SAINT-ETIENNE-DE-NEVERS

L'église St. Etienne de Nevers est homogène, régulière et de bonne facture. Elle semble avoir été réalisée d'une seule campagne et sans les contraintes dues à un édifice antérieur mais sa conception ne doit rien au phénomène clunisien et semble même étrangère au courant qui se développe alors en Bourgogne. Son chevet à grand développement avec trois chapelles est très irrationnel dans son implantation et les voûtes du déambulatoire seront gauchies et sans doubleau. Par contre, le niveau du triforium est convenablement établi tandis qu'une couronne de fenêtres hautes éclaire le sanctuaire. Ces caractères sont en contradiction avec l'esprit qui règne en Auvergne et la filiation semble venir du Val de Loire. Le chevet de Meung sur Loire est de même facture. Pour cette partie de l'édifice nous donnerons donc l'extrême fin du Xlème S. soit 1080/1095. Ce chevet est lié directement au transept, sans partie droite, ce qui nous éloigne encore de l'esprit auvergnat bien que le traitement des volumes puisse prêter à certains rappro­chements d'ordre architectural avec la famille de N.D. du Port.

Le transept est à cinq travées avec croisillons débordant et chapelles orientées, la croisée est régulière dans son dessin, les piles qui la supportent sont désaxées vers l'intérieur pour donner une meilleure stabilité sur les axes perpendiculaires. C'est un traitement judicieux et exceptionnel.

La nef comporte trois vaisseaux et six travées, les bas côtés sont de plan pratiquement carré ce qui convient parfaitement à la voûte d'arête installée tandis que les secteurs délimités par les doubleaux de la grande nef sont voisins de 1 sur 2. Remarquons enfin que les tribunes accessibles n'étaient sans doute pas prévues à l'origine puisque leurs escaliers d'accès se trouvent inclus dans le mur occidental édifié en dernier.

En élévation cette nef comporte tribunes avec voûtes en demi-berceaux de contrebutement et des arcs de décharge très caractérisés placés en additif à l'extérieur. Là encore tout semble indiquer la manière auvergnate mais si les procédés sont présents, l'esprit est tout autre. Les piles du premier niveau sont plus courtes et comportent une archivolte tandis que l'étage et les tribu­nes ouvrent sur la nef par de grandes baies qui font naturellement penser au parti des églises de pèlerinage. En résumé, tout se présente comme si nous avions une nef de la lignée de Saint Martin de Tours avec les aménagements qui vont marquer la composition à la fin du Xlème S. Seule différence notable, St. Etienne de Nevers comporte un niveau de fenêtres hautes ce qui n'est pas le cas sur les églises de pèlerinage. Enfin, nous retrouvons sur les bas côtés de l'église de St Etienne le décalage des tailloirs des doubleaux par rapport à ceux des archivoltes et cette fois c'est bien un procédé bourguignon que l'on doit au parti des voûtes d'arêtes.

La clé de cette composition se trouve naturellement à la croisée. Comme tous les construc­teurs romans ayant placé leur chevet à trois niveaux directement sur le transept, le constructeur de St Etienne va se trouver confronté au problème d'alignement sur la croisée. Si les quatre arcs s'établissent au même niveau, ils ne peuvent s'aligner que sur celui du chevet et la hauteur ainsi obtenue paraît généralement trop modeste pour une nef alors cette dernière est conçue d'une toute autre manière avec des bas côtés plus hauts ou avec une composition à quatre niveaux, c'est le choix que fera le constructeur de Saint Etienne. Dans ces conditions, les croisillons doivent trouver leur propre niveau et s'installent généralement à mi-hauteur, la tour de croisée assurant la liaison entre les combles disparâtres.

Ce problème touche toutes les compositions d'importance du Val de Loire et de l'Ouest sur la période de genèse du voûtement qui va de 1050 à 1110/1120. Les deux constructeurs qui vont les premiers s'imposer des croisées régulières seront le Maître de Cluny, vers 1090, et celui de St Sernin de Toulouse, 1080/1085 mais la formule ne se répandra que difficilement. De 1080 à 1130, les constructeurs de Val de Loire se perdent dans des compositions hybrides avec parfois des parties droites inavouées, comme à N.D. de la Couture, au Man ou a Fontgom-bault, pourtant, les constructeurs de Normandie avaient montré la voie dès 1060 sur les grandes abbatiales de la première génération. Cette constatation nous prouve, une fois encore, que l'in­formation circulait fort mal dans le monde roman, avant 1120/1130, avant les diffusions clunisiennes et cisterciennes.

A St. Etienne de Nevers, toutes les analyses militent pour une datation haute. La croisée devait être achevée avant la diffusion des compositions de Cluny III et de Paray le Monial et la nef avant la diffusion des procédés nouveaux qui vont se créer sur le parti des voûtes d'arêtes, soit 1110/1120 ce qui nous donne en conclusion une période probable située de 1080 à 1120, datation généralement admise.


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Saint Etienne de Nevers

Le plan de Saint Etienne de Nevers illustre bien le contexte architectonique bourguignon à la fin du XIème S. vers 1080. Le chevet (A) avec déambulatoire et chapelles rayonnantes est vaste et de bonne facture mais la régularité dans le découpage rayonnant fût négligé, ce qui interdit les doubleaux (plan B) et impose un gauchissement des voûtes (C). Le transept est franchement débordant et les croisillons (D-D') reçoivent des chapelles orientées (E) qui s'apparentent à celles du chevet (F). La croisée est régulière et pour assurer la stabilité de la tour, déjà prévue au niveau des fondations, les arcs porteurs sont réduits (G). La nef reprend l'alignement du chevet (H) et les travées des bas-côtés sont proches du carré. Les quatres colonnes engagées qui flanquent la pile prouvent que le voûtement structuré était au programme mais ce ne sont pas encore les structures en croix qui vont s'imposer après Cluny III et Paray le Monial. Les contreforts extérieurs (J) sont Raisonnes par des arcs à la manière Auvergnate. L'ensemble de la nef qui comporte trois vaisseaux et six travées peut être daté de la période 1100/1120.


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Nevers: St Etienne, nef et croisillon


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Nevers: St Etienne, intérieur des tribunes


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Nevers: St. Etienne, les tribunes


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Nevers: St. Etienne, les tribunes, détail.


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Nevers: St. Etienne , vue d'ensemble


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Nevers: St Etienne, nef et abside, vue d'ensemble


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Nevers: St Etienne, intérieur


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Nevers: St Etienne, travée de la nef


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Nevers: St Etienne, nef et abside, vue d'ensemble


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Nevers: St Etienne, la nef


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Nevers: St. Etienne la croisée


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Nevers: St. Etienne, le chevet, vue d'ensemble


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Nevers: St Etienne, le chevet, vue d'ensemble


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Nevers: St Etienne, les chapelles rayonnantes