Le siècle des Plantagenets

SEGONZAC

La paroisse se trouve sur les hautes terres, à 5km au sud du cours de la Dronne. Cette dernière coule au niveau moyen de 65m et l’altitude des massifs environnants est de 150 à 200m. La nature du terrain n’est guère favorable à la culture céréalière et le pâturage s’impose. Ainsi, la majorité de la population s’est installée sur les terres exploitées formant ainsi bon nombre de petites fermettes. Au cours des périodes fastes des hameaux ont vu le jour et les mieux placés ont justifié la création de domaines nobles qui deviendront des châteaux; il en existe deux sur les terres de la paroisse. L‘église de son côté a rassemblé plusieurs centaines de paroissiens qui vont constituer un village attenant.

Souvent endommagée, mais toujours restaurée et parfois remaniée selon les goûts du temps, cette petite église a plusieurs fois frôlé la ruine mais des restaurations exemplaires ont préservé de très nombreux témoignages des états antérieurs. Par contre, le fil de l’histoire est difficile à suivre et nous allons tenter d’intégrer tous ces témoignages préservés dans une restitution cohérente.

A la haute époque romane, au X° ou au début du XI°, la petite communauté qui reprend confiance reconstruit une grande cella dont il subsiste une partie du mur de façade et les alignements d’ensemble. Il y a également une petite cella latérale établie au nord du sanctuaire. Il s’agit là de structures légères avec murs porteurs et couverture sur charpente. Le traitement en puissance destiné à porter des voûtes commence à la fin du XI°, vers 1080, avec la construction d’une nouvelle abside établie en hémicycle sur axe et trois arcatures internes qui porteront un cul de four classique. Il n’y a qu’une seule fenêtre axiale. Contreforts et nervures sous le cul de four constituent des reprises ultérieures. Cette abside sera clôturée par un très puissant doubleau en plein cintre de 1m 20 d’épaisseur sur une portée de 3m 80.

L’ouvrage est destiné à porter la face orientale d’un clocher mais les travaux semblent engendrer des divergences de vue. Comment inclure la chapelle nord dans le nouveau programme? Nous sommes alors à l’extrême fin du XI°s et les travaux marquent une pause. Le mur sud sera refait à l’alignement du doubleau de clôture de l’abside et l’accès au volume sera constitué d’un arc plein cintre de traitement archaïque mais de forte épaisseur puisqu’il doit porter le flanc du clocher. Enfin, le volume de la chapelle sera coiffé d’une voûte en berceau plein cintre qui reposera à l’ouest sur un mur qui disparaîtra lors des aménagements gothiques; le mur sud semble resté en l’état pour sauvegarder le cul de four de l’abside. Nous sommes alors vers 1110. Dès cette époque, le développement du programme est incertain et nous proposons l’hypothèse suivante: pour sauvegarder le volume de la vieille nef, son mur sud sera renforcé et flanqué d’une pile recevant l’arc occidental de la travée clocher. Ce dernier, dans son état primitif, sera élevé sur la période 1115/1130, les parties subsistantes de la grande cella occidentale restant couvertes sur charpente. Ainsi s’achève le programme roman vers le milieu du XII°s.

Au cours des périodes troubles de la fin du Moyen Age, la nef, toujours couverte sur charpente, est détruite par le feu, le mur nord est complètement ruiné et celui du sud en partie. A cause de ce sinistre, les assises sud-ouest du clocher, toujours basées sur le vieux mur s’affaissent dangereusement; il faut le démonter et reconstruire rapidement la nef pour abriter les offices indispensables à la vie de la communauté. Mais l’époque est difficile et les paroissiens bien démunis. Au sud, une nouvelle élévation va joindre directement l’arc de l’abside au tronçon de mur ouest subsistant. Au nord, l’élévation est reprise également en droite ligne de la façade subsistante à la pile nord-est du clocher renforcée à cet effet. Une fois ces réparations essentielles achevées, la communauté s’accorde quelque répit dans son programme.

L’ultime campagne d’importance fut sans doute engagée à l’initiative des familles nobles de la paroisse. Ce programme comporte deux chapelles latérales nord, les maçonneries sont puissantes et le contrefort en diagonale de la face ouest nous donne une date proche du XV°s., l’appareillage est médiocre et les fenêtres sont d’une ouverture modeste et le volume décomposé en deux travées sera voûté sur croisée d’ogive. Ces chapelles donneront sur la nef par deux ouvertures aménagées en plein cintre. En fin de campagne, deux voûtes sur croisée d’ogive seront installées sur les structures de la vieille nef. Enfin, pour atteindre les combles maintenant situés au dessus des voûtes, un escalier est intégré dans le mur sud. Tardivement, un clocher léger sera reconstruit mais il n’a pas d’arc porteur sur sa face occidentale. Dernier avatar de cette église, les voûtes gothiques du XV°s, établies sur la nef, seront détruites et le restaurateur de l’époque moderne trouvera à nouveau la nef couverte sur charpente, état qu’il préservera.

Nous pouvons certes envisager d’autres lectures des témoignages conservés, notamment sur le flanc sud, mais des reprises en parement viennent gêner l’analyse.


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(A) Façade de la cella début XI°s.
(B) Prolongement probable de ses murs
(C) Petite cella latérale début XI°
(D) Nouvelle abside en hémicycle régulier 1080
(E) Arcatures internes et fenêtre unique
(F) Très puissant doubleau de clôture (archaïque)
(G) Intégration de la petite cella
(H) Arc de communication
(J) Second doubleau de la travée clocher
(K) Voûte en plein cintre
(L) Elévation sud (histoire incertaine)
(M) Fin des travaux romans vers 1130
(N) Reprise gothique XIV/XV°s. Deux chapelles latérales
(P) Réfection partielle de la façade
(Q) Escalier intégré dans l'élévation sud
(R) Voutement gothique du XV° (détruit)
(S) Clocher léger reconstruction moderne