LA GAULE FACE A CESAR

Après la destruction de Carthage, Rome occupe les côtes d'Espagne et l'intérieur du pays sera pratiquement soumis après le siège de Numance par E. Scipion, en l'année 134 avant J-C. Il faut maintenant lier cet empire en formation. Après la victoire de Marius, à Aix en 102, une voie stratégique primordiale est ouverte en Gaule méridionale. Elle relie l'Italie à l'Espagne, Provence et Languedoc deviennent terres d'empire.

Dès lors, les marchands romains pénètrent en Gaule et nouent de nombreux échanges économiques avec les producteurs locaux. En faisant valoir l'intérêt d'un grand marché et d'une monnaie unique, ils préparent la Conquête. En 58, les terres sous juridiction romaine atteignent Lyon et s'alignent sur le cours du Rhône. C'est l'année où le mouvement des Helvétes et l'invasion des Suèves donnent à César le prétexte qu'il attendait: la Guerre des Gaules commence.

Cependant les Romains connaissent encore mal ce vaste pays dont la population demeure difficilement estimable. Les Gaulois sont bien incapables de se compter au delà d'une tribu et de très vastes régions ne possèdent même pas le cadre politique susceptible d'organiser un dénombrement, même approximatif. Les Romains, par contre, pour qui le recensement est un devoir civique ont sans aucun doute élaboré des approches statistiques avec comptage sur échantillon et multiplication par les surfaces estimées. Ainsi, les géographes et les marchands qui sillonnent le pays ont déjà de bonnes données sur le sujet et Strabon en fera la synthèse.

César qui, n'en doutons pas, a rassemblé les plus sérieuses informations et acquis le service des meilleurs spécialistes s'est fait une intime conviction: l'adversaire est d'importance et si la discipline politique régnant alors dans la plupart des régions fait sourire le Romain, la valeur militaire des hommes semble lui imposer le respect. Ainsi va-t-il agir six années durant avec un subtil mélange de diplomatie et de violence. En l'année 52 qui fut critique pour lui, nous le voyons en moins d'un mois faire passer par le fil de l'épée les 40.000 habitants d'Avaricum puis se rendre, presque déférent, à l'invitation des Eduens, ses alliés, afin de régler un problème politique. Mais le regard que César porte sur la Gaule n'est qu'une indication, il ne peut être transposé en chiffres. Pour cela il nous faut une méthode d'approche rationnelle.

LA POPULATION GAULOISE

Il y a mille manières de traiter la démographie historique mais l'approche doit nécessairement se faire dans un cadre bien établi et, dans cette démarche, la nature des sols, le caractère d'implantation et le mode d'agriculture, sujets que nous avons souvent traités, demeurent les seuls critères d'analyse. La Gaule peut donc se résumer ainsi. Limitée aux "Pieds Monts" pyrénéens et alpins, mais avec une frange de territoire située hors de nos frontières actuelles côté Rhin, le pays représentait une superficie de 560.000 km2 décomposables de la manière suivante. D'abord 100.000 km2 de terre sur base calcaire où les aptitudes céréalières sont excellentes, elles s'étendent du Nord au Berri et dans les provinces de l'Ouest. A l'opposé, côté méditerranée, une surface de 100.000 km2 de terres sèches et caillouteuses où les bovidés sont difficilement exploitables, c'est le domaine des troupeaux de chèvres et de moutons. Enfin, au centre, la plus grosse partie, soit 360.000 km2, favorable au mode dit celtique, avec une exploitation pastorale très majoritaire. Ces terres s'étendent des frontières alpines aux Pyrénées avec une importante ramification vers la Bretagne et la Normandie.

C'est une première classification mais il faut la pondérer. Parmi les terres dites Celtiques où le troupeau attache l'exploitant au point d'eau, à la rivière, au ruisseau seules 30 à 35% des surfaces offrent des conditions optimum. Une quantité égale demande des aménagements plus ou moins élaborés comme les mares artificielles. Enfin, 30% de ces terres doivent être réservées à l'exploitation saisonnière, ce sont les hauts pâturages ou les plateaux qui deviennent très secs en période d'été.

Pour terminer fixons l'aptitude du sol à nourrir l'homme, sujet que nous avons déjà traité. L'échelle de référence retenue est la suivante: exploitation pastorale uniquement, 0,2 à 0,3 habitant à l'hectare et 0,4 à 0,7 en mode polyculture. Par contre, sur les terres où les aptitudes céréalières sont bonnes, la spécialisation en ce domaine peut donner de 0,7 à 1 habitant à l'hectare.

