Le siècle des Plantagenets

SAINT-ETIENNE-DE-LA-CITE

A Vésone, dès la Paix de l’Eglise, les Chrétiens vont installer leur lieu de culte mais nous ignorons où se trouvait le premier sanctuaire. Il est peu probable que les habitants de la cité à l’esprit conservateur, l’aient accepté dans leurs murs avant 400 date où tous les cultes païens disparaissent, parfois sous la contrainte des chrétiens intransigeants. C’est probablement à cette date que la cathédrale de la cité prend place à un carrefour central de l’agglomération fermée. Une cathédrale pour 3.000 habitants dans un milieu urbain très dense est forcément modeste, les fouilles réalisées en 1815 ont partiellement mis au jour le plan d’un édifice basilical à trois nefs dont la largeur totale ne dépassait pas 15m. S’agit-il de la cathédrale primitive? C’est probable. Dans ce cas, l’édifice a nécessairement connu des avatars sur les siècles suivants, mais c’est une époque où l’on respecte et même vénère les témoignages des premiers temps chrétiens et cette basilique sera pieusement restaurée chaque fois que nécessaire.

L’ouvrage fut consacré à Etienne 1er, couronné pape à Rome en 254. Il succédait à Lisius 1er après les persécutions de Gallus et c’est une période de relative quiétude pour les chrétiens. Saint Etienne engagea une âpre controverse avec l’église d’Afrique, alors dirigée par le grand Saint Cyprien de Carthage, au sujet du baptême. Une passion de Saint Etienne le fait honorer comme un martyr ayant péri sous les persécutions de Valérien mais rien ne vient le confirmer.

Avec la Renaissance Carolingienne, de nombreuses églises seront reconstruites et même agrandies, mais toujours selon le parti basilical romain. Parfois, la variante d’Aquitaine, avec trois vaisseaux sous un même comble se substitue au parti primitif mais cela ne change guère le plan au sol. La cathédrale de la cité à Périgueux a-t-elle été reprise de cette manière au VIII° ou IX° s.? L’école régionale semble en porter témoignage, cependant si le contexte architectonique fournit de bons arguments à cette hypothèse, nous n’avons aucune certitude. En tout état de cause, la cathédrale romane sera entièrement reconstruite avec une file de quatre coupoles réalisées d’ouest en est sur la première partie du XII°s. et avec une ampleur croissante pour chacune des travées.

Ce parti avec coupoles en ligne était inconnu en Occident et toutes les réalisations du genre se situent en Orient Byzantin ainsi, les tenants de l’école romano-byzantine du XIX°s. vont attribuer leur diffusion à un phénomène dit « retour des croisades ». L’hypothèse sera admise et nous l’accepterons avec les réserves d’usage. Cependant, dès le XI°s. les pèlerins étaient déjà nombreux à tenter le voyage en Terre Sainte malgré les difficultés rencontrées. Ces petites gens voyageaient à pied en empruntant les chemins balkaniques qui traversaient les terres byzantines où les coupoles étaient nombreuses. D’autre part, la belle basilique Saint Marc de Venise nous offre un parti typiquement oriental formé d’une croix grecque avec cinq coupoles. Elle fut commencée vers 1063 et sa réalisation fut relativement rapide. Ainsi le modèle de coupoles sur pendentifs était déjà dans les mémoires dès le milieu du XI°s. mais son adaptation sur les ouvrages occidentaux posait un problème.

Sur leur terre d’origine, dans le bassin oriental de la Méditerranée, ces coupoles sont majoritairement intégrées dans des ensembles complexes formant soit une croix grecque, soit un ensemble carré ou rectangulaire où la grande coupole centrale se trouvait judicieusement épaulée par d’autres plus petites disposées à la périphérie. Des voûtes en cul de four participaient également à l’épaulement de l’ouvrage. Ainsi le dilemme qui s’offrait aux constructeurs d’Occident était le suivant : renoncer aux programmes en cours et adopter le parti oriental dans ses caractères ou bien l’intégrer dans les ouvrages dérivés de la basilique latine et dans ce cas, les innovations nécessaires étaient nombreuses. Les maîtres d’œuvre ont sans doute longtemps réfléchi et c’est celui à qui fut confiée la reconstruction de Saint Etienne de la Cité qui va imaginer la composition satisfaisante. L’innovation fut bien menée et les deux premières travées réalisées avant 1120 firent beaucoup pour la diffusion du parti.

