LE TRACE D'INVESTISSEMENT

       
       

Dans le texte de Maurice Rat, que nous choisirons, il est proposé au Livre VII § 69:

"LES FORTIFICATIO0NS QU'ENTREPRENAIENT LES ROMAINS S'ETENDAIENT SUR UN CIRCUIT DE 11.000 PAS. LES CAMPS AVAIENT ETE PLACES SUR DES POSITIONS AVANTAGEUSES ET ON Y AVAIT CONSTRUIT 23 PORTES FORTIFIEES."

Ce texte peut être interprété de la manière suivante: les 23 portes fortifiées sont liées au camp, cependant, plus loin, il est dit au Livre VII § 69

"DANS CES PORTES ON DETACHAIT PENDANT LE JOUR DES CORPS DE GARDE POUR EMPECHER TOUTE ATTAQUE SUBITE"

Le terme détacher sous entend que la totalité, ou partie de ces portes fortifiées, se trouvait hors des camps, sur la ligne d'investissement. Le fait se confirme non dans les textes mais dans l'articulation du récit. Les quatre paragraphes 70, 71, 72 et 73 sont consacrés aux nombreux travaux d'aménagement réalisés sur cette première ligne d'investissement et à l'importante action de cavalerie qui témoigne de l'agressivité des Gaulois. Il est dit également qu'ils s'attaquent aux portes fortifiées, elles sont donc disposées au contact des sorties de l'oppidum. Ces actions n'ont pas pour objectif de mettre les Romains en difficulté mais sans doute d'aller chercher des vivres qui sont en quantité insuffisante.

Certains auteurs proposent de lire "un camp et 23 redoutes ou petits camps". Dans ce cas, il faudrait que les troupes de relève ou les unités d'intervention parcourent 7 à 8km sur merlon ou 10km sur voie périphérique pour arriver à pied d'oeuvre. C'est tactiquement inconcevable. Nous opterons donc pour l'enclenchement suivant.

PREMIER PROGRAMME

Aux premiers jours du siège, soit le lendemain de la bataille de cavalerie, César fait avancer l'ensemble de ses forces face à l'oppidum et lance les premières reconnaissances périphériques. Mais, en attendant de fixer le dispositif, il faut organiser cette masse énorme de plus de 120.000 hommes flanqués d'un train des équipages lourdement chargé. Avec l'espace des cantonnements les allées de circulation et les zones largement dégagées destinées aux cavaliers, cela représente au minimum 150 ha. En cas de manoeuvres rapides, il ne faut pas que les unités se "bousculent" et se désorganisent. C'est sans doute une mauvaise articulation de ligne qui a fait que les 50.000 Gaulois disposés la veille, face à l'entrée de la passe, se sont débandés dans un engagement qui ne les concernait pas.

La plaine de Syam offre une terrasse favorable à peu de distance de la rivière et de ses points d'eau mais elle ne fait guère plus de 70ha. Une installation établie plus à l'est nous semble satisfaisante. Les légions campent dans la zone dite des lacs, auxiliaires et bagages se ferment sur la Colline des Chênes tandis que les cavaliers occupent le Rocheret, mais ce n'est que provisoire.

Au deuxième jour de siège, les troupes romaines commencent l'investissement et se développent sur les faces est et ouest de l'éperon pour fermer les issues communément exploitées par les Gaulois. Ce sont ces mouvements qui vont inciter Vercingétorix à lancer sa cavalerie au-delà du mur qui marque la pointe nord de l'éperon. C'est un échec. Notons que cette opération est difficile à imaginer si nous voulons placer le grand camp de base sur les terrasses de Syam.

Les "portes" qui vont fermer les sorties naturelles de l'oppidum sont apparemment des ouvrages importants destinés à une ou deux cohortes. Comptons une surface de garde de 5m2 par homme, soit 3.000m2 par cohorte, et nous obtenons un carré de 80m de côté pour les deux cohortes, mais l'espace est insuffisant pour un bon repos entre les relèves. Les garnisons sont donc tournantes et viennent de camps légionnaires qui commencent à s'installer sur des positions favorables à la sécurité et aux mouvements des forces.

Durant ces travaux, les Gaulois demeurent très actifs et font porter leurs actions sur des sorties secondaires que les Romains ont pu négliger. Ainsi le nombre de portes fortifiées s'accroît et atteint 23 comme le dit César. Toutes les sorties possibles sont maintenant fermées, il reste à établir le cordon de sécurité, soit un merlon continu flanqué de palissades, protégé de fossés et garni de tours. Une fois cette ligne établie, les estafettes qui le parcourent au pas de "gymnastique" donnent des valeurs. Additionnées, elles représentent 11.000 pas, soit 16km300.

Ce dispositif qui doit pratiquement vider les grands camps de la première installation doit être en place le 4ème jour. La cavalerie gauloise s'est échappée la veille mais l'ensemble des ouvrages ne trouvera son caractère achevé qu'au 8/10ème jour.

Ce premier programme a impliqué de considérables déplacements d'hommes, de chevaux et de matériels divers avec chariots et, ce faisant, il a engendré une route périphérique ainsi que de nombreuses rocades menant des camps vers les portes. Une fois le merlon construit, patrouilles et petits déplacements suivront cet itinéraire mais cavaliers, mules et chariots circuleront toujours sur la voie périphérique dont le tracé se trouve maintenant aménagé. C'est également la voie qu'emprunteront les forces d'intervention en cas d'urgence.

De par ses origines, cette voie périphérique devait privilégier les camps et se distinguer radicalement des lignes de défense, sauf en cas de contrainte majeure dûe à la configuration du terrain ou de lignes conjointes comme dans la plaine nord.

LA DEFENSE GAULOISE

Au fil des mois de cette année 52, Vercingétorix nous est apparu comme un excellent tribun populaire doublé sans doute d'un guerrier audacieux mais ses raisonnements tactiques et stratégiques demeurent très ordinaires. Ainsi, après quelques escarmouches avec l'armée romaine, il abandonnera la ligne de crêtes qui va du Rachet à la Montagne Ronde pour fixer l'essentiel de sa défense sur le grand mur des agglomérations, à 1200m plus au nord. Cet ouvrage qui coupe l'oppidum aux 2/3 et réserve encore une surface de 500 ha environ, doit faire 4 à 6m de haut avec des portes puissamment fortifiées à chacun des accès coutumiers. A l'ouest, il joint pratiquement l'escarpement naturel de l'éperon tandis qu'à l'est il suffit d'aménager 4 à 600m de défense pour retrouver les bonnes conditions naturelles. Ce repli des troupes gauloises derrière les murailles est signalé par César au § 71 où il est dit:

"IL FAIT RENTRER DANS LA PLACE TOUTES LES TROUPES QUI AVAIENT ETE DISPOSEES EN AVANT DE LA PLACE (nous ne voyons pas d'autres lieux où pareille opération pouvait se réaliser).

Sur ce "no man's land" de 350 ha nous pensons que Vercingétorix a concentré les 15.000 réfugiés venus des régions avoisinantes. Ces braves Mandubiens embarqués dans une galère dont la gouverne leur échappe vont camper là, en famille, avec chariots et troupeaux. Les bêtes sont parquées autour de la dépression qui constitue le point d'eau permanent de l'oppidum et le chef gaulois compte sur eux pour une garde avancée en cas d'attaque romaine. Leurs cris d'angoisse et le tumulte de leurs mouvements auront tôt fait d'alerter les défenseurs établis derrière la muraille. Sur cette ligne sud, Vercingétorix peut aligner en permanence 15 à 20.000 hommes sur 3.000m de défense, soit 5/7 hommes au mètre linéaire. C'est suffisant pour disposer d'une puissante garde en continue, doublée de forts contingents d'intervention. Dans l'esprit du grand chef de guerre, les Mandubiens doivent jouer le rôle tenu par les femmes de Gergovie.