Il faut reconnaître que ces paramètres offrent toutes les combinaisons possibles mais la plage couverte du minimum au maximum est demeurée la même de l'époque Gauloise à l'arrivée du machinisme agricole vers le milieu du XIX°. Si nous avons trace de villes et de villages, la Gaule peut difficilement descendre en dessous de 5/6.000.000 d'habitants et les phénomènes de saturation apparaissent vers 25 ou 30.000.000. C'est donc dans cette fourchette qu'il faut trouver la population gauloise à l'heure de la Conquête et toutes les observations confirmées semblent indiquer une occupation relativement dense, soit 14 à 18.000.000 d'habitants. Nous opterons donc, très arbitrairement, pour 15.000.000.

A cette époque, c'est une puissance considérable sur l'échiquier politique et militaire et César qui ne possède que 60.000 fantassins de ligne a bien raison d'agir avec une extrême prudence tout en jouant la division chez l'adversaire. Mais si la Gaule peut logiquement aligner 2.000.000 de combattants, sa structure politique est totalement incapable de les lever, de les armer, de les organiser. Cependant, six années plus tard, l'ambiance de guerre qui s'est imposée dans le pays a sans aucun doute changé le contexte. Le nationalisme naturel aidant, de très nombreux jeunes se sont équipés, entraînés, et le potentiel militaire du pays s'est considérablement accru. Mais, heureusement pour César, l'organisation politique ne semble pas avoir évolué et la Gaule a toujours les pires difficultés à présenter un front commun.

LA GAULE POLITIQUE

Si nous accordons foi aux commentaires de César, les Gaulois étaient en général d'excellents démocrates. Pratiquement nul témoignage de monarchie héréditaire dans le pays et les peuples les mieux organisés sont gouvernés par une assemblée de Sages, un Sénat, fort respecté. Mais ce cadre politique fut sans doute mis en évidence par l'état de guerre larvé qui se développe six années durant et qui impose aux tribus de prendre des engagements lourds de conséquences. A l'origine du système, sans doute les traditionnels conseils d'anciens qui se tenaient dans les villes et villages avec participation déterminante des notables et des propriétaires terriens, les Cavaliers. Ces derniers formaient l'encadrement traditionnel chaque fois qu'il était question d'engagement militaire. Après cette première démocratie locale, des réunions plus larges se sont tenues au niveau des tribus et les peuples les plus importants ont du franchir un pas supplémentaire en se dotant d'un embryon de pouvoir exécutif confié à des magistrats élus, charge limitée dans le temps et naturellement révocable par l'assemblée. Nous trouvons là un schéma très proche de celui qui six siècles plus tôt avait engendré la république romaine.

Cependant, le système qui privilégie les notables est naturellement guetté par la sclérose. Les fils des personnages illustres qui n'ont pas toujours la sagesse du père ont plus facilement accès à la notoriété politique et le fossé peut se creuser entre la caste dirigeante et le pays réel cependant la Gaule avait, semble-t-il, dépassé ce stade avec l'émergence d'un troisième pouvoir, celui des agglomérations marchandes installées au carrefour des voies traditionnelles, mais cette richesse économique qui s'installe n'a sans doute pas la représentation qu'elle mérite au sein des assemblées d'où une certaine divergence dans les opinions. Le clivage se fait entre les conservateurs soucieux des intérêts de la société et les va-t-en guerre qui émergent de la caste des Cavaliers, tel Vercingétorix, qui trouve d'emblée une opposition déterminée au sein du conseil de sa propre tribu.

Avec l'arrivée de l'armée romaine, ce qui n'était que divergence d'intérêts économiques, devient fossé politique. La société des artisans et marchands, ainsi que les céréaliers, qui tirent de bons revenus du commerce avec le bassin méditerranéen verraient d'un oeil favorable un Protectorat Romain. Ce statut les garantirait des incursions venues d'Outre-Rhin et leur accorderait les avantages de la monnaie unique. Il préserve également un pouvoir local suffisant pour négocier en bonnes conditions le tribut nécessairement payé à Rome. Cependant l'idée du Protectorat représente une mutation suffisamment profonde pour effrayer certains notables traditionalistes et surtout la caste des Cavaliers dont l'essentiel des privilèges militaires disparaîtrait alors.

