NOTRE-DAME-DU-PORT

Les cités fortes du Bas Empire furent conçues pour le refuge des populations survivantes après les grandes invasions, mais la densité d'habitats établis derrière les murailles gênaient considérablement les activités économiques. Ainsi, dès le calme revenu, vont-elles s'installer hors les murs sur les ruines de l'agglomération antique avec des églises paroissiales pour le service des populations. L'une d'elles, Notre Dame du Port, va s'acquitter d'une charge particulière et nous prendrons son appellation au figuré puisque c'est là que viendront s'abriter les voyageurs, les marchands, lorsque les portes de la cité seront fermées. C'est une charge qui, de coutume, était prise en mains par les abbayes hors les murs mais les évêques n'appréciaient guère la naissance et le développement de ce second pôle religieux qui aboutira, le plus souvent, à la formation d'un important faubourg donnant à la cité son caractère bicéphale. Le rôle de Notre Dame du Port fut donc soutenu par l'Épiscopat ce qui explique qu'elle se distingua très tôt parmi les églises paroissiales.

C'est Saint Avit, évêque de Clermont, qui établit ce lieu de culte vers 590 en le consacrant à la vierge. Il deviendra Sainte Marie Principale pour se distinguer de la cathédrale, elle aussi consacrée à la vierge. Cette église mérovingienne qui reprend comme la cathédrale l'orientation générale des voies antiques doit disparaître dans l'incendie de 761 lors de l'affrontement entre Pépin le Bref et Waïfres duc d'Aquitaine. L'ouvrage est sans doute reconstruit lui aussi grâce aux subsides du roi Franc mais aucun texte ne le précise. Notre Dame du Port est à nouveau détruite par les Normands en 864 puis relevée de ses ruines par l'évêque Sigon avant 875. Cette courte période semble indiquer qu'il s'agissait d'un réaménagement des structures existantes et que le plan ne changeait pas. En 950, l'édifice est toujours désigné comme Sainte Marie Principale et ainsi distinguée parmi les 34 églises paroissiales de Clermont.

En 959, l'évêque Etienne II qui aménage la cathédrale confie N.D du Port au Chapitre sans doute pour la soustraire à la convoitise bénédictine qui ferait d'elle une église indépendante de l'Épiscopat. Dès lors, les deux ouvrages seront intimement liés, les aménagements successifs réalisés sur la cathédrale seront repris à N.D du Port mais dans un nouveau programme lancé vers 1090.L'ouvrage antérieur comportait un transept et une abside simple, l'autel fut transporté sous la croisée ce qui laissa toute liberté au constructeur pour réaliser l'ouvrage nouveau. Il commence par une vaste crypte dont les voûtes sont portées par huit grosses colonnes correspondant à celles projetées au niveau supérieur tandis que le sanctuaire est décomposé en neuf travées par huit colonnes.

En partie supérieure, le chevet sera réalisé en s'inspirant des aménagements de la cathédrale avec quatre chapelles rayonnantes séparées de travées intermédiaires et huit colonnes autour du sanctuaire, l'ensemble étant établi autour du même centre. Les travaux se poursuivent avec la réalisation d'une croisée installée dans l'ancien transept qui sera repris en structure interne sur les croisillons. Il reçoit également deux chapelles orientées. Après ces travaux qui doivent s'achever vers 1125/1130, l'ancienne nef sera démontée et remplacée par un ouvrage neuf prenant modèle sur la cathédrale. L'ensemble fut sans doute achevé vers 1150 mais le couronnement des tours de croisées et du narthex seront, comme souvent, réalisés ultérieurement. N.D du Port a été sérieusement restaurée au XIX°s. mais de manière honnête.


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Construite d'est en ouest sur une période probable de 1090 à 1140, N.D du Port est inspirée de ta cathédrale. Son chevet comporte également quatre chapelles rayonnantes (A,B,C,D) avec travées intermédiaires (E), un déambulatoire avec voûtes d'arêtes (F) et un sanctuaire (G) cerné de huit colonnes (H). C'est le descriptif du chevet d'Etienne II mais cette fois le découpage rayonnant est établi sur un centre unique (J). L'ensemble se prolonge sur une travée droite et le cuï de four (L), est séparé du berceau (M) par un doubleau. Le transept (N) est décomposé en cinq travées et comporte deux chapelles orientées (P). Cette fois la croisée repose sur quatre piles cantonnées mais les croisillons (Q,R) sont légèrement gauchis par contrainte de l'ouvrage antérieur, ce qui imposât une structuration interne (S). Suit une nef à cinq travées avec structuration externe (T) et absence d'arc de décharge (U). L'ouvrage est clôturé par un narthex qui intègre des maçonneries d'origine carolingiennes et comporte des escaliers d'accès aux tribunes (V).


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Notre Dame du Port. La nef, élévation sud.


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Cette planche montre les contraintes architectoniques qui vont engendrer le massif barlong. La cathédrale de Namace construite vers 420/430 ne comportait ni crypte ni transept; ce sont des additifs réalisés au VII°s. Les deux croisillons bas (A) viendront flanquer la nef en s'intégrant dans le volume de deux travées mais sans toucher aux colonnes existantes, ainsi l'unité du vaisseau central (B) sera sauvegardée. L'ouvrage disparaît dans l'incendie de 761 pour laisser place à une réalisation plus importante subventionnée par Pépin le Bref qui se considérait responsable du sinistre. Sur cette cathédrale nous n'avons que très peu d'informations sinon la grande abside flanquée de deux tours découverte lors des fouilles du XIX°s. Cette seconde cathédrale sera détruite par l'incendie de 915 et remplacée par l'œuvre d'Etienne II consacrée le 2 juin 946. Plusieurs fois remaniée, elle deviendra le prototype du parti achevé diffusé par les moines de la Chaise Dieu au XIPs. Cette cathédrale d'Etienne représentait un volume d'une largeur pratiquement égale à l'église de Namace (C) mais en beaucoup plus haut (D) et avec deux registres de fenêtres (E,F) dont l'origine est peut être carolingienne. En tout état de cause son élévation (G) est nouvelle et comporte également deux niveaux afin de supporter un comble unique. A l'origine l'ouvrage est non voûté. Dans le programme d'Etienne, les croisillons bas (H) se verront structurés d'arcatures (J) et surélevés jusqu'au niveau de la nef. Désormais le transept est constitué il traverse l'ouvrage et sera surmonté d'un massif barlong (K) destiné à recevoir le grand comble. C'est ce volume qui sera aménagé au XI°s. décomposé en trois éléments et coiffé d'une tour lanterne (L).


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Notre Dame du Port. La nef, élévation nord.


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Notre Dame du Port. Chevet. Détail des parties hautes avec mosaïque de pierres.


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A N.D du Port, nous retrouvons les chapelles rayonnantes (A,B,C,D) avec travées intermédiaires (E) et les huit colonnes du sanctuaire (F) mais cette fois sur le même centre (G). L'entrecolonnement (H) est toujours supérieur comme sur le modèle mais les deux colonnes contigués à la croisée ont été remplacées par des piles cantonnées (J), ce qui permet la construction d'une croisée régulière (K) dans un transept toujours gauchi par les contraintes de l'œuvre antérieure. En élévation, l'unité des quatre supports permet l'installation d'une coupole archaïque (L) tandis que le sanctuaire (M) reçoit une voûte en cul de four percée de petites fenêtres (N) mais sans niveau de triforium (P). La partie droite est coiffée d'un berceau plein cintre(Q).


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Notre Dame du Port. Le chevet. Vue d'ensemble.


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Notre Dame du Port. Chapelle orientée, nord.