Le siècle des Plantagenets

BOURG DES MAISONS

Situé entre Saint Martial de Viveyrol et Paussac Saint Vivien, dans le massif au nord du cours de la Drôme, Bourg les Maisons est isolé des grands cheminements communément utilisés à l’époque romane. C’est une région rurale qui a préservé ses caractères celtiques et l’appellation bourg semble signifier que le lieu était plus qu’un village agricole mais un lieu de marché pour les populations environnantes. Les caractères défensifs que l’on trouve aujourd’hui dans l’église témoignent qu’elle servit de lieu de refuge pour les paroissiens et habitants des environs. Ce caractère de bourgade commerciale lui fut sans doute donné par un itinéraire nord/sud desservant Celles, la Tour Blanche et Lédillac afin de relier la vallée de la Dronne à l’antique voie Saintes/Angoulême.

Aujourd’hui, l’édifice dont les caractères majeurs sont XII°s. se compose d’une nef découpée en deux travées coupoles et d’un sanctuaire voûté en berceau. L’ensemble est inclus dans un volume rectangulaire avec de hauts murs percés de rares fenêtres. Seul un mur pignon destiné à recevoir une cloche s’élève entre la nef et le sanctuaire et signale qu’il s’agit bien d’un édifice religieux mais il fut refait tardivement (XVI°/XVII°s.)

Pour son analyse architectonique nous proposons l’hypothèse suivante: à l’origine, l’ouvrage était fidèle au parti primitif rural avec deux cella axées datant du XI°s ou plus avant. De cette construction il subsiste l’arc plein cintre séparant les deux cella mais il est aujourd’hui partiellement intégré dans des reprises du XII°s. Sur le cours de ce siècle, la campagne d’aménagement commence par la nef qui sera structurée en deux travées coupole. Le traitement est archaïque, les piles sont de section carrée sans aucune mouluration et les arcs de profil légèrement brisé. Les pendentifs sont fortement incurvés mais les coupoles sont de bonne facture sur base circulaire tandis que de légers contreforts viennent flanquer le plan médian. Nous avons là des caractères qui nous font penser aux deux premières travées disparues de N.D de la Cité à Périgueux et nous dirons que l’ouvrage est sans doute précoce, soit une période 1110/1125. L’absence de base moulurée sur les piles témoigne d’une surcharge du dallage, une hypothèse qui se confirme avec le dénivelé que l’on observe sur la face nord. Actuellement, des décollements observés sur les structures des travées coupole nous suggèrent qu’elles furent intégrées dans une nef en voie de reconstruction et peut-être avec un premier projet de voûte en berceau longitudinal épaulé par les berceaux perpendiculaires actuellement en place

Les travaux effectués sur la cella orientale commencent après l’achèvement de la nef. Les structures perpendiculaires se juxtaposent et encadrent l’ancien arc médian qui semble reposer sur un radier. Il n’inspira pas grande confiance au maître d’œuvre chargé de l’aménagement, d’où l’épaisseur considérable des murs. Ce choix peut également être expliqué par la construction d’un clocher ultérieurement démoli par la méchanceté d’un seigneur local ulcéré de voir les manants disposer d’un ouvrage en forme de donjon. Sur le pignon est, nous trouvons deux arcs de décharge destinés à réduire l’espace intérieur mais la base qui reçoit la voûte en berceau est toujours rectangulaire: 5,35m X 4,10m. En tout état de cause, cette partie de l’ouvrage fut sérieusement reprise ou modifiée si l’on en juge par les contreforts tronqués à différents niveaux, de coutume, ils filent jusqu’à la corniche couronnant l ‘ouvrage. L’accès aux parties hautes se fait par un escalier intégré dans le mur nord et la porte est surélevée afin d’assurer la sauvegarde des parties hautes. Il suffisait, pour cela, de retirer la petite échelle.

Sur la nef, la couverture du XII°s se situait à un niveau inférieur et c’est par une surélévation légère que le volume fut aménagé en refuge. Après la démolition du clocher, le comble est fut aligné sur celui de la nef et ces vicissitudes semblent dater des XIV° et XV°s. Sur ces périodes troubles, le village plusieurs fois ruiné s’est reconstruit, serré autour de l’église, et les ruines successives des maisons faites de torchis et couvertes de chaume ont justifié une importante surélévation du sol : c’est là que le dallage fut surchargé et l’ancienne porte romane comblée puis retaillée en arc brisé du style XIV°, XV°s.


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(A) Arc en plein cintre fin XI°s.
(B) Nouvelle nef début XII°s- 1120/1125
(C) Piles de section rectangulaire vers 1110
(D) Piles d'extrémité
(E) Pendentifs incurvés
(F) Coupole d'Angoulême
(G) Arc en retrait
(H) Décalage visible
(J) Contreforts plats
(K) Cella orientale- 1125/1145
(L) Mur épais
(M) Escalier intégré
(N) Voûte en berceau de profil brisé
(P) Clocher probablement démonté au XIV°-XV°s.
(Q) Combles alignées
(R) Sol surélevé
(S) Partie reprise en conséquence de (R)