Le siècle des Plantagenets


ANGOULEME

Dans la grande boucle qui marque le cours moyen de la Charente, les terres sont riches et, dès le néolithique, les habitats se sont fixés sur les émergences rocheuses nombreuses autour d'Angoulême. Ensuite, avec le développement de l'exploitation céréalière qui marque la période de la Tène, les populations vont se fixer sur leur terroir et déserter leur lieu de refuge implanté lors de la période pastorale. L'éperon rocheux où se trouve aujourd'hui la ville d'Angoulême, le plus important et le plus favorable de la région, a sans doute connu une destinée semblable. Cependant, les commerçants et les artisans travaillant des produits de forte valeur ajoutée et de bonne technologie se maintiendront sur le site de sécurité. Des citernes et sans doute quelques captages côté plateau vont leur assurer une alimentation convenable en eau, d'autre part, quelques puits serviront à la consommation des citadins et seront alors d'usage et d'entretien collectif.

A l'heure de la conquête romaine, le site est jugé sans grande importance et tenu à l'écart du réseau routier provincial qui va s'articuler sur Saintes et Périgueux qui deviendront deux grandes cités ouvertes urbanisées de manière augustéenne. Cependant, le potentiel économique de la boucle de la Charente est important ; il est également trop éloigné des deux autres cités voisines pour être absorbé par elles. Dès le siècle des Antonins, les réalités économiques l'emportent sur le programme et le promontoire d'Angoulême est urbanisé sommairement. La ville devient Esculisma et quelques découvertes archéologiques témoignent de son importance. Cependant ses activités seront toujours gênées par les escarpements qui l'entourent et c'est sans doute à l'époque romaine que deux rampes tangentielles seront aménagées sur le flanc sud. Elles sont toujours exploitées.

Sur les agglomérations gauloises de promontoire l'ordre romain va réaliser un aménagement urbain simple et rationnel. Le programme consiste à ouvrir une voie centrale allant de la pointe du promontoire au resserrement côté plateau, là où elle débouche sur l'environnement rural. Les perpendiculaires reliant l'axe au bord du plateau seront réalisées à la demande, et ce sont les groupements de commerçants, les gros propriétaires et les entrepreneurs avisés qui vont gérer ces aménagements de l'espace urbain. Ces notables deviendront des sénateurs et garderont la haute main sur l'économie urbaine.

Comme dans tous les sites aux abords escarpés, à Esculisma, le développement économique va se porter côté plateau tandis que l'extrémité du promontoire difficilement accessible reçoit les implantations administratives et prend un caractère résidentiel. Au point de convergence des rampes tangentielles et de la voie centrale se trouve le meilleur emplacement pour édifier le forum qui sera aménagé avec le temple majeur de la cité dédié à Jupiter. Après les destructions de 250/275, les premières communautés chrétiennes dont l'évangélisation sera peut être assurée par Saint Martial, se trouvaient côté plateau là où vivaient les petites gens et ce sont eux qui établiront le premier sanctuaire chrétien. Il faut attendre 380/400 pour que l'évêque installe sa cathédrale sur les ruines du temple de Jupiter et la dédie à Saint Pierre.

A l'époque gauloise, la population était faible, environ une centaine de personnes à l'hectare inégalement réparties sur les 35ha de l'agglomération haute. Aux temps gallo romains, vers 200, lors de son développement optimum, la population d'Angoulême s'est considérablement accrue le long de la grande artère centrale, soit 500 personnes à l'hectare mais reste faible sur les bords du plateau: 150 à 200, ce qui fait une moyenne de 300 habitants à l'hectare sur la partie urbanisée et une occupation haute de 7.000 individus.

Les artisans établis sur les rives de la Charente sont plus difficiles à estimer. Nous pouvons cependant les chiffres supérieurs en nombre à ceux de l'occupation haute soit 10.000 personnes en l'an 200. L'agglomération restera modeste, les grands propriétaires ruraux n'étant pas tentés de construire des villas sur le plateau comme ils le feront sur les îlots de l'agglomération ouverte de Périgueux et les transferts de richesse ne se feront pas.