Le Gaulois a donc choisi la meilleure défense. C'est le raisonnement ordinaire. Souvenons-nous du mythe sécuritaire de la Ligne Maginot. Les grands chefs de guerre, eux, guettent les faiblesses de l'adversaire.

Enfin nous remarquerons que cette disposition des forces gauloises est indispensable pour que la ligne romaine s'installe sur les crêtes du sud et que la contrevallation ne dépasse pas les 16 km 300.

LE DEUXIEME PROGRAMME

Beaucoup plus avant dans le texte, au § 74 des Commentaires, il est dit:

"CESAR, EN SUIVANT AUTANT QUE LE TERRAIN LE LUI PERMETTAIT LA LIGNE LA PLUS FAVORABLE FIT SUR UN CIRCUIT DE 14.000 PAS (20 KM 700) DES FORTIFICATIONS DE MEME GENRE MAIS EN SENS OPPOSE CONTRE L'ENNEMI VENANT DU DEHORS"

La différence de développement de 3.000 pas (soit 4km 500) semble confirmer que le nouvel ouvrage englobe des camps franchement distincts de la première ligne. Ce sont eux qui fourniront les relèves de cette nouvelle défense puisque cette fois il n'est plus question d'ouvrages secondaires, de portes ou de redoutes. Il nous semble que César confirme cette option quelques lignes plus loin ou il est dit:

"AFIN QUE DES FORCES TRES SUPERIEURES EN NOMBRE NE PUISSENT INVESTIR LES PORTES (PREMIERE LIGNE) OU LES CONTRAINDRE (LES ROMAINS) AU RISQUE DE SORTIR DU CAMP".

Il s'agit donc de les protéger d'une attaque menée sur le revers et cette action pouvait également imposer aux cohortes de sortir des camps pour s'engager en de mauvaises conditions.

Persuadé que toute action gauloise venant de l'extérieur sera menée avec appui de cavalerie, César a sans doute, dès le premier programme, fait doubler la défense nord qui ferme la Plaine de 3.000 Pas. Nous avons opté là pour le principe de la double ligne qui offre de nombreux avantages. Les petits groupes de réserve tactique qui doivent intervenir sur le merlon, là où les hommes sont épuisés ou blessés, peuvent agir sur les deux fronts, tandis que les tirs des balistes sont susceptibles d'être concentrés sur un même point. En revanche, la disposition empêche un "bon balayage" de cavalerie en cas de franchissement partiel d'une défense. En tacticien de talent, César a du penser le pour et le contre et finalement opter pour la double ligne. Par contre, sur les autres faces de l'oppidum, les aménagements déjà réalisés lors du premier programme lui imposaient de distinguer les deux ouvrages, d'où le développement de 14.000 pas.

Les Romains qui doivent maintenant garder 37km de merlon avec 75.000 fantassins de ligne, et un effectif global de 120.000 hommes ne peuvent jouer la tactique du "tout avant" qui n'est jamais très satisfaisante sur de grandes distances. Il leur faut donc surveiller les merlons avec des gardes réduites et multiplier les effectifs établis en réserve tactique. Ce programme sera bien illustré lors de la troisième et dernière bataille menée contre l'armée de secours où Labienus "ratisse" toutes les cohortes d'intervention qui se trouvent sur un très vaste front.

Cette organisation a sans doute justifié l'installation de nouveaux camps de légion ainsi que de petits enclos légèrement protégés destinés au repos inter-veille des hommes. Nous estimerons le nombre des grands camps à 5/7 mais, en fin de programme, le second chiffre nous paraît plus vraisemblable. D'autre part, les camps de cavalerie, l'un au nord, l'autre au sud, demeurent distincts des installations d'infanterie.

Dans cette restructuration du dispositif romain, le casernement des éléments auxiliaires se modifie également. Les fantassins Éduens (10.000) et Germaniques (probablement en nombre égal) sont installés sur le front sud. Ils sont maintenant en bonne position sur la ligne de crêtes, et ceci explique, nous semble-t-il, que Labienus ait pu, lors de la dernière bataille, concentrer 50 cohortes sur une section du front nord sans dégarnir trop dangereusement le reste du dispositif.

Une fois tous ces travaux réalisés, les estafettes qui parcourent le merlon extérieur comptabilisent 14.000 pas, soit 20km 720.

Les cartes qui suivent proposent des hypothèses satisfaisantes selon les textes et sur le terrain. Les découvertes archéologiques à venir confirmeront ou infirmeront.

L'INVESTISSEMENT

Le descriptif de César concernant les premiers travaux d'investissement tient en quelques phrases. Il s'agit d'une ligne de fortification, longue de 11.000 pas, soit 17km et de camps placés sur des positions "avantageuses". Ces derniers comportent 23 portes fortifiées décrites comme des ouvrages importants. Une fois ce paragraphe acquis, il faut le projeter sur le terrain tout en se gardant des images et conclusions qui se dégagent d'un bon siècle d'analyses portant sur le site du Mont-Auxois. Nous devons exploiter les Commentaires de César sur un tout autre terrain et les impératifs tactiques ne sont pas les mêmes.

Les camps en question sont au nombre de deux ou trois, de grande importance et doivent servir de base aux réserves établies sur les principaux théâtres d'opérations. Le premier destiné à parer aux interventions venant de la plaine de 3.000 pas est installé au nord, face à la pointe de l'éperon. Le second se trouve au sud, face au col du Gyps et doit servir de base d'intervention pour les contre attaques menées sur cette ligne, la plus délicate à fermer. Il est flanqué d'un petit ouvrage qui semble propre à la cavalerie. Les plus récentes investigations de MM. Berthier et Wartelle confirment ces options. L'oppidum est trop vaste pour être géré comme un seul champ de bataille, cette disposition des réserves en deux points stratégiques se conçoit aisément.


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Dès le premier jour du siège, César fait avancer l'ensemble de ses forces, face à l'oppidum. Les 130.000 hommes s'installent sur une position dominant la plaine de Syam (Al), 150 à 200 ha sont nécessaires. L'investissement commence le lendemain. Les Romains se déploient en ligne de bataille (A2) et entreprennent leurs travaux. Le soir venu, les hommes bivouaquent en camp provisoire (A3). Les forces qui gagnent l'ouest (A4) sont attaquées par la cavalerie gauloise (A5). Dans les jours qui suivent les assiégeants établissent deux premiers camps (A6,A7). De leur côté, les Gaulois se sont installés sur la ligne de crête (A8) et englobent 15.000 réfugiés mandubiens qui campent sous les murs de la cité (A9). En phase 2, Vercingétorix replie ses guerriers derrière les murs de l'enceinte (Bl). Ces 50.000 combattants sont maintenant concentrés sur la partie forte (B2). Les Romains en profitent pour avancer leur front et occupent la ligne de crête (B3). D'autre part, ils ferment toutes les sorties avec 23 portes fortifiées (B4) et fixent définitivement leur ligne d'investissement (B5,B6,B7). La mesure donne 11.000 pas, soit 16,300 km et César peut aligner 5 fantassins au mètre linéaire. Les camps (B8 à B17) demeurent affectés aux légions. En phase 2, une ligne de circonvallation joint les camps. Elle mesure 20,700 km. La longueur de merlon passe à 37.000 m. Il faut alors intégrer les supplétifs et distribuer les fantassins de ligne par cohorte. C'est un système plus souple qui sera illustré lors de l'ultime bataille.


