LES BASILIQUES CHRETIENNES

Toute construction, de la cathédrale à la chaumière, doit répondre à trois critères. En premier lieu, faciliter les activités qu'elle doit abriter, c'est ce que Viollet-le-Duc définissait comme le programme. Ensuite, être de facture satisfaisante et pour cela respecter les règles essentielles de la mécanique statique qui impose que toute forme soit en harmonie avec sa fonction et, enfin, dernier critère, plaire au commanditaire; ceci est du domaine de l'architectural où les formes doivent répondre au sens esthétique qui règne alors dans la communauté.

Il serait logique de traiter ces trois domaines dans l'ordre énuméré ce qui permettrait de dire que le premier mérite d'un édifice est de tenir debout afin que les amateurs d'art puissent disserter à l'infini sur les charmes de ses formes. Mais ce serait méconnaître la nature humaine où l'être va se soumettre "au paraître", où la vanité cherche ses raisons avant que la raison ne condamne la vanité.

Dans les programmes de petite importance, l'ordre rationnel est généralement respecté mais, dès que l'édifice atteint certaines proportions et rentre dans le domaine public, l'effet de prestige va l'emporter sur toute autre considération. Les architectes chargés de l'œuvre proposent alors un décor, une façade, qu'il sera parfois difficile d'aménager convenablement sur le revers.

Ainsi, Versailles est un chef d'œuvre d'architecture mais une demeure invivable. Il fut construit en un temps où les petites gens aménageaient confortablement leur intérieur dans des demeures rustiques mais fonctionnelles. La réaction viendra de Louis XV qui, lassé de se réfugier dans les combles pour trouver un lieu confortable où prendre son chocolat avec ses maîtresses, fera construire Compiègne. C'était au temps de l'ancien régime mais l'œuvre sera traitée comme un grand hôtel et les invités de Napoléon III s'y trouvaient très à l'aise.

Ainsi, dans les constructions de prestige, le programme demeure certes primordial, mais il est conçu à l'usage de la représentation et des manifestations publiques. C'est dans ces édifices que l'architecture trouvera ses références majeures.

Dès le Bas-Empire, l'église chrétienne qui encadre maintenant la société civile, édifie des basiliques à son usage et ces édifices sont des oeuvres d'architecture mais également des témoignages de la pensée occidentale contemporaine. Nous allons suivre l'évolution du "temple" chrétien sous deux aspects: d'abord le programme et les enseignements socio politiques qu'il reflète et, d'autre part, les moyens mis en oeuvre et leur degré de technologie.

LA BASILIQUE

Dès qu'une cité atteint une certaine importance, sa vie sociale et politique soulève des problèmes de relation et, en l'absence de toute structure prévue à cet effet, les débats s'improvisent sur la place des relations coutumières: le marché, l'agora chez les grecs. Dans les villes hellénistiques programmées, l'agora va se développer pour répondre aux divers besoins journaliers ou occasionnels et la formule paraît satisfaisante. Les Romains commenceront de même mais, chez eux, la démocratie va plus loin. La politique est toujours traitée par une élite réduite mais l'implication du petit peuple est plus grande et le forum romain doit accueillir des phénomènes que n'avait pas connu l'agora. Certes, les optima ne font pas grand cas de la plèbe mais ils se donnent la peine de la mettre en condition.

D'autre part, le pouvoir impérial, beaucoup plus centralisé, va concevoir de grands programmes d'aménagement susceptibles de répondre à tous les cas de figure de la vie socio politique et religieuse. Dans cet espace unique, il y aura un très vaste édifice bien fait pour la rencontre et le débat organisé: c'est la basilique. Le programme consiste à rassembler le maximum de personnes dans un volume bien éclairé, sans contrainte pour les mouvements de groupe et où tous les assistants doivent se trouver à moins de 60m d'un point quelconque pour entendre à la fois l'orateur et l'intervenant. C'est en effet la portée pratique de la voix humaine bien articulée. Comment atteindre cet objectif ?

L'œuvre la plus illustre et la plus satisfaisante fut la basilique Ulpienne construite de 98 à 105 sur le forum de Trajan. Elle offrait 6.000 m2 au sol et plus de 4.200m en tribunes, soit 10.700 m2. Nous avons abordé cet édifice sans traiter des solutions techniques exploitées. L'œuvre était réalisée selon le principe du mur porteur avec couverture sur charpente. C'est une solution pratique, relativement économique, où l'on peut obtenir de très beaux effets par le choix de matériaux nobles et grâce aux fresques et mosaïques. Mais l'œuvre est fragile. Les élévations portées sur files de colonnes doivent une bonne part de leur tenue aux plates-formes des tribunes et à la charpente. Un incendie survenant dans les parties hautes peut ruiner l'édifice de fond en combles.

Les architectes romains avaient également réalisé avec la basilique de Constantin et Maxence un édifice presque aussi vaste et entièrement voûté mais une mauvaise conception de la couverture, conjuguée à un manque d'entretien, ont ruiné cette oeuvre majeure en moins de cinq siècles. Les trois grandes voûtes d'arête qui couvraient la partie centrale se sont écroulées vers 800 et il ne subsiste aujourd'hui que le bas-côté nord. Ce type de construction apparemment idéal puisqu'il conjugue l'unité de volume et la résistance au feu a cependant un inconvénient d'importance; sa construction implique douze à dix huit fois plus de matériaux que le parti basilical sur mur porteur et le coût du programme est à l'avenant. Ainsi, les chrétiens pressés d'élever leur temple choisiront le parti de la basilique Ulpienne.

L'ELEVATION BASILICALE

Les problèmes techniques contenus dans le programme basilical sont de deux ordres: d'une part l'élévation et sa tenue et, d'autre part, la couverture sur charpente qui doit, comme les planchers des tribunes, participer à la stabilité de l'ensemble. Voyons d'abord les élévations.

