AUXERRE

Les trois églises du groupe nord se trouvent dans le diocèse d'Auxerre et cette vieille cité avait, dans le premier tiers du Xle s., édifié une cathédrale romane qui a marqué son époque. Elle était entièrement voûtée et le chapitre avait de bonnes raisons pour s'offrir ce luxe.

En 380, la ville est déjà le siège d'un évêché quand nait Germain, fils d'une famille bour­geoise de la ville. C'est le futur Saint Germain (Pauxerrois pour le distinguer de l'Evêque de Paris). Après une brillante activité dans le monde romain déclinant, Germain rentre au pays, il a 35 ans environ. Converti par Saint Amatre,alors Evéque d'Auxerre, il se fera remarquer par sa grande piété et deviendra à son tour Evéque de la cité. Vers 445, il meurt à Ravenne et son corps est ramené dans sa ville où très vite son tombeau devient l'objet de la vénération des fidèles. Vers 500, la reine Clotilde, femme de Clovis, fonde une abbaye hors les murs pour abriter les restes de Saint Germain. Cette première fondation sera reprise par les Bénédictins et connaîtra un essor considérable à l'époque carolingienne.

Les cathédrales qui se sont succédé à Auxerre

Vers 400, pendant la jeunesse de Germain, l'Evêque Amatre abandonne la première cathé­drale constantinienne située hors les murs et se replie dans la cité forte du Bas Empire. Une première église est alors édifiée dans la demeure d'un riche gallo-romain, Reptillius. Progressi­vement transformée au cours des siècles sa situation n'a pas changé depuis.

La cathédrale de Saint Amatre sera détruite par le feu vers 895 sous l'Evêque Hérifrid. De 897 à 909, ce dernier fait rapidement reconstruire un édifice de type basilical à structure légère qui sera de nouveau incendié en 950. Reconstruit par l'évêque Guy un troisième édifice n'aura pas plus de chance et sera à son tour entièrement brûlé en 1023.

Nous sommes alors au début du Xle s. et l'architecture romane voûtée a déjà acquis ses références, ce qui incite Hugues de Chalons, Evéque d'Auxerre à reconstruire son église avec des voûtes de pierre afin qu'elle soit à l'épreuve du feu qui avait si cruellement sévi dans la cité. L'Evêque Hugues semble bien connaître les problèmes rencontrés par cette première architec­ture voûtée. Il décide de construire « solide » et de remplacer le petit appareil"minimis lapillis* communément employé par le moyen appareil "quadris lapidibus" L'édifice commencé vers 1030 sera achevé par Geoffroy de Champallement vers 1065.

Cette cathédrale romane d'Auxerre était entièrement voûtée et nous supposons, avec des voûtes d'arête de plan barlong. A l'Est, le chevet comportait un déambulatoire avec une seule chapelle axiale flanquée de deux tours, à la manière rhénane. Au centre, un transept peu ou pas saillant et enfin à l'Ouest une longue nef à 11 travées avec niveau de fenêtres hautes. L'ensemble mesurait 60m de long soit sensiblement l'importance de Cluny II,62m. avec son narthex.

Un volume égal à celui de Cluny II, onze travées sur 42 ou 44m. représentant un pas de 4m environ, entièrement voûtée avec un niveau de fenêtres hautes, et enfin une élévation avec piles cantonnées qui doit assurer la transition entre la composition d'Uchizy et d'Anzy le Duc, voilà les éléments de restitution que nous proposons pour cette église chef de file.

Les seules travées courtes que nous avons conservées de cette époque sont celles du tran­sept de Saint Rémi de Reims. On peut les considérer en moyen appareil dans la mesure où elles se distinguent des petites pierres plates communément utilisées en Bourgogne au Xe s. D'autre part, c'est dans l'architecture rhénane et mossane que l'on trouve, dès l'an 1000, la notion de colonnes engagées d'abord et de piles cantonnées ensuite. Les piles fortes de la crypte de Strasbourg constituent une bonne référence. Enfin, ces travées basses et puissantes, avec piles cantonnées, devaient se rencontrer dans de nombreux édifices septentrionaux qui disparaîtront sous la génération gothique, puis le parti se retrouvera sous forme achevée dès 1050/1060 dans les abbatiales normandes. Certes tout cela ne peut mener à la certitude mais constitue autant d'éléments pour une hypothèse de travail.

En résumé, la volonté de voûter, comme les Clunisiens, mais en allant chercher inspiration dans la grande architecture ottonienne serait bien dans l'esprit de cette ville d'Auxerre qui se situe géographiquement, et par nature, aux confins des deux domaines. Enfin cette origine composite expliquerait le déploiement de cette famille d'églises bourguignonnes qui fait son entrée dans la province, par l'Ouest sur le revers du croissant, et sans qu'il soit possible d'en trouver la genèse sur place.

Chronologie interne au groupe

Pour ces six églises de Bourgogne avec voûtes d'arêtes, nous n'avons aucune date précise. Les trois situées dans le diocèse d'Auxerre semblent mieux connues mais c'est simplement parce que Vézelay et Saint Lazare d'Avallon, édifices célèbres, ont été davantage traités que les autres. Pour elles trois, la période probable se situe franchement dans leXIIe s. 1120/1150. Par contre, celles situées au sud de la province paraissent plus anciennes. Les caractères sont archaïques et surtout les voûtes sont plus près du volume classique qui doit être mis à la base du mouvement. Pour elles, la plage probable se situe dans le Xle s.,soit 1050/1110.

Enfin, si nous jugeons l'ensemble des six édifices selon des critères purement architecto-niques - dessin des voûtes, des piles et des contreforts-la première de la lignée doit être Anzy le Duc 1060/1070 pour la nef, et la dernière Saint Lazare d'Avallon 1130/1145. Les quatre autres sont à situer sur la période ainsi définie. Un septième édifice doit clôturer la lignée, c'est le narthex de Vézelay 1145/1160.


image4

Fig.3

Vestiges d'habitations — 2 - Atelier monétaire — 3- Amphithéâtre et vestiges d'habitations — 4- Temple d'Apollon — 5- Cimetière du Montartre (Mons Autricus) et basilique Saint-Amatre — 6- Enceinte du bas Empire ~ 7- Cardo (rue Joubert, rue et impasse Maisonfort) — 8- Decumanus (rues de l'Horloge, Philibert-Roux, Lebeuf) — 9- Voie d'Agrippa- 10- Route menant à la Loire— II- Route d'Agedincum et de Paris — 12- Saint-Pelerin — 13- Saint-Pierre-en-Vallée — 14- Saint-Eusèbe - 15- Notre-Dame-la-D'hors - 16- Saint-Germain - 17- Cathédrale Saint-Etienne — 18- Enceinte du XIIe siècle — 19- Sépultures antiques (place des Fontaines) — 20- Praetorium.


image5

Fig.4

Détail montrant la ville médiévale et la situation de la muraille du bas empire (les numéros sont ceux de la figure 3) - 7 - Cardo (rue Joubert, rue et impasse Maisonfort) - 8 - Decumanus (rues de l'Horloge, Philibert-Roux, Lebeuf) - 11 - Route d'Agedincum et de Paris - 12 - Saint-Pelerin - 13 - Saint-Pierre-en-Vallée -14 - Saint-Eusèbe - 15 - Notre-Dame-la-D'hors - 16 - Saint-Germain - 17 - Cathédrale Saint-Etienne -19 - Sépultures antiques (place des Fontaines) - 20 - Praetorium.