Le siècle des Plantagenets


ECURAT

Ce village établi sur les hauteurs dominant le cours de la Charente dispose d'un terroir apte à l'exploitation céréalière mais la proximité des terres basses proches du fleuve a sans doute incité les agriculteurs à préserver une part de polyculture avec bovidés. Notons également que la proximité de Saintes leur offrait des marchés journaliers et hebdomadaires pour écouler des produits frais: fromage laitage ainsi que de oeufs et de la volaille. Cette diversité agricole était donc la bienvenue. Comme la plupart des agglomérations de la province, le développement d'Ecurat sera limité par les facilités d'accès aux champs, soit un rayon moyen de 1600m, ce qui détermine le nombre d'hectares et fixe la population optimum en période faste. En Saintonge, les gros villages se trouvent majoritairement au nord de la province.

L'église d'Ecurat ne déroge pas à la règle provinciale. C'est un édifice issu du parti primitif rural et devenu ouvrage à deux cella axées avec les aménagements du XII°s. Si nous en jugeons selon les caractères architectoniques, cette église de bonne taille fut reconstruite sur une période relativement longue, soit 1110/1160 mais le chevet sans travée clocher caractérisée suggère des reprises à l'est. C'est l'option que nous retiendrons. Les travaux commencent par le sanctuaire dont l'enveloppe ne comporte que peu de structures, soit une colonne et une pile engagée gracile sur le demi périmètre et trois fenêtres sans décor externe. Les travaux seront réalisés de 1115 à 1120 et l'ouvrage se poursuit avec une longue partie droite qui vient au contact de la vieille nef. Achèvement vers 1130. Un bandeau préservé dans le mur de clôture nous donne sa hauteur primitive. Cette partie droite est décomposée en deux travées: la première séparée de l'abside par un doubleau à deux rouleaux et la seconde, plus modeste, rejoint la vieille nef et sera limitée par un mur perpendiculaire dont l'ouverture a été modifiée ultérieurement.

A cette époque, les travaux semblent retardés; le responsable de chantier a-t-il déjà entrepris la belle façade occidentale ce qui justifierait les retards dans le voutement de l'abside ou bien, le premier cul de four traditionnel sera-t-il édifié et démonté ensuite ? Il est difficile de trancher. En tout état de cause, les travaux reprennent sur la partie orientale (chevet) vers 1140/1145 et le constructeur installe cette fois des voûtes de profil brisé sur l'abside et sur la partie droite et exploite le doubleau intermédiaire afin de porter un clocher. Sur cette travée courte, fortement rectangulaire, le rapport longueur-largeur interdit la traditionnelle coupole. Le clocher dont la base correspond à un carré de 3m 70 de côté environ, se trouve sur une travée large de 7m 20, la différence est rattrapée par deux glacis latéraux. Le clocher proprement dit, d'une hauteur de 5m 30 est garni de huit baies en plein cintre soigneusement structurées de colonnettes engagées. Cet ouvrage remarquable est achevé tardivement, vers 1160, à l'heure où la nef est également en voie d'achèvement.

La reconstruction de cette dernière commence vers 1140 dans le volume de la cella du XI°s. et le niveau d'origine sera préservé ce qui donne huit marches pour descendre dans l'ouvrage, argument supplémentaire pour l'antériorité de cette façade. Les quatre travées longues et régulières sont structurées en interne avec des arcatures de profil brisé reposant sur des piles engagées flanquées de colonnes de même nature destinées au doubleau à simple rouleau. La portée est de 6m 70, ce qui est beaucoup pour la voûte en blocage mais, à cette époque, les constructeurs semblent accorder une confiance exagérée au profil brisé et comme ces réalisations du genre tiennent un temps selon le principe du monolithe reconstitué, l'illusion se maintient.

L'édification des parties basses est achevée vers 1155/1160 et les voûtes en berceau brisé avant 1170. Ce sont des œuvres fin de cycle, édifiées en un temps où les voûtes angevines ont déjà montré leur indéniable supériorité. Faute d'épaulement suffisant les élévations vont manifester leurs premiers signes de faiblesse dans le cours du XVFs. et quatre puissants contreforts perpendiculaires seront installés toutes les deux travées et un cinquième sera disposé en diagonale au sud de la façade. En fin de chantier, une tourelle d'escaliers sera intégrée à l'élévation sud, près du clocher. L'accès primitif se faisait à la mode du XII°s. par une ouverture au sommet de la nef et à l'aide d'une échelle. Les contreforts n'ont pas totalement sécurisé l'ouvrage et des tirants métalliques installés à l'époque moderne combattront de nouvelles faiblesses reconnues.


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(A) Abside en hémicycle, 1115/1120
(B) Légère structuration externe
(C) Trois fenêtres régulièrement disposées
(D) Partie droite 1120/1130
(E) Arc de liaison avec l'ancienne nef
(F) Voutement du chevet 1135/1145 (arcs brisés)
(G) Construction du clocher sur la fausse travée
(H) Achèvement du clocher vers 1160
(J) Sommet de la nef du XI°s.
(K) Accès primitif au clocher 1140
(L) Reconstruction de la façade 1130/1145
(M) Reprise de la nef du XI°s. 1145/1160
(N) Reprise de l'arc de liaison
(P) Structure externe
(Q) Voutement de la nef, achèvement vers 1170