C'est un terme conventionnel qui désigne la partie interne d'un grand édifice donnant sur un espace clos à plusieurs niveaux. Dans les basiliques, ceux-ci sont au nombre de trois ou de quatre :le premier correspond au bas-côté, le second au volume des combles sur le bas-côté et le troisième est celui des fenêtres hautes. Si l'édifice comporte un niveau de tribunes, le nombre est alors porté à quatre.

Le volume correspondant aux combles des bas-côtés est de hauteur variable; faible avec les couvertures méditerranéennes à pente douce, plus important avec une couverture septentrionale où la pente peut avoisiner les 40°.

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La basilique exploite le principe archilectonique d'une couverture (A) sur charpente (B) avec murs porteurs (C). C'est un parti économique mais fragile. Un incendie survenant dans le grand comble (D) occasionne la rupture de l'entrait (E) et les arbalétriers (F) s'affaissent entraînant le déversement (G) de l'élévation (H). Ce phénomène provoque également la ruine des bas-côtés (J). L'élévation classique comporte des colonnes (K) monolithiques réliées par des ares (L) constitués de claveaux (M). L'ouvrage est éclairé par deux niveaux de fenêtres, niveau bas (N) niveau haut (P). Dans la majorité des programmes ta nef est précédée d'un atrium et clôturée par une abside en hémicycle, généralement la seule partie voûtée. Les vastes programmes comportent un vaisseau perpendiculaire: le transept. Le parti basilical se conçoit en 3, 5 ou 7 vaisseaux. La composition III a 7 vaisseaux n'est pas nécessairement la plus grande et c'est souvent le manque de grosses colonnes qui porte à ce choix.


Le rôle de l'élévation est primordial sur le plan de la fonction architectonique. C'est elle qui porte la charpente et assure la tenue de l'édifice. Lorsqu'il faudra parer aux sinistres, de plus en plus nombreux à cause de la fumée des bougies et des cierges qui se dépose sur les bois, les élévations vont se développer jusqu'à devenir suffisantes pour recevoir une voûte. Les premières réalisations du genre, trop lourdes, mettront parfois le "vaisseau" en péril mais les premières voûtes légères (sur croisée d'ogive) s'adapteront bien sur les élévations romanes anglo-normandes réalisées très puissantes, dès la fin du XI°.

D'autre part, l'élévation est l'essentiel de l'œuvre que l'on a sous les yeux en entrant dans l'édifice et, à ce titre, elle est toujours soignée dans sa facture et réalisée avec des matériaux riches: pierre de première qualité et marbre dans les basiliques du Bas-Empire. Parfois, le luxe est représenté par des mosaïques ou des fresques qui décorent le niveau médian correspondant aux combles des bas-côtés. Mais, à l'approche de l'époque romane, un certain dépouillement semble s'imposer dans l'art. L'appareillage des matériaux et l'harmonie des formes l'emportent sur le décor, ce sera le caractère dominant de l'architecture ottonienne.

La base de l'élévation basilicale, sa partie essentielle, est constituée d'une file de colonnes généralement monolithiques faites de marbre ou de pierres dures: c'est le luxe des basiliques. Nous l'avons dit précédemment, Charlemagne fera transporter sur plus de 1.500km les colonnes destinées à l'œuvre de prestige qu'était Saint-Riquier.

LES COLONNES

Le premier support dressé pour donner plus d'ampleur au rez-de-chaussée, fut un tronc d'arbre soigneusement taillé. Lorsque ce support économique et fonctionnel se révéla moins fiable que les murs de pierre associés, l'idée vint de le remplacer par un support de même proportion fait de tambour de pierres; c'est la première colonne. Comme les deux systèmes ont sans doute co-existé au sein d'un même édifice à l'époque archaïque, en Grèce notamment, on crut bon de reproduire sur le fût de pierre les cannelures naguère réalisées sur le bois pour éviter le décollement de l'enduit de staff qui, dans ce temps intermédiaire, avait donné au support ancien l'apparence de la pierre.

La colonne d'un temple ne supporte que l'entablement et c'est une charge relativement modeste. Par contre, dès que le même type de support intervient dans une élévation basilicale, les contraintes peuvent être multipliées par six ou par dix; cette valeur se réduit naturellement si l'édifice comporte des tribunes. Les romains qui vont rapidement disposer de carrières de pierres dures avec veines épaisses vont réaliser des colonnes d'une seule pièce (monolithique) et les extraire en délit (perpendiculairement à la veine) pour qu'elles soient plus résistantes. La pierre travaille alors dans le sens de la compression géologique.

Les colonnes de cette nature vont se révéler d'une résistance extrême, certaines seront installées en support incompressible sous les chapiteaux qui reçoivent les retombées des énormes voûtes d'arête installées dans les caldarium des thermes, ainsi qu'à la basilique de Constantin et Maxence.

Dès le Bas-Empire, les basiliques chrétiennes, comme les édifices civils, utiliseront systématiquement des colonnes monolithiques pour porter les élévations. Mais, comme ces pièces nobles vont généralement se briser lors des incendies alors fréquents et que, d'autre part, les carrières abandonnées n'en produisent plus, ces supports vont manquer dès le V°-VI°siècle. Les chrétiens auront recours à des pièces de récupération prises sur les édifices civils. Au IX°et X°, elles auront pratiquement disparu et il faudra trouver une autre composition: ce sera la naissance des piles carrées ou cantonnées, caractéristiques de l'architecture romane.

