LA TREVE DE L'ÉTÉ

En ce jour de mai de l'année 52, César se réveille de fort mauvaise humeur. Les évènements de la veille sous les murs de Gergovie lui laissent un souvenir amer. Quelques légionnaires impétueux mais désobéissants qui perturbent son beau plan de bataille et lui qui accorde foi à de fausses nouvelles et déclenche le repli de ses forces sans raison véritable, bien mauvaise journée pour un grand capitaine. Mais pour l'heure il faut traiter la situation présente et les nouvelles contenues dans les rouleaux de dépêches qui s'entassent sur sa table ne sont pas bonnes. Le pays Éduens a totalement basculé dans le parti adverse et, dans le Bassin Parisien, Labienus se heurte à des forces bien supérieures aux siennes. La grande marche d'intimidation que l'armée romaine vient d'effectuer dans le centre de la Gaule n'a pas eu, semble-t-il, les résultats escomptés. Mieux vaut prendre de sages précautions et rejoindre de bonnes bases avant de nouvelles opérations.

César décide de regrouper ses forces. La jonction des deux corps d'armée se fera chez les Senons, près d'Agedencum. Cependant, avant de lever le camp, le Romain décide de provoquer son adversaire une fois encore. Les légions se mettent en ordre de bataille dans la plaine, face à l'acropole, mais les Gaulois ne bougeront pas, l'opération se limite à un engagement de cavalerie qui tourne à l'avantage des Romains. Cette manouvre fut répétée le lendemain, sans plus d'effet sur la masse des adversaires stationnés dans la place comme sur les hauteurs de la chaîne des Dômes. Ces provocations confirment César dans son opinion, le Gaulois n'est ni de taille ni d'humeur à l'affronter en rase campagne, rassuré, il fixe le départ vers le nord au jour suivant.

Si l'armée romaine est arrivée devant Gergovie le 5 mai, si la mise en place, l'affaire des Éduens ainsi que la bataille ont demandé 12 à 15 jours, ces 3 jours supplémentaires nous donnent le 23 mai pour le départ vers le nord.

Les premières étapes se font dans la plaine de la Limagne où le terrain n'offre aucune difficulté, admettons seulement quelques risques encourus du fait de la cavalerie adverse. Les étapes seront donc de 25km minimum par jour et ce rythme doit mener les Romains sur les bords de l'Allier, à la hauteur de Saint-Pourcain-sur-Sioule, le 26 mai. Là les ponts sont détruits, il faut les reconstruire sommairement et le voisinage de Varennes où le fleuve se décompose en plusieurs bras avec des bancs de sable et de gravier paraît satisfaisant.

Si les travaux de réfection ont demandé deux jours, les six légions sont en pays Éduens dès le 28 mai. Une fois le franchissement réalisé, César reçoit la visite de deux hauts dignitaires du pays, des hommes bien connus de lui. Ces interlocuteurs lui avouent regretter de n'avoir pu maintenir la traditionnelle politique d'assistance qui liait les deux peuples et lui apprennent également que leur compatriote Litaviccus, partisan de la guerre, parcourt le pays avec sa cavalerie et lève un grand nombre de combattants. Est-ce un avertissement d'amis ou une manouvre politique visant à détourner les forces romaines?. Nous ne pouvons le dire mais, conscient du danger ou pressé par le temps, César décide d'accélérer sa marche vers le nord. La progression se fera jour et nuit, nous dit-il, c'est exceptionnel.

Il s'agit sans doute d'une marche en deux étapes journalières. Les soldats se lèvent avant le jour, vers 3h du matin, marchent durant 7h, soit jusqu'à 10h. A la pause de la mi-journée, les cohortes s'installent en carré, les hommes se restaurent et prennent un bref repos dans un espace bien éclairé par la cavalerie. La marche reprend vers 15h et se poursuit après le coucher du soleil. Le repos de la nuit qui se fait toujours en dispositif défensif est donc très court, 5h environ. Ces deux étapes représentent 14h de marche, soit 45km environ. C'est un régime exceptionnel que les hommes ne peuvent supporter longtemps. A ce rythme, les forces romaines vont parcourir les 75km qui les séparent du confluent de la Loire et de l'Allier en moins de deux jours. Ajoutons à cela une journée consacrée aux conciliabules des chefs, nous sommes alors fin mai début juin.

LA TRAVERSEE DE LA LOIRE

La Loire que les Romains doivent traverser est en crue. C'est la saison. Les ponts sont sans doute détruits et les refaire serait trop long. César décide de rechercher un gué toujours praticable et finit par en trouver un où la hauteur d'eau est de 4 à 5 pieds. Les hommes traversent le fleuve sous la protection des cavaliers qui se déploient en amont afin de briser le courant. Les légionnaires qui ont de l'au jusqu'aux aisselles forment des chaînes pour obtenir une meilleure stabilité. Cette opération s'est faite sans la moindre perte et sa promptitude a surpris l'adversaire nous dit César. La traversé du pays Eduens s'est donc effectuée en conditions très hostiles avec des bandes adverses en formation sur l'autre rive du fleuve, prêtes à intervenir à la moindre faiblesse constatée dans le dispositif romain. Ce sont sans doute les deux jours de marche forcée qui ont permis à l'armée romaine de prendre de vitesse toutes les manoeuvres gauloises.

Comme nous l'avons suggéré en traitant des étapes journalières, nous verrons là un des traits du génie de César. Lorsque les difficultés s'accumulent, l'homme renonce aux précautions d'usage, comme le ferait un capitaine raisonnable. Il force la cadence, néglige d'installer le camp d'étape et reprend ainsi l'initiative des opérations en distançant toutes les concentrations adverses. L'homme de génie a des raisons qui ne sont pas celles de l'intelligence ordinaire. Le fossé qui sépare les démarches est considérable. Si depuis deux siècles tous les militaires de haut rang s'astreignent à étudier les Textes de César, il semblerait que bien peu les ait compris.

