Le siècle des Plantagenets

TREMOLAT

LE MOYEN COURS DE LA DORDOGNE

Les caractères du fleuve se sont formés lors des grandes glaciations avec les énormes crues de printemps dues à la fonte des neiges. Dans leur déferlement annuel, les eaux ont attaqué les rives rocheuses puis déposé les sédiments arrachés à l'intérieur de la courbe. Sur le cours moyen du fleuve l'amplitude du phénomène est de 3 à 5km environ. A la fin de la dernière glaciation, celle du Wurm, un important couvert végétal s'est installé sur les terres d'Occident et le fleuve a perdu la moitié, puis les trois quarts de son débit avec l'absorption des grands végétaux .

Sur le méandre du Trémolat, les dépôts les plus anciens, constitués de terre végétale et d'humus, vont se révéler favorables aux agriculteurs et les hommes s'y installent selon un processus historique. Les ressources de la pêche et de la chasse sont épuisées, il faut aborder l'élevage et ce sont les grands bovidés domestiqués qui sont à la base du développement. Les bêtes pâturent sur les berges, s'abreuvent à la Dordogne ou bien sont parqués par les pasteurs sur la frange périphérique où ils se sont installés avec huttes de bois en petits hameaux. Les animaux ont retrouvé là un contexte qu'ils avaient à l'état sauvage. La population s'accroît, les cueillettes ne suffisent plus et les premières cultures s'amorcent. C'est un cycle qui couvre pratiquement tout le néolithique qui s'accomplit à l'âge du Bronze et à l'âge du Fer.

A l'époque gauloise, l'ensemble du méandre doit former, par intérêt, une unité économique qui attise la convoitise des puissants. Un hobereau gaulois a-t-il installé son domaine au centre du méandre c'est dans la logique des choses. Après la conquête, ses descendants, des gallo-romains, feront tout pour préserver cet avantage et le grand développement des trois premiers siècles confirmera l'intérêt politico économique de leur emprise et de leur pouvoir.

Sur la période tragique du Bas Empire, l'Occident connaît les pires ruines de son histoire et c'est l'archéologie contemporaine qui nous a permis d'en découvrir l'intensité. Cependant, la civilisation va renaître à partir de la société rurale: quelques décades pour débroussailler les pâturages, d'autres pour retourner la terre et la livrer aux cultures. Ceci fait, la civilisation renaît pour l'essentiel: le pain de chaque jour et l'accroissement de la population. L'Occident est devenu chrétien. Les Gaulois avaient leur religion inspirée et les cultes gréco latins de même origine furent bien acceptés mais le christianisme, religion révélée par un prophète, va s'avérer bien différent. A peine installée en Aquitaine, elle sera bousculée par les occupants Visigoths qui ont choisi l'arianisme, cependant, la vieille bourgeoisie gallo romaine restera fidèle a ses croyances.

Parallèlement, dans les campagnes, c'est le temps des églises rustiques a une ou deux cella axées; c'est l'essentiel pour prier, assurer les baptêmes, les mariages et les enterrements, et les nouveaux maîtres ne s'en soucient guère mais cette période sera courte. Au début du VI°. la situation politique change. Avide de gloire et de conquêtes, Clovis, le jeune et turbulent roi franc fut choisi par Saint Rémi, évêque de Reims, comme bras armé de l'Eglise et incité à débarrasser l'Aquitaine de ses occupants Goths. En 507, après leur victoire de Vouillé, les Francs vont balayer l'Aquitaine et leur chevauchée ne s'arrêtera que sous les murs de Carcassonne.

Il faut maintenant que les Francs absorbent leurs conquêtes; les cavaliers occupent les grands domaines ruraux abandonnés par les Visigoths mais il leur faut contrôler villes et bourgades et, pour le Périgord, Clovis choisit un personnage à sa convenance, la province sera confiée à un aristocrate local Félix Auréolus que l'on dit maître de Trémolat mais c'est avec son fils: Eparchius ou Saint Cibard, que commence l'histoire religieuse du grand méandre de la Dordogne.

