LA CATHEDRALE SAINT-LAZARE-D'AUTUN

Le chantier d'Autun s'ouvre en 1120/1121, à l'époque même où les travaux reprennent à Cluny III. Le Maître d'œuvre du chapitre va reprendre ce parti magistral mais sur un plan très « bénédictin » inspiré des grandes abbatiales Anglo-Normandes qui se multiplient depuis un siècle sur les terres septentrionales soumises au Duc de Normandie. Après l'abside en hémi­cycle régulier flanquée de deux absidioles, nous trouvons deux travées droites dont l'implantation correspond à celle de la nef; ensuite le vaisseau est coupé par un transept avec croisillons saillants puis vient une longue nef à trois vaisseaux de sept travées. Sur ce plan nous pourrions fort bien trouver un édifice traité à la manière de Saint Nicolas de Caen, mais l'influence Clunisienne est prépondérante en Bourgogne au début du Xlle s. et le parti choisi dans l'élévation sera celui de Paray le Monial dont la nef vient sans doute de s'achever au contact de l'ancien narthex.

Mais s'inspirer d'un modèle illustre ne suffit pas. Il faut aussi et surtout le comprendre et le Maître d'œuvre de St-Lazare a échoué dans sa démarche. Pourtant les deux élévations comparées montrent l'étonnante similitude dans les formes et fort peu d'écart dans les rapports. Le premier niveau, celui des bas côtés, fait 12,30 m à Paray le Monial et seulement 12 m à Autun. Par contre, la différence s'accentue avec les 2e et 3e niveaux qui font 5,50 m à Paray et 6,20 m à St-Lazare. Ce volume d'épaulement dont la fonction peut être primordiale en cas de rupture fait 1,60 m d'épaisseur à Paray contre seulement 1,35 m à St-Lazare. Ainsi ces deux modifi­cations sont nettement défavorables à la cathédrale d'Autun. Enfin, la portée des voûtes qui est de 7,60 m à Paray passe à 9,60 m à Autun.

Dans ses trois options le bâtisseur d'Autun a fait le mauvais choix. La convergence des rapports lui fait perdre sur l'inertie du volume de base et pourtant la voûte plus large en deman­derait davantage. Cette brève analyse n'aborde pas toutes les raisons de l'échec, mais elle montre à l'évidence que les successeurs du Maître de Cluny méconnaissent son raisonnement, négligent sa rigueur. Les réalités allaient bien vite leur rappeler que la technique ne se laisse pas apprivoiser par les formes.

L'observation de l'édifice nous montre clairement la nature du mal. C'est celui que nous avons imaginé pour la nef de Cluny III et c'est aussi celui de Vézelay, mais les points d'applica­tion différent quelque peu. A St-Lazare la rupture haute se fait au point d'accrochage de la voûte, au premier tiers, soit 2,50 m au dessus du tailloir et la rupture basse se fait au sommet de la pile du bas-côté, 1 m au dessus du tailloir. Ici les structures perpendiculaires ont maintenu l'homo­généité de l'élévation au niveau du triforium mais la rupture s'est faite plus bas, au premier point faible, au niveau où le grand appareil des piles devient prépondérant. Enfin cette rupture basse s'est répercutée dans le bas-côté externe.

Le mal était sérieux; pas question cette fois de placer des arcs-boutants sur les structures des bas-côtés comme pratiqué à Cluny III. Il faut aller chercher un point d'appui extérieur à l'édifice en établissant une puissante culée sur des fondations nouvelles. Ces arcs-boutants d'Autun sont donnés du début du XIIIe s. et ils en ont la facture ; ceux de l'élévation Nord sont englobés dans les chapelles latérales ajoutées au XIV et XVe s. et mal visibles. Au Sud, par contre, sur les travées occidentales on peut bien juger de leur importance, mais là ce sont les restaurations « énergiques » des architectes diocésains du XIXe s. qui ont fait disparaître bien des détails qui auraient été précieux à observer.

Les ruptures de maçonnerie qui ont engagé le processus se sont produites au point d'accro­chage de la voûte, phénomène naturel mais aussi au sommet des piles ce qui est inaccoutumé. Pourtant cas travées des bas côtés sont bien dessinées et constituent une excellente illustration du traitement cloisonné, mais elles ont reçu une contrainte exagérée due au bras de levier que formait l'élévation et le décollement s'est fait dans le grand appareil, au sommet de la voûte. Ainsi les structures de cloisonnement qui constituent un progrès quand elles sont domestiquées selon leurs moyens, peuvent se révéler contre-indiquées en certaines conditions. Ici le grand appareil dont les qualités sont inégalées en compression se trouve soumis au cisaillement et le blocage eût mieux fait l'affaire. Mais l'essentiel était de bien traiter les parties hautes par qui le mal est arrivé.


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La cathédrale Saint Lazare d'Autun

Si il y eut vraiment un plan bénédictin voulu et imposé par l'ordre, le dessin de Saint Lazare d'Autun en constitue un exemple rigoureux. C'est très précisément le développement au sol des grandes abbatiales anglo-normandes qui se multiplient en France et en Angleterre de 1070 à 1130, mais nous sommes en Bourgogne et le traitement en élévation sera typiquement clunisien.
Le plan est homogène et l'édifice pourtant imposant semble avoir été réalisé sur une seule campagne très courte de 1120 à 1140. Ajoutons à cela que le traitement est soigné, le grand appareil abondant et nous aurons la conviction que le Maître d'œuvre a disposé d'énormes moyens.sans doute dispropor-tionnésavec le potentiel économique de la cité. Malheureusement, ces moyens seront mis à la disposition d'un bâtisseur sans grand talent. La méconnaissance des règles fondamentales établies par le Maître de Cluny et l'abus inconsidéré du grand appareillage vont condamner les parties hautes. Il faudra reprendre le sanctuaire à l'époque gothique et conforter la nef avec de puissants arcs-boutants dès le XIIIe pour qu'elle parvienne jusqu'à nous.


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Autun - St. Lazare, tympan du portail


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Autun: St. Lazare détail du tympan


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Autun: St. Lazare détail du tympan


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Autun: cathédrale St. Lazare, croisée


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Autun: St. Lazare, partie basse du chevet


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Autun: cathédrale St Lazare les grandes voûtes


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Autun: St. Lazare, archivoltes de la nef


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Autun: le théâtre romain


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Autun: le théâtre romain


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Autun: porte d'Arroux


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Autun: porte d'Arroux


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Autun: porte d'Arroux


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Autun: Porte St. André


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Autun: temple de Janus


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Autun: temple de Janus, détail


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Autun: temple de Janus, détail