Nous ignorons où s'est réalisé ce délicat franchissement de la Loire. L'armée romaine avait toutes les raisons de suivre au plus près le cours de l'Allier pour ne pas s'engager dans la Sologne bourbonnaise, un paysage parsemé d'étangs où toute manoeuvre d'envergure est délicate. Les légions doivent donc aborder le grand fleuve dans la région de Nevers et comme les zones les plus favorables au gué sont les étendues sablonneuses et caillouteuses que l'on rencontre à la sortie des grandes courbes, les quelques kilomètres situés en aval de Nevers nous semblent les plus favorables pour situer cette opération.

Une fois atteint le nord Nivernais, les Romains se trouvent hors de la zone d'influence des Eduens. Là, les populations refusent de s'engager dans une guerre mise en oeuvre par leur voisin et les légionnaires trouvent une relative quiètude pour se reposer et refaire leur réserve de nourriture.

NOVIODUNUM

Après la chute d'Avaricum, et lors de sa brève incursion en pays Eduens, César avait installé à Noviodunum, place forte des bords de Loire, un camp intermédiaire où les munitionnaires de l'armée devaient rassembler des chevaux de monte, du blé et diverses réserves alimentaires. D'autre part, toutes les transactions réalisées avec les négociants Eduens étaient payées par l'armée, et là se trouvait une part du trésor de guerre. Après la séparation des forces de César et de Labienus, cette base devait servir d'étape intermédiaire dans toutes les manoeuvres menant du nord au sud et vice versa.

Dès que les rumeurs du ralliement de la colonne Eduens au parti de Vercingétorix se furent répandues dans la tribu, des bandes de va-t-en guerre envahirent le camp, massacrèrent les gardes et détruirent ou emportèrent par bateau sur la Loire toutes les réserves alimentaires rassemblées. Ainsi, lors de leur remontée, les légionnaires qui étaient en voie d'épuiser leur réserve personnelle furent menacés de disette, l'armée devait se réapprovisionner.

La base de l'alimentation du soldat romain en campagne est constituée de blé consommé en brouet selon diverses recettes. Au repas du soir, si l'horaire le permet, il est préparé avec le bouillon de viande qui vient de la cuisson des pièces de boeuf, c'est le repas salé. Si la viande manque, le brouet est agrémenté de lait ou de fromage blanc avec complément de produits sucrés, miel, fruits en marmelade ou bien séchés. Le repas de midi est plus frugal. La portion de blé préalablement humidifiée et gonflée dans un petit sac est souvent consommée tel quel, le luxe est une fiole de bouillon conservé de la veille. Dans cette alimentation faite de céréale, de viande et de laitage, les besoins de l'organisme sont pratiquement assurés mais il est guetté par une carence en sucre. Le légionnaire doit se contenter des marmelades cuites préparées à la manière gauloise. Il est peu probable que les raisins, les dattes et figues séchées tant prisées à cette époque en Méditerranée soient alors d'une diffusion courante en Gaule. Le pain cuit au four, les plats cuisinés et le vin dont la production essentielle reste liée au Bassin Méditerranéen, sont réservés au temps d'hivernage.

Si les céréales représentent en moyenne 70% de la masse alimentaire, les légionnaires qui vont reconstituer leur réserve personnelle de 10 jours doivent trouver chacun 8kg de blé environ, soit pour les 50.000 hommes de César 400 à 500 tonnes de grain. Nous sommes début juin et les réserves de la récolte précédente s'épuisent. Si nous comptons 4 à 5 quintaux par ferme visitée, cela fait 1.000 exploitations sur 100 à 200 villages répartis sur les 400 km2 que l'on trouve entre Loire et Nièvre, de Nevers à La Charité. Nous obtenons donc un village pour 2.000 ha ce qui représente une densité égale à celle des implantations du 18ème siècle. Ces brèves estimations nous donnent la mesure du monde rural à cette époque ainsi qu'une appréciation sur sa richesse céréalière.

LA MARCHE SUR AGEDENCUM

La recherche du gué et le franchissement du fleuve par 50.000 hommes ont demandé une journée, ajoutons deux jours de marche et trois pour la quête de nourriture et nous pouvons imaginer l'armée romaine reposée, bien fournie en vivres et prête pour ses dernières étapes, dès le 6 ou 7 juin. Il lui reste plus de 100 km pour rejoindre le grand camp où doit se faire la jonction avec les forces de Labienus revenant de la région parisienne. Comptons 4 jours pour ce parcours, les troupes de César sont donc au point de jonction dès le 10 ou 11 juin. Par contre, Labienus qui doit parcourir 100 km sous la pression adverse et dans une région où les grands fleuves sont nombreux et les ponts sans doute détruits a certainement pris du retard. Le texte de César ne nous informe pas sur cette phase des opérations. Enfin, ces troupes revenant de Paris ont, elles aussi, besoin de repos. Cependant le grand camp ne peut contenir les 90 à 100.000 hommes que compte l'armée rassemblée.


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LA PERTE DU COULOIR RHODANIEN

I - Repli
   1. Retour à Sens de Labiénus
   2. Jonction à Sens des Légions de César
   3. Départ de César en Lingonie

II - Nouvelle concentration des légions en Lingonie
   1. César devance ses légions
   2. Labiénus dirige l'évacuation :
       a) de toute l'armée
       b) de tous les bagages
   3. Retour au point de départ Lingon après l'échec du plan d'opération


Dans cette estimation d'effectif, nous ignorons ce que sont devenus les 10.000 Éduens qui ont assisté l'armée romaine à Gergovie. Ces hommes se jugent sans doute trop engagés envers César pour retourner dans leur tribu maintenant totalement acquise au parti de Vercingétorix. Ils ont donc tout intérêt à demeurer dans le cadre de l'armée romaine.

Nous sommes alors au 15 juin et c'est à cette date que César prend la route en direction de l'est vers le pays des Lingons avec sans doute la Xème légion. Il rejoint le camp qui servit de pivot au dispositif de l'hiver précédent et, de là envoie des émissaires en Germanie pour demander au peuple nouvellement soumis des unités d'infanterie et de cavalerie qui vont jouer un rôle important dans les évènements à venir. César a 120 km à faire. Il est en place dès le 20 juin.

