A) nous voyons, dessiné, l'habitation la plus archaïque, l'habitat étable. Les murs sont en pierres brutes, maçonnées à l'argile et quelquefois à la terre mêlée de végétaux broyés. La porte et les ouvertures ont des pieds droits et des linteaux en monolithe, très souvent récupérés sur des ouvrages antérieurs. La couverture est en chaume, roseau ou genêts ligaturés. La coupe montre les faisceaux (A,l) supportant la faîtière. Sur ce modèle, tous les bois sont bruts et ligaturés avec de fines branches éclatées par torsion.
Sur le dessin ( C) l'habitat est séparé de l'étable ce qui nécessite deux portes mais le mode de construction demeure fort semblable. Seule évolution, les linteaux sont constitués de troncs d'arbres sommairement équarris. Enfin, les accès sont fermés par des portes ( C,l) faites de bois refendu taillé à l'herminette et articulé par des lanières de cuir. En coupe ( C,2), nous voyons une nette amélioration; les murs portent un entrait ( C,3) et le faîtage est supporté par un pilon ( C,4) cependant, les arbalétriers ( C,5) sont déjà encastrés dans l'entrait par des entailles pratiquées à la hache, ce qui décharge le pilon.
Sur le dessin (D) l'ouvrage est considérablement développé, souvent par assemblage (D,l) sur un modèle simple, seuls, la grange ou le hangar requièrent pour leur stabilité des montages à bois élaborés (D,2).
Permanence des volumes et des fonctions
En (A) nous avons représenté la fermette que les citadins des années 60/70 vont découvrir dans les campagnes entre la Seine et la Loire. L'ouvrage date de la renaissance du monde rural entamé sous le bon roi Henri IV et qui se développera sur les deux siècles suivants. Les travaux commencent par une construction en pisé formant une habitation de 2 à 3 pièces (B). Suit une étable installée dans le prolongement ( C). Elle est réalisée en colombage garni de pisé (D) et comporte une lucarne (E) pour engranger les récoltes.
Tout cela ne change guère jusqu'au XIX°s. où l'arrivée du chemin de fer distribue en tous lieux des matériaux élaborés. Grâce à eux, les angles des constructions sont garnis de piles de briques (F), la cheminée (G) est, elle aussi, réalisée en briques. A la fin du XIX°s. les ouvertures sont dotées de portes (H) et de fenêtres (J) réalisées par des menuisiers disposant des premières machines à bois. Enfin, les fours à chaux, alimentés au charbon permettent de garnir les ouvrages (K) d'un enduit de sable et de chaux. La grange, (L) datée des années 1750/1850 réalisée en colombage et torchis sera, elle aussi, revêtue de ce même enduit (M). Enfin, les deux bâtiments dont les charpentes seront parfois reprises se verront couverts en ardoise d'Angers dès la fin du XIX°s.
Nous avons là le même volume usuel que pour la construction ( C) précédemment étudiée.
Pour illustrer la figure (E) des plans de référence, soit les bâtiments de l'exploitation dite celtique, la plus évoluée, nous choisirons la ferme dite « des petites vallées », domaine du château de Saint Eman proche d'Illiers, propriété familiale dès 1942. Les terres exploitées représentaient alors une superficie de 5ha environ mais en avaient compté davantage avant la guerre de 1914/1918. Cette réduction de surface s'était faite au détriment des fermes environnantes.
Proches d'une petite rivière affluent du Loir, (A) les bâtiments sont à base de torchis mais aménagés de portes et de fenêtres au début du XX°s. La porte (B) donne sur une pièce commune ( C) comportant foyer et évier ainsi qu'un lit clos. Cette pièce débouche sur deux chambres indépendantes (D,E) dont l'une aménagée au détriment de l'étable (F) de bonne taille. L'accès au hameau voisin, les Daufrais, se fait en franchissant le ruisseau sur un pont de rondins (G). L'extrémité de la ferme est occupée par un hangar (H) et l'ensemble des couvertures était initialement en chaume.
Le hameau
Le hameau est le premier agglomérat à naître au sein d'une implantation rurale disséminée. A l'origine, la mise en culture permet d'augmenter les surfaces affectées aux céréales et cette manne alimentaire assure le développement démographique. La multiplication des foyers se fait d'abord dans le cadre familial. Chaque enfant parvenu à l'âge adulte se sépare des aînés, se loge dans un foyer distinct et cultive pour son propre compte. Seule l'infrastructure reste familiale et c'est le prestige patriarcal qui assure cohésion et discipline minimum. Mais les liens familiaux vont se distendre avec le temps et cinq à six générations écoulées, l'articulation du hameau a tendance à se scinder en diverses parcelles rayonnantes avec, pour chacune, façade sur cour et le revers tourné côté verger, jardins et pâturages. Dans ces conditions, chacun essaie d'aménager son propre chemin d'accès vers les champs après avoir, si possible, remembré ses terres. Les propriétés sont maintenant distinctes, seuls les puits et les fours à pain restent liés à plusieurs familles.
Le hameau typique représenté sur le dessin est desservi par un chemin reliant deux paroisses (A) et une voie semi-privée reliant deux hameaux (B). L'ensemble des dessertes liées aux hameaux restant essentiellement privées. Les surfaces exploitées, pâturages et labours, sont de 30 à 35 hectares environ et les surfaces boisées de 25 hectares. L'ensemble est diversement partagé. L'unité de propriété qui est de 4 à 6 hectares par famille, en implantation isolée, ne peut se maintenir au gré des successions. Parmi les sept foyers que compte le hameau, certains seront maintenus en condition précaire, tandis que d'autres bénéficieront d'une bonne gestion. Les premiers continueront de travailler le sol à l'aide de moyens archaïques (première génération) les autres vont acquérir une paire de bœufs, une charrue et une charrette attelée: c'est l'exploitation de seconde génération. Cependant l'articulation du hameau et les capacités et moyens mis en œuvre limiteront le processus.
Sur notre croquis, seules les exploitations 4 et 5 se sont ainsi développées. Les bœufs et la charrue leur ont permis de labourer quatre à cinq hectares chacune et les excédents de grains produits sont une réserve alimentaire et un moyen de négoce pour se procurer des objets manufacturés par les artisans du bourg. Ce sont généralement ces réserves alimentaires qui permettent aux familles les plus aisées d'avoir main mise sur les bonnes terres des plus démunis. Cette évolution engendre une décantation sociale, minorité riche sur exploitation céréalière (40% des terres), majorité pastorale pauvre sur les autres surfaces, mais cette dernière catégorie arrive très vite à un état de dépendance à l'égard des nantis.