La première ligne d'investissement, installée très rapidement sur 17km et au plus près des défenses adverses, ne comporte alors aucun ouvrage d'importance, sauf peut-être quelques redoutes destinées à exploiter les particularités du terrain. La longueur du développement nous incite à la placer au plus près de l'oppidum et le tracé requis peut se décomposer ainsi: 2km sur la plaine nord, 5km sur chacune des rives et 5km sur le plateau sud afin de fermer la base du triangle. Nous avons là les 17km donnés par César. L'ensemble de ce dispositif sera mis en place dès le 2ème ou 3ème jour de siège et les travaux d'aménagement se poursuivront constamment.

Sur l'oppidum, Vercingétorix est maintenant encerclé avec 75.000 personnes environ mais seulement 45.000 fantassins aguerris. 5.000 se sont égarés lors de la retraite. Comptons également 6 à 7.000 mandubiens valides qui pourraient combattre à ses côtés mais ils ne semblent pas très concernés. C'est donc avec 45.000 hommes que les Gaulois doivent défendre 13km de crêtes et de lignes, soit un peu plus de 3 combattants au mètre linéaire. Compte tenu du très fort dénivelé des pentes donnant sur les rivières, ce sont des moyens suffisants mais ces profondes vallées sont des armes à double tranchant. Elles condamnent toute sortie sur 60% du périmètre et permettent aux forces d'investissement romaines de se concentrer sur les espaces critiques.

Enfin, les Gaulois doivent constater le plus inquiétant. Les réserves de vivres sont très faibles et la disette menace à brève échéance. Certes nous sommes en automne et les greniers de la petite agglomération sont remplis des récoltes de l'été mais, prévues pour 10.000 personnes il faut maintenant les partager entre 70.000 bouches et c'est à peine suffisant pour un mois, six semaines au mieux avec un rationnement sévère. Le chef gaulois a donné ces chiffres à ses émissaires partis en Gaule chercher des renforts afin de prouver l'urgence d'une intervention.

Toutes ces estimations chiffrées sont certes aléatoires mais elles permettent un recoupement d'ensemble et si ce n'est pas une preuve c'est pour le moins un bon faisceau d'arguments qui se concrétise toujours d'avantage.


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Pour mémoire nous intégrons à cette étude deux dessins (réalisation Ph. Gavet sur indications A.Wartelle) réalisé en 1976 et publié le 3 mars 1977, dans la brochure de Total Archéologie, intitulée ALESIA EN FRANCHE COMTE. La carte B signale les substructures intéressantes mises à jour dans la plaine de Syam et sur le Rocheret, tandis que la carte C montre le possible dispositif romain sur le front sud, avec un camp d'infanterie face au col de Gyps et le camp de cavalerie sud sur les Grands Epinois. Les deux camps semblent postérieurs au repli gaulois derrière les murailles de la cité et l'occupation de la ligne de crête par les Romains.


L'ARMÉE DE SECOURS

Depuis 8 mois qu'il mène sa guerre, Vercingétorix n'a obtenu que peu de résultats, par contre, sa politique de la terre brûlée et ses engagements comme à Avaricum ont causé plus de ravages et tué plus de Gaulois que César ne l'aurait fait. La Gaule profonde semble se lasser du grand chef de guerre dont l'incapacité stratégique se révèle chaque jour davantage. Mais si vraiment il a immobilisé l'insaisissable armée romaine sur les contreforts du Jura, dans le petit pays des Mandubiens qui semble avoir si peu d'importance sur l'échiquier politique, il est intéressant de répondre à son appel et de livrer cette grande bataille qui clôturera de bonne manière une année de guerre apparemment si mal engagée.

L'été touche à sa fin. Les moissons s'achèvent et les greniers sont pleins. Avec les premières brumes de l'automne les messagers venus d'Alésia retrouvent leur province et prêchent pour un ultime effort et la Gaule y consent. Dans les campagnes, les cavaliers lèvent leur contingent, les villes et les bourgades forment des milices et les Sénateurs incitent la société bourgeoise à l'effort financier nécessaire. Cette contribution sera d'autant mieux acceptée que la guerre en question doit se dérouler ailleurs, bien loin. Chacun sans doute a une pensée pour ces pauvres Mandubiens dont le pays sera à coup sûr totalement ravagé par les 250.000 hommes qui vont guerroyer sur leur terre mais que diable il faut bien un perdant! Qu'il soit loin et méconnu arrange bien les consciences. Les colonnes s'ébranlent.

Sans esprit de mesure, Vercingétorix avait demandé tous les hommes disponibles mais une assemblée de Sages va fixer les contingents et si nous additionnons les chiffres annoncés par César, nous arrivons à 245.000 hommes. Cependant il faut se garder d'une première lecture et des conclusions hâtives qui s'en dégagent. Parmi cette masse énorme il est des troupes demandées à des pays si lointains qu'elles n'auront aucune chance de participer à la bataille.

Il y a le temps des conciliabules et celui des étapes. Si les cavaliers sont partis le 1er septembre d'Alésia par la passe sud de l'oppidum, la seule qui fut encore ouverte, il leur faut descendre jusqu'à Saint-Claude, traverser les régions peu commodes qui bordent le cours de l'Ain et déboucher chez les Eduens. Ils ont effectué 150 à 180km, soit 4 journées de marche et leur message est délivré le 5 septembre. Il faut tenir conseil, toute la Gaule est concernée mais comme le temps presse, il est hors de question d'appeler les représentants des peuples de l'ouest. Le va et vient des messagers et des notables représentants, les délibérations du conseil, et le retour des délégués dans leur Sénat, peuvent représenter 5 à 6 semaines. Il faut encore lever les troupes et assurer l'intendance avant que les contingents ne prennent la route. Ce serait perdre un temps précieux. Les décisions seront donc prises en assemblée restreinte où siègent essentiellement les peuples concernés ou que l'on peut contacter rapidement. Y figurent les Arvernes, les Eduens, les Bituriges qui ont tous une bonne raison de vouloir participer à cet ultime combat et enfin les peuples du Bassin Parisien déjà engagés. Mais les Sénats en question sont tout de même à 200 ou 300km d'un lieu stratégique que nous pouvons situer chez les Eduens et sans doute à Bibracte. Comptons le parcours du messager, cinq jours, autant pour que la délégation atteigne la grande assemblée, et cinq jours encore pour son retour, cela nous mène au 19/20 septembre.