Sans doute cadet de grande famille et peu enclin au métier des armes, il sera dirigé vers l'Eglise puis deviendra un chrétien fervent et engagé. Où se trouvait le grand domaine familial? Si nous acceptons la permanence des grands patrimoines dont les puissants sont avides, le château de la Grange bien situé sur 3 à 400ha, pourrait être ce lieu préservé.

TREMOLAT

De retour au pays, avec un petit nombre de compagnons Saint Cibard va fonder une communauté et sa famille le dirige vers un petit hameau situé au nord du méandre là ou un affluent de la Dordogne, la Régé, fait tourner trois moulins (origine de Trémolat) et fixe ainsi une population d'artisans et de commerçants. A l'usage de ses fidèles, Saint Cibard construit un petit sanctuaire, le site chrétien est maintenant fixé, cependant la communauté, comme beaucoup à cette époque, va bientôt péricliter et Saint Cibard profondément déçu la quitte.

C'est en 581 qu'il meurt dans une grotte percée sous la falaise d'Angoulême, sans doute une carrière désaffectée. Il est déjà en odeur de sainteté et les habitants du faubourg nord lui consacrent un lieu de culte mais ce n'est qu'en 820/830, que Pépin 1er, roi d'Aquitaine, fera construire une abbaye à quelques distances au nord de l'enceinte et sur les rives de la Charente. Située près d'un pont, elle fut la première fondation religieuse située hors les murs, celle qui manquait à Angoulême. Après dix siècles d'existence elle sera détruite par la Révolutio

Sous le règne de Pépin 1er, que devient la communauté de Trémolat? Elle demeure et sans doute sera-t-elle soutenue dans son existence par le roi d'Aquitaine. C'est Louis le Pieux qui lui fera don d'une insigne relique: la chemise de l'enfant Jésus. Quel pouvait être l'ouvrage à cette époque? Un édifice du parti primitif rural entouré de quelques cellules et fermé d'une enceinte légère, et peut être qu'à l'occasion de ce legs une deuxième cella axée sera édifiée à l'ouest de la première, son empreinte existe toujours mais les murs actuels semblent du début du XI°. Voyons l'analyse architectonique jointe au plan.


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A Trémolat tout semble indiquer que l'ouvrage fut édifié sur un sanctuaire du primitif rural à une et deux cella axées. Emplacement présumé de la première cella (A). Seconde cella sans doute relevée au XI° sur des bases carolingiennes époque Louis le Pieux (B). Première coupole sur pendentifs réduits vers 1110/1115 ( C). Trois coupoles de plan circulaire et sur arc en plein cintre 1115/1130 (D). Vers 1140 reprise de la coupole de croisée avec des arcs brisés en sous œuvre afin de porter une tour clocher sans doute détruite comme tant d'autres à la fin du Moyen Age ( E). Tour clocher occidentale vers 1135/1150 avec des reprises ultérieures au revers (F). Construction des deux croisillons, nord et sud avec voûte en berceau brisé vers 1150/1170 (G). De 1170 à 1190, construction du chevet rectangulaire long de deux travées, également voûtées en berceau brisé. Cet ouvrage occupe peut être l'espace consacré de la première cella. Les parties hautes de l'ouvrage seront surélevées pour former refuge au XV° avec des raidisseurs établis au droit des fenêtres (H)


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Trémolat - Façade occidentale de l'abbatiale


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Trémolat - Nef et croisillon sud


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Trémolat - Nef, élévation sud


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Trémolat - Croisillon sud et chevet


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Trémolat - Intérieur


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Trémolat - Croisée et abside


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Trémolat - Coupole de la croisée, pendentifs réduits sur arc brisé enreprise


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Trémolat - Coupoles de la nef et de la croisée


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Trémolat - Abside