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L'urbanisation gauloise sur les oppidum était essentiellement empirique. Les artisans qui ont préservé la cité vont s'articuler selon leurs besoins mais, dès les premières menaces et trop peu nombreux, ils vont se replier sur la pointe de i'éperon (A) ensuite, cette installation passera aux hommes d'armes et les crêtes (B,C,D) seront mises en défense. Côté plateau (E), l'espace est fermé d'un murus gallicus rustique mais, lors des périodes fastes, les faubourgs ouverts se développeront au delà. Enfin, de nombreuses poternes seront ouvertes dans les défenses de crête (F,G,H). Le cadre gaulois est en place. La Pax Romana déconsidère les sites de défense mais le potentiel économique de certains leur permettra de se maintenir et l'esprit romain intervient. La voie centrale naguère désordonnée est aménagée (J) avec des bretelles au choix des occupants (K,L,M). Puis, pour désenclaver le plateau deux rampes tangentielles (N,P) seront établies au sud, leur aboutissement (Q) offre un espace privilégié. A proximité sera le forum (R) et le temple (S) orientés vers la vallée comme à Chartres (M. Couturier). Cette articulation optimum va traverser les siècles. L'amphithéâtre se trouvait sans doute en (T). Enfin, dès le Bas Empire, la cité retrouve son rôle de refuge et l'espace urbain sera fermé par une défense (U) avec un burgui (V).


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Angoulême occupe une position particulièrement forte mais les difficultés d'approvisionnement en eau interdisent la plus grande part des activités artisanales sur l'acropole, seules les manufacturations finales et les activités commerciales peuvent s'y exercer. Le site sera négligé par l'infrastructure routière romaine qui privilégie Saintes et Périgueux. Cependant, l'agglomération deviendra une cité de moyenne importance, Esculisma. L'accès se fait par une rampe tangentielle (A) et l'urbanisation semble s'articuler sur une voie centrale toujous en place (B, B'). Un temple dédié à Jupiter s'élève sur l'esplanade où débouche la rampe (C). Il est supplanté par la cathédrale dès 400, mais la première communauté chrétienne établie dans le faubourg Saint-Martial (D) est bien antérieure. La ville du Bas-Empire abandonne le plateau et se concentre sur l'éperon. Une trace d'urbanisation ovoïde autour de Saint-André (E) peut être le souvenir d'un réduit centré sur l'amphithéâtre, comme à Périgueux. Une défense (F) qui protège la porte (G) deviendra château comtal. La pointe de l'éperon sera peu exploitée. A toutes les époques, le site s'est doublé d'un faubourg artisanal établi sur les rives de la Charente (H).

LES CATHEDRALES D'ANGOULÊME

Cette première cathédrale sera détruite lors du siège mené par Clovis et l'oeuvre nouvelle commencée dès 508 sera achevée vers 560. Les travaux menés au XIX° siècle mettront au jour la crypte de cet édifice mérovingien; c'était un volume rectangulaire éclairé par de petites fenêtres latérales. Son accès se faisait par deux escaliers venant sans doute des bas côtés d'un édifice basilical.

Cette cathédrale mérovingienne doit souffrir au cours des siècles difficiles qui vont suivre mais sa reconstruction ne se fera qu'après l'incendie de 981 provoqué par une attaque des Normands. Les travaux reprennent peu après et cette troisième cathédrale sera consacrée en 1015 par l'évêque de Bordeaux : Seguin. C'était sans doute un édifice de grande taille et les substructures de ses croisillons furent découvertes au XIX° siècle puis, immédiatement détruites par les travaux d'Abadie. Le programme roman qui va suivre respectera ce volume dans ses dispositions premières ainsi pouvons nous estimer son importance approximative et l'orientation des cathédrales successives; l'emplacement des sanctuaires ne semble pas avoir changé au cours des siècles.

L'OEUVRE ROMANE

L'abbé Girard, professeur de théologie, reçut la charge épiscopale d'Angoulême en 1101 puis la protection du pape, Pascal II, qui en fit son légat pour les provinces de l'ouest au concile de Troyes tenu en 1107. Cette charge lui donna vite un grand prestige qui lui permit de rassembler les moyens nécessaires à la reconstruction dé sa cathédrale. Les travaux commencent vers 1108/1109, et portent d'abord sur les fondements d'une oeuvre de prestige: les bases d'un grand clocher établi à l'extrémité du croisillon nord. Sa position aujourd'hui excentrée nous donne ainsi l'axe du précédent transept, mais le déséquilibre de l'ouvrage contemporain nous suggère qu'il s'agissait primitivement d'un simple porche comme à la cathédrale du Puy. S'il en est ainsi, les travaux vont rapidement être achevés. Parallèlement, une reconstruction complète de la cathédrale est entreprise en commençant par l'ouest.