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César se plaît à comptabiliser la totalité des contingents levés contre lui et l'addition donne, environ, 250.000 combattants pour le programme de mobilisation. Certes les ordres furent donnés et les forces rassemblées au sein de chacune des provinces concernées mais les distances sont parfois telles que nous pouvons raisonnablement douter de la présence de ces hommes, face à Alésia, 35/37 jours après le début du siège.
Si les décisions furent prises selon les règles, il faut compter le déplacement du courrier jusqu'à la tribu, le voyage aller et retour des notables délégués et enfin le déplacement des contingents. Pour estimation, prenons une base de 120km. Le courrier la parcourt en une journée avec plusieurs chevaux. Le déplacement des notables demande 3 jours et celui du contingent 4 jours. Nous obtenons donc 8 jours par portion de 120km, soit une valeur journalière de 15km. A cela il faut ajouter les facteurs constants. Les cavaliers envoyés par Vercingétorix partiront du camp 2 jours après le début du siège. Il leur faut 3 jours pour atteindre le pays Eduens et rencontrer les décideurs, une journée pour le premier conciliabule, une autre pour la décision collégiale des délégués et 2 ou 3 jours pour la levée des troupes, leur équipement, leur encadrement. Nous obtenons un total de 9/10 jours.
Voyons maintenant ces valeurs appliquées aux cercles concentriques (1,2,3). Les effectifs disponibles au point de concentration (X) seront estimés comme suit: cercle (1) 87.000 hommes disponibles au 21ème jour, cercle (2) 18.000 hommes disponibles au 26ème jour, cercle (3) 55.000 hommes disponibles au 33ème jour. Ainsi, en tenant compte de la petite mais inévitable différence qui doit exister entre les hommes appelés et ceux effectivement recensés sur le champ de bataille, ce sont 150.000 hommes qui seront disponibles au point X, dès le 33ème jour. Ils peuvent être à pied d'oeuvre au 37ème jour. Les contingents que Vercingétorix avait laissés derrière lui seront en partie inclus dans les effectifs Eduens et Arvernes.


Cette assemblée restreinte décide pour les peuples qui n'ont pas été contactés. Que vont-ils penser en recevant leur appel à participer?. Certains vont temporiser, d'autres, comme les Bellovaques opposeront un refus catégorique. Admettons pour une fois que les participants se soient décidés rapidement, les ordres de mobilisation arrivent le 19/20 dans les villes et les bourgades. Le temps de former les colonnes et les contingents prennent la route, les Eduens et les Arvernes qui ont déjà de nombreuses forces sous les armes peuvent engager la marche de leurs 70.000 hommes dès le 21 septembre. Les Bituriges peuvent les suivre à 2 jours et les contingents du Bassin Parisien à 4/5 jours.

Nous admettrons une première vague de 70.000 hommes fournis par les Eduens et les Arvernes et une seconde de 60.000 formée par les Séquanais, Senons, Bituriges, Carnutes et Parisiis. Toutes ces forces parties de divers lieux du 21 au 25 et peuvent se trouver devant Alésia la première semaine d'octobre. Les Carnutes les plus éloignés doivent parcourir 400km, soit 12 à 14 jours de marche. Ce seront donc 130.000 hommes opérationnels dès le 5/6 du mois. C'est eux qui doivent mener l'assaut principal que nous pouvons situer le 7 octobre. Vercingétorix et sa troupe sont assiégés depuis 38 jours et leurs réserves alimentaires sont au plus bas.

Les contingents du Nord, des rives de la Manche, de l'Armorique et de l'Ouest ne sont pas partis avant fin septembre au plus tôt et leur marche de concentration devait durer 2 à 3 semaines. Ainsi les 130.000 hommes que ces provinces devaient fournir n'eurent que bien peu de chance d'arriver à temps. Il plaît à César de les comptabiliser dans les effectifs levés contre lui mais il se garde bien de nous renseigner sur les forces réelles qu'il dut affronter. Il nous dit cependant que le troisième engagement fut mené par 70.000 hommes, si nous affectons des forces égales aux deux premières opérations menées dans la plaine, l'addition de ces deux vagues successives nous donne sensiblement 140.000 hommes.

LA CIRCONVALLATION


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Sur ce tracé nous voyons en (A) l'ancienne citadelle gauloise (probablement désaffectée au début du siège). En (B) la limite d'occupation du plateau. En (C) l'enceinte basse avec les portes (D,E,F) qui seront fatales à la cavalerie gauloise. L'accès (G) le plus exploité a laissé une trace profonde dans les courbes de niveau. Dans la première phase de l'investissement, les Romains installent une ligne (H) avec des portes fortifiées (J), partout où les Gaulois ont coutume de passer. Il y en aura 23 et chacune comporte un enclos pour une ou deux cohortes. Les relèves viennent des camps (K,L) installés sur des positions favorables. En deuxième phase, une ligne de circonvallation (M) reliera les différents camps. L'ensemble (N) qui doit servir de camp de cavalerie est installé sur les ruines d'un village, les travaux militaires sont ici réalisés en pierre. Avec le camp (L) il faisait partie du vaste ensemble préliminaire où l'armée campa les 4/5 premiers jours avant de se déployer pour l'investissement. Au confluent de la Saine et de la Lemme, nous trouvons des enclos faits d'empilage de pierres (M,N,P). Edifiés par les Gaulois ils servaient sans doute à surveiller le bétail venu s'abreuver lors des périodes sèches (N,P, seront liés au dispositif romain). Tous les autres travaux seront naturellement réalisés en terre mais, si d'aventure, quelques constructions ou murets gaulois se trouvent à proximité les pierres seront intégrées à l'escarpe.


Les premiers travaux d'investissement longs de 17km et flanqués de grands camps ont immobilisé la force gauloise dès le 1er septembre mais il fallait renforcer cette installation et ce fut fait dans le mois qui suivit. D'autre part, les 50 à 70.000 hommes que Vercingétorix avait appelés pour la première bataille mais qui n'avaient pu y participer ont sans douté été repris en mains par des cavaliers échappés à l'étreinte. Pour certains ce sont leurs propres hommes qu'ils avaient distancés. Ces forces vont se regrouper afin d'harceler les arrières romains et César doit commencer les tracés de la circonvallation avant même d'avoir été informé de la formation d'une armée de secours.

Avec 125.000 hommes les Romains pouvaient disposer 80.000 combattants en ligne d'investissement, soit 5 hommes au mètre linéaire et garder 40.000 combattants et cavaliers dans les grands camps. Le dispositif était satisfaisant, mais une circonvallation va singulièrement compliquer la tâche des forces romaines. Cette ligne externe doit s'installer sur les crêtes est et ouest pour bénéficier d'un terrain favorable et se développer ainsi sur 21km, ce qui porte le total des merlons à 38km. Dans ces conditions les combattants directement affectés à la garde tombent à 2 au mètre linéaire et c'est fort peu, d'où l'intérêt de combiner les deux lignes dans toutes les zones où cela est possible, au nord et au sud par exemple.


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La limite naturelle de l'oppidum se situe sur la ligne de crête qui domine l'Entre Deux Monts, mais son exploitation fut traitée selon les besoins. Les murailles de l'enceinte agricole (A) et du bourg (B) formeront la limite de l'occupation forte tandis que l'espace situé entre ces murs et la ligne de crête devait servir de lieu de parcage saisonnier pour les hivernants. C'était une zone incluse dans le site mais libre d'accès. De là, et via les Ponts de la Chaux (C), partaient toutes les liaisons avec l'environnement rural. Elles empruntaient la vallée de la Lemme (D) ainsi que celle de son affluent mineur (E). Les autres liaisons avec les terres environnantes se faisaient par le col de Gyps et par la vallée de la Saine. Ce secteur sud-ouest ne connaît pas de grands engagements mais sera le théâtre de nombreuses sorties gauloises et les portes fortifiées y sont nombreuses (F,G,H,J,K,L,M,N) avec une contrevallation (P) située au plus près de la rivière. Ce dispositif sera ensuite raccordé avec les nouveaux aménagements des crêtes sud (Q). Les camps installés sur des positions favorables compléteront ce premier dispositif. La présence d'un fortin reconnu (R) nous incite à positionner l'un d'entre eux (S) et un autre (T) avec peut-être un aménagement moins important (U). Ces différents camps seront ensuite reliés par la circonvallation (V,W). Si ces travaux furent réalisés en terre, comme il est fort probable, il sera très difficile de les identifier. Les différentiels de végétation ou de fonte des neiges reconnus par photo aérienne pourraient donner de bons résultats.


