Le siècle des Plantagenets

SOUILLAC

L’agglomération et son abbaye se trouvent au milieu d’un vaste cirque alluvionnaire formé par un méandre de la Dordogne. Le fleuve coule alors au niveau + 86m et son courant est soutenu mais régulier. Il a été de tout temps navigable pour les barges à fond plat, sauf aux courtes périodes des crues de printemps.

Avant d’aborder l’étude d’un site historique il faut se poser une question simple « Pourquoi est-il fixé en ce lieu et non quelques kilomètres en amont ou en aval ?» ; la réponse nous est donnée par l’analyse de la période gallo-romaine qui, en bien des conditions, a jeté les bases de notre civilisation occidentale. Pour la ville de Souillac la réponse nous paraît simple. C’est le point de franchissement d’une voie romaine de troisième catégorie reliant Limoges à Cahors et desservant Brive qui se trouve être à l’origine du site. D’autre part, ce pont romain se trouvait également sur un itinéraire oblique reliant Périgueux à Rodez. Si certains plans originaires du XIX°s. donnent à l’itinéraire nord/sud un point de départ situé à Praetorium (le Mont Jouer) ce fut pour faire plaisir aux découvreurs de ce site.

Ce cheminement qui sera repris par la RN 20 aborde la vallée de la Dordogne sans ménagement. Etablie sur le plateau, à une hauteur moyenne de + 200, elle entame la descente en droite ligne et sur la fin de sa course entre les courbes 160 et 120, sa déclivité atteint 16%, sans doute réduite à 14% avec quelques déblais et remblais. Pareille descente sans changement d’axe est le propre des voies romaines mais c’est une liaison de caractère stratégique, ne l’oublions pas. Sur les siècles qui vont suivre, une dérivation en S sera aménagée pour réduire la pente à des valeurs plus raisonnables proches de 6% et c’est elle qui sera choisie à l’usage des voitures de poste au XVII° et XVIII°s.

Après cette descente rapide, le responsable du tracé envisage le franchissement du fleuve. Doit-il établir un passage direct sur pont de bois? Ce serait plus conforme à la logique du programme mais la rive opposée offre des falaises abruptes et l’ouvrage imposerait un long franchissement sur digue de remblai et pont de bois ainsi qu’une importante entaille dans la falaise. Enfin, ce tracé comporterait un inconvénient majeur en exposant les piles de bois aux objets flottants lors des crues de printemps et leur protection en maçonnerie serait délicate à réaliser sur des terres alluvionnaires. L’ingénieur romain prévoit alors, une fois arrivé au niveau 120m, d’obliquer sur la gauche d’environ 45° puis de suivre la courbe des 120m sur 1600m environ pour atteindre un rétrécissement avec un haut fond et une rive opposée dénuée de falaises. La nature du sol est plus favorable aux piles de bois garnies d’un môle de maçonnerie noyé dans une semelle de remblai; c’est l’ouvrage romain le plus couramment réalisé. L’aménagement final où les piles reçoivent des arches de pierre est moins courant. Sur la rive sud, le tracé romain a été malmené par les aménagements ultérieurs.

L‘hypothèse du franchissement antique se confirme à l’analyse du plan contemporain. Celui ci ne se trouve pas dans l’axe du bourg comme il serait logique pour une agglomération qui, au XIII°, disposait déjà d’une enceinte dotée de cinq portes fortifiées, mais à 1500m en amont au lieu dit le port. Si la communauté bourgeoise du Moyen Age a accepté pareille contrainte c’est que l’ouvrage maintes fois repris avait toujours exploité une infrastructure existante dont les parties les plus anciennes pouvaient être l’embase maçonnée remontant à l’époque romaine. Ce franchissement connaît des périodes critiques aux XVII° et XVIII°s. où les bateliers tentent de le supprimer pour leur commodité mais la dérivation de la voie subsiste et l’ouvrage actuel, datant du Premier Empire, a retrouvé la situation antique.