L'ÉTÉ DE CESAR

La base romaine établie en pays Lingon est une installation modeste initialement prévue pour deux légions. César doit donc organiser les cantonnements de toute l'armée alors forte de 100.000 hommes. Il lui faut également rassembler le maximum d'informations pour bien juger de la situation. Les énormes forces gauloises qui lui sont signalées ont toujours grand peine à fixer leur marche et à effectuer leur concentration. La menace ainsi représentée est certes à prendre en compte mais, pour l'heure, rien d'inquiétant. D'autre part, les Parisii et leurs alliés qui semblaient disposer d'une nette supériorité numérique sur les quatre légions de Labienus n'ont pas poursuivi les forces romaines dans leur repli, l'arrivée de César et de ses six légions fut sans doute déterminante à cet égard. Enfin, après son apparente victoire à Gergovie, Vercingétorix tente d'exploiter au mieux son crédit de grand chef de guerre. Sa préoccupation première est de confirmer le renversement d'alliance qui vient de se produire chez les Eduens, il porte donc ses forces sur les bords de la Saône afin de confirmer le pouvoir de ses partisans et de couper définitivement la voie traditionnelle de César vers la province. Ainsi, pour l'heure, l'armée romaine qui voit se dresser face à elle 250 à 300.000 hommes environ, n'a pas d'inquiétude immédiate, par contre, les Gaulois alignent maintenant des forces de cavalerie nombreuses et agressives dont la menace risque d'être sérieuse. Pour y faire face, César attend ses renforts venus de Germanie mais il faut du temps pour cela. Si les émissaires sont partis vers le 18/20 juin, les premiers contingents ne seront pas aux ordres des Romains avant la mi-août.

Vers le 25 juin, l'armée romaine est rassemblée en pays Lingon mais il n'est jamais fait mention d'un grand camp et nous pouvons aisément le comprendre. Une énorme concentration de forces en un seul lieu serait pénible à supporter pour les populations environnantes alliées des Romains. D'autre part si César reçoit un excellent accueil auprès des tribus de Champagne/Ardennes, cette assistance n'est pas sans contre-partie. Comme il est de règle en pareilles conditions, le Romain s'est engagé à ne pas mener d'actions d'envergure sur les terres de ses amis. Il doit donc surveiller une ligne frontière qui peut se situer sur la rive droite de l'Armençon et sur une ligne de seuil qui va de Pouilly-en-Auxois à Jussey cependant, il n'est pas question pour lui de répartir ses forces sur 200 km, il va donc les disposer en plusieurs camps de campagne que l'on peut inscrire dans une ellipse installée à cheval sur les hauts cours de la Seine et de l'Aube. Ainsi disposées, les légions pourraient engager en moins de deux jours, toutes les concentrations adverses qui se présenteraient sur la ligne frontière.

Toute manoeuvre militaire réussie est l'aboutissement d'une bonne préparation et l'importance, ainsi que la disposition des cantonnements peut être déterminante. Si nous plaçons 100.000 hommes dans un grand camp et si la sortie s'effectue par une seule porte en formation de 5 hommes de front, nous obtenons avec les montures une colonne longue de 25km, c'est pratiquement l'étape journalière, ainsi les premiers contingents seraient arrivés à destination lorsque les derniers quitteraient le camp, c'est inconcevable. Si nous admettons la sortie simultanée par quatre portes nous obtenons des colonnes de 6/7km de long, c'est acceptable mais il faut que le réseau routier régional ou la configuration du terrain permettent la progression de quatre colonnes de front. En toute région accidentée c'est pour le moins difficile sinon impossible. L'importance des cantonnements joue donc un rôle essentiel dans la mise en oeuvre comme dans les mouvements ultérieurs. Une troupe trop éclatée est difficilement contrôlable mais trop concentrée elle n'est plus apte aux manoeuvres délicates. L'articulation optimum c'est l'unité tactique, la légion. Les Romains ont mis deux siècles à fixer cette unité et César se devait d'exploiter au mieux l'instrument qu'il avait entre les mains; ce fut la première raison de ses succès.

Les bonnes règles tactiques comme l'intérêt stratégique s'accommodent de camps d'hivernage de 6 légions, comme à Agedencum, ou de camps de campagne de même importance, comme à Gergovie, mais dans un environnement qui le permet. Au-delà de ce seuil, les risques deviennent grands. En cet été 52, l'armée romaine installée au nord-ouest du Bassin Parisien dispose de trois axes de progression vers le sud, vers ses futurs théâtres d'opération. Un dispositif de quatre corps d'armée ainsi que l'intendance et l'état major en un lieu distinct, au petit camp d'hivernage par exemple, nous semble optimum. Parmi ces trois axes de progression, le plus favorable est la vallée de l'Armençon contrôlée par l'oppidum du Mont-Auxois

Comme ceux de Napoléon, les soldats de César marchent beaucoup et de chaque camp partent des colonnes importantes qui sillonnent les espaces à garder. Elles doivent en chasser tous les petits groupes adverses qui s'infiltrent mais ces opérations ont également pour effet de brouiller les informations parvenant à Vercingétorix. Ces manoeuvres couvrent la haute vallée de l'Armençon, là où se trouve le Mont-Auxois. Enfin, cette zone critique est constamment parcourue par des unités de cavalerie basées dans de petits camps confiés à des velites ou troupes auxiliaires. Là se trouvent en permanence des chevaux frais, qui permettent aux messagers d'atteindre le centre d'opération de l'armée en moins d'une demi-journée. Cette action doit occuper toute la cavalerie romaine, d'où l'intérêt des cavaliers germains pour les opérations stratégiques. Ainsi disposée et informée, l'armée romaine domine la situation et les Gaulois en sont conscients.