Toute la stratégie de César peut se résumer ainsi. Pourra-t-il imposer un Protectorat à la Romaine sans déboucher sur une levée de boucliers au sein de ce peuple innombrable dont il connaît le potentiel militaire?. C'est possible sans doute puisque les choses se sont passées ainsi dans la province mais avec le temps nécessaire. Il permit aux deux peuples de mieux se comprendre, aux marchands de s'installer et aux populations des villes de prendre conscience de l'intérêt du cadre d'empire.

César doit également tenir compte du climat politique qui règne à Rome. Dans sa lutte d'influence qui l'oppose à Pompée des résultats spectaculaires lui seraient d'un grand secours et dans les dernières années du conflit, il n'a sans doute plus de marge suffisante en politique pour privilégier la diplomatie comme il le voudrait. César et la Gaule se dirigent inexorablement vers un affrontement généralisé.

Sur le sillon rhodanien et dans les plaines du Nord, où les relations économiques déjà nouées avec Rome sont importantes et fructueuses, César est admis sous condition, certes, mais le déroulement des opérations montre qu'un courant politique lui est bien acquis. C'est le cas notamment chez les Rhèmes et surtout chez les Eduens dont le territoire contrôle la vallée de la Saône. Pour Rome, leur fidélité est primordiale afin de maintenir le contact avec les producteurs de blé des plaines du Nord.

La levée des troupes se fera surtout dans les régions de caractère celtique, là où le cadre politique est aléatoire et la discipline militaire très médiocre, et les 600.000 guerriers offerts à Vercingétorix ne pourront peser sur le cours de l'histoire. Considérons également que si l'homme ne manque pas de courage, ses choix de chefs de guerre seront très contestables, et sa politique de la terre brûlée au pays des Bituriges fut sans doute désastreuse pour son auréole.

LA GAULE MILITAIRE

A l'heure de la bataille décisive, seules les forces engagées comptent. Celles alignées ou susceptibles de l'être demeurent sans effet sur le résultat final. En France, le dernier responsable politique a négliger cette vérité élémentaire nous fit tomber de haut. C'était en 1939, l'homme s'appelait E. Daladier. Il était Président du Conseil et affirmait avec grande conviction que nous allions vaincre parce que nous étions les plus forts. Quelques mois plus tard ce fut la percée des Ardennes et la grande débâcle des plaines du Nord jusqu'aux Pyrénées. Pour nos armées, l'opération était bien entendu constituée d'une série de replis sur des positions préparées à l'avance selon une formule dont seuls les Etats-Major ont le secret. Vercingétorix a sans doute mis en évidence la puissance de la Gaule toute entière pour engager le peuple dans la confrontation avec l'armée romaine.

César n'était pas homme à se tromper de la sorte. Si l'analyse du potentiel militaire Gaulois va l'inciter à la prudence et à la diplomatie, il a tôt fait de mesurer l'exacte valeur de l'adversaire. Dans les plaines du Nord, les Cavaliers sont nombreux et forment l'encadrement naturel des combattants tandis que le maniement des armes est une discipline pratiquée très jeune chez ceux qui vont constituer l'infanterie. Le potentiel est considérable, la mobilisation peut être extrêmement rapide et l'encadrement de qualité. Mais ces gens qui semblent avoir développé une économie très prospère ont un adversaire traditionnel: les peuplades du Nord de l'Europe, les Saxons notamment, que les Romains rangent toujours malencontreusement sous l'étiquette de Germains. L'opposition entre Francs et Saxons est une querelle de frères ennemis qui se réveille souvent au cours de l'Histoire. Ainsi César a de bons arguments pour ses négociations et ses alliés réussiront à faire valoir les intérêts de l'Alliance avec Rome au sein des assemblées.

La situation se présente d'une toute autre manière sur les terres du Centre, de l'Ouest et de la Manche, là où les caractères celtiques s'imposent. Dans ces régions se trouvent les forces les plus nombreuses que César peut avoir face à lui mais il a tôt fait de juger leur niveau de mise en oeuvre. Ses marches dans l'Ouest furent des promenades militaires et les raisons nous semblent les suivantes. Là règne la petite exploitation disséminée, les produits d'échange manquent et le fer demeure rare et cher et il est essentiellement réservé à l'outillage; l'armement est donc un luxe. De ce fait le pouvoir militaire est aux mains de petits hobereaux locaux qui sont les seuls à disposer d'une monture et d'un armement de qualité. Ils sont également flanqués d'une petite troupe de combattants à pieds, plus mercenaires que compagnons d'armes, ayant parfois mauvaise réputation dans les campagnes. Ainsi la masse des petites gens sans équipement, sans formation au maniement des armes est peu enclin à les suivre dans une grande aventure militaire qui ne les concerne pas directement. Il faut dire que le pays est relativement paisible, protégé qu'il est des traditionnelles incursions venant de l'Est par les peuples frontières. Mais, six années durant, des "bruits de bottes" ont résonné sur la terre Gauloise, et réveillé les ardeurs belliqueuses d'une jeune génération.