Sur les trois siècles de la Pax Romana il y a, là, une belle rivière, des terres fertiles, une ou deux voies de circulation avec un franchissement, conditions favorables à l’établissement d’un vicus de bonne taille avec commerçants, artisans et quelques centaines d’hectares cultivés par de nombreux petits exploitants. La Dordogne reçoit à cet endroit le cours d’un petit affluent, la Borréze, venant du Nord. Son courant rapide convient bien aux artisans et il va jouer un grand rôle dans l’évolution du site urbain.. Parallèlement, le contexte économique du temps va justifier le remembrement de certaines terres au profit d’une grande exploitation dont les bâtiments seront installés entre la voie romaine et la Borréze. Cette installation de vallée pratiquant la polyculture, bien intégrée à l’environnement rural, subsistera contrairement aux grandes villas céréalières du Nord établies sur les plateaux et qui seront totalement abandonnées.

Tout cela disparaît en 250/300 et la petite paysannerie s’installe à nouveau sur les terres dont elle avait été expropriée, les grands bâtiments de la villa sont délaissés. L’embellie constantinienne qui suit ne concerne pas les petites agglomérations. La vie reprend modestement et c’est sur le cours du V°s. que les mendiants inspirés qui se disent adeptes du Christ sillonnent les campagnes cherchant un gîte pour la mauvaise saison. La population leur concède bien volontiers les grands bâtiments en ruine près de la rivière et c’est là que naît la communauté.

Ces religieux s’installent à la manière du temps en clôturant la cour de l’exploitation, en aménageant leur cellule individuelle et en édifiant une petite église abbatiale. Deux autres sanctuaires se trouvent également dans l’enceinte: l’église des paroissiens avec une ouverture sur l’extérieur et la chapelle du cimetière. Les populations du bourg et des environs acceptent cette présence religieuse puisque les sacrements donnés sont alors essentiels à la vie chrétienne, par contre, les appels permanents à la charité seront beaucoup moins suivis. Ainsi la vie de la communauté demeure précaire d’autant que les excès religieux prônés par la discipline irlandaise menacent toutes les fondations.

C’est dans ce contexte, vers 655, que Saint Éloi arrive chez les moines de Souillac. Le personnage est alors âgé de 67 ans. Il réalise là un périple sur les terres de ses jeunes années puisqu’il est né en 588 à Chapdenat, à 8 km au nord de Limoges et meurt en odeur de sainteté en l’an 660. La présence de cet illustre personnage au sein de la petite communauté de Souillac fut pour elle le signe d‘une nouvelle existence et surtout d’une sauvegarde à l’égard des laïques et d’autres communautés religieuses. Affirmer que ce fut là l’origine de l’obédience bénédictine c’est beaucoup dire. Le pape Grégoire le Grand est mort en 604 et sur le siècle qui suit, seuls les envoyés venus de Rome, les porteurs du grand dessein voulu par l’illustre pontife peuvent être considérés comme tel et Saint Éloi n’en n’était pas.

Sur les siècles qui vont suivre, les conditions des moines de Souillac ne changent guère. Ils ont conservé quelques domaines mais mal entretenus ou concédés à des laïques payant fermage en nature; le gros des revenus vient toujours de la charité des paroissiens du village jouxtant l’abbaye et leur aisance est dépendante de celle de la communauté laïque.

Avec l’épisode carolingien l’embellie économique est certaine. Une monnaie forte et des voies de communication protégées par le pouvoir comtal en sont la cause mais cette fois encore ce sont les artisans et commerçants du gros village et non l’abbaye qui vont en tirer profit. Enfin, lorsque les drakkars des Vikings remontent la Dordogne pour piller Souillac c’est encore le village devenu petit bourg qui paiera le plus fort tribu mais les seules chroniques concernant ces saccages sont l’œuvre des religieux qui vont insister sur les misères qu’ils ont subies.