LA REALISATION

Les deux travées seront construites simultanément avec un seul doubleau médian. Le volume implanté représente un rectangle de 16m 30 de large par 29m de long et chaque travée est construite comme il se doit avec quatre arcs brisés puissants où les pendentifs sont intégrés. Leur encorbellement concave permet d’obtenir un cercle de base voisin de 11m destiné à recevoir une coupole sans doute de profil oriental, soit non intégrée, d’un diamètre nominal de 36 pieds. Au sujet du traitement externe de cette coupole, les avis sont partagés : selon les tenants de l’école romano-byzantine, sa couverture était en pierre ou en tuiles maçonnées, avec un petit lanternon au sommet, pour d’autres, il était inconcevable de réaliser sous nos climats pluvieux un traitement conçu pour les région sèches et ces travées étaient sans doute coiffées d‘une couverture en charpente.

LA CHRONOLOGIE

Pour la datation nous avons privilégié l’ouvrage d’un maître d’œuvre novateur et cela peut coïncider avec le phénomène retour des croisades qui aurait favorisé le lancement du programme. De la croisade des gueux, bien peu reviendront et ces gens n’étaient pas de nature à véhiculer des procédés architecturaux complexes par contre, la croisade des chevaliers menée deux années plus tard et qui allait aboutir à la prise d’Antioche comptait bon nombre d’esprits avertis des problèmes de construction et c’est parmi eux qu’il faut rechercher les porteurs d’idées nouvelles. La prise de Jérusalem en 1099 fut le signe des premiers retours et ce sont les mouvements d’opinion ainsi véhiculés qui permettront au maître d’œuvre de Périgueux d’obtenir le chantier de Saint Etienne. La période 1102/1105 nous paraît la plus probable pour le début des travaux.

Reste à déterminer le temps requis pour l’achèvement. Sur les ouvrages de campagne où la préparation des matériaux est le plus souvent confiée à la population locale et où les travaux réalisés par campagne avancent lentement, les périodes d’édification sont longues mais, au sein d’une ville où l’ouvrage bénéficie d’un contexte artisanal en activité permanente, les temps de réalisation sont plus courts. Pour les deux premières travées coupoles de Saint Etienne de la Cité, quinze à dix huit années nous semblent un laps de temps raisonnable, ainsi l’ouvrage est acquis dans son gros œuvre vers 1115/1120. A cette époque, il y a déjà cinq ou sept années qu’une réplique beaucoup plus riche est entreprise à Angoulême par l’évêque Girard mais il est encore trop tôt pour qu’elle fasse école.

LA TROISIEME TRAVEE COUPOLE

Après l’achèvement de la nouvelle œuvre, les habitants de la cité sont satisfaits et le maître d’œuvre est maintenant confiant en lui. Les deux travées réalisées ne doivent pas coiffer le chœur de l’édifice, la partie la plus vénérable, ainsi naît le projet d’une troisième travée établie à l’orient des deux précédentes. Les travaux commencent rapidement et l’implantation au sol est plus grande. Le diamètre nominal de la coupole sera porté à 48 pieds contre 36 pour les précédentes et pour ne pas avoir deux doubleaux majeurs juxtaposés, la nouvelle travée sera partiellement intégrée dans la précédente. Les bases de l’ouvrage représentent un rectangle de 21m de long sur 20m de large et les piles vont porter quatre arcs de profil légèrement brisé dont la clé culmine à 15 m de haut. Les quatre pendentifs permettent d’obtenir un cercle de base de 13m 40 environ avec un léger encorbellement. Enfin, la coupole est montée sur un diamètre de 14m 80 ce qui réserve une galerie de circulation de 0m 70. Le sommet de la coupole se trouve à 25m du sol.

LE TRAITEMENT

Cette grande travée coupole, la troisième de l’œuvre, nous est parvenue. Elle est de facture rustique avec un traitement des structures en blocage et parements appareillés. Les arcs porteurs sont massifs, sans structure de décharge. Le cloisonnement latéral dont l’épaisseur représente moins d’un quart de celle de l’arc, est structuré d’arcatures internes, trois au nord et six au sud, qui sont coiffées d’une coursive située à environ 1m au dessous de la base des grands arcs; on y accède par un escalier à vis intégré dans les piles ouest, c’est la coursive aux flambeaux. A l’extérieur, les arcatures sont au nombre de deux et filent jusqu’à la corniche haute chacune encadrant une fenêtre située dans le volume de l’arc. Enfin, un oculus occupe le haut du cloisonnement et interfère avec la structure externe, il s’agit sans doute d’un additif ultérieur. Comme le veut le principe, les grands arcs sont liés par quatre pendentifs concaves et triangulaires qui transformeront le plan carré en base circulaire destinée à la coupole.