Contrairement à la première, cette ligne extérieure est ponctuée de camps mais il est difficile de fixer leur nombre et leur importance. Celui coiffant le secteur qui reçut le 3ème et ultime assaut de l'armée de secours et que nous placerons sur la route venant de Champagnole était, nous dit César, la base de deux légions. Si nous en affectons une aux deux camps déjà cités, il nous reste six grandes unités à distribuer sur les faces est et ouest ainsi que sur les angles du système côté sud. Admettons 4 grands camps supplémentaires ce qui porte leur nombre à 7. Les autres sont sans doute de petites installations destinées à l'effectif d'une cohorte permettant aux hommes de se reposer au plus près de leur poste de garde.


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Dès son repli sur l'oppidum, Vercingétorix fixe sa défense sur la ligne de crête qui va du Rachet (À) à là Montagne Ronde (B) tandis que César déploie sa première ligne d'investissement sur l'Entre Deux Monts, témoignage probable (C). Mais les Gaulois qui ne réalisent aucun travaux se jugent trop exposés et se replient derrière les murailles du bourg (D) et de l'enceinte agricole (E). C'est une position très forte. Ce faisant, ils abandonnent à leur sort des Mandubiens venus se réfugier sur le site qui campent sur les hauteurs (F,G), tandis que leurs troupeaux sont parqués autour du point d'eau (H). César fait alors avancer ses troupes sur la ligne de crête et établit des portes fortifiées sur toutes les sorties naturelles (J,K,L). Il installe également un grand camp pour deux légions (M) face au col de Gyps, ainsi qu'une base de cavalerie (N). Le camp est (P) est déjà en place. Enfin, la Montagne Ronde (B) est aménagée ce qui double la position (Q). Ce sont ces camps qui vont fixer le tracé de la circonvallation (R,S). Selon toute logique, ces travaux exécutés en terre seront d'identification délicate.


DE L'ANGOISSE A L'EXALTATION

Chez les assiégés qui sont sans nouvelle de l'extérieur depuis 38 jours, le moral est au plus bas et les réserves alimentaires également. Vercingétorix qui doit voir l'avenir en sombre se fait discret et laisse son conseil délibérer. Les avis s'affrontent. Les uns veulent tenter une sortie en force mais il est bien tard, d'autres estiment qu'il faut attendre l'armée de secours et c'est le sens du discours de Critognat, longuement cité par César. Il semble résumer le courant de pensées qui s'impose alors parmi les assiégés.

A cette époque une sortie en force est devenue très difficile mais sans doute pas impossible si les assiégés disposent bien d'une force de 40.000 guerriers comme nous en avons admis l'hypothèse. Mise au contact des lignes romaines avec méthode et discrétion, servie par une bonne diversion et lancée avec la fougue qui peut animer les âmes désespérées, une attaque ponctuelle menée par 3 ou 4 colonnes bien équipées de fascines pour couvrir les pièges et de moyens d'escalades face aux palissades, avait quelque chance de succès. Avec l'effet de surprise et dans les 10 à 15 minutes qui suivaient le début de l'engagement l'assaut n'aurait trouvé face à lui que les 4/6.000 défenseurs disponibles sur 1km d'investissement. Les pertes eurent été considérables cependant l'action avait ses chances. Mais, chez Vercingétorix, le sens tactique semble tout aussi absent que ses vues stratégiques.

Pour atténuer les effets du manque de nourriture les chefs Gaulois envoient les Mandubiens non combattants qui sont pris au piège avec eux demander aux Romains la permission de sortir. Bien entendu César refuse.

C'est dans ce climat maussade que les assiégés apprennent l'arrivée de l'armée de secours. Les gros contingents de la première vague ont jugé prudent de ne pas s'engager dans la passe et installent leur camp à proximité de Champagnole. Ceux qui vont suivre dans les prochains jours feront de même. Ainsi il y eut là 130 à 150.000 hommes rassemblés dans le même dispositif et tous les mouvements vers Alésia en seront gênés.

Chez les défenseurs la joie est immense, mais la raison peut-elle confirmer cet enthousiasme? C'est peu probable. Le site dont les caractères défensifs sont très forts convenait parfaitement à un siège de longue durée mais l'environnement montagneux se prête mal au déploiement d'une puissante force d'intervention extérieure. L'énorme masse de l'armée de secours ne pourra guère peser dans la balance.

L'accès naturel à l'oppidum se faisait alors par Sapois et la plaine de 3.000 pas citée par César et face à la pointe de l'éperon, cette dernière ne représente que 1.200m de large coupés par un petit cours d'eau. C'est peu pour la mise en oeuvre d'une force de 140.000 hommes. Si nous plaçons au contact 1.300 hommes de front sur 10 rangs de profondeur, nous obtenons 13.000 hommes et si nous ajoutons 6 colonnes d'assaut formées de 20 hommes de front sur 100 de profondeur, cela fait 10.000 combattants supplémentaires, plus 10.000 autres qui prendront la relève lors des assauts ultérieurs. Ce front d'attaque permet donc d'engager 30.000 à 35.000 combattants dans de bonnes conditions, guère plus. De surcroît, dans leur première attaque, les assaillants feront caracoler sur cet espace réduit un grand nombre de cavaliers ce qui ne facilitera pas la coordination des opérations. Si les Gaulois ont, comme il semble, concentré là 70.000 hommes, une bonne moitié des effectifs présents ne sera pas directement engagée.

LES DEFENSES FACE A LA PLAINE

César persuadé que l'armée gauloise ne saurait s'engager sans la participation de sa cavalerie attend l'assaut principal sur cette plaine qui fait face à l'éperon nord. Il a développé là ses défenses les plus puissantes et les deux lignes, circonvallation et contrevallation, se trouvent à 130m au minimum du muret de pierres sèches qui marque la base de l'éperon. Le Romain semble satisfait de ces travaux dont le descriptif se trouve dans le Paragraphe 72 du Livre VII.

Nous sommes ici en plaine. La terre est facile à manœuvrer et les ouvrages sont d'importance. Le fossé principal, large de 7m, comporte trois plans d'égale valeur. Le dessin nous donne alors 3m20 de profondeur, c'est aussi la hauteur du merlon confectionné avec la terre issue du terrassement. Nous obtenons donc une escarpe de 8m. Le sommet du merlon est muni d'une palissade à créneaux fabriquée spécialement pour l'ouvrage.

Cette double défense est protégée, côté site comme côté plaine, par deux fossés de 4m X 4m, et des barrages aménagés sur les rivières ont permis de remplir d'eau ceux qui se situent en aval. Le réseau de pièges décrit dans le paragraphe 73 devait se placer entre l'ouvrage principal et le premier petit fossé. L'ensemble de ces défenses développé sur 40 ou 50m de profondeur se trouvait couvert par les tirs des balistes installées sur les tours à trois étages et distantes de 50m l'une de l'autre. Enfin, le fossé principal et la majorité de l'espace garni de pièges étaient couverts de manière optimum par le lancé des javelots.