Contrairement aux dires de certains historiens engagés du XIX°s. la période mérovingienne qui vient de s’achever ne fut pas misérable. Parallèlement aux cités épiscopales du Bas Empire, sclérosées derrière leurs murailles, les terres d’Occident connaissent un certain renouveau économique qui va se porter sur les villages et bourgades tandis que les abbayes hors les murs et les paroisses satellites s’installent autour des cités. Souillac qui a trouvé un statut de bourgade avec artisans et commerçants assurant les échanges économiques avec l’environnement rural s’est fixé sur le cours de la Borréze à la hauteur de l’abbaye. La voie romaine n’est plus la grande artère d’antan et de nombreux cheminements secondaires drainent la vallée et sa rive nord. Cette bourgade en formation peut compter 2500 habitants qui se sont installés de manière ouverte, seule l‘abbaye est cernée de murs légers qui vont abriter la population terrorisée par l’approche des hommes du Nord. Dans un second temps, les habitants de cette rive Est vont se cerner d’une défense sommaire réalisée en bois et levée de terre. Ce sera comme dans bien d’autres cas le tracé de la future muraille du XII°s.

C’est avec le règne de Louis le Pieux que la condition monastique amorce un réel changement. Les abbayes fondées en Germanie se comportent comme en terre de mission et le pouvoir impérial leur accorde des biens et des prérogatives considérables. Les Bénédictins français s’inquiètent de voir les parties vives de l’ordre s’installer outre Rhin et les plus brillants d’entre eux vont se rallier à l’ordre de Cluny récemment fondé. C’est une nouvelle discipline qui s’instaure dans les abbayes : plus rigoureuse, presque militaire avec des dortoirs et des réfectoires en commun et le temps consacré au travail ira croissant.

Cette réorganisation ecclésiastique va engendrer une reprise économique bousculant quelque peu le périmètre de défense. Ce sont les prémices de la renaissance romane et Souillac trouve alors un caractère bicéphale que le bourg gardera longtemps. Les occupations anciennement cernées par la défense et situées au Nord de l’abbaye, sur la rive orientale, formeront la partie bourgeoise et commerçante tandis que les artisans qui ont besoin d’espace vont s’installer sur la rive ouest.

C’est au XII°s., semble-t-i,l qu’une défense en dur, flanquée de portes fortifiées viendra ceinturer la partie riche du bourg établi au nord de l’abbaye. Sa superficie supérieure à 6ha doit abriter, avec une densité moyenne de 400 personnes à l’hectare, environ 2.500 habitants et, là, le parcellaire ainsi que les voies urbaines vont se fixer pour six siècles tandis que les installations ouvertes de la rive ouest connaîtront une évolution constante avec une occupation variant de 1.500 à 2.500 personnes. Tel sera l’état de l’agglomération à la période faste du XIII°s. La population globale dépasse alors 4.500 personnes. Mais les misères du Bas Moyen Age porteront grand préjudice aux installations ouvertes de la rive ouest.

L’ABBATIALE ROMANE

Géraud, patricien d’Auvergne, qui deviendra comte de la province par succession, croit en cette profonde réforme. Né en 855, il va se vouer à l’église sans prendre les ordres et, sur la fin de sa vie, vers 900, il fonde un monastère à Auriacum une ancienne ville d’eau romaine; ce sera l’origine d’Aurillac. En 909, c’est au tour de l’abbaye de Souillac d’être prise en main par l’abbé Géraud vieillisant. La dotation sera confirmée en 930 et la réforme imposée est profonde. C’est Géraud de Saint Céré qui prend la charge de la communauté en 962 et fait sans doute construire la première grande abbatiale ouverte aux laïques. L’ouvrage devient la cella et nous pouvons imaginer un grand volume unique de structure légère avec une abside en hémicycle. C’est cet ouvrage qui sera repris au XI°s. et recevra un transept et une tour occidentale. Les maçonneries disparaîtront presque complètement sous les reprises du XII°s.