Les plus déterminés se sont procuré du fer, forgé un glaive, une lance et confectionné un bouclier de bois ainsi qu'une protection de cuir, la cuirasse. Quelques spadassins ou quelques anciens qui avaient combattu leur ont appris les gestes qu'il faut connaître sur le champ de bataille et chacun de ces jeunes volontaires peut se juger apte au combat, mais l'ensemble est peu crédible face à une armée de métier. Ils n'ont sans doute jamais manouvré de concert et les chefs tout désignés, les Cavaliers, constituent un encadrement peu enclin à la discipline d'ensemble.

Cependant ces jeunes recrues sont avides d'appliquer sur le terrain les gestes souvent répétés sur le Champ de Mars. Combien sont-ils? Une fraction seulement des hommes valides mais comme la population globale des régions concernées doit avoisiner les 8 millions d'individus environ, il est facile de dégager 5 à 600.000 combattants d'une fourchette d'âge de 18 à 30 ans. Ce sont eux qui formeront l'armée de secours en 52. Les 4 à 500.000 combattants d'une fourchette d'âge de 18 à 40 ans bien armés et bien entraînés que pouvaient aligner les provinces du Nord ne semblent pas avoir participé à l'action. L'année suivante, en 51, lors de l'ultime campagne contre les Atrébates et les Bellovaques, César remarque que la caste des Cavaliers ne participe pas à l'action. Le leader plébéien qui va mener la bataille, le Bellovaque Coreus, y perdra la vie pour avoir trop donné de sa personne et sans doute également mal préparé l'action.

Pas un seul instant dans ce vaste pays qui semble si attaché à sa liberté, ne vint l'idée simple de dégager de cette énorme masse d'un bon million de combattants les 100.000 hommes d'une force permanente qui, seule, aurait pu faire échec à César. Ce fait nous enseigne sur la nature et le poids de l'encadrement traditionnel, la caste des Cavaliers. Ces gens sont nombreux mais seulement maîtres de leur patrimoine personnel et de perpétuelles querelles de voisinage les ont affaiblis et déconsidérés sur le plan politique. D'autre part, le cadet n'était pas l'héritier des privilèges concédés à ses ancêtres, il devait avant tout faire ses preuves, aucune trace donc d'une féodalité, d'un système institutionnalisé avec une hiérarchie interne comme cela se développera au Moyen-Age. Le Gaulois est profondément libre et indépendant et il entend gérer sa vie comme tel, sans contrainte, les armes à la main et le respect qu'il concède va au mérite, non au titre.

Cette individualité, quasi viscérale, qui est de règle dans la société explique également que la caste des Cavaliers fut sans doute dépassée par la forte poussée économique et démographique qui caractérise le siècle précédent la Conquête. Les oppidum sont désertés, de nouvelles terres défrichées et des places de marché s'installent au carrefour des voies économiques. C'est une nouvelle puissance qui se met en place et ses tenants ne sont guère favorables aux anciens maîtres batailleurs et fauteurs de trouble. La Gaule active était donc prête à s'intégrer dans le cadre impérial et la guerre fut le heurt entre l'ambition de César et les conservatismes locaux, servis par une jeunesse qui rêvait d'une victoire en chantant, le temps d'un bel été.

L'INFRASTRUCTURE EN GAULE

L'image politique que César nous donne de la Gaule suggère un développement dans le cadre d'une multitude de cellules économiques centrées sur leur métropole et la volonté romaine de couvrir très rapidement le pays d'un réseau de voies stratégiques destinées à rompre l'isolasionisme naturel de chacune de ces tribus semble le confirmer. Cependant le politique traite des problèmes, c'est une démarche essentiellement intellectuelle tandis que l'économie vit et c'est la réalité qui importe. La facilité de déplacement que l'armée romaine trouve dans certaines régions ne peut se concevoir sans une forte densité de voies secondaires, voire de certains itinéraires aménagés sur grandes