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César s'attendait à une action dans la plaine de Syam et la défense y fut particulièrement soignée. La contrevallation (A) dotée de trois portes fortifiées (B,C,D) fut flanquée d'une ligne dirigée vers l'extérieur (E). Les enclos gaulois (F,G) sont intégrés au dispositif dont la protection avant est assurée par un grand fossé, une zone de pièges et des petits fossés. Les camps de gauche et de droite disposent chacun de deux légions, ce qui permet d'aligner 24.000 hommes sur 2km. La zone d'attaque peut être classée en trois terrains distincts: une vallée de 400m (H), les terrasses de Syam, 400m (J) et les coteaux (K) 400m également. Après une prestation de cavalerie, l'infanterie gauloise s'engage. Les forces au contact, 1.300 hommes sur 10 rangs (L) représentent 13.000 combattants et nous avons imaginé six colonnes d'assaut, (M,N,O,P,Q,R), fortes chacune de 2.000 hommes. Ce sont elles qui seront renouvelées à chaque attaque. Après l'échec de plusieurs actions coûteuses en hommes, les effectifs gaulois rassemblés dans la plaine de Syam sont dans le plus grand désordre. C'est l'instant que choisit César pour faire charger la cavalerie germanique (S,T). L'action est déterminante, les Gaulois se replient en laissant à nouveau de nombreux combattants sur le terrain.


La distance qui séparait les deux ensembles, circonvallation et contrevallation, était sans doute faible afin que toutes les balistes puissent concentrer leur tir sur un même point critique. Une allée de circulation de 15 à 20m entre les deux ouvrages majeurs nous paraît amplement suffisante.

Sur les 1.200/1.300m constituant la partie critique de cette double défense nous trouvons donc 50 tours de 3 étages en position alternée. Il était possible de concentrer sur un seul point le tir de 9 engins à la cadence de 6 coups minute. C'était donc un trait à la seconde que l'on pouvait décocher sur une colonne en marche d'approche, tandis que les 150 balistes concernées avaient la possibilité de tirer 900 coups minute sur l'ensemble des forces adverses et 54.000 traits dans l'espace de l'heure décisive. Les traits de baliste sont des projectiles légers. Un homme peut en porter une centaine sans difficulté et le tir en continu durant une heure demandait 360 projectiles par arme, c'est une dotation courante.

Pour affronter pareil dispositif, le courage est dérisoire et l'engagement de dizaines de milliers d'hommes totalement superflu. Il fallait un plan tactique, de la méthode et les engins nécessaires mais les Gaulois n'avaient, semble-t-il, rien préparé.

LE TROISIEME ENGAGEMENT

Arrivée la veille, l'armée de secours doit parcourir 10 à 12km pour être à pied d'œuvre. Elle se présente en fin de matinée devant les lignes romaines et se met en ordre de bataille à 1.500m en retrait. C'est l'espace nécessaire pour que sa cavalerie puisse mener le premier engagement. Cette fois elle est flanquée de carrés d'archers constituant un dispositif de base cohérent et les escadrons romains qui supportent ce premier choc doivent se replier. Ce premier affrontement s'est déroulé vers midi.

Les Gaulois ont profité de la matinée pour occuper une hauteur qui domine le champ de bataille, probablement la Côte Poiré. C'est une bonne position défensive mais elle n'offre aucun avantage pour la menée de l'assaut. Si les Gaulois avaient maîtrisé les bonnes règles de la stratégie, ils auraient de cet excellent observatoire étudié le dispositif adverse et conçu un plan méthodique pour le jour suivant, mais il n'en fut rien. Confiants en leur force de masse ils vont s'engager sans réflexion préalable.

Le seconde vague est formée de fantassins qui vont se trouver mêlés à la cavalerie demeurée sur le terrain. Les colonnes d'assaut se succèdent sur la ligne romaine et la pression devient considérable, mais les légionnaires qui font preuve de beaucoup de sang froid tiennent bon. Parallèlement, les forces de Vercingétorix massées au pied du promontoire engagent la ligne interne avec, semble-t-il, un peu plus de méthode. Ils ont amené des fascines pour combler les fossés et de l'outillage pour recouvrir les pièges mais ils ne pourront achever leur ouvrage à temps pour participer valablement à l'action.

En fin d'après-midi, après 4/5 heures de combat et plusieurs assauts infructueux, les forces gauloise connaissent un moment de flottement. La ligne de fantassins qui fait face aux défenses adverses s'est trouvée perturbée par le flux et le reflux des vagues d'assaut. Le désordre est grand. Les hommes fatigués se reposent, les blessés légers se soignent et les chefs de corps ainsi que leurs cavaliers galopent en tous sens pour tenter de rassembler leurs troupes et organiser l'action suivante. C'est l'instant opportun. César fait charger la cavalerie germanique jusqu'alors gardée en réserve.

Viennent-ils de l'est ou de l'ouest nous l'ignorons?. Mais l'espace d'engagement est réduit et limite forcément le déploiement des escadrons. Selon les modes traditionnels ils peuvent charger en ligne de front forte de 600/800 cavaliers puis dégager sur le côté après le premier choc, ou bien s'engager par colonnes qui vont, elles aussi, échapper sur le flanc. En tout état de cause, et sur un espace aussi réduit, il faut absolument éviter que les charges successives ne se mêlent et que hommes et bêtes ne se piétinent. L'espace de 2km2 limite donc les forces à engager, quatre colonnes de 1.000 cavaliers nous semblent amplement suffisantes pour semer la panique dans cette masse désordonnée. Les Gaulois se replient, seuls les carrés d'archers qui tentent de protéger leurs cavaliers restent sur le terrain mais ils sont vite isolés et se font massacrer en grand nombre.

Les pertes gauloises furent importantes. Si nous estimons 5 hommes perdus au mètre linéaire, nous arrivons à 5/7.000 victimes auxquelles il faut ajouter 2/3.000 morts sous les coups de la cavalerie en fin de journée, celles des Romains seront, à coup sûr, beaucoup plus faibles.

L'ATTAQUE DE NUIT

Après cette première action confiante et impétueuse, menée sous le soleil, les Gaulois décident de changer de tactique. Dans la nuit du second jour, des forces importantes s'approchent en silence de la ligne romaine et lancent un assaut par surprise. L'engagement est mené avec le courage traditionnel que César reconnaît à ses adversaires mais l'organisation demeure inexistante et les moyens techniques mis en oeuvre nettement insuffisants. Cette fois encore, Vercingétorix averti fait descendre ses hommes qui vont batailler de leur côté et tenter une fois de combler les obstacles.

Les Romains de garde, peu nombreux, se trouvent surpris et vite en fâcheuse posture. Les Gaulois ont franchi les fossés et les pièges et attaquent maintenant la défense principale. Il faut l'intervention des cohortes venues des camps voisins pour rétablir la situation. Les assauts se succèdent, et l'engagement se prolonge toute la nuit mais sans résultat pour les assaillants. Au petit matin, les Gaulois qui craignent, comme la veille, un débouché de cavalerie venant sur leurs flancs se replient dans la vallée et rejoignent leur camp.

L'ULTIME ASSAUT

Il fallut deux attaques courageuses mais totalement improvisées et 10 à 12.000 combattants laissés sur le terrain pour que les chefs gaulois se livrent à quelques réflexions. Aidés par des guides locaux, ils commencent la reconnaissance de l'ensemble du site et parcourent les abords du dispositif romain à la recherche d'un point faible. Leur choix se porte sur une portion de front flanquée d'un camp d'une certaine importance puisqu'il sert de base à deux légions.

La localisation de cette dernière bataille est délicate. César la situe au nord mais selon quels repères?. Il nous dit également que le tracé de la circonvallation avait rencontré là un terrain peu favorable mais qu'il avait fallu l'inclure dans le dispositif, le camp, notamment, se trouvait en déclivité contraire. Ce secteur était également à peu de distance de la plaine nord puisqu'il y eut de la part des Gaulois tentative de coordination entre cet assaut et un nouvel engagement de diversion mené sur le précédent champ de bataille. Enfin, César se place en un point qui lui permet de gérer au mieux ces deux théâtres d'opération.