ARCHITRAVES ET ARCHIVOLTES

La colonne de section circulaire est ensuite coiffée d'une grosse pierre aménagée, destinée à obtenir un plan carré de plus grande assise: c'est le chapiteau, et l'augmentation de surface est encore accentuée par une seconde pierre: le tailloir. A partir de cette base carrée, deux formules s'offrent pour assurer l'élévation. D'abord l'architrave, une pierre posée à plat sur les deux supports, comme les linteaux des temples grecs, mais si la pierre offre généralement de bonnes caractéristiques à la compression, sa tenue est médiocre en flexion. Pour parer à cela, il est possible de rapprocher les colonnes mais c'est une formule coûteuse et qui fait perdre, en partie, l'impression de volume propre à cette composition.

Pour éviter la rupture de ces monolithes disposés horizontalement, tout en gardant un entrecolonnement satisfaisant, les constructeurs auront recours à divers procédés. Le premier, le plus simple, consiste à les décharger du poids de l'élévation par un gros volume de maçonnerie homogène (une longrine) ou bien localiser la charge sur les supports, à l'aide d'arcs (généralement de briques) inclus dans le volume du mur; ce sont les arcs de décharge.

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Parfois l'élévation basilical reprend le parti des temples avec architraves (A) et l'entrecolonnement (B) est plus réduit. Le rapport entre la surface portante (sommet de la colonne) et la surface du mur porté qui était de 1 à 16 avec les arcs (D) tombe de 1 a 8 (E). Avec l'architrave, l'élévation est a l'abri d'un glissement de claveau pouvant déséquilibrer les colonnes dans le plan (F) et (G) la stabilité est donc accrue. Par contre, celte formule qui impose un plus grand nombre de colonnes, réduit les possibilités de mouvement et de vision parmi les assistants. L'architrave primitive est constituée d'un monolithe (H) mais l'aptitude de la pierre est médiocre en flexion, d'où divers artifices. Le premier consiste à doubler l'architrave (J) et si la parade ne suffit pas, l'ouvrage reçoit un arc de décharge (K) qui sera masqué dans le décor. Cette formule permet également de réaliser l'architrave en plusieurs, claveaux (L). Ce système engendre des réactions longitudinales (M) qui doivent s'équilibrer entre elles sauf aux deux extrémités de la composition (N) où il faut un volume d'épaulement


Une troisième formule consiste à réaliser la pièce en plusieurs volumes coniques, des coins, que l'on va inverser sur le chapiteau. La charge reçue par ces claveaux va alors se transformer en poussées horizontales qui s'équilibrent entre elles. Il ne restera que les effets des deux travées extrêmes qui sont, elles, sans force compensatrice et doivent être épaulées par un volume de maçonnerie. Pour assurer une bonne position de ces claveaux dans le plan longitudinal, ils seront maintenus les uns aux autres par des ancrages de fer scellés au plomb. Ce dernier procédé se révèlera satisfaisant et surtout économique là où les charges sont faibles, comme dans les frontons des temples, mais il sera peu satisfaisant pour supporter le poids d'une élévation.

Les Romains qui exploitaient rationnellement le fruit de toutes leurs expériences vont imaginer de remplacer ces architraves par des arcs constitués de multiples claveaux: c'est l'archivolte. La formule est intéressante et permet de réduire le nombre des supports dans une proportion importante (4O à 6O% environ). Mais, les effets en compression vont s'additionner de claveau en claveau, il faut donc les tailler selon le plan de compression et la dernière pièce qui assure la jonction des deux arcs sur le tailloir se trouve particulièrement sollicitée. Ces arcs doivent donc être réalisés en pierre dure et parfaitement ajustés les uns aux autres (appareillés).

Malgré ces contingences de facture qu'il faut respecter, l'archivolte apparaît bien vite comme beaucoup plus satisfaisante que le procédé concurrent. A Rome, parmi les basiliques chrétiennes, seules Saint-Pierre au Vatican et Sainte-Marie Majeure, possèdent des élévations sur architraves. Mais, à Saint-Pierre, les élévations secondes qui séparaient les bas-côtés étaient, elles, sur archivolte. Dans toutes les autres grandes basiliques et sans doute dans toutes les cathédrales construites dès le IV° et V°, dans les villes d'Occident, c'est la composition avec archivoltes qui s'impose, le modèle le plus illustre est alors Saint-Paul-Hors-les-Murs.

UN EQUILIBRE FRAGILE

Si nous considérons une élévation basilicale à son niveau le plus faible, au sommet des colonnes, et comparons les surfaces ainsi obtenues avec celles du volume de mur supportées, le rapport semble inquiétant. Il est, avec un entrecolonnement moyen, de 8 à 1 avec les architraves et peut atteindre 16 à 1 avec les archivoltes. L'élévation est donc posée en fragile équilibre sur "des pointes" et la tenue est alors partiellement due à la composition d'ensemble et notamment à l'action de la charpente.

Vues selon ce critère, les architraves sont plus rationnelles et de surcroît elles bénéficient mieux de l'apport des charpentes du bas-côté. Le plan ainsi formé, lié au volume des murs extérieurs, représente une "cornière" et la stabilité longitudinale est bonne. Dès lors, les colonnes agissent en support sans aucune sollicitation horizontale. Les mêmes conditions se retrouvent dans la composition à tribunes avec un surcroît de stabilité offert par le plancher et davantage si celui-ci est garni de dalles de terre cuite (carrelage).

Le choix des archivoltes représente certes une économie de colonnes mais sa fragilité devient extrême et la partie la plus délicate, nous l'avons dit, est la jonction des deux arcs. Comme il faut douze à quinze heures de taille et trois à cinq présentations pour réaliser l'ajustage d'un gros claveau, les plus expérimentés des bâtisseurs pratiqueront une préfabrication au sol avant la mise en place. Un soin particulier joint à la qualité des matériaux est dans cet ouvrage, primordial.