Pour aborder Genabum, l'armée romaine qui représente une masse de 80.000 hommes doit parcourir plus de 30km dans la journée en plein pays du Gâtinais et cela nous donne la mesure du réseau routier en place. Si la région est essentiellement desservie par de petits chemins vicinaux étroits et bordés de haies vives, les cohortes qui doivent progresser sur trois rangs tout en préservant une voie pour les estafettes représentent pour l'armée entière une colonne de plus de 25km de long, celle-ci ne peut être disponible le soir à Orléans, surtout dans une courte journée d'hiver. Il faut envisager deux, voire trois itinéraires parallèles, ce qui nous donne une densité de villages égale à celle que nous connaissions au XIX° siècle

Nous pouvons également imaginer que les grandes cités ont greffé ces réseaux de voies rurales sur des artères rayonnantes destinées à faciliter leur activité économique mais sur une grande distance ces divers tronçons restent incohérents et les rocades ne font que s'amorcer: c'est l'option que nous retiendrons. Ainsi certains tracés de voies romaines, réguliers dans l'ensemble mais composés d'une multitude de lignes légèrement brisées sur des distances de trois à cinq kilomètres, ne seraient que la prise en compte d'un aménagement gaulois lui-même réalisé à partir de tronçons vicinaux.

Un autre fait tiré des commentaires peut nous enseigner sur le développement de l'infrastructure routière gauloise. Lors de sa marche sur Gergovie, César qui se trouve déjà sur la rive Est de l'Allier doit repasser le fleuve mais Vercingétorix a fait détruire les ponts. Une partie de l'armée fait mine de continuer sa marche tandis que l'autre fraction se dissimule aux regards des Gaulois. Cette ruse lui permet de franchir le fleuve sur un ouvrage de bois détruit par le feu mais que les pontonniers ont rapidement reconstruit sur les bases demeurées solides. Ensuite, il faut quatre jours à César pour franchir la distance restante, soit 100 km environ. Les ponts en question se trouvaient donc sur une partie relativement courte du fleuve, probablement une cinquantaine de kilomètres situés entre Nevers et Moulins. Trois ou quatre ponts sur pareille distance dénotent un réseau routier très dense.

Ainsi, selon les commentaires, l'infrastructure est importante en pays Gaulois mais suivons scrupuleusement les campagnes menées par le Conquérant. Il ne traite et ne prend en compte qu'une partie de ce vaste pays. Toutes les provinces du Centre et de l'Ouest demeurent en dehors de ses préoccupations et de ses analyses. S'agit-il d'un territoire sans valeur, sans intérêt? Ce n'est pas certain. Imaginons ces régions parsemées de fermettes isolées dans un paysage de bocage et sillonnées d'une multitude de petits chemins de caractère privé tel qu'elles apparaissaient encore au XVII et XVIII siècle. Ajoutons à cela une absence de cohésion politique, il devient évident alors que le potentiel du pays est grand mais ses moyens de mobilisation dérisoires. Le jugement de César se trouve justifié.


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LA GUERRE DES GAULES : Année 58 Av. J. - C.
Livre I des " Commentaires " de César Campagnes contre les Helvètes et contre Arioviste:

Arioviste répondit, avec quelque apparence de raison, qu'en le déclarant l'année précédente " ami et allié ", le Sénat Romain avait implicitement reconnu les conquêtes faites par lui en Gaule. César passa outre, avec une témérité dont il aurait pu avoir à subir de graves conséquences, s'il avait échoué : il déclara la guerre à Arioviste, marcha sur le Rhin, livra bataille en haute-Alsace, vainquit Arioviste qui n'échappa à la mort qu'en prenant la fuite. Le risque d'une invasion de la Gaule était ainsi écarté pour quelques siècles, mais au moment où César remportait cette victoire, de graves nouvelles lui parvenaient de Rome : le " Triumvirat " ou Gouvernement à trois, formé laborieusement en 60, entre Pompée, Crassus et lui, était en train de s'effronder, au milieu des discordres civiles.


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LA GUERRE DES GAULES : Année 57 av. J.-C.
Livre II des " Commentaires " de César Campagne contre les Belges ( Rèmes, Bellovaques, Nierviens, Atuatuques )

C'est le nord qui se dresse contre Rome : une coalition se forme sous la direction des Suessions. Les Rèmes se montrent favorables à César. Les Bellovaques cessent rapidement le combat. Seuls les Nierviens, les Viromandues, les Atrébates font une belle résistance : leur élan jette le désordre dans les légions. Vaincus après une bataille acharnée, ils se font tuer jusqu'au dernier. Suessions, Bellovaques, Ambiens, Auatuques sont également soumis par César, tandis que Crassus, en Armorique, soumet à l'empire de Rome les Vénètes, les Unelles, les Osismes, les Coriosolites, les Esuviens, les Aulerques, les Redons, " peuples maritimes établis sur les bords de l'océan ".


