Le siècle des Plantagenets


BOIS

Le village de Bois se trouve à 10 km au sud sud/ouest de Pons sur de riches terres à vocation céréalière et les agriculteurs se sont très tôt fixés en un gros village situé au centre du terroir avec huit chemins menant de la ferme aux champs. Il ne subsiste que quelques hameaux périphériques sans doute établis lors des remises en culture de la fin du Moyen Age. A la période faste des XI° et XII°, les 1.000 à 1.200 ha de l'assiette rurale étaient susceptibles de faire vivre 600 à 800 personnes d'où l'extrême richesse du sanctuaire. Les ruines engendrées par les troubles de la fin du Moyen Age vont détruire les parties orientales de l'église mais elles seront rapidement reconstruites en gothique dès le XV°s. et sur un vaste programme.

C'est une belle et grande église dont le plan au sol dessine une croix latine. La partie la plus ancienne se trouve à la croisée et ce fut sans doute, à l'origine, une travée clocher établie dans un ouvrage de la seconde moitié du XI°s.. Aujourd'hui cette partie de l'édifice se trouve reprise en sous œuvre par des piles et des arcs du XV°s. ce qui trouble l'analyse. Cette base représente un rectangle de 8m 10 de large sur 6m 25 dans le sens longitudinal de l'ouvrage et donne sur quatre arcs de communication. Primitivement, elle était prolongée vers l'ouest par une grande cella également du XI°s. et d'un encombrement externe de 9m 20. C'est elle qui va recevoir la nouvelle façade romane à la mode de Saintonge vers 1140/1150. L'ouvrage est à peine achevé qu'un accident survient dans les parties hautes de la grande cella, sans doute un feu de charpente. Il faut reconstruire mais nous sommes au XII°s., siècle des ouvrages voûtés et les fondations existantes d'une largeur interne supérieure à 7m 40 ne sont pas compatibles avec un tel programme.

La nouvelle nef construite en puissance va s'appuyer à l'est sur l'ancienne croisée ce qui lui donne une largeur interne de 5m 40. Le plan va former un léger trapèze pour aboutir à la façade occidentale sur une largeur interne de 7m. Les murs d'une épaisseur moyenne de lm 10/lm 15 seront découpés en trois travées longues par des piles et colonnes engagées. Les colonnes reçoivent des doubleaux et les piles de fines arcatures de profil brisé. Enfin, dans le même plan, nous trouvons un léger contrefort externe. La longueur totale de l'ouvrage est de 14m 80 et la dernière travée occidentale, plus longue, reçoit un contrefort supplémentaire. Le bandeau supérieur est à 6m 20 du dallage actuel . Cette nouvelle nef recevra une belle voûte en berceau de profil brisé et de caractère clunisien. Son sommet est à 9m 20. Achèvement de l'œuvre vers 1090/1095. Enfin, sur la même période, la croisée renforcée à sa base reçoit un beau clocher polygonal avec huit baies en plein cintre. A la fin du XII°s. l'œuvre romane est terminée mais quelles étaient les parties orientales ? Nous l'ignorons cependant il nous reste des hypothèses satisfaisantes.

La présence de la grande cella pratiquement confirmée nous suggère pour le sanctuaire l'existence d'une petite cella, plus ancienne, datant sans doute du X°s. mais établie sur un lieu de culte beaucoup plus ancien, pouvant remonter à l'époque mérovingienne. A quel moment fut-il mis en cause pour laisser place à un ouvrage voûté comportant sanctuaire et partie droite ? Dans les provinces de l'ouest, ces travaux sont communément entrepris entre 1070 et 1120 et nous verrons là l'effet de la seconde période clunisienne. Dans la foulée, le constructeur implante également la travée clocher aujourd'hui préservée et c'est à la fin de ce programme que les murs latéraux seront ouverts pour donner accès à deux croisillons. Cette campagne s'achève vers 1130 et les travaux portent alors sur la grande façade occidentale 1140/1160. Nous rejoignons ici la première partie de l'étude et c'est vers 1200 que l'œuvre romane est achevée.

Que va-t-il advenir de l'ouvrage sur les deux siècles suivants ? Au XIII°s. la politique engendre une coupure entre le domaine royal où se créé la grande architecture gothique et les provinces de l'Ouest mais les innovations du siècle ne sont guère applicables sur les édifices du monde rural. Ensuite, vient le temps des guerres, des troubles mais surtout celui des bandes armées en rupture de ban qui pillent et saccagent pour survivre et incendient les villages récalcitrants. Las d'être martyrisés ses habitants vont former un réduit à proximité de l'église et le protéger par des murs fermés. Sur ces courtines improvisées, les haches ainsi que les fourches aménagées deviennent des armes redoutables. Dans cet étroit périmètre les pauvres bâtisses où le bois et le chaume dominent engendrent des risques d'incendie considérables. Au XV°s. ce fut sans doute le cas pour Bois et le sinistre va gagner l'église et les charpentes de l'abside. Là, les braises ainsi formées jointes à celles des brindilles apportées par les tisons vont faire éclater les maçonneries de la voûte et la couverture de tuiles, en s'affaissant, va ruiner les parties hautes. Le sinistre gagne les croisillons qui subiront le même sort et c'est le volume du gros clocher achevé fin XII°s. qui va protéger la nef. Les murs déséquilibrés ne sont pas réparables, il faut reconstruire.