Voyons maintenant le rôle de la charpente des bas-côtés. Si les entraits, ou éventuellement le cloisonnement destiné au caisson est installé au dessus des arcs, l'ensemble forme un plan horizontal rigide mais son niveau d'intervention se situe au dessus du point critique et sans grand effet. Ainsi, certains constructeurs préfèrent renoncer au caisson pour fixer l'entrait au plus bas, en-dessous du sommet des arcs, afin que cette pièce de bois puisse mieux transmettre la stabilité du mur externe. Parfois, des crochets de métal permettent à l'entrait de bien se lier à la maçonnerie. Ensuite, la stabilité de toute l'élévation doit compter sur l'action des charpentes hautes, éventuellement du plafond à caisson.

LA CHARPENTE ROMAINE

Le temple grec que nous admirons tant est cependant d'une facture très archaïque. La poutre principale supporte le faîtage par l'intermédiaire d'une pilette verticale et travaille ainsi en flexion. Cette composition limite les portées à 9 ou 10 mètres; par contre, la charpente romaine, avec entraits travaillant en traction, permet de couvrir des portées de 24 et 25 mètres. La formule est à la fois simple et fort subtile. Résumons la composition mécanique. Si les deux arbalétriers s'encastrent dans les extrémités de la poutre horizontale, celle-ci ne travaille plus en flexion mais en extension. Cependant, lorsque les portées sont très grandes, les arbalétriers soumis à compression peuvent fléchir sous le poids de la couverture. Il faut donc les soutenir par deux contre-fiches dont les réactions s'équilibrent au niveau de l'entrait.

La formule acquise, restaient à trouver les montages à bois susceptibles d'encaisser les effets considérables engendrés par la traditionnelle charpente romaine à faible pente.

Dans les grandes réalisations, comme à Saint-Paul-Hors-Les-Murs, où les pièces de bois doivent s'additionner, les bâtisseurs ont préféré un angle relativement important, rapport de 1 X 2,5 pour limiter les contraintes. De surcroît, ces édifices sont couverts de feuilles de plomb ou de grandes tuiles avec couvre-joints, matériau relativement léger au mètre carré. Par contre, dans les petits édifices, où les couvertures sont en tuiles rustiques demi-rondes et sans accrochage, la pente doit se réduire et avoisiner le rapport critique de 1 X 4. Mais, dans ces programmes, la portée dépasse rarement douze mètres. Ces tuiles demi-rondes, dites romanes, sont toujours en usage.

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Dès l'apparition des maçonneries de qualité, les couvertures seront installées sur une charpente établie sur murs porteurs. Dans la composition archaïque que nous trouvons notamment sur le temple grec, la poutre (A) ou entrait, repose sur les murs (B.C) tandis que les arbalétrier (D) sont maintenus en position à l'aide d'une pilette centrale, d'où une flexion de rendait sous la charge (F). Les portées exploitables sont donc limitées par la pièce de bois (A) soit moins de 10m. Les Romains vont imaginer une composition astucieuse. Il suffit de caler les arbalétriers sur l'entrait (G) pour que celui-ci travaille en extension (H). Dès lors les portées peuvent atteindre 12/14m, voire plus, avec des pièces de bois en résineux (les plus grands arbres). Au-delà de 15m de portée, il faut utiliser un entrait composé de plusieurs pièces de bois maintenues à la traction par divers procédés. Le plus couramment utilisé est le double tenon (J) avec étrier (K). Si les pièces de bois disponibles sont trop faibles, la liaison peut être doublée d'un renfort (L) avec tenons encastrés (M). Si l'entrait travaille en extension, les arbalétriers, eux, travaillent en compression (N). Ils peuvent donc "flamber" d'où la fiche (P). Cet arbalétrier sera éventuellement en deux pièces de bois reliées (Q) par des éclïsses et des chevilles marines ou "bobineaux". Le renfort (L) peut gêner l'établissement des caissons (R) d'où l'idée d'un entrait en deux poutres disposées en parallèle (S) où l'on peut retrouver étriers et chevilles. Les étriers montés à froid (T) sont mis en tension par une clavette (U), ceux montés a chaud (V) par des tenons battus (W).


Pour les portées supérieures à dix ou douze mètres, l'entrait doit être constitué de deux pièces de bois dont la liaison se fait par un montage à double tenons assuré par des étriers. La réaction de l'arbalétrier est, elle, absorbée par un montage en escalier également maintenu en place par des étriers.

Lorsque les portées deviennent supérieures à seize ou dix huit mètres, deux pièces de bois ne suffisent plus pour l'entrait. Il faut alors le réaliser en poutres multiples juxtaposées et maintenues grâce à des chevilles forcées par un coin antagoniste, dite cheville marine ou parfois cheville en bobineau. Mais tout montage chevillé travaillant en extension risque un éclatement longitudinal et, cette fois encore, il faut le combattre avec des étriers métalliques.

Enfin, lorsque la demi-portée est supérieure à 9 ou 10 mètres, il faut également réaliser les arbalétriers en deux morceaux et assurer le raccordement des pièces de bois avec des chevilles marine et toujours des étriers métalliques.

Ces assemblages par juxtaposition permettent de contrarier les fils du bois ce qui les rend peu sensibles aux déformations. Il est donc possible d'utiliser l'ensemble de la ferme pour maintenir le mur en position grâce à deux sabots eux aussi fixés à l'aide d'étriers.

Cette formule qui fait travailler la poutre maîtresse en traction plutôt qu'en flexion, est un procédé remarquable. Il sera exploité tout au long des siècles et les charpentes contemporaines réalisées selon le mode traditionnel sont toujours traitées selon ce principe. Mais les fortes pentes exploitées dès le Carolingien conjuguées à la rareté du métal, vont donner naissance au montage à bois avec tenons et mortaise, beaucoup moins rationnel sur le plan mécanique que les réalisations romaines.