Ainsi réalisées, les bases de la travée constituent un ensemble parfaitement stable. Pris sur la diagonale les quatre ensembles en encorbellement se joignent et s’équilibrent parfaitement mais à condition toutefois que le blocage des piles et des pendentifs demeure parfaitement homogène comme nous l’avons précisé dans l’étude théorique du procédé. Si ce n’est plus le cas, le volume en encorbellement du pendentif se dégage de la pile et engendre une résultante externe qui la pousse au déversement. Cet accident a du survenir à l’époque de la Renaissance, au temps où les couvertures étaient en mauvais état. Sous l’effet des infiltrations d’eau et du gel des mouvements dans la structure ont engendré des fissures dans les arcs orientaux et occidentaux. Dès lors, la stabilité de l’ensemble est essentiellement confiée au volume de la pile pris sur sa diagonale. La période critique pour l’ouvrage se situe entre 1577 et 1630.

LA COUPOLE

Sur les édifices religieux, la grosse majorité des coupoles orientales s’inspire de celle de Sainte Sophie de Constantinople, c’est cet ouvrage majeur qui va donner ses lettres de noblesse au procédé. Dans ces réalisations que le volume de la coupole soit sphérique ou légèrement brisé, le point d’épure de l’arc se trouve pratiquement sur les 90° inférieurs. C’est donc le critère des ouvrages non intégrés. Dans ce cas, les résultantes externes et périphériques vont se manifester dans les maçonneries et leur concentration se situera en dessous des 30° inférieurs. Si le volume de l’ouvrage est considérable, comme sur certaines petites églises, ces résultantes seront absorbées par l’inertie de la travée, il n’est donc pas nécessaire de les traiter. Par contre, si l’épaisseur de la calotte est réduite, comme cela se fait sur les très grands volumes, il faut les prendre en compte.

Comme nous le résumons dans les caractères généraux, ces grandes coupoles sont idéalement constituées de trois composants : d’abord l’intrados de l’ouvrage où les contraintes additionnelles issues du sommet sont absorbées et transmises par un appareillage soigné, ensuite la rigidité de l’ensemble sera confiée à une enveloppe en blocage et enfin celle ci sera protégée des intempéries par une couverture intégrée formée de tuiles maçonnées. Dans ces conditions, la meilleure manière de prendre en compte les résultantes externes consiste à faire varier l’épaisseur du blocage; il sera mince au sommet où les contraintes sont faibles, moyen à mi hauteur où l’empilage des matériaux commence à engendrer des résultantes externes et très épais à la base où toutes les charges additionnelles poussent à l’éclatement sous l’effet de la courbure. Ceci est la composition optimum, mais parmi les multiples réalisations, les variantes seront nombreuses.

La coupole coiffant la troisième travée de Saint Etienne de la Cité respecte les grandes lignes du procédé mais le blocage fonctionnel est d’épaisseur constante et une surcharge au sommet, destinée à retrouver une pente satisfaisante pour les tuiles à laquelle s’ajoute la masse du lanternon, engendrent un surpoids là où il fallait alléger l’ouvrage pour être conforme aux principes de la composition. Cependant, ces parties hautes, les plus exposées aux restaurations ont sans doute connu de nombreuses modifications. Celles réalisées par les romano-byzantin furent les plus désastreuses.

Ajoutons enfin que la réalisation doit admettre des contraintes mineures. Si le blocage bien réalisé acquiert rapidement son homogénéité et si les pierres de parement internes travaillant en compression peuvent tenir avec le mortier sur une hauteur de 20 à 25°, il faudra ensuite avoir recours à un échafaudage interne. Comme il serait trop coûteux de l’établir au sol, une margelle circulaire destinée à le recevoir sera réservée à la base de la coupole; cette disposition permettant également de livrer au culte les parties basses de l’ouvrage durant la fin des travaux. Les matériaux seront introduits par deux ou quatre fenêtres ouvertes à la base de l’ouvrage, celles se trouvant sur le plan longitudinal seront nécessairement plongeantes pour respecter la surcharge de maçonnerie nécessaire à la pente de la couverture. Ces fenêtres établies à la base de la coupole sont une tradition dans le parti, l’illustre modèle de Sainte Sophie de Constantinople en comptait tout une couronne périphérique et l’affaiblissement de l’inertie ainsi engendré était compensé par une série de petits contreforts puissants disposés entre ces fenêtres. La composition était excellente, la tenue de l’ouvrage dans les siècles le prouve.

