Le siècle des Plantagenets

SAINT-MARTIN-D’ASTIER

A Mussidan, la rivière l’Isle coule au niveau 32/33m et ses nombreux méandres ont laissé de vastes étendues d’alluvions fertiles. C’est à quatre kilomètres en aval de la ville et sir la rive nord que se trouvait le village de Saint Martin, aujourd’hui disparu, mais dont la belle église subsiste. La population s’est rétablie à 1500m en amont, mais sur la rive sud, c’est le village de Saint Médard de Mussidan. Quel phénomène a justifié l’abandon du site? Peut-être les vicissitudes chroniques de la fin du Moyen Age où bien les inondations très fréquentes engendrées par des ponts trop bas piégeant les bois flottants. Ce phénomène était courant à la fin du Moyen Age, et cette dernière hypothèse semble la plus probable. Quoiqu’il en soit, cette belle église subsiste aujourd’hui au milieu des pâturages.

Avec son sanctuaire polygonal, l’église de Saint Martin est très particulière en Périgord mais celui ci occupe l’extrémité d’une classique cella occidentale avec murs porteurs et couverture sur charpente. Cette partie de l’ouvrage devenue nef de par sa situation repose sur des fondations très anciennes. Les murs sont en médiocre appareil, peut être du XI°s. ou plus avant dans le passé, et le sol s’est considérablement surélevé grâce à la galette archéologique formée par le village disparu. Ce phénomène a imposé la reconstruction de la façade fin XI°s, ainsi que l’installation de petits contreforts de sauvegarde sur les flancs de l’ouvrage. Aujourd’hui, le niveau du sol a dépassé de beaucoup le lit d’assise primitif ce qui fragilise les maçonneries. D’autre part, la construction du polygone oriental a imposé d’araser les parties hautes de la façade, afin de ne pas interférer avec le second niveau du sanctuaire..

A l’appui de ces hypothèses, nous remarquons à l’intérieur de la coupole du polygone un accès pour les combles situé plus haut que la couverture actuelle. D’autre part, sur la façade, nous voyons des reprises qui se sont substituées aux bandeaux sur corbeau, base de l’arcature haute, aménagement classique sur les façades de Saintonge. La nef primitive a donc perdu 2m 50 de hauteur. L’octogone oriental a-t-il remplacé une seconde cella? C’est peu probable. Enfin, nous voyons en plan que le volume de l’ouvrage correspond parfaitement à celui de la nef et l’encastrement a été surchargé en interne. En début de chantier, le constructeur du polygone était conscient de la faible résistance du sol sous la charge et son ouvrage se trouve établi sur un important radier. Son accès se faisait par six ou huit marches, mais la reprise du dallage de la nef destiné à protéger l’ensemble de la montée des eaux a mis les deux parties de l’ouvrage au même niveau.

Les huit côtés de cet octogone sont soulignés par des colonnes engagées externes qui filent jusqu’au sommet. Même disposition en interne mais, cette fois, ces colonnes sont couronnées d’un chapiteau supportant des arcatures en plein cintre et c’est à ce niveau que l’ouvrage passe du plan polygonal au plan circulaire avec huit encorbellements dominant les chapiteaux. Après un bandeau qui sanctionne la transition, nous trouvons une belle coupole du parti d’Angoulême. Au niveau supérieur, l’état primitif de l’ouvrage est incertain. Les grandes ouvertures aujourd’hui rectangulaires étaient-elles de belles baies géminées? Ce serait l’hypothèse la plus séduisante, les colonnes d’angle tronquées le laissent supposer. Enfin, il existait un escalier à vis dans un angle de l’ouvrage côté nef mais il est aujourd’hui comblé. Si l’on en juge selon ces critères l’ouvrage est à dater des années 1140/1180 mais l’arc de liaison avec la nef surprend par ses caractères que l’on peut dater du XIV°s. L’accès a-t-il été transformé et surélevé ou tout simplement muré lors d’une mise en défense du polygone puis réouvert ensuite dans le goût du siècle? Les deux hypothèses sont défendables.

La présence d’un tel ouvrage accolé à une nef aussi fruste peut surprendre mais là encore nous pouvons avancer plusieurs hypothèses. Sur la période antérieure au Carolingien la majorité des sanctuaires dédiés à Saint Martin, patron des Gaules, se trouvait concentrée dans le Val de Loire mais les invasions normandes ont fait fuir bon nombre de communautés. L’une d’entre elles a-t-elle laissé quelques reliques sur les bords de l’Isle ? C’est possible et c’est au XII°s. que celles-ci ont incité les pèlerins à faire halte en ce lieu. Enfin, ce plan centré était fort prisé des templiers et ce sont eux qui en furent sans doute les promoteurs.


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(A) Grande cella X°/XI°s;
(B) Façade nouvelle -1060/1080
(C) Fronton primitif
(D) Base de Farcature haute (disparue)
(E) Niveau probable du sol au XI°s
(F) Raidisseur de sauvegarde -XI°s
(G) Radier de base de l'octogone - 1140
(H) Marches d'accès
(J) Colonne extérieure
(K) Arcature intérieur
(L) Encorbellement
(M) Coupole de base circulaire
(N) Accès à l'ancien comble
(P) Couronnement actuel X1V° s.
(Q) Ecoulement des infiltrations d'eau