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CESAR Livre VII-LXII

CETTE AFFAIRE TERMINEE LABIENUS RETOURNE A AGEDINCUM (SENS) OU LES BAGAGES DE TOUTE L'ARMEE AVAIENT ETE LAISSES.

CESAR Livre VII -LXV

LES ALLOBROGES EN ETABLISSANT LE LONG DU RHONE DES POSTES NOMBREUX DEFENDAIENT AVEC BEAUCOUP DE SOIN ET DE DILIGENCE LEUR FRONTIERE. César voyant l'ennemi supérieur en cavalerie, tous les chemins fermés, et par suite nul moyen de tirer secours de la province et de l'Italie, envoie au-delà du Rhin, en Germanie, vers les Etats qu'il avait soumis les années précédentes, et en obtient des cavaliers et des soldats d'infanterie légère.

CESAR Livre VII - LXVI

CESAR FAISAIT ROUTE VERS LE PAYS DES SEQUANAIS EN PASSANT PAR LES CONFINS EXTREMES DES LINGONS POUR PORTER A LA PROVINCE UN PLUS FACILE SECOURS.

Les Romains, leur dit-il s'enfuient dans leur province et abandonnent la Gaule. C'en est assez pour assurer la liberté du moment, mais trop peu pour la paix et le repos de l'avenir. Ils reviendront, en effet, avec de plus grandes forces et la guerre sera sans fin. Il faut donc les attaquer dans l'embarras de leur marche. (Vercingetorix).

CESAR Livre VII - LXVIII

VOYANT TOUTE SA CAVALERIE EN DEROUTE VERCINGETORIX QUI AVAIT RANGE SES TROUPES EN AVANT DE SON CAMP LES FIT BATTRE EN RETRAITE ET PRIT AUSSITOT LE CHEMIN D'ALESIA, PLACE DES MANDUBIENS.

LXIX - La place elle-même était au sommet d'une colline dans une position très escarpée, si bien qu'elle semblait ne pouvoir être prise que par un siège en règle. Au pied de la colline, de deux côtés coulaient deux rivières.

En abordant l'année 52 qui fut déterminante pour l'avenir de l'Occident, les auteurs font naturellement référence à César, mais chacun selon sa guise. L'honnêteté nous commande donc de lui rendre la parole et que dit-il? Sur le développement des opérations fort peu de choses en vérité. Si nous soulignons les textes nous permettant une localisation d'Alésia nous obtenons une trentaine de lignes, guère plus. Il serait donc facile de s'entendre. César vient de Gergovie et Labienus de Paris. Ils se rencontrent pour récupérer tous les bagages de l'armée en pays Senons (A), puis l'armée regroupée fait route vers le pays de Séquanes, les riverains de la Haute-Saône (B) pour porter secours à la province (C). Enfin, l'affrontement qui doit permettre à Vercingétorix de bloquer César en attendant l'arrivée de l'armée de secours se trouve en pays Mandubien, les habitants des rives de la Dubi, le Doubs (D). Selon César, Alésia doit donc se trouver dans le triangle (B,E,F).


L'ÉTÉ DE VERCINGETORIX

Dès la bataille de Gergovie, le chef Gaulois a vu certains de ses contingents faire défection et d'autres le rejoindre mais dans ce renouvellement quasi permanent, le solde est toujours positif. Les hommes qui lui sont liés et forment son armée personnelle sont maintenant au nombre de 40 à 45.000. C'est donc avec 50/60.000 hommes qu'il a rejoint le pays Eduens où il trouve des forces nombreuses mais encore mal formées, mal encadrées. L'ensemble doit représenter 100.000 hommes environ qu'il faut engager dans une manoeuvre quelconque sous peine de les voir se démotiver. Marcher vers le Nord là où se trouve César serait dans la logique des choses mais les forces de Vercingétorix n'ont guère confiance en leur aptitude en rase campagne et de surcroît les alliés potentiels du Nord sont peu sûrs.

Les Senons sont bien placés pour agir mais ils seraient les premiers touchés par la réaction des Romains et chacun se souvient du triste sort de Genabum. Les Parisii s'engageraient volontiers mais sur les terres des Senons afin de protéger les leurs quant aux Bellovaques, ils affirment haut et fort qu'ils entendent gérer eux-mêmes les engagements auxquels ils participent. Enfin, les Carnutes, les plus éloignés du théâtre possible des opérations, contemplent la division de leurs alliés et jugent bon d'attendre. Vercingétorix n'a donc aucun secours à espérer de ce côté. D'autre part, tous ces peuples septentrionaux sont occupés aux moissons ce qui ne porte guère à la mobilisation.

C'est toute l'ambiguïté de cette guerre. Vercingétorix a reçu le commandement d'une formidable coalition mais chacun entend négocier sa participation. Tous rêvent d'une grande victoire mais à condition que la bataille se déroule chez le voisin. Enfin, il faut battre César mais l'engager chez ses alliés les Rèmes et les Lingons impliquerait ces derniers et donnerait à l'affaire des allures de guerre civile, ce que la plupart des Sénats refusent. Si d'aventure une action gauloise portait la guerre chez les alliés de César, les trois tribus concernées pourraient très rapidement aligner 100.000 guerriers de premier choix qui se joindraient aux forces romaines.

Ainsi, en ce mois de juillet 52, plus de 300.000 hommes se trouvent l'arme au pied, disposés à l'affrontement mais les considérations politiques perturbent les réflexions des chefs et personne ne prend la décision d'entamer les opérations. Vercingétorix ne marchera pas vers le nord afin d'affronter César et celui-ci refuse de s'engager dans le massif bourguignon où son adversaire pourrait le harceler en de multiples embuscades. Ainsi commence ce que certains auteurs ont appelé la trêve de l'été mais César peut attendre tandis que Vercingétorix voit venir, avec la saison qui s'avance, les risques d'épuisement du vaste mouvement national qui l'a servi. Il rassemble donc toutes ses forces disponibles à proximité du couloir rhodanien et attaque la province romaine à la hauteur de Lyon, coupant ainsi la grande voie nord-sud que militaires et commerçants romains exploitent depuis un demi siècle. C'est pour César la perte du couloir rhodanien.