Le développement d’une abbaye est une œuvre de longue haleine, surtout à la fin d’une période difficile. La cella construite au X°s. par Géraud de Saint Céré, vers 960/990, demeure de taille modeste et c’est au début du XI°s. que les conditions vont changer. La nouvelle discipline imposée aux moines donne confiance à la population et les pèlerins se dirigeant vers Saint Jacques de Compostelle sont de plus en plus nombreux. Ceux qui viennent du Nord suivent les routes ouvertes par les moines de Saint Martin de Tours et confirmées par les voyages de Charlemagne. Par contre, pour ceux du Bassin Rhodanien empruntant la Chaussée d’Agrippa venant de Lyon, l’arrivée à Limoges impose un choix. Leur marche les mène alors vers le couchant et la chaîne des Pyrénées se trouve au Sud, il leur faut donc bifurquer et pour ceux qui veulent inscrire Saint Sernin de Toulouse dans leur périple, la voie menant vers Souillac est toute indiquée. Cette option sera celle de nombreux pèlerins du XI°s. et pour la communauté de Souillac la construction d’une nouvelle abbatiale s’impose. Mais quel était l’état de l’ouvrage en 1100 à l’heure du nouveau projet?

L’analyse des substructures préservées nous suggère qu’il s’agissait d’une basilique d’Aquitaine avec la tour occidentale destinée à protéger les structures de bois donnant accès aux tribunes, une nef haute et légère flanquée de deux croisillons bas et enfin une abside polygonale de même largeur que la nef avec trois petites chapelles disposées sur les côtés du polygone. Deux autres chapelles orientées se trouvaient sur les croisillons. Les parties subsistantes de l’église du bourg dédiée à Saint Martin confirment notre hypothèse.

Ce type d’ouvrage est simple et peu coûteux à réaliser, il est également bien approprié aux cérémonies collectives qui marquent le renouveau chrétien de l’An Mille, enfin il est beau dans sa simplicité et la pureté de ses formes. Le moine Gerber d’Aurillac, illustre personnage de ce temps devenu pape sous le nom de Sylvestre II a sans doute vu cette grande abbatiale de Souillac et c’est elle, avec bien d’autres, qui l’ont inspiré dans sa chronique sur la blanche robe d’églises qui couvre alors l’occident. Cependant l’ouvrage est fragile avec ses charpentes apparentes qui se chargent des dépôts graisseux laissés par la fumée des cierges et deviennent très inflammables, d‘où le désir de construire voûté qui va caractériser le roman du XII°s.

L’ABBATIALE DU XII°S.

Au début de ce siècle les coupoles qui s’élèvent à l’intérieur de la nef basilicale de la cathédrale de Périgueux donnent confiance et le maître d’œuvre de Souillac s’en inspire. En première campagne, il propose d’installer une coupole du même genre sur la fausse croisée de l’abbatiale, là où les croisillons bas flanquent la nef mais la largeur de l’ouvrage est de 12m et les croisillons ne font que 9m 80; le plan de cette croisée est donc irrégulier comme il convient dans une basilique d’Aquitaine où le vaisseau perpendiculaire est très souvent le fruit d’un aménagement. Dans ces conditions il est bien difficile de trouver le carré requis pour la première coupole et l’aménagement réalisé en plan sera particulièrement astucieux.

L’arc oriental est placé dans le plan du mur est des croisillons et sa portée est de 10m 60. Les deux arcs latéraux sont placés à l’intérieur du volume basilical et leur écartement est également de 10m 60 pour 12m de largeur disponible. Enfin, l’arc occidental, plus puissant que les précédents puisqu’il va participer à la composition des futures travées, pénètre dans le volume de la nef de 0m 95. Ainsi le carré de base de la coupole sera régulier.

Au sommet des arcs le plan verra ses angles amortis comme pour l’installation de trompes mais ce sont bien des pendentifs qui sont finalement installés. Au dessus du bandeau qui couronne la partie basse, nous trouvons une coupole dont le volume est naturellement archaïque et dont les formes passent alternativement du rayon au secteur d’ellipse et cela sans coursive à la base ce qui va compliquer les problèmes de coffrage. Par contre, le volume de la coupole est bien conforme au parti oriental avec un puissant épaulement à la base, une couverture en lauses et un gros lanternon mais sans ouverture au sommet. L’ensemble de l’ouvrage est achevé vers 1135 mais les aménagements au sol et le choix des options peut dater des années 1115 à 1118.