Un autre problème plus sournois guette les coupoles comme les autres systèmes de voûte. Il s’agit des condensations internes. Cette humidité est due aux évaporations venues du sol auxquelles s’ajoutent celles engendrées par la respiration des fidèles. Enfin il y a les infiltrations ayant traversé les couvertures de tuiles maçonnées qui sont capillaires comme le mortier de fixation. Ici, le problème est saisonnier. Seules les couvertures avec plaques de plomb liées entre elles par enroulement, mettent l’ouvrage à l’abri de ce dernier phénomène. Pour parer à cela, les constructeurs orientaux avaient pris coutume d’établir une ouverture au sommet comme celle réalisée au Panthéon de Rome et de la protéger par un lanternon sur colonnettes. Cette formule fut peut être exploitée par les constructeurs romans d’Aquitaine mais beaucoup d’ouvrages vont recevoir des couvertures sur charpente indépendantes et ce sont les restaurateurs romano byzantins du XIX° qui vont réhabiliter le lanternon mais en négligeant l’oculus d’évaporation qu’il était censé couvrir. Ainsi, aujourd’hui, bon nombre des parties hautes de tous les édifices à piles de coupole sont sujettes à caution, seules les réalisations du parti d’Angoulême échappent à la règle.

Avec ces traits d’archaïsme, la troisième travée de Saint Etienne de la Cité nous semble précoce. Ses structures ouest chevauchant la précédente laissent supposer que les travaux ont commencé avant l’achèvement de la travée II. La date de 1115 paraît satisfaisante pour les premiers travaux ce qui porte l’achèvement vers 1130/1135. Nous verrons ultérieurement que cette date convient à la filiation avec la cathédrale de Cahors dont les deux grandes coupoles dérivent sans contexte de l’œuvre de la Cité de Périgueux.

LA QUATRIEME TRAVEE

La dernière campagne de Saint Etienne semble suivre une courte interruption dans les travaux. Le volume est pratiquement identique à celui de la travée III, les portées des grands arcs sont de 13m 40 et 13m 75 contre 13m et 13m 65 pour l’ouvrage précédent soit, pour la coupole, une valeur nominale de 48 pieds mais l’implantation des assises est légèrement plus grande : 21m 30 x 21m 20 ce qui donne 4m d’épaisseur pour les grands arcs latéraux et 5m pour celui clôturant l’ouvrage à l’ouest mais, dans ce dernier cas, il s’agit peut être d’une surcharge réalisée lors de la reprise en parements de 1625.

En élévation, le traitement est plus riche et s’inspire de celui de la cathédrale d’Angoulême qui va devenir la nouvelle référence dès 1130/1140. Parmi ces aménagements de caractères architecturaux citons un rouleau de décharge sous chacun des grands arcs avec des retombées sur une paire de colonnettes engagées. Notons également que le dessin des arcs est davantage brisé et qu’il se rapproche du tiers point. Enfin, les moulurations du registre bas comportent six arcatures richement traitées; il en est de même pour l’encadrement des trois fenêtres que l’on trouve au deuxième niveau, mais ce traitement plus soigné des structures de parement ne dispense pas l’ouvrage d’un blocage interne selon la tradition romane. En résumé, sur les quatre arcs de structure et sur les pendentifs nous avons un traitement plus soigné mais aucune innovation technique notoire. A cette époque, les progrès architectoniques se situent dans les coupoles d’Angoulême qui vont devenir partiellement semi intégrées. Les dates d’édification pour l’ensemble de la travée peuvent se situer sur la période 1140/1160 et c’est également à cette époque que sera construit le clocher flanquant la façade occidentale. Enfin, la coupole de cette travée IV fut intégralement reconstruite au XVII°s. après les saccages des Huguenots.

LES HEURES SOMBRES

Saint Etienne de la Cité sera gravement endommagé lors des guerres de religion qui opposeront Huguenots et Catholiques. Sur cette époque troublée, l’enceinte gallo-romaine en partie démantelée à la période faste du Moyen Age, sera reprise et renforcée de bastions et deviendra le refuge d’une partie de la population face aux dangers. Les toits de la cathédrale qui dominent les maisons de bois seront un objectif de choix pour les tirs de bouches à feu qui se multiplient à cette époque. Après les destructions ainsi engendrées, les Huguenots qui ont occupé la cité en 1567 s’acharneront sur la cathédrale et les travées I, II et IV seront partiellement détruites. Les troubles vont continuer et ce n’est qu’en 1625 que les travaux de restauration systématique seront entrepris mais pour l’architecture en Occident, c’est alors la Renaissance, une toute autre époque.