LA STRATEGIE GAULOISE

Si César termine la mise en place de son dispositif le 25/30 juin, Vercingétorix en est informé début juillet et doit choisir son mode d'action vers le 10/15 du mois. Le temps de faire manoeuvrer ses troupes et de les rassembler c'est sans doute le 20/25 juillet que les Gaulois vont lancer leur première action sur les postes de défense de la province romaine tenus, à cet endroit, par des milices allobroges. Il y a là 10/15.000 combattants mal entraînés qui reçoivent le premier choc des 25/30.000 Gaulois débouchant des monts du Lyonnais. L'engagement est rude mais les gallo-romains tiennent bon cependant il est peu probable qu'ils aient pu conserver longtemps les marches situées à l'ouest du Rhône. Une fois repliés derrière le grand fleuve, ils sont rejoints par de nouveaux contingents rapidement levés et par une force constituée d'une vingtaine de cohortes de bonnes troupes. Le dispositif est suffisant pour arrêter la première vague Gauloise.

La situation semble se stabiliser début août mais, vers le 5 ou le 8, les Gaulois reçoivent des renforts et c'est maintenant 80 à 100.000 hommes que Vercingétorix peut mettre en place le long du Rhône. César en est averti mais ne sait que penser. S'agit-il d'un stratagème imaginé par le Gaulois pour le faire marcher vers Lyon ou bien les prémices d'une vaste opération qui doit aboutir au déferlement de 150 à 200.000 Gaulois sur la province romaine? Dans ce cas César doit descendre et frapper l'assaillant sur ses arrières. Ce serait une excellente opération en perspective mais si ce n'est qu'une feinte, l'armée romaine risque de descendre le couloir de la Saône sous les harcèlements permanents. Certes, César ne doute pas de la réussite mais cette opération serait préjudiciable à son prestige, il donnerait l'image d'un capitaine obligé de fuir la Gaule sous les coups de l'adversaire, et Vercingétorix en tirerait le plus grand profit personnel. Ainsi, dans ses campagnes ultérieures, l'armée romaine affronterait une Gaule plus mobilisée que jamais avec, à sa tête, un jeune chef Arvernes au profil de héros national. Mais, en tout état de cause, César doit agir, les nouvelles de l'offensive gauloise sur la province risquent de faire le plus mauvais effet à Rome, dès qu'elles seront connues. L'armée quitte ses quartiers vers le 12/15 août.

LA SITUATION D'ALÉSIA

Dans notre descriptif des opérations, nous avons suivi scrupuleusement les Commentaires de César et tout semble nous éloigner du Mont-Auxois qui fut choisi au siècle dernier comme lieu de l'affrontement décisif. Comment se fait-il? Certes tous les auteurs font référence aux textes mais est-ce sans parti pris? Reprenons méthodiquement les paragraphes du Livre VII, chose facile puisque nous avons moins de 30 lignes à traiter. Nous résumerons ainsi la somme de nos errances accumulées depuis Napoléon III.

Si les recherches sur Gergovie furent d'emblée circonscrites autour de Clermont-Ferrand, pour Alésia l'affaire était plus délicate. Pas de grande ville correspondante, pas de fleuve pour guider les investigations, chacun pouvait échafauder à sa guise. Dès que l'Empereur émit son désir, les beaux esprits de l'époque qui faisaient cour aux Tuileries et à Compiègne, se mirent à proposer des hypothèses et les toponymistes seront, semble-t-il, les maîtres du jeu. Alésia, la grande ville gauloise avait nécessairement laissé son nom au site et les choix se portèrent sur Alise-Sainte-Reine, au Mont-Auxois, en Bourgogne et Alaise sur les contreforts du Jura. Mais selon son caractère la démarche était faussée d'emblée et le site de Bourgogne qui répondait approximativement au descriptif de César n'eut aucune peine à supplanter son concurrent.

La démarche à suivre était pourtant fort simple. Le premier paragraphe à analyser concerne le rassemblement de toute l'armée à Agedencum. Nous venons de traiter le sujet mais une question demeure. Ou se trouvait le grand camp? Près de la ville elle-même? Plus au nord comme le proposent certains auteurs? Ou bien doit-on l'identifier avec Villeneuve-sur-Yonne comme le proposait J. Nicolle? Les situations peuvent varier de 60km environ et les axes de marche qui vont partir vers l'est s'en trouvent modifiés.

Dans le second paragraphe, César nous dit que les Allobroges subissent les assauts menés par de puissantes forces gauloises et précise que les défenseurs ont établi de nombreux postes sur les rives du Rhône qui forment leur frontière naturelle. Nous savons donc où se trouve le théâtre d'affrontement, quelle est la préoccupation majeure de César et où doivent le porter ses manoeuvres ultérieures.

Au troisième paragraphe, César confirme et nous dit clairement qu'il fait route afin de porter un plus facile secours à la province (les Allobroges) et précise les étapes de sa marche. D'abord les confins extrêmes du pays des Lingons, ensuite le pays des Séquanais. Pour suivre la progression des légions, il nous faut donc fixer approximativement les limites sud du pays des Lingons.

Les peuplades gauloises choisissent généralement comme frontière les obstacles naturels remarquables, comme les fleuves ou les chaînes de collines. Ici la limite en question doit suivre la ligne de partage des eaux qui distingue le Bassin-Parisien de la dépression rhodanienne et c'est une ligne qui passe à moins de 20km de Langres sur un axe nord-ouest/sud-ouest. Le confins extrême de la province se trouve donc sur ce seuil, entre les sources de la Seine et celles de l'Aube. La majorité des terres de ce peuple se développait alors sur le versant nord, côté Bassin-Parisien. Ce sont des terres à vocation céréalière, ce qui confirme leur communauté d'intérêts avec les Rèmes et les Tricasses.