Cette coupole sur pendentifs réduits n’est pas la seule il en existe d’autres dont trois très belles à l’abbatiale de Solignac, près de Limoges et nous pouvons nous demander quel en fut le modèle. Parmi les hypothèses intéressantes nous proposerons de voir l’origine du procédé sur les deux travées aujourd’hui détruites de la cathédrale de Périgueux; les premières réalisées en Occident nous semble-t-il. Ainsi les difficultés de coffrage rencontrées et la facture douteuse qui s’ensuit auraient participé à leur perte.

A l’époque où la première travée coupole de Souillac s’achève, il est logique de reprendre les murs des croisillons afin qu’ils puissent absorber les poussées latérales de la coupole mais tout en différant l’installation de la voûte puisque les parties orientales formant chevet sont toujours celles du XI°s. Le même problème architectonique se pose côté nef mais cette fois le maître d’œuvre entend avoir les coudées franches. Il a déjà hypothéqué l’espace en assurant l’épaulement de la croisée côté occident et, pour la campagne suivante, il prévoit de démolir les murs latéraux de l’ouvrage du XI°s. afin d’implanter au mieux les deux nouvelles travée coupole mais, ce faisant, il doit préserver le clocher occidental ce qui limite la longueur disponible et cette contrainte va justifier une excellente innovation. Ainsi limité en longueur, le maître d’œuvre ne peut adopter les larges contreforts plats d’Angoulême et doit trouver l’inertie nécessaire d’une autre manière, ce sera avec un contrefiort perpendiculaire de bonne taille lié à une pile interne de même caractère. C’est une œuvre originale dont les vertus architectoniques sont très satisfaisantes .

Le carré de base de ces nouvelles travées fait 10m 60 de côté, comme à la croiséee et cette fois les pendentifs aboutissent au plan circulaire comme à la troisième travée de la cathédrale de Périgueux. Cependant, le maître d’œuvre de Souillac se distingue en refusant la galerie de circulation à la base de ces coupoles de facture orientale. Leur taitement comporte également un épaulement très important occupant pratiquement la demi hauteur de la coupole. Ce volume est allégé d’une galerie de circulation. L’ensemble reçoit une couverture en lauses maçonnées et deux lanternons plus modestes que celui de la croisée. Il s’agit d’une œuvre importante et les travaux commencés vers 1130/1135 doivent s’achever vers 1160.

LES PARTIES ORIENTALES

Vers 1160, l’achèvement du chantier ouest permet de livrer au culte l’espace couvert par les trois coupoles. Des bardages en bois ont isolé ce volume de l’ancienne abside et des croisillons, les travaux peuve,nt commence côté chevet et c’est l’aménagement du sanctuaire qui sera traité primitivement. Celui de la basilique d’Aquitaine édifié au XI°s. respecte le plan polygonal coutumier flanqué de trois chapelles rayonnantes, elles aussi de plan polygonal. C’est un ouvrage de structure légère entièrement couvert sur charpente, seul le grand arc brisé supportant la première coupole impose une voûte unique. En ce milieu du XII°s. c’est un ouvrage devenu réalisable avec les techniques clunisiennes : du parement interne en appareillé assurant la tenue pour compression et la calotte externe en blocage assurant la rigidité, cependant les coffrages requis sont très importants quant à l’épaulement périphérique, il sera assuré par l’inertie des trois chapelles rayonnantes déjà en place mais qu’il faut reprendre ou renforcer au préalable.

A ce sujet nous demeurons perplexe. Existe-t-il une part des maçonneries anciennes sous les reprises en parement? Certaines observations militent en faveur de cette hypothèse. La quasi totalité de ces arcs externes est en plein cintre, par contre, dans les structures internes c’est l’arc brisé qui s’impose. Enfin, le plan polygonal de la basilique d’Aquitaine sera repris dans l’abside, dans les chapelles rayonnantes comme celles orientées flanquant le transept.

