Le siècle des Plantagenets


NEUILLAC

Situé à 13 km au sud est de Pons, le village de Neuillac dispose d'une église romane qui a beaucoup souffert. Le centre de l'agglomération est à 400 m d'un petit ruisseau qui se jette dans le Trèfle, un affluent secondaire de la Seugne. Le terroir a de bonnes aptitudes céréalières mais la proximité de la rivière témoigne d'une phase de polyculture dans les périodes sombres. Il est à proximité d'une voie romaine bifurquant de l'itinéraire menant de Saintes à Libourne, une bonne dizaine d'agglomérations d'origine romaines concentrées dans la région ont également bénéficié de ces cheminements historiques, réactivés dès les X° et XI°s. Le terroir disponible couvre environ 1.000 ha avec des distances de la ferme aux champs acceptables et sur la période faste du Moyen Age l'agglomération devait compter 500 à 700 personnes.

Les parties romanes de l'église sont essentiellement du XII°s. et le plan était fidèle au parti primitif rural aménagé avec une abside, une travée clocher et une nef à quatre travées, le tout installé dans un volume unique. Les travaux ont, semble-t-il, commencé avec la belle abside sur hémicycle prolongé. L'extérieur est structuré d'arcatures établies sur piles engagées et flanquées de colonnettes de même nature; ces dernières filent jusqu'à la corniche supérieure. L'ouvrage est éclairé par trois fenêtres et pour éviter les non concordances, il n'y a pas de structures internes. Le cul de four est clôturé par un doubleau de profil brisé, l'ensemble constitue une facture classique de la première moitié du XII°s. et nous pouvons dater ce chevet des années 1120/1140.

Vers 1130, la travée clocher qui fait suite au chevet est implantée dans son prolongement. Le plan légèrement rectangulaire sera amené au carré par des formerets latéraux, ce qui donne des pendentifs réguliers et la coupole en grand appareil est conforme au parti local. A l'extérieur, le premier niveau est flanqué d'arcs en plein cintre tandis qu'au niveau de la coupole nous trouvons, sur trois côtés, trois arcatures également en plein cintre; l'ensemble est aujourd'hui soigneusement restauré. Nous avons là, nous semble-t-il un ouvrage antérieur à 1145, par contre, le clocher qui couronne l'ouvrage est d'une toute autre facture. Les huit baies géminées sont de profil brisé et l'étage est flanqué de huit colonnettes avec chapiteaux soutenant la corniche, ce sont des caractères fin de siècle mais on ne peut exclure une restauration abusive.

La nef dont il subsiste l'élévation sud est d'un traitement soigné. Les murs flanqués de douze piles engagées sont percés de petites fenêtres encadrées de colonnettes; c'est un ouvrage des années 1130/1150 cependant la distribution est irrégulier ère. Après la croisée nous trouvons une tourelle d'escalier ajoutée ultérieurement, suivent deux travées longues puis un raccordement maladroit avec une façade antérieure. Cette dernière comporte un beau portail en plein cintre simplement mouluré et deux arcatures aveugles de même dessin. L'ouvrage doit dater du début du XII°s., vers 1100/1120. A son achèvement, vers 1150/1160, cette nef recevra une voûte sur ses quatre travées probablement en berceau brisé. A la fin du siècle, vers 1180, l'œuvre romane est achevée.

Aujourd'hui l'ouvrage roman achevé fin XII°s. est doublé sur sa face nord d'un large bas côté de facture gothique mais toutes les voûtes d'origine ont disparues. Que s'est-il passé ? Un accident ou un incendie survenu à la fin du Moyen Age a ruiné l'ouvrage et les analyses offrent de nombreuses conclusions possibles; la remarque dominante est le bon état des élévations sud romanes et nord gothiques; l'aplomb des murs est correct et nous ne trouvons pas les traditionnels contreforts de sauvegarde installés sur les ouvrages fragilisés. Il semblerait que la primitive élévation nord se soit affaissée sur elle même et les seules conséquences observées sont des dommages aux deux extrémités pour cause d'effets de fond. Nous allons donc supposer que l'élévation nord du XII°s., grandement affaiblie par les ouvertures donnant accès au nouveau bas côté, n'a pas résisté à un sinistre mineur.

S'il en fut ainsi, le maître d'œuvre chargé de la réparation en urgence a réalisé une nouvelle élévation légère destinée à supporter une couverture sur charpente. Pour faire œuvre esthétique il a équilibré les deux vaisseaux et déplacé ses nouvelles assises vers l'intérieur de la nef primitive de 75cm en respectant le pas de l'ouvrage gothique. Nous avons donc une grande portée côté clocher afin de donner accès à deux petites chapelles accolées sur la face nord négligeant ainsi le pas de l'ouvrage roman sur les deux travées suivantes. Nous sommes alors à la fin du Moyen Age en période trouble et surtout pauvre, ce qui va différer le voutement.

Une autre hypothèse peut sembler également satisfaisante: elle admet que la ruine de l'élévation nord est à l'origine de tous les aménagements gothiques réalisés au XV°s. mais, dans ce cas, pourquoi avoir modifié le pas des travées ?


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(A) Chevet en hémicycle prolongé 1220/1240
(B) Structure externe avec colonnes engagées
(C) Trois fenêtres régulièrement rayonnantes
(D) Doubleau de clôture à simple rouleau
(E) Travée clocher-Début des travaux vers 1130
(F) Doubleau à simple rouleau
(G) Quatre pendentifs réguliers
(H) Coupole d'Angoulême
(J) Clocher (restauration)
(K) Tourelle d'escalier vers 1130
(L) Élévation sud-1130/1150
(M) Raccordement avec la façade antérieure
(N) Partie détruite
(P) Reprise de l'élévation nord -XV°s
(Q) Larmier du XIII°s.
(R) Voûte moderne