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LA GUERRE DES GAULES : Année 56 av. J.-C.
Livre III des " Commentaires " de César Campagnes contre les cités armoricaines - Campagnes de Crassus en Aquitaine

C'est la révolte de l'Ouest. Elle a son centre chez les Vénètes, dans le Morbihan ( Vannes : en breton Guenet ). Les opérations sur terre n'aboutissent pas. Il faut une action navale pour mettre un terme à la guerre. César improvise une flotte : les Vénètes perdent en une seule bataille leurs deux cents navires de haut bord; ils font leur soumission. De même Tiburius Sabinus soumet les Eburoviques d'Evreux, les Lexoviens de Lisieux et les Unelles du Cotentin tandis qu'en Aquitaine P. Crassus (le fils du Triumvir) soumet les Sotiates (Sos, Lot-et-Garonne), les Vocates de Bazas et les Tarusates de Tartas.


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LA GUERRE DES GAULES : Année 55 av. J.-C. Livre IV des " Commentaires " de César
Campagnes contre les Germains Usipètes et tenctères Premier passage du Rhin. Première expédition en Grande-Bretagne

Le péril germanique s'est reporté sur le cours inférieur du Rhin. César ne se borne pas à rejeter les agresseurs ( les Usipètes et les tenctères qui avaient envahi le pays des Ménapiens, entre Cassel et le Rhin) de l'autre coté du Rhin. Il établit un pont sur le fleuve et le franchit pour défier les Suèves et les Sicambres et affirmer sa puissance au-delà même de la Gaule. D'autre part comme la Bretagne contribue, avec la Germanie, à soutenir la résistance des gaulois, César opère un débarquement et livre une bataille à la suite de laquelle les bretons demandent la paix. Cependant, cette expédition reste sans lendemain et César remet à l'année suivante une entreprise plus importante contre les bretons. De retour en Gaule, César envoie Labiénus contre les Morins rebelles et Titurius et Cotta contre les Ménapiens. L'armée reprend ses quartiers d'hiver en Belgique.


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LA GUERRE DES GAULES : Année 54 av. J.-C.
Livre V des " Commentaires " de César Deuxième expédition en Grande-Bretagne

On entre dans la deuxième partie de la guerre. La Belgique, l'Armorique, l'Aquitaine même paraissent domptées. La Celtique (régions du Centre ) n'a pas encore bougé mais la domination romaine n'est pas pour autant acceptée et la Gaule est en voie d'oublier ses divisions pour s'unir dans la haine de l'envahisseur En dépit des succès de César outre-manche ( il a réussi une deuxième expédition en Grande-Bretagne et obtenu la soumission des Trinobantes et d'autres peuplades des plaines de la Tamise ), la rébellion couve et menace. A l'automne, les Belges donnent le signal et débutent par un coup d'éclat. Le Légat Sabinus, trompé par Ambiorix, roi des Eburons, tombe dans une embuscade : il est massacré et sa légion entière anéantie. Le reste de l'armée est sauvée par la résistance de Q. Cicéron ( frère de l'orateur ). Le désastre de Sabinus fait ressaillir toute la Gaule, les Sénonais se soulèvent. La Gaule entière, sauf les Eduens et les Rèmes, est suspecte à César qui, devant la gravité de la situation, se décide à passer pour la première fois l'hiver en gaule.


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LA GUERRE DES GAULES : Année 53 av. J. - C.
Livre VI des " Commentaires " de César

Nouvelle campagne contre les Nierviens et les Trévires . Deuxième passage du Rhin et expédition contre les Suèves . Digression sur les moeurs des Gaulois et des Germains . Guerre de représailles contre Ambiorix et les Eburons César conscient du danger, a porté son armée à dix légions. Il parvient à retarder le soulèvement général par des négociations et par la terreur. Seuls les Belges prennent les armes et sont impitoyablement refoulés. Deux hommes ont été l'âme de la révolte : le Trévire Indutiomare et l'Eburon Ambiorix. Les Sénons et les Carnutes se soumettent sans combat mais à la fin de la campagne, le chef des Sénons, Acco qui avait été l'instigateur de la révolte est condamné à mort et livré au bourreau. Avant de repartir pour l'Italie, César fait prendre leurs quartiers d'hiver à ses légions : deux sur la frontière des Trévires, deux chez les Lingons, les six autres dans le pays sénon, à Agédincum ( Sens )