Dans sa marche vers le sud, l'armée romaine exploite divers itinéraires dont l'un passant au pied du Mont-Auxois (Alise-Sainte-Reine), non pour y mener la grande bataille d'Alésia mais pour aller vers d'autres théâtres d'opérations. Les tenants de ce site affirment que César donne ses intentions de marche mais ne les réalisera pas, empêché qu'il en fut par Vercingétorix. Cependant un 4ème paragraphe réfute leur argumentation.

Dans le texte, il est dit que le chef de guerre gaulois voyant toute sa cavalerie en déroute, après un furieux engagement, fit battre ses troupes en retraite et prit le chemin d'Alésia, place des Mandubiens. Où se trouve ce pays? En exploitant Strabon,, nous apprenons que ce sont les habitants des rives de la Dubi et les coordonnées de ce fleuve nous permettent de l'identifier avec le Doubs. César a donc bien poursuivi son mouvement et son armée est arrivée aux pieds de la chaîne du Jura, à quelques dizaines de kilomètres du pays des Allobroges, mais le front à considérer est de 100/120 km.

Dans ces conditions nous comprenons mieux les exhortations du chef gaulois à ses peuples. Il faut barrer la route à César qui fait route vers sa province, sinon il reviendra l'année suivante avec des forces plus puissantes encore. Certes c'est l'aveu de l'homme qui voit se profiler l'échec de toute une année de campagne durant laquelle il a trouvé en Gaule une confiance et un soutien qui ne se renouvelleront probablement pas mais c'est également une analyse très objective de la situation et les Gaulois vont admettre son point de vue en lui envoyant des forces considérables.

Nous venons de dessiner sur la carte un vaste triangle dont la pointe se situe au pays des Lingons et la base sur la chaîne du Jura. Alésia est nécessairement sur une portion de terrain qui suit la ligne de base.

Ne parlons pas de vérité. C'est un domaine historique et dans notre démarche cartésienne nous devons choisir la meilleure hypothèse puis l'analyser de manière contradictoire et décider en toute objectivité si nous l'adoptons comme hypothèse satisfaisante en un temps donné. Ce faisant, nous déplaçons les opérations à 150 km du Mont-Auxois. Que devient alors la vérité actuellement admise?

LE MONT AUXOIS

Cette thèse de convenance imaginée par un groupe de courtisans n'aurait sans doute pas résisté à l'épreuve du temps si elle n'avait été reprise par le mouvement universitaire qui en fit un monument de vérité. C'est l'époque où il fallait absolument écrire une histoire achevée et dans cette démarche la totalité des composants exploités, authentifiés ou non, devenait indispensable. Toute mise en cause, même partielle, mettait en péril l'ensemble de l'ouvrage mais plus grave encore la crédibilité de ceux qui l'avaient élaboré. Ces gens avaient de gros moyens, dictionnaires et manuels d'histoire étaient à leurs mains. Ainsi, ceux qui admettaient ou défendaient Alésia au Mont-Auxois constituaient l'énorme majorité tandis que les détracteurs, en petit nombre et sans grands moyens d'expression, se distinguaient surtout par la virulence de leurs propos.


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L'oppidum du Mont Auxois forme un éperon érodé culminant à 418m. Il est enserré par deux larges vallées (A,B) où coule au niveau moyen 250/260m deux petites rivières qui se rassemblent ensuite dans la plaine des Laumes (C) où coule la Brenne. Les abords du site sont peu escarpés, 120 x 500m soit moins de 25% en moyenne. La surface au sommet avoisine les 80 ha et ne peut convenir pour une position qui devait recevoir 80.000 occupants. Une densité de 1.000 personnes à l'hectare est inconcevable en milieu urbain, moins encore sur un oppidum où les étables, granges et bétail sont présents de surcroît. Les céréales nécessaires pour cinq semaines représentent 320.000 portions de 800 grammes, soit 260 tonnes de céréales et 40.000 m3 de paille en grain puisque nous sommes fin août, soit le contenu de 300 granges. D'autre part, les abords du site n'offrent aucune difficulté, les légions pouvaient l'investir en moins d'une demi-journée et nous savons que l'opération n'était pas achevée 48 heures plus tard puisque les cavaliers ont pu quitter la place. Ainsi une analyse rationnelle du site le rend peu compatible avec le descriptif des Commentaires, par contre la position s'intègre fort bien dans les impératifs stratégiques de l'été 52. Après que les Eduens aient mis en défense les oppidum du nord de la province, les cavaliers gaulois chargés de surveiller le dispositif romain avaient tout intérêt à occuper cette position stratégique qui contrôlait le débouché probable de l'adversaire. Nous pouvons imaginer 3 à 400 cavaliers et 3.000 fantassins gaulois engagés dans la plaine des Laumes par une légion romaine.


Les opposants vont d'abord tout contester, sans discussion possible, avec des critiques féroces. Face à l'argument majeur, celui des monnaies retrouvées, ils firent valoir qu'un pareil trésor mis à jour 20 siècles après sur un champ de bataille était curieusement exceptionnel, d'où le soupçon de pièces provenant des collections personnelles et tombant d'une poche percée avec beaucoup d'à propos. Quant aux travaux les plus importants ce sont souvent ces mêmes pièces qui authentifient leur époque. Le témoignage chronologique des armes et des divers objets archéologiques était beaucoup plus aléatoire. D'autres contestataires, moins catégoriques, estiment que le nombre de ces pièces augmente au rythme des questions posées par l'Empereur ainsi, parmi les trésors présentés aux Tuileries, certaines provenaient bien des fouilles mais les autres furent complaisamment ajoutées pour faire plaisir au généreux commanditaire.

Dans ce cas, nous pouvons admettre une bataille entre Romains et Gaulois dans la plaine des Laumes en 52 avant J-C. Mais cet engagement ne fut qu'une péripétie de campagne et non la grande bataille d'Alésia. Nous retiendrons donc cette hypothèse qui s'inscrit fort bien dans les opérations liées au dispositif imaginé par César durant la brève trève de l'été 52.

