SAINT-BENOIT-SUR-LOIRE

L'histoire de l'abbatiale de Saint Benoît est sujette à controverses. L'étude de l'ouvrage fut longtemps soumis à l'imaginaire, verrou de l'An Mille, soutenu par de nombreux historiens républicains, tel Michelet et basée sur la misère et les grandes frayeurs de l'époque, cependant, aujourd'hui, nous savons que les relations de ces phénomènes ne remontent pas au-delà du XV°s

Le premier lieu de culte fut fondé sous Clovis II par Léodebold, abbé de Saint Aignan d'Orléans et cette première abbatiale était sans doute très modeste. Nous pouvons imaginer que le gauchissement du transept oriental serait dû à une petite basilique à trois nefs, longue de 32m et large de 16m. Mais une date du VII°s. est peu probable et nous proposerons l'hypothèse basse plus convaincante.

Peu de temps après la fondation, l'abbaye qui porte toujours le nom du village de Fleury sur Loire, envoie l'un des siens, Saint Aigulfe, en Italie pour recueillir les reliques de Saint Benoît abandonnées dans son monastère après le sac des Lombards, en 580. Les moines de Fleury après réflexion et prières trouvent dans les ruines du mont Cassin les reliques de leur saint Patron et les ramènent sur les bords de la Loire un certain 11 juillet que nous pouvons situer au début du VII°s.

L'arrivée de ces reliques illustres dans la petite communauté rurale de Fleury a, sans aucun doute, amené de nombreux pèlerins et peut être nécessité la construction d'une nouvelle abbatiale mais le contexte technologique du Mérovingien ne prêtait guère aux grands programmes et c'est quelques décennies plus tard, au Carolingien, que le rôle de l'abbaye va s'accroître considérablement. C'est Théodulphe, évêque d'Orléans et familier de Charlemagne qui va obtenir pour la communauté l'éducation des enfants des Leudes. Combien seront-ils? Plusieurs centaines à n'en pas douter avec naturellement le devoir d'assister aux offices et pour cela il faut une vaste abbatiale dont nous proposons le volume sur le plan (1). Les moines vont également construire une grande hostellerie et développer leur bibliothèque.

L'abbatiale est une structure légère avec bas côtés et niveau de fenêtres hautes couvert sur charpente, un transept débordant la coupe aux trois quarts est et le croisillon sud ouvre directement sur une petite crypte où furent sans doute déposées les reliques de Saint Benoît, dès leur arrivée. L'abside semble établie au delà de deux travées et nous pouvons supposer que la partie droite du chevet reprenait l'élévation de la nef ce qui fut peut être l'origine française du plan dit bénédictin qui va se répandre très tôt, dès le XI°s. en Normandie puis en Grande Bretagne.

Dans la nuit du 30 juillet 1026, un terrible incendie ravage l'abbaye. Parties d'un petit édifice annexe, les flammes gagnent les charpentes de la grande abbatiale qui sera totalement détruite. Le chroniqueur du temps est éloquent,; il nous dit que « le vaste édifice s'écroula sur lui même dans le brasier et sembla s'engloutir dans les flammes tourbillonnantes au dessus des ruines calcinées« . Seuls l'abside orientale voûtée et le premier niveau du puissant narthex occidental, récemment édifiés par l'abbé Gauzlin ont résisté. Sur cet ouvrage les deux escaliers à vis menant à l'étage supérieur et qui donnaient sur les bas côtés de la grande église sont toujours en place. Les murs de la petite crypte latérale subsistent également et celle ci sera reprise et voûtée.

Il faut reconstruire mais avec des voûtes de pierre à l'image de Cluny II récemment achevé. C'est un ouvrage considérable et les moines subissent les convoitises des barons locaux pour leur vastes possessions territoriales acquises au Carolingien. C'est dans ce contexte qu'ils vont reconstruire rapidement la petite basilique à trois nefs précédemment traitée; elle sera établie sur un axe oblique et, 3 ou 4 années devaient suffire à sa réalisation. Côté est, elle est toujours clôturée par l'abside carolingienne restaurée.

Les pèlerins reviennent et l'abbé Gauzlin, comme ses successeurs, imagine un vaste programme. Les travaux commencent par 1' édification d'une crypte avec déambulatoire et quatre chapelles rayonnantes selon le programme récemment réalisé à l'abbaye de Saint Aignan d'Orléans. C'est un superbe ouvrage mais les travaux traînent en longueur. Achèvement avant 1035. Au niveau supérieur, seulement deux chapelles rayonnantes sont réalisées. Pour répondre aux demandes des pèlerins, elles seront, ainsi que la nouvelle abside provisoirement raccordées à la petite basilique à l'aide d'un premier transept. Nous sommes alors en 1045 et cette réalisation sera rapidement mise en cause. Les voûtes du déambulatoire, sans doute coiffées d'un berceau annuaire comme à Tournus, seront remplacées par des voûtes d'arêtes régulièrement rayonnantes toujours en place. Le petit transept sera repris avec deux chapelles orientées. Nous sommes alors en 1070 et le plan numéro 2 résume la situation. Entre temps, le vaste narthex occidental a reçu son deuxième niveau.

La communauté monastique s'est accrue. Les moines demandent un chevet profond avec des stalles isolées du cheminement des pèlerins, ce sera la raison d'être de la partie droite du chevet, longue de six travées et voûtée en berceau plein cintre. Les travaux s'accélèrent. L'ouvrage est achevé avant 1090. Commence alors la construction du second transept avec quatre chapelles orientées et le puissant clocher dominant la croisée. Cette partie orientale sera consacrée en 1107 en présence du futur roi, Louis VI.

Mais que devient l'espace situé entre l'ouvrage roman achevé et le narthex de Gauzlin? L'hypothèse la plus logique est la suivante : vers 1140/1150, la grande nef carolingienne est partiellement relevée dans son état ancien. Cette nef disparaîtra pour laisser place à l'ouvrage que nous voyons aujourd'hui daté probablement de 1175/1200, soit quelques années après la nef de Pontigny. La dédicace finale interviendra le 26 octobre 1218.


SAINT BENOIT SUR LOIRE

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Fig. 1 - Petit édifice désaxé (A). Petite crypte latérale (B). Grande abbatiale carolingienne détruite en 1029 ( C). Narthex de l'abbé Gauzlin 1020/1040 (D). Projet de reconstruction d'un chevet à 4 chapelles rayonnantes comme à Saint Aignan d'Orléans (E).

Fig. 2- Edification d'une grande crypte pour un nouveau chevet (F) (retard dans les travaux). Chevet provisoire avec deux chapelles rayonnantes et déambulatoire (G) ouvrant sur un petit transept (H) lui même relié à la basilique primitive (J). Vers 1070 la situation de l'abbaye s'améliore et la reprise du plan carolingien est au programme (K).

Fig. 3- Le chevet est repris avec voûtes d'arêtes et doubleau sur le déambulatoire (L). Abside avec couronne de fenêtres (M) et cul de four prolongé d'une partie droite (N). L'ensemble est entièrement voûté ainsi que le petit transept qui reçoit deux chapelles orientées (P). Suit une partie droite (Q) voûtée et flanquée de bas côtés ( R) . Enfin le 2eme transept (S) avec 4 chapelles orientées (T) qui marque la fin de l'œuvre romane. Sans doute une .nef légère relie cette nouvelle œuvre au narthex (U). C'est elle qui laissera place à la nef actuelle fin XII°(V).