La face est du site des Chaux-de-Crotenay n'offre aucun lieu favorable, par contre, à l'ouest et au nord, nous pouvons retenir les déclivités qui se situent sur l'actuelle route nationale, sous Chatelneuf. C'est cette hauteur qui servit aux Gaulois pour se protéger de la vue adverse et ménager leur surprise.

70.000 hommes renommés pour leur courage furent choisis pour cette ultime opération. Nous verrons là le nombre des combattants sortis du camp et engagés dans les deux actions conjointes: 30.000 dans la plaine en diversion, et 40.000 en manoeuvre vers le camp auxiliaire qui doit subir l'assaut. Venant de Champagnole, les hommes ont alors 12km de marche dans les collines pour atteindre leur objectif. Partis dès l'aube, ils arrivent en position vers 10h et se reposent derrière une hauteur qui les masque à la vue de leur adversaire. L'assaut sera lancé vers midi.

Ici les défenses romaines sont établies sur un sol où les roches affleurent et les obstacles offerts à l'adversaire sont de moindre profondeur. Le glacis principal doit se limiter à 3/4m au mieux, ce qui représente la protection classique du camp journalier mais avec de petits obstacles et des pièges sur une grande profondeur. Enfin, chaque fois que les troncs d'arbres ont été rassemblés en nombre suffisant, le merlon se garnit d'une puissante palissade plantée dans le sol. Cependant les protections en pieux réglementaires demeurent nombreuses puisque les Gaulois tentent de les renverser avec des crochets et des faux.

Sans doute troublés par la diversion effectuée dans la plaine, les Romains seront surpris. César qui perçoit mal l'ensemble du dispositif adverse s'attend à d'autres actions de harcèlement et, dans un premier temps, limite les mouvements de ses troupes. Il n'apprécie guère ce genre d'engagement où les manoeuvres sont nécessairement limitées mais il se méfie également des informations alarmantes qui lui ont fait abandonner prématurément le champ de bataille de Gergovie. Ainsi les Romains vont mener ce dernier engagement dans un cadre essentiellement tactique en répondant aux assauts adverses et en colmatant les brèches.

Dès le premier assaut qui se développe sur 1.200/1.500m, une vague de 12/15.000 hommes surprend les Romains établis sur la circonvallation avec seulement 3 hommes au mètre linéaire, soit 4/5.000 combattants en ligne. Mais ils seront rapidement soutenus par les réserves immédiatement disponibles dans le camp, ce qui porte les effectifs à 8.000 hommes. L'assaut gaulois est repoussé mais le secteur n'a plus de réserves. César qui craint toujours d'autres actions sur la périphérie du camp ne touche pas au dispositif ordinaire en place.


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La troisième et ultime bataille menée par l'armée de secours est délicate à placer sur le terrain. César nous dit que l'action fut menée par 60.000 Gaulois sur un camp situé au nord et sur une colline peu favorable. C'était un grand camp destiné à deux légions et nous avons le choix entre (A et B). Nous choisirons le camp A pour des raisons développées ultérieurement. C'est bien une colline qui domine la plaine de Syam (C) de 100m et se trouve limitée à l'ouest par l'ancien déversoir de la dépression du Vaudioux (D). L'attaque commence vers midi (E,F), tandis que la cavalerie gauloise se déploie dans la plaine (G). Le camp qui a négligé la hauteur (H) est handicapé de ce côté. L'engagement est d'une extrême violence et s'annonce comme décisif. En fin d'après midi les Romains ont engagé 60 cohortes, soit la moitié de leurs troupes de ligne et la situation demeure incertaine. La cavalerie romaine déborde alors les assaillants (J) qui perdent pied, tandis que les fantassins sans doute sortis des lignes (K) lancent une contre attaque. Les Gaulois se replient (L), et ceux de la plaine décrochent également sous l'action d'une contre attaque (M) tandis que la cavalerie germanque se mêle à l'action (N). Ce repli se transforme en déroute et va entraîner l'abandon du grand camp gaulois situé à 4km au nord. Si nous plaçons cet engagement au nord-est, pareille répercussion n'est pas concevable.


Conscients de leur supériorité, les Gaulois maintiennent la pression et les terrassiers s'activent à combler les fossés et les pièges avec de la terre et des fascines. Dans l'assaut qui va suivre, les fantassins gaulois font la tortue. Il s'agit d'une formation compacte où les hommes progressent à boucliers jointifs sur les flancs comme sur le dessus. Dans les premières opérations menées autour d'Alésia, les chefs de guerre gaulois ont privilégié leur cavalerie et sans doute mésestimé les ressources de leur infanterie.

La ligne romaine qui a épuisé ses javelots se trouve en difficulté. Labienus intervient avec 6 cohortes, 3.600 hommes, et rétablit la situation: c'est du colmatage. De leur côté, les assiégés lancent une sortie qui doit venir de la rampe formant l'accès naturel de l'oppidum côté couchant. Ils sont munis d'engins de protection et d'escalade et attaquent bientôt la défense interne qui se trouve sur les arrières du camp romain. Ces derniers sont maintenant engagés de face et de revers mais César gère toujours l'opération avec prudence. Il envoie 6 cohortes soutenir la ligne interne puis 7 autres, 4.200 hommes, afin de confirmer la défense. De son côté, Labienus qui juge ses forces insuffisantes face à la pression adverse soustrait 4 cohortes d'un fort voisin.

Les Romains se battent maintenant sur deux fronts. Ils engagent 10.000 fantassins de ligne et 23 cohortes de soutien, soit 14.000 hommes. A ces 24.000 combattants, les Gaulois opposent environ 50/60.000 assaillants, 40.000 de l'extérieur et 20.000 de l'intérieur et, de ce côté, de nouveaux contingents descendent de l'oppidum. Comme la portion de front considérée ne permet pas le plein emploi de leurs forces, les Gaulois ont sans doute développé leur front d'action et les Romains doivent maintenant tenir sur 5km de courtines: 2 en position interne, 3 en position externe.

Le jour s'avance et Labienus s'inquiète. Il est maintenant persuadé qu'il supporte l'action principale et que d'autres attaques ne sont plus à craindre. Alors il prend une décision tactique à sa mesure et déplace toutes les cohortes disponibles sur un large front. Il en informe César qui se range à son avis. Les forces extraites des réserves tactiques sont au nombre de 39 cohortes, soit 24.000 hommes environ. Cette masse de manœuvre concentrée arrête puis fait reculer l'ensemble des Gaulois venus de l'extérieur. César arrive sur place vêtu de son manteau de commandement. Il est accompagné d'une force de cavalerie qu'il s'empresse de lancer sur le flanc adverse. Ainsi repoussés et débordés, les Gaulois lâchent pied et entament un repli.

Les Romains ont engagé dans cette bataille plus de 60 cohortes, soit la moitié de leurs forces de ligne.

Dès cet instant, les faits se précipitent. La masse des assaillants se disloque chaque instant davantage. Ils n'ont pas l'encadrement nécessaire pour reformer un dispositif cohérent et le repli se transforme en déroute. Nous avons là le phénomène de panique classique qui se développe au sein des grandes forces mal structurées. Chaque groupe perçoit de sa place l'action adverse comme une menace monstrueuse. Aucun cloisonnement ne vient limiter le phénomène, aucune information d'état major ultérieurement communiquée à la troupe n'a fixé dans les esprits la valeur de l'ensemble des forces en présence et l'importance souvent relative des revers partiels que toute armée peut subir. Au sein de la légion romaine c'est le rôle du Centurion, cheville ouvrière de l'unité tactique.