Le Romain est un grand stratège et toute période de stabilisation l'inquiète. Il pense que chaque journée d'inaction peut être un avantage concédé à son adversaire. Au cours de cette période d'observation qui va du début juillet au 15/20 août, ses légions se sont tenu constamment prêtes à marcher vers le sud afin d'engager une force gauloise si, d'aventure, elle se présentait. Pour cela il fallait reconnaître, garder libre, voire aménager les cheminements qui franchissent le seuil du Bassin-Parisien et parmi ces passes nous devons inclure bien évidemment la haute vallée de l'Armençon, là où se trouve le Mont-Auxois. L'oppidum enserré entre l'Ose et l'Oserain, tous deux affluents de la Brenne qui se jette dans l'Armençon, ne peut être considéré comme un verrou mais c'est une excellente base d'opération pour contrôler les cheminements environnants.

Les Eduens qui viennent de rompre leur alliance traditionnelle avec Rome et prêter main forte à Vercingétorix pour attaquer la province ont tout lieu de craindre les réactions romaines. Si, selon toute vraisemblance, les légions entreprennent de forcer le passage coutumier qui suit le sillon rhodanien, leurs terres seront ravagées à coup sûr. Ils vont donc mettre en défense tous les oppidum du nord. Certes ils n'espèrent pas arrêter l'adversaire mais le retarder suffisamment pour que l'armée coalisée, menée par Vercingétorix, puisse engager le combat le plus au nord possible et tenter d'épargner les riches terres de la Saône. L'opération est confiée à des troupes de cavaliers chargées de motiver et d'armer les peuples du nord de la province et les 30 à 40.000 combattants ainsi mis sous les armes seront d'origine locale. La vallée de l'Armençon et de la Brenne constitue le chemin probable de l'action romaine et le Mont-Auxois est naturellement en bonne place pour contrôler le passage, mais il est situé très au nord dans une zone constamment surveillée par les patrouilles adverses.


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La longueur d'une circonvallation doit se mesurer sur un tracé à l'axe joignant les différentes positions "favorables". C'est ainsi que les militaires du XIX" siècle vont procéder au Mont-Auxois et le tracé obtenu était tactiquement satisfaisant mais son développé était proche de 16km. Pour préserver l'hypothèse et se mettre en conformité avec les commentaires (21km) il fallut englober le Mont-Réa, et prendre en compte le développement externe des camps. Dans ces conditions le tracé donnait environ 20km. Sur des courbes de niveau, et non sur des Monts figurés selon la méthode du XIX ° siècle, nous proposons un tracé tactiquement optimum et retrouvons les 16km obtenus par les militaires au temps de Napoléon III. (A) Camp de base. (B) Camp de cavalerie. (C,D,E,F,G,H,J) Camps légionnaires. (K,L,M) Redoutes. (N,P) Murets de pierres sèches.(Q,R) Ouvrages de flanquement.


Les camps romains sont à 25/30 km au nord. Une troupe de Gaulois aventureux atteint les abords de l'oppidum sans rencontrer d'opposition. Elle imagine une faiblesse dans le dispositif romain et s'avance jusqu'au Mont-Auxois, mais elle est déjà repérée et localisée par des éclaireurs. Arrivés dans la plaine des Laumes les Gaulois prennent conscience des risques encourus mais il est trop tard, la troupe est surprise et violemment engagée par une légion. Les 4 à 5.000 Gaulois couverts par leur cavalerie, se rangent alors en dispositif de bataille au pied de l'oppidum et pensent pouvoir soutenir le premier assaut avant de se replier sur le refuge qui se dresse derrière eux. Mais la fougue des 6.000 légionnaires est telle qu'ils sont bousculés dès le premier contact et laissent 500 à 800 hommes sur le terrain. Une opération de ce genre est suffisante pour justifier toutes les découvertes d'objets archéologiques faites sur le site.

Ce n'est qu'une hypothèse mais elle offre l'avantage de "débloquer" la situation et d'admettre dans les études à venir les autres sites bourguignons actuellement proposés par des archéologues locaux. D'autre part, dans la chronologie que nous allons établir pour les évènements qui vont suivre, ce cordon de surveillance est indispensable pour que Vercingétorix soit informé en temps des mouvements de l'adversaire. Il espère ainsi dégager ses forces, les porter vers le nord et offrir un dispositif cohérent face aux Romains. A cet instant, le Gaulois ne peut savoir qu'il lui faudra courir jusqu'aux passes du Jura avec sa seule armée personnelle pour tenter de bloquer ce qu'il conçoit comme une fuite de César.

LA MARCHE DE CESAR

L'armée romaine s'ébranle vers le 14/16 août. C'est une force considérable et les bagages pèsent lourd dans une progression qui se fait en pays hostile. Il faut constamment surveiller la formation afin de parer à toute surprise. D'autre part, le seuil du Bassin-Parisien présente quelques difficultés. La plupart des cheminements suivent des vallées plus ou moins encaissées. Aussi César doit-il séparer ses forces en deux ou trois colonnes progressant chacune par étapes successives. Deux ou trois légions ouvrent la marche et installent le camp du soir, les auxiliaires et bagages ferment la marche tandis que les légions de deuxième vague suivent à une petite étape environ. Si la colonne de tête s'allonge les retardataires seront en toute condition repris par la seconde vague. C'est l'ordonnancement tactique de la légion en marche mais développé à l'échelle d'un corps d'armée. Les troupes de la deuxième vague peuvent exploiter le camp des unités qui les ont précédées.

Le dispositif installé en pays Lingon ainsi que les ordres de marche sont complexes et les développer dans les Commentaires serait fastidieux d'autant que les localisations successives sont difficiles à préciser pour l'époque. Alors le texte de César survole toute cette période et néglige les petites opérations qui l'ont émaillé.

