BRANCION

L'église de Brancion est un édifice mal compris. Les fresques récemment découvertes sur le mur nord ont incité certains analystes à le dater de la fin du Xlle s. début XHIe. Cette méthode qui consiste à juger les murs en fonction des papiers peints est puérile pour ne pas dire ridicule. De par ses caractères architectoniques, cet édifice se place dans la période de recherches incertaines qui va de Cluny II à Cluny III; mais c'est une période large qui s'étend de 980 à 1080 et la confrontation avec le contexte provincial doit nous permettre de préciser davantage.

Le site et sa condition générale

Brancion se trouve sur un éperon rocheux situé à proximité d'un petit col qui sépare les monts du Maçonnais de la montagne de Vannière. Ce col est franchi par une voie qui relie le bassin de la Grosne à celui de la Saône. C'est un itinéraire médiéval qui part de la région de Cormatin, joint Chapaize, franchit le col de Brancion à 354 m et s'en va rejoindre Tournus. AujoudTiui, cet itinéraire se trouve doublé par une voie plus rationnelle, la D 215,qui va de St Gengoux le National à Tournus, en franchissant la montagne Vannière par une longue rampe oblique et un sommet à 407 m. Mais avec ses tronçons droits et ses ruptures d'alignements hors agglomérations, cette voie a les caractères d'une route de poste et date des XVIIe et XVIIIe s. Le véritable itinéraire historique passe aux pieds du site de Brancion et se déploie ensuite en deux faisceaux desservant le bassin de la Grosne à l'ouest et la région de Tournus à l'est. Pour qui pratique à la fois la géographie historique et l'archéologie du paysage, ce sont des signes qui ne trompent pas. Nous avons là un lieu potentiel assurément chargé d'histoire.

Cette rapide approche géographique et économique nous permet d'aborder le site de Brancion de deux manières. Nous pouvons le juger selon les témoignages immédiatement exploi­tables et voir en lui une fixation médiévale ou bien alors admettre que sa situation dans le contexte n'a pas changé depuis 25 siècles et qu'il devait être un point de repli déjà exploité dès le Bas Empire et même, pourquoi pas, une citadelle de la Tène dominant la petite plaine formée par la haute vallée du Grison. Bien entendu nous n'avons pas les moyens d'affirmer mais il faut se garder des « certitudes » prudentes et confortables établies selon l'évidence. Ainsi accorderons nous à Brancion un préjugé favorable au moins jusqu'à l'époque du Bas Empire.

L'église - Les parties orientales

Le plan de Brancion est très homogène et rien ne permet d'imaginer plusieurs campagnes successives. Tout au plus peut-on voir, d'est en ouest, quelques modifications dans l'esprit du traitement mais pas de « rupture » dans les options fondamentales. A l'est, l'abside, légè­rement outrepassée (0,80 m) est prolongée d'une partie droite, sa largeur est de 4,80 m. Ce sanctuaire et les deux absidioles qui le flanquent sont sanctionnés par un transept d'une enver­gure correspondante, 12,60 m,mais très étroit, 3,20 m environ. La croisée est donc rectan­gulaire : 4,80 x 3,20 m et pour retrouver un plan carré à la base de la tour, le constructeur a du établir deux arcs sur encorbellement. Enfin, et par prudence, les arcs menant au croisillon sont de petites ouvertures légèrement désaxées vers l'est.

Tout cela semble témoigner d'une démarche archaïque et nous serions tentés d'attribuer à l'édifice une datation haute : 980/1020, mais la très rationnelle composition en élévation nous invite à révision et nous choisirons une date plus basse, 1040/1060.


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Le plan de Brancion est régulier et relativement homogène- L'abside avec partie droite (A) flanquée de deux absidioles (B) donne sur un transept étroit (C), le plan de la croisée est donc rectangulaire (D). Il faut deux arcs sur claveaux (E) pour retrouver le plan carré de la tour. C'est une composition empreinte d'archaïsme. A l'ouest se développe une nef à trois vaisseaux et cinq travées (F) avec piles en croix (G) et bas côtés étroits (H) Le dessin des piles change sur les travées occidentales (J). En éïévationjes archivoltes sont en arcs brisés (K) tandis que le vaisseau principal est voûté d'un berceau lui aussi brisé avec arcs doubleaux très caractérisés (L) En coupe, ce berceau est contrebute par les demi-berceaux établis sur les bas côtés. L'ensemble est réalisé en moyen appareil ce qui accentue le caractère archaïque d'un édifice par ailleurs fort bien conçu et de facture soignée. Ainsi, sur la fourchette admise de 980/1080, choisirons nous la période finale 1050/1080.





La nef

Pour illustrer la démarche qui nous permet d'exclure radicalement l'hypothèse XIIe s., c'est-à-dire postérieure à Cluny III, nous mettrons en parallèle le chevet de Brancion et celui de Varenne l'Arconce; dans ce dernier, les piles sont cantonnées de colonnes engagées, la croisée est de plan carré et ses supports ne se distinguent pas de ceux de la nef.

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Au delà des parties orientales, la nef à trois vaisseaux et cinq travées retrouve les caractères de puissance et d'archaïsme propres à la haute époque. La largeur totale interne est de 10m. et le vaisseau central fait 4,80 m tandis que sans colonne engagée, comme à Uchisy et selon l'école de Cluny II. Dans les travées occidentales, la structure externe de la pile ainsi que le doubleau du bas-côté disparaissent mais c'est une partie qui semble avoir été restaurée au Xlle ou au XlIIe s.
Le grand berceau avec doubleau est de section brisée, comme pour les archivoltes. Par contre, les doubleaux des bas côtés sont en plein cintre tandis que leurs voûtes sont formées de demi-berceaux de contrevoûtement. Les tailloirs qui portent les grands doubleaux ainsi que le pied de voûte sont placés très bas, à 80 cm au dessus du sommet des archivoltes; c'est le caractère prudent que l'on retrouve constamment à la basse époque. Nous dirons une fois encore que les impressions sont contradictoires mais la synthèse finale nous porte vers une datation basse, 1060/1080, ce qui nous donne pour l'ensemble de l'édifice 1050/1080 environ.
La faible envergure des croisillons qui s'alignent sur les absidioles ainsi que la largeur de la nef en retrait par rapport à cet ensemble oriental pourraient être dues au respect d'une ancienne nef basilicale. L'ancienneté du site conforterait cette hypothèse mais ces arguments sont minces et il faudrait réaliser une fouille perpendiculaire aux bas côtés pour la confirmer ou l'infirmer.