Dans leur fuite les Gaulois se font massacrer en grand nombre. Lorsque ces nouvelles alarmantes arrivent dans le grand camp de la plaine, les contingents qui s'y trouvent admettent la retraite et commencent à rassembler leurs bagages. En fin de soirée, César nous dit que ses soldats épuisés ne peuvent entamer la poursuite mais il lance l'ensemble de sa cavalerie avec notamment les contingents germaniques derrière les fuyards et là encore de très nombreux Gaulois perdent la vie. César ne donne pas le nombre des pertes adverses mais l'estimer à 12/15.000 hommes ne paraît pas exagéré. A cette époque on ne dénombrait pas les morts d'un côté et les blessés de l'autre mais seulement les hommes laissés sur le terrain. Ainsi, des retraites désordonnées se révélaient toujours très coûteuses en hommes.

Les Commentaires ne nous donnent pas davantage d'informations sur les pertes romaines mais ce fut sans doute une dure journée pour l'armée. Cet affrontement en ligne qui se poursuit sur 5 à 6 heures de temps n'est pas un titre de gloire pour César mais les conditions de terrain où l'action fut menée peut expliquer le déroulement des faits, ajoutons également que le général romain était dans l'incapacité de voir l'ensemble du théâtre d'opérations et de juger le mouvement des forces adverses. De bien désagréables conditions pour un stratège.

CONCLUSION

Ce regard sur les péripéties militaires de l'été 52 nous permet d'avancer quelques conclusions. La première concerne l'affaire d'Alésia. A ce sujet nous dirons que l'archéologie est une discipline pleine de ressources, voire de promesses, mais pour ne pas la déconsidérer au regard du public mieux vaut ne pas l'engager dans des aventures qui sont sans doute hors de ses moyens. Retrouver les traces d'une bataille 2.000 ans après, n'est certes pas impossible mais très aléatoire, d'autant que les fouilleurs, toujours partants, vont sans doute trouver quelque chose et s'empresser de l'exploiter dans une hypothèse de leur cru. Pratiquer de la sorte c'est mettre la charrue avant les bœufs.

Avec pour base un texte comme les Commentaires, la raison impose de procéder méthodiquement. D'abord analyser la mise en oeuvre et les mouvements des forces sur le terrain considéré afin de s'assurer que le site est compatible avec le déroulement des opérations. Une fois ce préalable acquis, des fouilles bien ciblées peuvent être menées.

Pour respecter cette démarche, nous nous sommes limités à la première étape et la conclusion paraît évidente. Le Mont-Auxois est totalement incompatible avec les Commentaires de César, tandis que l'hypothèse des Chaux-de-Crotenay semble satisfaisante en bien des points.

Notre seconde conclusion portera sur la nature des engagements. Le combattant Gaulois ne manque pas de courage et peut, en engagement singulier, tenir tête aux soldats romains mais l'organisation tactique qui régnait alors dans ces rangs paraît totalement inadaptée face aux légions. Les hommes à pied, qui suivent leur leader naturel, le cavalier, comme le feront les hommes des lances du Moyen-Age, ont grand peine à s'intégrer dans un dispositif cohérent d'une certaine importance.

Lors du premier engagement mené dans la plaine, il y eut certes la décision aberrante de Vercingétorix qui envoie sa cavalerie caracoler à plus de 3km de la ligne de front avec pour seul résultat de forcer la deuxième ligne adverse à modifier son dispositif. Il y eut également le front sud laissé sans réelle couverture mais nous constatons également que 50.000 fantassins installés en bonne position vont se débander sans même avoir été engagés par les 40.000 légionnaires de la première ligne romaine. Là nous remarquerons que les cavaliers qui devaient au sein de cette troupe jouer le rôle de centurion sont partis mener leur propre bataille en d'autres lieux.

Pareille incohérence se retrouve dans la première action de l'armée de secours. L'assaut est engagé face aux défenses adverses les plus puissantes et cela pour faire plaisir aux cavaliers qui veulent, là encore, caracoler en première ligne. Ensuite les vagues d'infanterie sans moyen technique vont s'épuiser sur une défense en profondeur, là même où César a préparé l'action de la cavalerie germanique afin de clôturer la bataille comme il l'entend. L'attaque de nuit qui suivit avait probablement de meilleures chances mais, là encore, elle sera engagée face au dispositif le plus élaboré.

La troisième et dernière action fut plus astucieuse. Menée sans doute par des volontaires, bien décidés à s'engager de concert (la tortue) elle met la ligne romaine à rude épreuve. Mais, là encore, ces braves combattants vont se débander brutalement au premier revers, engageant ainsi la fuite de toute l'armée de secours, soit plus de 140.000 hommes sous la seule pression de 6/8.000 cavaliers. Surprenant, certes mais pas incompréhensible si l'on songe que chacun des petits groupes constituant l'armée s'est trouvé livré à lui-même sans encadrement direct, sans directives préalables, sans programme de rétablissement. Le camp établi à l'entrée de la passe n'était sans doute qu'un campement désordonné sans aménagement aucun.

César se plaît à comptabiliser les effectifs levés contre lui, à souligner la valeur des combattants gaulois et la dureté de certains engagements, mais l'organisation tactique de l'armée romaine, les capacités stratégiques de son général et la fragilité fondamentale de tout dispositif gaulois de quelque importance, fit qu'elle ne courut pas grand risque.

Le suivi historique montre à l'évidence combien il est important de fixer les opérations sur le terrain selon un tracé d'investissement précis mais, dans ce domaine, l'exploitation des Commentaires n'est pas sans difficulté.

Nous n'avons pas le texte original de César et les transcriptions latines fort nombreuses ainsi que les traductions françaises révèlent parfois des divergences d'interprétation. Ce sont les paragraphes concernant Alésia qui semblent les plus controversés et nous verrons là l'effet de la polémique engagée au XIX° siècle après les fouilles menées à Alise-Sainte-Reine.


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Ce plan résume les opérations menées par les belligérants aux abords de l'oppidum ainsi que la couverture des cartes de détail. Vercingétorix qui dispose de plus de 100.000 combattants en pays Lyonnais a forcé l'allure pour bloquer ce qu'il considère comme la fuite de Céar. Ainsi, après avoir distancé de nombreux contingents, il arrive à l'entrée de la passe avec 50/55.000 hommes et les installe sur la ligne (A). Après l'engagement de la cavalerie et la manoeuvre de débordement (B) menée par les Germaniques, les forces gauloises se replient par Sapois, Bourg-de-Sirod et Syam (C,D), pour se réfugier sur l'oppidum de Chaux des Crotenay. Ce mouvement commencé vers la 8ème heure s'achève à la tombée de la nuit.
Dans les jours qui suivent, les Romains investissent la place et repoussent une sortie de cavalerie. Au 37ème jour, l'armée de secours s'installe à l'entrée de la passe (E) et lance une première offensive (F) dans la plaine de 3.000 pas (Syam) puis une seconde de nuit sur le même front. Enfin, une troisième et ultime opération menée essentiellement par des fantassins se révèle plus difficile à situer. César nous dit au nord du dispositif sans préciser davantage. Nous pouvons l'imaginer à l'ouest vers Chatelneuf (G,H) ou côté est, vers Crans. Nous avons privilégié la première hypothèse mais la seconde a également de bons arguments.