Les nouvelles charpentes de bois non traditionnelles mais savamment conçues sur le plan mécanique feront leur apparition au XIX°. Elles utilisent systématiquement des plaques métalliques maintenues avec boulons ou tiges filetées; c'est la charpente dite industrielle.

LA COMPOSITION BASILICALE

Le parti basilical est de forme très pure et parfois grandiose dans ses réalisations. Le volume de la nef a trois ou cinq vaisseaux est clôturé, sur la façade, par un simple mur pignon percé de grandes fenêtres qui respectent scrupuleusement le volume interne (deux registres à Saint-Pierre au Vatican et à Saint Paul-Hors-Les Murs). L'extrémité opposée, réservée aux célébrations du culte, se trouve clôturée par un volume perpendiculaire:le transept avec, face à la nef, une abside en hémicycle. Dans les basiliques civiles, c'était la place réservée à l'effigie de l'Empereur, l'Église en fera également le lieu réservé au nouveau Tout-Puissant.


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Saint-Pierre au Vatican, second grand programme chrétien de Rome, reprend le plan de Saint —Paul mais avec plus d'ampleur dans l'élévation. Les colonnes (A) portent une puissante architrave (B) avec frise (C) et corniche (D). Les fenêtres hautes (E) sont alternées. L'élévation mineure (F) reprend le principe de l'archivolte (G). A la fin du Moyen Age, la basilique avait perdu son niveau de fenêtres hautes (H).

Ce transept, parfois plus étroit que la nef centrale, débordait latéralement les bas-côtés et formait donc une surface au sol voisine de 1 X 5. Les deux extrémités étaient parfois garnies de tribunes, comme à Saint-Pierre au Vatican et Saint-Paul-Hors-Les-Murs, et l'espace au sol, hors-tribune, se réduit à 1 X 4. En élévation, ce transept s'alignait sur la hauteur de la nef, ce qui donnait deux combles en pénétration, et le grand arc qui marquait la liaison nef-transept, facilitait l'installation des charpentes, mais il s'agit là du parti réservé aux grandes basiliques avec double bas-côtés. Dans la majorité des petites constructions, l'abside clôture directement la partie centrale de la nef.

La basilique est un parti architectural mais également un concept esthétique. Le programme doit atteindre à la pureté dans le dépouillement. Vu de l'extérieur, rien ne doit venir troubler l'unité de volume et l'effet de puissance qui s'en dégage, tandis qu'à l'intérieur la richesse du décor ne doit pas troubler l'harmonie des différents niveaux régis par de savantes proportions. Les surfaces correspondant aux combles des bas-côtés sont accordées aux décorateurs; c'est le domaine des fresques, mosaïques et bas-reliefs, généralement des médaillons, tandis que les charpentes sont superbement garnies de caissons en bois sculpté, parfois du cèdre venu du Liban.

Certaines de ces grandes basiliques chrétiennes furent complètement dénaturées à l'époque baroque. Saint Paul-Hors-les Murs était méconnaissable. L'atrium démonté et la façade d'abord garnie d'un double portique fut ensuite couronnée d'un volumineux fronton. D'autre part, le transept d'une largeur égale à la nef s'était révélé particulièrement fragile. Il fut à une époque indéterminée décomposé en deux par une élévation auxiliaire et réduit en hauteur.

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Consacré en 324, Saint-Paul est un édifice très vaste mais les colonnes sont proportionnellement de taille modeste. L'élévation avec archivoltes (A) cl petites fenétres (B) une par travée recevait un plafond a caissons (C) avec retombée (D), c'est ce que suggère le niveau (E) existant au XIX° avant l'incendie de 1823. L'élévation mineure (F) également sur archivoltes (G) décompose l'édifice en 5 vaisseaux, le transept (H) très large a nécessité une reprise par élévation axiale (J), (supprimée au XIX°).


L'édifice sera ruiné dans un incendie survenu en 1823 et refait selon l'esprit antique tel qu'il était perçu au siècle dernier. C'est arbitraire, probablement discutable, mais fort bien fait et, en tout état de cause, plus honnête que les structures de béton que l'on introduit aujourd'hui dans les édifices historiques, comme au château de Saverne. Pratiquement tous les additifs laissés par quinze siècles d'histoire ont disparu, c'est dommage diront certains mais, dans toute restauration, il faut bien souvent faire ce choix douloureux.

LE CHARME DES BASILIQUES

Ces grands édifices légers sont très fragiles et sur les deux à trois cents qui furent construits après la Paix de l'Église, seule une douzaine nous est parvenue. Leur pouvoir de fascination est grand. L'impression de volume, l'équilibre des rapports, l'harmonie des lignes, le tout baigné d'une abondante lumière colorée laisse une impression d'harmonie incomparable. Fragiles et belles, telles sont les basiliques qui nous plongent également, par l'imaginaire, dans un univers disparu et fascinant, celui de Rome.

Tout au long du premier millénaire, les chrétiens de la péninsule italique n'imagineront pas leur édifice religieux d'une autre manière, même si, parfois, les additifs annexes se multiplient pour raison de commodité. Dès le XIII°, les procédés gothiques seront même exploités pour aménager des volumes fidèles à l'esprit antique. L'Italie restera réfractaire à l'art des cathédrales qui gagne l'Europe entière.

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Ce dessin d'Herbert Pothurn exploite des gravures du XVIII° et restitue l'intérieur de Saint-Paul Hors les Murs dans l'état qui préeéda l'incendie de 1823. Cette partie interne n'avait subi que peu de modifications, seule la charpente fut refaite a une date indéterminée, intervention qui avait supprimé le plafond à caissons dont nous voyons le niveau de retombée (A). Les plus importantes transformations portaient sur la façade, le transept et l'abside.