Cette travée occidentale, la première réalisée, sera partiellement refaite au XIX° siècle par Abadie et nous savons qu'elles différaient des suivantes. Nous pouvons donc imaginer que cette oeuvre nouvelle et très puissante fut établie hors le volume de la cathédrale existante en guise d'avant nef ou de narthex. Les parties hautes étaient accessibles par deux escaliers intégrés dans les piles occidentales. Cette travée était précédée d'une façade à fronton rectangulaire toujours en place au début du XIX° siècle et dont la hauteur dépassait de beaucoup le niveau des murs latéraux. Cet aménagement était peu compatible avec une coupole de mode oriental et nous avons là sans doute l'origine du parti avec couverture sur charpente.

A l'intérieur, le carré formé par les arcs porteurs fait 11 m de côté, ce qui convient pour une coupole de 36 pieds nominale et, là, nous sommes toujours fidèles au modèle de l'époque, soit les deux premières travées de Saint Etienne de la cité à Périgueux, par contre le volume externe de l'ouvrage est considérable. Abstraction faite de la façade, probablement antérieure au programme, nous avons une largeur d'assise de 20m pour une longueur de 19,60m. Prises indépendamment, les travées occidentales de Périgueux, ne font que 16m de côté. Pareille puissance signifie sans doute que l'ouvrage était conçu pour tenir seul, si nécessaire, face à l'ancienne nef. Les quatre arcs de base de cette travée sont alors traités sans aucune colonne engagée ni arcs de décharge. Achèvement probable vers 1116/1118.

Cette nouvelle réalisation dut séduire les paroissiens et l'évêque Girard décide de l'intégrer dans un édifice à file de coupoles, mais l'ouvrage clôturant le croisillon nord est en voie d'achèvement et le nouveau programme doit l'intégrer. Le plan porte toujours la marque de cette contrainte. Les trois travées à venir seront limitées par l'abside et l'espace ainsi défini découpé en trois parties rectangulaires égales mais la longueur manque pour réaliser des arcs doubleaux de l'importance du premier: 4,20m. Ils seront donc réduits à 2,40m. Dans l'ouvrage ce sera sans grandes conséquences puisque les travées vont s'épauler mutuellement dans le sens longitudinal, il ne subsistera que les effets de fond aux deux extrémités du système. Côté première travée, l'inertie est amplement suffisante mais côté chevet il faudra prendre les mesures nécessaires.

