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Saint Etienne de Beauvais
L'urbanisation augustéenne de Caesaromagus (Beauvais) fut établie à cheval sur l'itinéraire stratégique menant en droite ligne de Senlis à Dieppe mais le développement du cardo fut gêné par les hauteurs qui bordent le méandre du Therain, au sud. Une fois l'aménagement des Gaules achevé, sept voies rayonnantes partiront de la cité qui occupe un espace proche du carré de 90 à 100 hectares environ. Dès le Bas-Empire, l'essentiel de l'agglomération se replie derrière une puissante muraille quadrangulaire dont il reste d'importants vestiges et la surface ainsi protégée se trouve réduite à sept hectares environ. Les domaines politico-religieux sont regroupés dans un rectangle situé au nord du decumanus tandis que la ville bourgeoise s'établit côté sud. Cette enceinte délimite la cité, mais les artisans qui ont besoin d'espace et d'eau courante demeurent hors les murs. Ils s'installent à l'intérieur du méandre en bordure du Therain, et c'est dans ce faubourg sud que les premières communautés chrétiennes se développent.
L'abbaye Saint-Etienne se situe sur l'un de ces premiers lieux de culte mais les églises qui se succéderont du Bas-Empire à l'an 1000 ne laisseront aucune trace écrite. La première abbatiale dont il est fait mention dans les textes fut celle construite sous l'épiscopat d'Hervé en 997. Nous ignorons tout de cette église mais son sanctuaire devait logiquement se trouver à l'est de la croisée actuelle. C'est l'espace qui fut totalement bouleversé par le grand chevet gothique du début du XVI°, oeuvre que l'on voit aujourd'hui. A l'ouest, les travaux reprennent au début du XII° avec l'édification d'une nouvelle nef toujours en place.
La nef actuelle
La campagne fut probablement menée de 1125 à 1135 et l'ouvrage comporte une nef à trois niveaux flanquée de bas-côtés. A l'origine, les piles étaient à structure en croix avec quatre colonnes engagées sur les axes et quatre colonnettes dans les angles. Les supports longitudinaux portent les archivoltes, celui de l'extérieur reçoit le doubleau délimitant les travées, tandis que les colonnettes sur angle reçoivent les croisées d'ogive de la voûte du bas-côté. Cette dernière est une oeuvre de caractère normand où tous les arcs sont en plein cintre mais le constructeur s'est distingué. Archivoltes et doubleaux sont tous deux surélevés, ce qui permet d'aligner les sommets et d'offrir aux nervures diagonales (les ogives) un profil en arc de cercle régulier. Les maîtres normands qui sont toujours partis du volume classique n'ont jamais réalisé cet aménagement souple d'emploi et satisfaisant. Ceci pour la composition. Dans le traitement, les nervures se croisent sans clé caractérisée tandis que les voûtains, bien que conformes au volume des berceaux en croix, sont en appareillage soigné. C'est une réalisation marquante qui peut être considérée comme la transition entre le parti normand et celui d'Ile de France.
Le niveau médian est garni d'une belle baie géminée dont l'arc de décharge est curieusement "aplati", et le bandeau interfère avec lui. Cet artifice permet de gagner six pieds de hauteur environ et les fenêtres hautes gardent une importance satisfaisante. Il s'agit là, sans doute, d'une astuce destinée à respecter un certain niveau haut fixé par la croisée, elle-même conditionnée par l'ancien chevet. Le vaisseau central était couvert sur charpente et la colonne engagée devait filer jusqu'à l'entrait, comme cela se pratiquait dans les édifices anglo-normands. Nous ignorons qu'elle était la destinée des deux colonnes d'angle situées côté nef. Là, les piles seront surchargées lors des aménagements de la fin du XII°.
Le 27 juin 1180, le quartier Saint Etienne est ravagé par un incendie et l'abbatiale n'est pas épargnée. Nous ignorons l'ampleur des dégâts mais la façade du croisillon nord doit être refaite et la tour lanterne sans doute ruinée sera entièrement reprise. Quel fut le sort du chevet? Nous l'ignorons. Côté nef, la façade occidentale fut détruite ainsi que les travées contiguës. Là, se trouvait peut-être un narthex élevé lors de la campagne menée sous Hervé. La réfection portera sur une travée et des travaux neufs sur le porche occidental daté du début XIII°.
C'est lors de cette campagne que la nef sera voûtée. Pour ce faire, les piles sont surchargées d'une colonne flanquée de deux colonnettes qui filent jusqu'au bandeau limitant le niveau médian. Là, des chapiteaux porteront les voûtes sur croisée d'ogive qui ne toucheront pas aux fenêtres hautes. L'ensemble préservera ainsi son caractère XII°. Au XVI°, l'édifice reçoit le superbe chevet flamboyant que l'on voit aujourd'hui et enfin une tour occidentale maladroitement implantée et fort disgracieuse dans l'ensemble. Les artistes de la Renaissance, plus sculpteurs que bâtisseurs, ont souvent défiguré les édifices du Moyen Age.