Avec ce dessin nous proposons une restitution de la façade et de l'atrium de Saint —Paul Hors les Murs dans l'état d'origine. Le pignon est percé d'un oculi tandis que la partie haute de la façade reçoit deux registres de 3 grandes fenêtres en plein cintre. L'élévation de l'atrium était sans doute de moindre ampleur que celle mise en place par la reconstruction du XIX°.>


Dès la fin du XVIII°, l'Europe septentrionale, et notamment les terres de Germanie, renouent avec la tradition romaine et construisent des édifices à l'antique, des salles de concert ou le Grand Manège à Vienne.

C'est ce puissant courant architectural et esthétique que l'Occident septentrional va patiemment transformer, par addition successives, sur les sept siècles qui vont de la Paix de l'Église à l'an 1000. Les plus importantes modifications prendront corps dans les abbayes bénédictines pour répondre aux besoins nouveaux de cette église parallèle. Les cathédrales, par contre, maintenues à l'étroit dans les cités fortes, n'évolueront que fort peu. Construite vers l'an 1000, la basse oeuvre de Beauvais est toujours une basilique du Bas-Empire.

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Les deux basiliques chrétiennes de Trêves sont connues depuis le XVIII ème siècle. En 1922, F. Oelmann, sonde l'espace de la cathédrale, identifie le choeur de Gratien et pense avoir trouvé la salle du trône impérial. De nouvelles investigations menées en 1943 font apparaître le dessin des basiliques dont l'emprise globale est fixée vers les années 1950. En 1980, le dessin se précise et les annexes aménagées de 330 a 406 nous donnent une idée de l'existence religieuse au sein de la cité impériale. Les atriums (A,B) sont transformes en avant nef. L'église principale reçoit, à Test, un vaste ensemble (C) le choeur de Gralien, tandis que des constructions annexes (D,E,F,G) enserrent les édifices et occupent l'ensemble des deux ilôts. Les traits fins figurent l'emprise de la cathédrale actuelle dont l'essentiel reprend le choeur de Gratien (H) et l' avant nef carolingienne (J).


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La basilique principale ou cathédrale fut achevée très tôt, vers 325. Le programme est classique et relativement modeste (I). A l'est, nous trouvons une nef (A), vaste mais sans transept avec une abside en hémicycle (B). L'ensemble était précédé d'un atrium léger (C) et d'une cour entourée de murs (D) probablement destinée aux serviteurs des notables. A peine achevé, l'édifice est repris en sa partie orientale, l'abside classique est remplacée par un vaste choeur (E) Fig. II La nous trouvons des chapelles axiales (F,G,H,J) et des bas côtés (K,L) sans doute réservés aux notables. Cette partie orientale sera reprise une seconde fois avec le vaste choeur élevé sous l'empereur Gratien (M) Fig. III. Il s'agit sans doute d'un espace réservé à la cour impériale alors acquise à l'idée chrétienne. Ce vaste ensemble sera brûlé en 406 et partiellement restauré de 410 à 450. Les Francs occupent la ville en 455.


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A la fin du IVèmc siècle, sous Gratien et Théodose, les chrétiens acquièrent officiellement l'exclusivité religieuse et la cathédrale de Trêves connaît son développement maximum. La nef primitive a huit travées (C) avec bas-côtés se trouve intégralement préservée. A l'est, le choeur de Gratien (D) imposant et d'une structure beaucoup plus puissante que les ouvrages précédents mais non voûté, clôture superbement l'ouvrage. Son plan en croix-dans une enveloppe carrée repose sur quatre puissantes colonnes (E) dont les fragments ont été retrouvés. Les volumes d'angle (F) sont couverts en appentis et limités au premier niveau (G) tandis que la partie en croix se dégage pour former un second niveau grandement éclairé (H). Les quatre combles (J) se raccordent en pénétration. A Test, sur remplacement de l'atrium, l'ensemble achevé comportait une avant—nef avec un entrecolonnement plus étroit (K) et une élévation de moindre hauteur que sur la nef principale. Ce dégradé devait permettre un étagement des combles (L,M.N), La surface de dégagement précédent l'ancien atrium recevait deux corps de bâtiment (P) vastes et de structure légère, probablement des abris pour les serviteurs et des vestiaires pour les fidèles. Les coupes (A,A) et (B,B) montrent le choeur de Gralicn et la nef principale selon notre restitution.


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Salonique fut ravagée lors des invasions de 260/280. A la fin du siècle, la ville se redresse péniblement et les chrétiens sont nombreux dans les faubourgs. En 300, l'empereur Galère s'installe dans la cité, la développe et organise sa défense sur un vaste périmètre. Le pouvoir accuse les chrétiens d'être responsables de tous les maux de l'empire et les persécutent méthodiquement. En 303, un certain Dimitrios subit le martyr. Un siècle et demi, plus tard, sa sépulture sera dégagée des ruines d'un établissement thermal où elle se trouvait bizarrement et le lieu, maintenant vénérable, est coiffé d'une grande basilique. Les reprises de la partie orientale (A,B,C,D) suggèrent qu'il s'agissait à l'origine d'un édifice à trois vaisseaux agrandi ultérieurement à cinq, les volumes (E,F) étant les anciens transepts. Il s'agit peut-être de la reconstruction du Vllème siècle. Aujourd'hui nous trouvons un double bas—côté (G,H) avec niveau de tribunes (J). Les architectes qui prennent conscience de la fragilité des élévations sur file de colonnes alternent celles—ci avec des piles carrées (J,K). Transformée en mosquée en 1443, puis rendue au culte chrétien en 1912, et à nouveau incendiée en 1917, elle est entièrement restaurée de 1926 à 1948 avec rigueur. En (M) la chapelle de Saint-Euthymios construite au XIII ème siècle.