LES COUPOLES

Vers 1120/1122, l'ensemble de ce vaste programme est déjà implanté au sol mais le système de voûtement de la première travée reste à définir. La puissance de l'ouvrage permet sans difficulté l'installation d'une coupole orientale, il suffit pour cela d'établir un encorbellement de base égale à 1 pied et de gagner la même valeur sur l'implantation de la coupole, ce qui donne une coursive de circulation large de 2 pieds et la possibilité de l'utiliser en point d'appui pour le coffrage. Ce fut très certainement l'option choisie mais les restaurations abusives d'Abadie nous privent de certitude. Pour le maître d'oeuvre la couverture sur charpente programmée modifie les paramètres architectoniques. Dans ces conditions, inutile de surcharger le sommet de la coupole à l'usage d'un lanternon, inutile également de surcharger les reins de la voûte par un ressaut de couverture par contre, débarrassée de ces surcharges d'extra dos, la coupole orientale devient fragile. La flèche de l'arc est importante et les risques d'éclatement sont grands au niveau des 30° inférieurs. A cela deux solutions: reprendre la surcharge de base sous la charpente ou bien descendre la coupole dans la travée et l'intégrer afin de réduite la flèche de l'arc. Cette seconde solution est plus rationnelle et c'est elle qui sera retenue pour les trois travées orientales, mais restait à définir la valeur de cette intégration. A la petite église voisine de Fléac, la travée clocher reçoit à la fin du XI° ou au tout début du XI1°, une coupole totalement intégrée où le cercle de base coïncide avec les tailloirs des quatre arcs. La composition apparaît satisfaisante en diagonale où elle supprime la rupture de courbe mais sera lourde de contraintes en perpendiculaire où le secteur de coupole pousse fortement sur le formeret. Le maître d'oeuvre de la cathédrale d'Angoulême a, sans aucun doute, vu cet ouvrage secondaire et compris les inconvénients de la formule aussi choisira-t-il d'établir sur ces travées 2 et 3 des coupoles semi intégrées où le cercle de base se trouve au tiers supérieur entre le niveau des tailloirs et le plan d'assise. C'est une composition très rationnelle. La coupole ainsi débarrassée de ses surcharges d'extra dos devient légère. Les effets qu'elle engendre sont considérablement réduits et la travée basse pourra évoluer en conséquence. La première coupole de ce genre fut sans doute achevée sur la deuxième travée, entre 1125 et 1130. Cette coupole que nous dirons d'Angoulême implique quelques problèmes nouveaux, l'absence de galerie de circulation qui servait également d'assise pour le coffrage n'existe plus et le maître d'oeuvre va concevoir un nouveau traitement riche de promesses. Sa coupole sera réalisée non en blocage comme de coutume mais en appareillage et le chevauchement des pierres taillées à la forme devait, avec un mortier de chaux à prise rapide et compacté au maillet, tenir jusqu'à bonne hauteur. Le procédé est astucieux mais il a ses limites et la réalisation du sommet de la coupole requiert souvent un coffrage léger installé sur un échafaudage en faisceau, ce dernier étant basé sur des entailles réservées, tel des trous de boulin.

Pour se faciliter la tâche, les constructeurs vont expérimenter diverses méthodes. D'abord l'appareillage de pierres devient de plus en plus rigoureux et certains archéologues du siècle dernier ont imaginé un montage à cru (sans mortier) mais cette option est peu crédible et l'hypothèse d'un collage au plâtre qui va se désagréger avec le temps est plus plausible. D'autre part, la valeur de l'intégration varie également. Elle ira en se réduisant tandis que le blocage externe destiné à épauler l'appareillage ira croissant. Sur certaines coupoles établies à la croisée du transept, la voûte proprement dite se limite à une simple calotte. Les chef d'oeuvres de l'école d'Angoulême sont, nous semble-t-il, les coupoles réalisées sur la nef de la petite abbatiale de Châtre que nous considérons comme un modèle achevé.

LES PARTIES ORIENTALES

Nous ignorons avec précision l'état d'avancement des travaux de la cathédrale d'Angoulême et la consécration de 1128 était certainement partielle. Cependant, vers 1130, les trois premières travées doivent se trouver suffisamment avancées pour être livrées au culte. Si la réalisation de certaines coupoles a pris du retard, la travée sera coiffée d'un bardage sur charpente afin de protéger les paroissiens. C'est à cette époque que le programme oriental est fixé. Le maître d'oeuvre décide de surélever la croisée, sans doute pour l'aligner avec l'abside existante. Pour ce faire, il préserve les rouleaux inférieurs de la troisième travée et exploite le volume de la pile pour atteindre le niveau requis mais les chapiteaux primitifs sont sauvegardés et ce sont eux qui nous donnent de précieuses indications. Les quatre arcs de la croisée seront de même profil que les précédents mais le dessin des pendentifs est d'une toute autre facture afin de porter une tour lanterne polygonale qui sera démolie par Abadie et remplacée par celle que nous voyons aujourd'hui, très caractéristique du style romano byzantin. Par contre, les fondations de l'abside sur plan polygonal sont déjà en place. Nous sommes vers 1136 et l'évêque Girard qui fut le promoteur de l'oeuvre décède. La perte est considérable pour la cité et l'achèvement sera sans doute retardé.