Au cours du Moyen Age, les travaux d’entretien étaient confiés par le maître de fabrique à des artisans locaux dont certains avaient un titre de maîtrise et des contrats à vie et les compagnons chargés de l’ouvrage restauraient selon l’existant et souvent avec rigueur. Par contre, dès 1600, les évêques très liés à la société noble et parfois au parti monarchique, se veulent engagés dans la renaissance et confient ces travaux à des architectes renommés. Ces derniers sont gagnés par les courants du siècle et travaillent le style tout en méconnaissant complètement les subtilités des procédés romans et gothiques qui deviendront bientôt « les secrets des bâtisseurs de cathédrales ». Ces nouveaux maîtres bardés de grands principes ne jurent que par l’esprit des formes et le traitement en grand appareil et comme les règles de la mécanique statique ne se plient pas nécessairement à leur volonté, ils ont souvent recours à des crochets de fer pour fixer leur appareillage chaque fois que cela est nécessaire. Comme ces crochets introduits dans la pierre et sellés au plomb n’apparaissent pas à l’extérieur, l’ouvrage une fois terminé donne l’impression d’une réussite. A leur défense, ils affirmeront que ce procédé était déjà utilisé par les Romains mais c’était pour une facilité d’assemblage dans des structures pour la plupart auto stable. La porte Nigra à Trêves a perdu ses crochets de fer, arrachés par les Francs dès leur conquête de la cité, mais l’ouvrage n’a pas été déstabilisé pour autant; les traces de ces arrachages sont toujours visibles.

Les nouveaux bâtisseurs qui vont restaurer Saint Etienne de la Cité étaient également obnubilés par l’esprit des formes et, pour eux, la coupole était dotée de toutes les vertus. Les travées I et II dont les parties hautes seront entièrement reconstruites par leurs soins ne supporteront pas le traitement et s’écrouleront en entraînant dans leur chute le clocher occidental édifié au XII°s. La travée III qui a peu souffert sera restaurée de bonne manière. Enfin, la travée IV qui a également perdu toutes ses parties hautes sera, elle aussi, confiée aux nouveaux bâtisseurs. Pour les parties basses qui n’ont pas bougé une reprise en parements suffira et c’est sans doute dans ce programme que la façade orientale a été fortement surchargée. La coupole sera totalement réédifiée selon l’esprit du siècle avec des crochets de fer placés dans le grand appareil. Puis ce furent des restaurations abusives réalisées par l’école romano-byzantine dont les conceptions architectoniques demeuraient proches de celles de la Renaissance. Ainsi, seul le témoignage de la travée III est fiable.


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A Saint Etienne de la Cité, les deux premières travées (A,B) aujourd'hui disparues furent mises en chantier dès le début du XII°s., vers 1100/1105. Le constructeur innove en dégageant la travée coupole des ensembles complexes où l'architecture orientale l'avait intégrée. Ces deux premières réalisations d'un diamètre de 36 pieds nominal sont dépourvues de contreforts externes ( C ) et le rapport entre la culée n'est pas favorable, environ 30% pour cette dernière, ainsi les poussées des coupoles doivent être essentiellement absorbées par l'encorbellement des pendentifs (G). Ce programme doit s'achever vers 1120. 11 est jugé satisfaisant et sera repris en extrapolation sur la 3eme travée. Ces travaux doivent commencer vers 1120 et l'œuvre respectera le traitement déjà expérimenté. Les grands arcs sont sans structure et la coupole de 48 pieds est dotée d'une couverture maçonnée avec les surcharges que cela implique mais le rampant qui porte la couverture des arcs amène un complément d'inertie à la base de la coupole. Cette 3eme travée de St. Etienne représente dans l'architecture romane l'exploitation optimum du parti oriental; elle doit s'achever vers 1130/1135. La 4eme et dernière travée reprend la valeur nominale de 48 pieds mais avec des arcs abondamment structurés et des culées légèrement plus importantes (37 à 39%), mais les multiples restaurations qu'elle a subi dans ses parties hautes nous privent d'informations fiables.


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Périgueux: St. Etienne de la Cité, façade de la 3me travée


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Périgueux: St. Etienne de la Cité, chevet de la 4ème travée (restauration)


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Périgueux: St. Etienne de la Cité, la coupole de la 3ème travée


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Périgueux: St. Etienne de la Cité (élévation nord des 3éme et 4ème travées)


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Périgueux: St Etienne de la Cité (liaison 3ème et 4ème travées)