CHAPAIZE ET LA HAUTE ÉPOQUE

Dès le Bas Empire, dès 500, les petites communautés chrétiennes vont concevoir une basili­que selon leurs besoins et ses formes et caractères traverseront les cinq siècles sombres qui précé­deront la Renaissance romane. Les proportions sont modestes : le volume interne des trois vais­seaux s'inscrit généralement dans un carré dont les valeurs, hauteur : largeur, voisinent les 10 m. L'édifice est couvert sur charpente et sa structure est légère. Les élévations sont portées sur des colonnes monalithiques de récupération mais la pénurie venant, elles seront remplacées par des tambours multiples puis par des piles rondes appareillées, mais les diamètres resteront faibles, toujours inférieurs à l'épaisseur du mur qui se situe généralement autour de 3 pieds (90 cm). Celm donne un diamètre de support supérieur à 2 pieds (70/75 cm environ) la différence étant rattrapée par une pièce de transformation généralement monolithique, le chapiteau.

Ce type d'édifice très fragile a pratiquement disparu mais son empreinte reste évidente. Les rares exemplaires conservés vont de la cathédrale de Grado, en Vénétie, vers 500 à l'église de Gassicourt près de Mantes, 1100-1300. Naturellement ce type d'édifice a existé en Bourgo­gne comme partout ailleurs en Occident, mais nous n'en n'avons conservé aucun. Le parti est attesté par la restitution que l'on peut faire de Cluny I et par les piles graciles que l'on retrouve dans les nefs de Farges et Gigny.

Sous des formes diverses, généralement dues à la nature des matériaux et à l'appareillage utilisé, tous ces édifices respectent l'esprit basilical. C'est la dégénérécence d'un procédé et la rupture qui va préparer la génération romane sera marquée par la modification des piles. Elles vont grossir, pour assumer l'augmentation de la charge mais aussi pour assurer au niveau des tail­loirs, la surface nécessaire aux doubleaux ainsi qu'à la retombée des voûtes. Enfin la composition est aussi conditionnée par la pénurie de grosses pierres susceptibles d'assurer une pareille transfor­mation.

En bourgogne, le parti des grosses piles rondes est bien implanté et sa consécration se trouve à l'abbatiale St Philibert de Tournus mais les datations du procédé furent longyemps incertaines et contreversées. Sous le poids de la chronologie dite De de France, ces édifices étaient attribués à la première moitié du Xlème S. et le jugement semblait sans appel, pourtant la genèse du pro­cédé devait logiquement se situer sur la deuxième moitié du Xème S.

La première faille dans ce système de datation est apparu très récemment et notamment au sujet de l'église de Chapaize. Vers 1950 cet édifice est considéré comme une réplique de Tournus donc postérieur et réalise vers 1030-1060. Mais de 1970 à 1980, elle est débarrassée de son enduit interne, l'appareillage devient visible et bon nombre d'observations sont alors possibles. Après un relevé rigoureux fait en 1970, et un voyage de confirmation sur le site réalisé en 1981, je trouve confirmation de mes hypothèses. C'est un édifice complexe, plusieurs fois repris et conforté dont les différentes campagnes doivent s'étaler sur plus d'un siècle. En soumettant les divers phases d'améragement au contexte bourguignon, nous pouvons imaginer la période 960/ 1080 et la première œuvre avec nef voûtées et grand clocher doit dater des années 960/990/ Ainsi, lorsqu'en 1980 les restaurateurs de l'église annoncent la date de l'an 1000 et voient en elle la plus ancienne église de Bourgogne, voire de France, ils ne sont pas très loin de la vérité.


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Narthex de Tournus                     Nef de Chapaize

L'opposition Chapaize, niveau haut du narthex de Tournus, montre au-delà des détails de traitement une similitude de rapports donc de programme. Sans aucun doute le constructeur de l'un a vu l'autre et s'en est inspiré. Mais quel est l'édifice le plus ancien ? Le narthex de Tournus semble bien connu, il est daté de l'an 1000. La nef de Chapaize est donc postérieure, 1020/1040, hypothèse basse ou bien antérieure, 960/980, hypothèse haute. La chronologie des procédés, l'archaïsme dans la mise en œuvre et les interventions que cela a nécessités militent pour la période haute 960/980. C'est celle que nous choisirons en proposant l'articulation suivante.

En 980/990, l'édifice est achevé avec une voûte en berceaux et une couverture sur extrados, coupe A Le clocher vient d'être construit sur quatre piles plus grosses mais les désaxements nombreux semblent indiquer l'existence d'une nef antérieure dont on a probablement conservé l'abside. Dans la première moitié du XIe s. 1040/1080, les voûtes sont reprises en berceau brisé. A la fin de cette campagne on installe des contreforts hauts et bas ainsi que les puissants murs de soutien qui confortent le clocher C. Enfin, c'est l'abside actuelle 1070.1090.


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L'église de Chapaize

L'église de Chapaize l'une des plus anciennes de Bourgogne illustre bien la démarche archaïque, empirique, incertaine et de surcroît gênée dans sa mise en place par un contexte antérieur. Cette nef à sept travées est régulière dans ses alignements longitudinaux mais pas dans ses perpendiculaires; cela témoigne d'un programme réalisé dans un volume existant où la position relative des colonnes et des fenêtres n'avait aucune importance. Le constructeur qui doit progresser campagne après campagne sur ces fondations se trouve conditionné par elles d'où le gauchissement considérable des voûtes des bas côtés.
Les piles de la nef, A, sont courtes et puissantes,1,50 m de diamètre sur 2,60 de haut,tandis que celles portant le clocher sont plus fortes, 1,75 de diamètre, ce qui prouve qu'il était inclus dans la première campagne. Le volume des voûtes des bas côtés est très irrégulier. Elles furent probablement réalisées sur des formes en bois très sommaires ajustées à la terre glaise et isolées avec un lit de feuilles mortes. Les doubleaux C comportent des briques romaines récupérées tandis que de la terre cuite pilée figure dans les maçonneries brutes. Les contreforts D sont postérieurs et sans aucun rapport avec les travées internes. A la deuxième travée, E, ils restituent une perpendiculaire externe qui avait été négligée à l'intérieur (première campagne) Même chose pour les murs de soutènement venus conforter le clocher. Enfin absides et absidioles qui ne sont pas de la première campagne clôturent ces travaux de reprise (fin du Xle s.) Les archivoltes sont de deux sections différentes F.


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Chapaize - chevet, vue d'ensemble av. restauration


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Chapaize - nef, élévation sud avant restauration


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Chapaize - partie orientale av. restauration


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Chapaize - nef, vue d'ensemble après restauration


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Chapaize - partie orientale après restauration


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Chapaize - le clocher face occidentale


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Chapaize - façade


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Chapaize - nef, élévation sud après restauration


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Chapaize - voûtes du bas côté sud, briques romaines dans les doubleaux


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Chapaize - bas côté sud, vue d'ensemble


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Chapaize - grosse pile et appareillage de transition


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Chapaize - nef, grosses piles élévation sud