L'ABSIDE POLYGONALE

Ce retard dans les travaux nous est suggéré par une chronologie relative dans la conception des parties à venir. Une tour lanterne polygonale à la croisée avec une couronne de fenêtres et coiffée d'une coupole est difficilement concevable avant 1130; les plus belles de l'ouest se trouvent à la croisée des abbatiales du Limousin et leur mise en chantier s'échelonne entre 1140 et 1150, il en existe sans doute de plus précoces mais elles sont de petit diamètre. D'autre part, la grande abside profonde sur base polygonale voûtée en berceaux brisés constitue également une oeuvre de pointe difficilement concevable dans le contexte architectural avant 1140/1150. Celle d'Angoulême avec une voûte d'une portée de 11m est d'une grande maîtrise d'autant que la poussée sur les murs n'est pas épaulée par les deux chapelles rayonnantes latérales qui ont été supprimées du programme. Cette suppression a été réalisée à la demande du Chapitre qui tient absolument à disposer là de stèles à sa convenance. Un maître d'oeuvre comme Girard n'aurait sans doute pas accepté pareille modification. Ces grandes absides sur plan polygonal sont de tradition dans l'ouest; elles dérivent du parti des basiliques d'Aquitaine, généralement de grandes tailles mais non voûtées.

Si certaines de ces absides ont été voûtées au XII°s. C’est à une date tardive dans le siècle, comme à Souillac où la portée est de 12m et les conditions d'épaulement offertes par les chapelles rayonnantes sont très satisfaisantes. A Solignac, où la portée est également supérieure à 11m, l'épaulement offert par les trois chapelles rayonnantes est encore meilleur. Enfin, à Cahors, la plus grande de toutes, le maître d'oeuvre qui a réalisé le premier voûtement a eu la sagesse de décomposer l'espace en abside et déambulatoire. Quand ces aménagements internes seront démolis au nom de l'esthétique, l'ouvrage ne sera plus viable, d'où les énormes volumes de maçonnerie établis à l'extérieur.

LES CLOCHERS

Pour achever l'analyse des parties orientales, voyons les deux clochers : celui du nord subsiste, celui du sud fut détruit par les Huguenots en 1569. Si la décoration et la hardiesse de celui qui subsiste séduit les amateurs d'art, son analyse architectonique a de quoi surprendre. Les textes nous disent que sa construction commençât avant 1110 mais tous ses caractères sont milieu du siècle et sa conception est curieuse. Le volume externe est aligné sur l'ancien transept (avant 1130) mais le volume rectangulaire externe de 12m par 13,30m correspond, lui, au nouveau transept (après 1130). Par contre, la tour supérieure est basée sur la structure interne de 9,80m par 10m. Enfin, la voûte centrale est une coupole établie sur un plan de 6m par 6m et le choeur de l'ouvrage est excentré par rapport à l'enveloppe externe déportée vers la croisée. A cela, deux explications : ou la structure servant de base à la tour fut excentrée dans un ouvrage antérieur ou ce sont des additifs extérieurs qui sont venus conforter une base mise en danger lors de l'avancement des travaux. Le décentrement milite pour cette seconde hypothèse ; le volume d'épaulement s'aligne sur le nouveau transept, il est donc postérieur à 1130. Un enclenchement simple des travaux nous paraît satisfaisant, la base primitive était constituée d'un grand porche comme celui que nous trouvons à la cathédrale du Puy et c'est un changement de programme qui en fera la base d'un clocher

Le clocher sud était installé dans les mêmes conditions et le volume de sauvegarde a également bien rempli son office. Il est à penser que les deux tours clocher étaient de même traitement et de même hauteur mais côté sud, il ne subsiste que l'enveloppe externe. Des travaux au XIX°s. ont mis au jour les fondations centrales qui sont de même nature que celles de la tour nord.