Une fois ces bases achevées, soit vers 1175, il faut coffrer le grand cul de four mais en réservant une couronne de fenêtres à la base, ce sont ces détails qui ont justifié l’appellation d’ouvrage romano byzantin. L’édification de ce cul e four sur l’abside suit l’achèvement des parties basses et se situe vers 1175/1185. Pour assurer le meilleur épaulement possible, une galerie haute de circulation, identique à celle déjà signalée sur la nef, viendra contourner le cul de four à mi hauteur fait l’objet de la deuxième couronne de fenêtres que l’on voit de l’extérieur. Le même traitement sera appliqué sur le mur oriental du transept.

Ici, également, nous suggérons une reprise en parements internes et externes sur les maçonneries anciennes. Là également, les parements externes des deux chapelles orientées respectent le plein cintre et ceux de l’intérieur le profil brisé. Tous ces aménagements sont bien conçus et soigneusement réalisés mais il n’en va pas de même pour les voûtes en berceau qui coiffent les croisillons; leur profil ne suit pas l’arc de la croisée qui se trouve nettement plus bas, ce qui donne un pied de voûte en oblique. S’agit-il d’une reprise maladroite? C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. Les croisillons du transept et les chapelles orientées doivent être achevés avant 1190

Par le jeu des transformations successives, la meilleure solution si l’usage d’une partie du sanctuaire est jugée essentielle, le parti de la basilique d’Aquitaine peut être impliqué dans les origines de bon nombre d’édifices de l’ouest.


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L'abside (A) est sur un dessin polygonal. Les trois chapelles rayonnantes (B,C,D) le sont également. C'est un caractère tardif. Par contre, la croisée (E) qui obtient le plan carré en débordant sur la nef (F) se trouve coiffée d'une coupole sur pendentifs n'atteignant pas le plan circulaire (G). C'est un dessin très particulier que l'on retrouve à Solignac et c'est également un trait d'archaïsme, par contre, les arcs (H,J) portant cette coupole sont parmi les plus graciles. Enfin les deux travées de la nef (K,L) sont d'une remarquable conception. Le volume de la culée et du contrefort (M) représente 47^o de la portée (N) et le massif d'épaulement est de faible épaisseur. Le dessin en plan est donc original en tout point et se distingue des filiations classiques issues du parti d'Angoulême. Nous proposons donc l'enclenchement et la chronologie suivante : 1120/1135 installation de la coupole de croisée dans un transept et avec un chevet existant. 1135/1160 : réalisation des deux travées de la nef qui viennent buter sur une œuvre du Xl°s. (P). Parallèlement de 1150/1170 reprise des chapelles orientées (Q,R) et voutement des croisillons (S,T) où l'on doit retrouver des maçonneries antérieures. Enfin, l'abside polygonale et ses chapelles rayonnantes datent de la fin du XII°s.


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Les voûtes de l'abbatiale de Souillac représentent la plus belle interprétation du modèle oriental. La coupe nous montre un arc longitudinal (A) d'épaisseur modeste mais avec un contrefort (B) judicieusement proportionné. Le rapport entre la culée et la portée est très favorable. La coupole (C) dont le cercle d'épure coïncide avec la base est traitée à la manière orientale avec une couverture maçonnée (D) et un tas de charge (E) où se trouve aménagée une galerie de circulation (F). Enfin, les lanternons (G) d'origine sont les seuls conservés. Sur l'élévation la coupole de la croisée la plus ancienne et la plus archaïque est établie sur un plan dont les angles ont été amortis.


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Souillac. La nef, élévation nord


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Souillac. Croisillon nord


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Souillac. Le chevet


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Souillac. Abside et chapelles orientées


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Souillac. La nef, vue d'ensemble côté narthex


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Souillac. Abside et chapelle orientée nord


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Souillac. Travée orientale de la nef


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Souillac. Les deux premières travées de la nef


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Souillac. Croisillon nord