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Salonique: Saint Dimitrios, la façade occidentales


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Salonique: Saint Dimitrios, élévation latérale sud

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C'est au temps d'Aetius, en 451, que Geneviève s'impose par sa piété et son énergie au petit peuple des Parisiens installé dans les ruines de la ville romaine autour du forum dont les murs sans doute toujours imposants leur assurent un refuge occasionnel. Passée la grande frayeur engendrée par rapproche des Huns, la jeune femme développe les bâtiments de ses oeuvres, sans doute déjà flanqués d'une petite église. L'ensemble est alors situé à la périphérie Est de l'agglomération. Vers la fin du siècle, servie par son prestige et aidée de Clotilde, elle entreprend la construction d'une église plus vaste de plan basilical. Le programme peut se situer sur la période 488/498. En 500, cette construction achevée reçoit la sépulture de la vieille dame que les Parisiens considèrent déjà comme une sainte. Au XVIII ème, après la construction de la nouvelle et monumentale église Sainte-Geneviève, (le Panthéon républicain) les Parisiens vont sacrifier ce vénérable édifice, certes maintes fois repris, et ce sont les relevés très précis faits lors de la démolition qui nous permettent d'imaginer l'église primitive. C'est une basilique avec transept débordant (A) abside en hémicycle (B) et une courte nef (C) de quatre travées flanquée de bas-côtés (D,E). L'élévation était sans doute portée sur des colonnes (F) de récupération avec archi-voltes (G) et niveau de fenêtres hautes (H). Les bas côtés étaient éclairés d'un niveau de fenêtres basses (J). C'est un plan très classique sans doute inspiré de celui de Reims. La vénération que les Parisiens vont rapidement vouer à Sainte—Geneviève doit justifier la construction d'une crypte fort simple (K).


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L'histoire des premières cathédrales de Chartres est très incertaine. Selon René Merlet, auquel nous accorderons grand crédit, le christianisme s'implante dans la cité des Carnutes vers le milieu du IIIème siècle. C'est une période troublée et la société qui survit, désemparée, sur les ruines de l'ensemble urbain accorde quelque crédit à cette religion fraternelle. A la fin du siècle, l'essentiel de l'agglomération vit replié, derrière une enceinte qui occupe l'extrémité du promontoire. Après la Paix de l'Eglise, l'éveque installe un lieu de culte majeur à l'intérieur de l'enceinte : c'est la cathédrale. Le premier édifice important est sans doute celui construit par l'éveque Adventus qui signa, en 340, les actes du Concile de Sardique avec son collègue Dioclopetus éveque d'Orléans. L'ouvrage est installé à l'intérieur de l'enceinte, appuyé sur la défense (A) avec une abside en hémicycle dont les fondations (B) sont extérieures au mur. Nous la verrons avec un transept (C) établi sur la courtine (D) quant à la nef, elle devait logiquement éviter le puits des Saints Forts (E) englobé par le domaine épiscopal. C'est un forage maçonné de 33m de profondeur et sans doute l'un des rares de la cité à atteindre les nappes de la base du promontoire. Ceci nous donne un volume de 17/18m de large décomposable en trois vaisseaux avec une nef centrale de 10m à l'axe des piles et 14m de haut (rapport classique). Par contre, sa longueur est incertaine. Nous lui accorderons 30m environ décomposables en 7 travées (F). A l'époque, les colonnes monolithiques de récupération ne manquaient pas dans la cité. Cette église, sans doute maintes fois restaurée, sera détruite en 743 par une action du Duc d'Aquitaine, Hunald.


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Les fouilles du XIXème siècle, dites du calorifère, menées sous le pavement de la cathédrale de Clermont— Ferrand ont permis la mise à jour des substructures des édifices antérieurs. Le plan obtenu figure en IV. De cet ensemble nous pouvons dégager diverses étapes successives. Les quatre hémicycles (A,B,C,Dfsont les chapelles du chevet roman de la fin du Xlème siècle. A et B enveloppent des caveaux rectangulaires, E et F, correspondant aux fondations de deux tours encadrant la reprise Carolingienne (Fig.III). Elles flanquaient une nouvelle et grande abside établie au-delà du corridor (G) enveloppant une crypte "(H). Le terre plein intermédiaire (J) doit donc contenir la première abside (K). C'est elle que nous retrouvons sur la figure II. Les deux escaliers d'accès (M,N) situés dans les bas-côtés de l'édifice nous donnent le volume de la nef primitive. Nous attribuerons cette crypte à une reprise Mérovingienne établie vers 650 a l'intérieur des structures de la première cathédrale intramuros de Namace. Précédemment les Chrétiens devaient vénérer le sanctuaire fondé par Ostremoine dans les quartiers populaires du vallon Saint-Alyre. La cathédrale de Namace (Fig.I) nous apparaît comme une oeuvre classique de la Haute Epoque mais dépourvue de transept. Un volume perpendiculaire de 8 à 9m de large se conçoit mal avec l'entrecolonnement (N) permis par les escaliers d'accès (P) (rétrécissement Q de la Fig. II).


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L'analyse de la page 92 nous a permis de dégager le plan probable du chevet de la cathédrale de Namace. C'est un édifice relativement étroit, 13m 60 environ, avec une nef de de 8m 75. Par contre, l'entrecolonnement est relativement grand, proche de 4m. Ce rapport nous donne une nef étroite pour sa hauteur et cette tendance qui tranche avec le rapport classique semble s'imposer dès le Mérovingien. Le pas de 4m (A) avec un fût de 4m à 4m 50 (B) nous donne une archivolte (C) à 7m 50 environ. Nous obtenons alors une élévation qui doit culminer ù plus de 13m (D). Cet entrecolonnement large nous incite à réduire le nombre des travées proposées, 6 nous paraît logique, ce qui donne une nef de 25m de long environ. A l'époque Mérovingienne, et sans doute avec le culte des martyrs qui se développe, la crypte découverte (E) est insérée entre les fondations existantes.