LES VISSICITUDES HISTORIQUES

En 1568, année qui précède la destruction du clocher sud, les Huguenots avaient déjà sévi sur la cathédrale et incendié les charpentes, ce fut sans doute le plus gros dommage que connut l'édifice. Une fois les fermes consumées, les dalles de pierre de la couverture vont s'effondrer et percer les coupoles. Puis, les bois incandescents tombant à l'intérieur de l'ouvrage vont mettre le feu au mobilier alors en place. Quels furent les dégâts infligés aux voûtes et notamment à la 2eme et à la 3eme qui font référence dans notre étude. Lors de la propagation d'un incendie dans les combles, les bois en combustion utilisent l'air frais venant d'en bas ou des côtés, ce qui dirige la combustion vers le haut; c'est donc le faîtage qui va s'écrouler en premier et faire chuter les dalles de couverture sur le sommet des coupoles, partie la plus fragile. Une fois le sommet des voûtes percé, le tirage s'accroît et c'est l'air frais venu de la nef qui achèvera la combustion haute protégeant ainsi la base des coupoles. Il faut donc admettre que c'est le tiers supérieur ou au pire la moitié supérieure de ces ouvrages qui a été partiellement détruit. La reconstruction des voûtes commence en 1628 après qu'une couverture provisoire ait sauvegardé l'édifice et nous pouvons estimer que le profil des coupoles qui fait référence dans notre étude fut sauvegardé. Seule conséquence de cette reconstruction réalisée à une époque où le grand appareil atteint des sommets de technicité et où les constructeurs ont tendance à dégager leurs voûtes des surcharges d'extrados, l'appareillage des coupoles a gagné en qualité. Ainsi, les travées I et II de la cathédrale d'Angoulême sont bien à l'origine de la lignée qui va se distinguer radicalement du modèle oriental.


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L'analyse de l'ouvrage permet quelques observations. Une fois la première travée (A) implantée, l'envergure des croisillons (B) nous semble bien modeste pour une nef à trois vaisseaux et la basilique d'Aquitaine (C) avec éventuellement des tribunes de bois (D) nous semble la plus probable. Cependant, ces ouvrages sont très fragiles et le meilleur moyen de stabiliser les élévations est l'arc diaphragme (E) mais la poussée exercée est importante et la présence de deux croisillons bas (F) attestée par le porche nord était la meilleure composition. C'est ce porche qui deviendra la base du clocher. Ces croisillons permettent également l'établissement des chapelles orientées (H,J) pour le culte des saints très en vogue en ce début du XI°s. L'abside polygonale (K) doit s'aligner sur la nef


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Les travaux commencent vers 1108 par le clocher nord (A) et c'est vers 1110 que le grand chantier commence par la première travée est (B), vers 1112. La vieille nef et sa croisée seront ensuite démolies pour laisser place à une file de coupoles (C,D,E) d'un profil différend. Ce nouveau découpage déplace l'axe du transept (F) et les maçonneries anciennes (G) subsistent. Consécration partielle de la nouvelle nef en î 128. Achèvement des 4 coupoles vers 1135; les deux croisillons (H,J) seront voûtés en berceau avant 1130. Le porche nord est transformé en clocher toujours sur l'axe ancien. La même construction est établie à l'extrémité du croisillon sud (K) mais sur l'axe nouveau (L) cet ouvrage sera détruit en 1569. Le grand chevet (M) clôturant la campagne est édifié vers 1135/1150

Cathédrale d'Angoulême. Façade occidentale aprés restauration.

Cathédrale d'Angoulême. Façade occidentale après restauration.

Cathédrale d'Angoulême. Façade occidentale avant restauration.

Cathédrale d'Angoulême. Façade occidentale avant restauration.

Cathédrale d'Angoulême. Tour lanterne. Oeuvre du XIX°s.

La première travée d'Angoulême entreprise vers 1110 respecte le modèle régional, soit les deux premières travées de Notre Dame de la cité à Périgueux. Cependant, dès la seconde travée, la volonté de couvrir la nef sur charpente ainsi que l'expérience de Fléac incitent le maître d'œuvre à innover. Jugeant que la coupole totalement intégrée manquait d'intérêt il imagine un moyen terme: la coupole semi intégrée. La base de l'ouvrage oriental est en (A), en (B) pour Fléac et en (C ) pour Angoulême. La formule va imposer de riches innovations en cascade. Faute de coursives pour le coffrage la coupole devient appareillée et légère, ce qui entraîne une évolution des parties basses avec, pour aboutissement, les coupoles de Châtre. A Angoulême, la travée demeure orientale dans son volume mais son traitement est beaucoup plus riche (D,E,F,G)

Cathédrale d'Angoulême. La nef élévation sud.

Cathédrale d'Angoulême. La nef élévation sud.

Cathédrale d'Angoulême. Abside.

Cathédrale d'Angoulême. Abside.

Cathédrale d'Angoulême. Vue du transept.

Cathédrale d'Angoulême. Vue du transept.

Cathédrale d'Angoulême. Tour lanterne. Oeuvre du XIX°s.

Cathédrale d'Angoulême. Tour lanterne. Oeuvre du XIX°s.