Les travaux commencent par la croisée. Il faut renforcer en sous œuvre avec deux arcs puissants dépourvus de chapiteau selon l'esthétique du siècle mais cette largeur est jugée trop faible pour conditionner la reconstruction des croisillons qui seront donc sérieusement agrandis. Les maçonneries sont traitées simplement et dotées de contreforts d'angle, innovation du XIV0s. Enfin, le volume proche du carré sera coiffé d'une voûte avec lierne et tierceron à la manière des Plantagenêt. Ces nervures vont retomber comme il convient sur un faisceau de colonnettes engagées mais sans chapiteau; c'est une innovation du XV°s. Enfin, les murs pignons se dégagent de la couverture et c'est une bonne protection contre les feux environnants. Situé à l'angle nord ouest de la croisée l'escalier d'accès aux combles sera déplacé et refait suite à l'agrandissement des croisillons et ainsi va-t-il obstruer une fenêtre de la nef.

Le nouveau chevet s'affranchira, lui aussi, des contraintes du carré du transept. Sa largeur interne passe à 7m 60 et son volume est celui d'une vaste cella dont le plan dessine un léger trapèze. Il sera décomposé en deux travées rectangulaires coiffées de voûtes à simple croisée d'ogive mais le volume de ces dernières demeure fidèle à l'esthétique des Plantagenêt. Là également les nervures vont retomber sur un faisceau de colonnettes sans chapiteau intermédiaire. Les résultantes externes seront absorbées par de puissants contreforts et ceux installés sur le mur pignon sont en diagonale. Enfin, les rares fenêtres ouvertes confirment notre datation. Sur l'ouvrage, l'ensemble des combles sera repris avec de fortes pentes et des pignons indépendants. C'est sans doute en fin de chantier que la coupole du XII°s. établie à la base du clocher sera remplacée par une croisée d'ogive elle aussi de facture XV°s. Les travaux doivent s'achever à la fin de ce siècle ou sur les premières décennies du XVI°s.


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Elèvation:
(A) Fenêtre de la première campagne
(B) Bandeau du premier programme
(C) Reprise en interne, arc brisé
(D) Voûte fin XII°, début XIII°s.
(E) Surcharge pour alignement sur la façade
(F) Couverture à forte pente
(G) Reprise des accès au croisillon XV°s.
(H) Reprise des arcs perpendiculaires XV°s.
(J) Escalier XV°s.
(K) Croisillon nord XV°s.
(L) Croisillon sud XV°s.
(M) Nouvelle voûte de croisée XV°s.


Plan:
(A) Cella orientale parties subsistantes XI°s.
(B) Cella occidentale volume XI°s.
(C) Façade occidentale milieu XI°s.
(D) Façade romane 1140/1165
(E) Programme du clocher 1160/1190
(F) Nouvelle nef programme vers 1170
(G) Contreforts externes
(H) Piles et colonnes engagées internes
(J) Voûtes tardives
(K) Croisillon nord milieu XV°s.
(L) Escalier milieu XV°s.
(M) Croisillon sud milieu XV°s.
(N) Agrandissement des accès XV°s.
(P) Reprise des arcs perpendiculaires XV°s.
(Q) Nouvelle voûte
(R) Cella orientale XV°s.


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La façade (A) est la partie la plus ancienne préservée en l'état mais les bases de la nef (B) l'ont suivie de peu. Elle comporte piles et colonnes engagées (C) et fenêtres romanes (D). Date probable 1170/1185. Vers 1190, les hauts de colonne et les chapiteaux (E)sont repris pour installer des arcs de profil brisé (F) destinés à porter des voûtes (G) avec doubleaux (H) de profil brisé. Le sommet de la voûte (J) dépasse le bandeau de la façade (K) son sommet est donc surélevé de lm 50 par rapport au projet initial. Au XV°s. les arcs perpendiculaires de la croisée (L) dont le sommet devait de trouver à 6m 50, sont surélevés avec une nouvelle mouluration, ce qui les porte à 7m 40. Même traitement pour les accès au croisillon (N). La coupole sur pendentifs sera démontée et remplacée par la voûte sur croisée d'ogive (P). Le clocher (Q) sera maintenu en l'état. A cette époque les constructeurs maîtrisent parfaitement ces reprises en sous œuvre. Enfin, à l'est, le chevet est constitué d'une grande cella à deux travées (R,S) avec voûte gothique (T) sans chapiteau. Ce détail avec les fenêtres nous donne le XV°s. mais ces aménagements furent peut être réalisés dans une cella du XIII°s. La tribune (T) est Renaissance.