Ces basiliques chrétiennes de la Haute Epoque représentent une variation sur un thème constant. Le programme doit se décider en fonction de l'espace offert, du nombre ainsi que de la taille des fûts monolithiques mis à la disposition du Maître d'oeuvre. A Clermont-Fcrrand, l'absence de transept peut s'expliquer par le fait que l'édifice s'installe tardivement dans un domaine urbain déjà très dense.


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Dès le second millénaire Av J—C, les peuples et le mode Celtiques s'imposent en Aquitaine et les réfractaires se replient alors dans les vallées du centre des Pyrénées. Ce sont des Ibères disent certains mais l'hypothèse des Pré—Celtiques (Jacques Soustelle) est plus vraisemblable puisque nous retrouvons leurs caractères parmi d'autres populations du chaînon Centre-Europe. Pour Pompée qui longe les Pyrénées, ce sont des Convenae, "ramassis" qu'il regroupe dans la haute vallée de la Garonne autour d'un oppidum Saint-Bertand de Comminges. Là il fonde une ville, Lugdunum Convenarum, qui, dès le second siècle couvre 150 ha et doit compter 60.000 habitants. Ruinée, brûlée au Bas Empire, l'agglomération se replie sur l'oppidum (A) avec une occupation basse réduite (B) où l'on trouve le forum (C), la basilique civile (D), le temple (E), des thermes (F), un marché aux herbes (G), et la basilique chrétienne (H).


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Avec l'église des temps difficiles, nous avons vu la pénétration chrétienne venue de Méditerranée suivre les axes majeurs que sont les Chaussées d' Agrippa. Ainsi, dès 360, les premières cathédrales se conçoivent comme un modèle réduit des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul de Rome. Cependant l'Aquitaine et l'Ouest semblent se trouver hors ce circuit majeur et les communautés chrétiennes vont parfois choisir comme modèle de sanctuaire les basiliques civiles reconstruites à la faveur de la Renaissance Constantinîenne. Ce sont des volumes uniques, rectangulaires et simples, clôturés par une abside circulaire ou polygonale. Ces ouvrages sont de médiocre facture, entièrement couverts sur charpente, parfois élevés par des potentats locaux désireux de marquer leur rang. La basilique chrétienne de Saint-Bertrand de Comminges, l'antique Lugdunum Convenarum était de ce type. Construite vers le milieu du IVème siècle, elle comporte une nef (A) de 27m de long sur 7m de large et une abside polygonale (B) profonde de 10m puis ramenée ensuite a 8m. Le plan relevé montre une fondation perpendiculaire, (C) qui semble isoler un vestibule (D) et porter une tribune (E) avec supports intermédiaires (F). C'est un moyen de palier à l'absence d'atrium ou de narthex. Nous avons là un volume couvert pour la convivialité des fidèles. Cette tribune doit donner accès à des balcons (G,H) permettant d'augmenter le nombre des assistants. Ce parti original subsiste aujourd'hui en Guyenne et en Gascogne et l'architecture de l'Ouest porte également témoignage de sa diffusion sur le premier millénaire de notre ère.


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Le chevet de l'église Notre Dame la Grande de Poitiers est, à priori, conforme au parti à grand développement avec déambulatoire et chapelles rayonnantes, cependant, pour celui qui fait des relevés et dessine le plan, l'articulation est curieuse, voire bizarre. Aucun centre rigoureux, aucune structure périphérique selon les règles, aucun plan rayonnant ne se dégage de l'ensemble. Une fois sur le papier, (vue I), la forme directrice apparaît comme un chevet polygonal (A) avec partie droite (B). C'est le plan de Saint-Bertrand de Comminges. Ensuite l'église nous offre une longue nef sans transept (C) avec une travée forte (D) pour la tour du clocher et cinq travées pratiquement régulières (E,F,G,H,J). Enfin, à l'ouest, nous trouvons trois travées plus longues qui semblent représenter l'aménagement d'un premier volume, comme pour Saint-Bertrand de Comminges. Sur la vue II, nous avons représenté en surcharge le dessin d'un édifice du parti de Guyenne et Gascogne, les coïncidences sont probantes. Nous retiendrons cette hypothèse pour la restitution à venir.


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Conformément à l'analyse de la page précédente, nous donnons sur la Fig. I le plan restitué de la première église Notre Dame la Grande. C'était une élévation particulièrement fragile d'où les arcatures de renfort (A) que nous retrouverons sur l'oeuvre Romane. A une époque indéterminée, le vestibule (B) est désaffecté mais le mur de fondations (C) demeure en place. C'est lui qui conditionnera le changement de pas dans les futures travées. Ces travaux doivent engendrer l'édification de deux tourelles d'escalier (D,E) dont le décor de la future façade gardera le souvenir. Ce plan nous donne une élévation (Fig. Il) très proche du modèle considéré. Avec le Bas-Empire, les tuiles Romaines délicates à mouler et surtout à manutentionner avant cuisson s'effacent devant la tuile demi-ronde, mais le poids de cette couverture beaucoup plus important au m2 fait souffrir les montages à bois des charpentes à faible pente (F). Les balcons (G) permettent la mise en place d'un support d'appoint (H) de la Fig. III. Cependant, sur les nefs très larges (J) une élévation interne s'impose (K). C'est la naissance du parti à trois vaisseaux sous un même comble (Fig. V).