Pour ne pas répondre à l'attente de Vercingétorix, César néglige la route traditionnelle qui passe à l'ouest de la dépression du Doubs. Il la contourne par l'est et sa première marche de 100 à 120 km le mène sur une ligne Dôle/Besançon. Ce fut l'affaire de 4/5 jours, et nous sommes le 20 août. Maintenant, il lui faut rassembler le maximum d'informations, estimer les aptitudes et les possibilités de manoeuvre des troupes gauloises et choisir un axe de marche qui ménage une sécurité, un repli sur la province par un itinéraire accessible à l'ensemble de ses forces. Hormis le retour vers la vallée de la Saône, trois passes s'offraient aux Romains dans la chaîne du Jura.

LA MARCHE VERS LE JURA


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L'ARMEE QUITTE LA GAULE

I - L'offensive de Vercingétorix
   1. Attaques concentriques du couloir du Rhône
   2. Attaques contre les Allobroges

II - Encerclement de l'armée romaine
   1. Le couloir rhodanien interdit
   2. Le sud du couloir oriental menacé

III - Déplacement de l'enjeu géographique
   1. Le Bassin Parisien n 'est plus en cause
   2. La Savoie avec les portes de l'Italie est l'objectif principal
   3. L'armée romaine contrainte à retraiter sur la Province
   4. Les ambitions de Vercingétorix :
       a) Bloquer l'armée romaine au seuil de la Gaule
       b) Essayer de la détruire dans une gigantesque bataille


La première publication de Total Achéologie, (Alésia en Franche-Comté), comportait plusieurs cartes que j'avais réalisées à l'époque afin de restituer l'ensemble des opérations militaires de l'année 52. Le numéro 10 précisait le triangle que nous venons d'évoquer et le numéro 11 (aujourd'hui N°12) les différentes options stratégiques qui s'offraient à César dans sa marche vers la province. Ce sont des approches d'ensemble qui conservent tout leur intérêt aussi figurent-elles à nouveau dans cette étude. Résumons les analyses contenues dans la carte 12.

La chaîne du Jura n'est pas une montagne imposante et les chemins qui la traversent sont nombreux. Aujourd'hui nous trouvons 4 itinéraires distincts tous les 10 km environ mais pour une force de 100.000 hommes avec armes et bagages, mieux vaut exploiter les passes de quelques importance et sur la portion considérée elles sont au nombre de trois. Au nord/est la voie qui mène de Pontarlier à Lausanne, au centre celle qui joint Genève par Champagnole et enfin, plus au sud, celle qui contourne la chaîne par Nantua et Bellegarde. Ainsi, partant du sud du pays Lingon et marchant dans le triangle précité, César doit orienter sa marche vers l'une de ces passes et trouver Alésia sur sa route.

LES PASSES DU JURA

Nous avons laissé l'armée romaine à mi-chemin de son parcours sur une ligne située entre Saône et Doubs aux confins du Massif de la Serre. De cette position César dispose encore du choix. Il est à 70km, soit trois étapes, de Pontarlier. Viennent ensuite 50km de route en montagne soit trois jours de marche mais sans col à gravir. Toutes les étapes se feront à des altitudes comprises entre 500 et 1.000m, sans grande difficulté. Par contre, les 100.000 hommes avec bagages qui marcheront sur cinq rangs au minimum vont former une colonne de 25km de long soit l'équivalent d'une journée de marche et les unités tactiques, les légions, auront quelque peine à organiser le traditionnel camp du soir. Ce sera une phase délicate dans l'opération. Enfin la sortie débouche sur le domaine des Helvètes qui sont hostiles et l'armée romaine doit, de ce côté, parcourir plus de 70km sur leurs terres.

César peut également choisir de contourner le Jura par le sud-ouest, par Nantua et joindre la frontière de la province à Bellegarde. La distance à parcourir est d'environ 160km, soit 6 jours de marche sans obstacle naturel d'importance. Aucun col à franchir et la passe ultime se situe également entre 500 et 1.000m. De ce côté le parcours d'approche peut se faire par deux voies pratiquement parallèles: la vallée de l'Ain difficile et propice aux embuscades ou par Lons-le-Saunier, Saint-Amour où l'espace est beaucoup plus dégagé. Mais c'est un itinéraire où les Romains vont se heurter à la concentration gauloise et les actions de harcèlement risquent d'être nombreuses. Vercingétorix dispose là d'environ 100.000 hommes et les forces éparses chez les Eduens pourraient porter ses effectifs à 150.000. Le contexte est incertain.


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L'AFFAIRE ALESIA

I - Les initiatives de Vercingétorix
   1. Infléchissement de l'itinéraire de retraite de César par le Morbier :
       a) Grande démonstration militaire à l'Ouest
       b) Vide organisé en Séquanie centrale neutralisée
       c) Possibilité de faire intervenir les Helvètes pour barrer la route au sud de Pontarlier
   2. Mise en état de défense de l'oppidum des Mandubiens dans le secret des montagnes

II - L'éxecution du plan
   1. Audace du jeune chef aux vues grandioses
   2. Crainte du retour des romains avec de plus grandes forces
   3. Stratégie de l'enclume et du marteau


L'itinéraire central qui s'amorce à Champagnole et mène à Genève, se développe sur 150km environ mais il impose un cheminement en passe nettement plus long. Après les 60km qui mènent au Piémont, l'armée romaine doit franchir 90km de vallée étroite avant d'atteindre le Rhône. La marche s'y fera en colonne contrainte sans grande possibilité de déploiement et avec les plus grandes difficultés pour installer les camps journaliers. Ce sont des conditions que César devrait éviter dans cette campagne des Gaules et pourtant tout semble indiquer que ce fut l'option choisie. Mais nous pouvons également nous demander si l'intention de César était bien de traverser le Jura ou plus astucieusement de le faire croire à son adversaire. Une analyse chronologique peut nous apporter quelques lumières sur le sujet.

LES INTENTIONS DE CESAR

De ces bases installées en pays Lingon l'armée romaine pouvait atteindre la région de Champagnole, distante de 160km environ, en 8/9 jours de marche. De son côté, Vercingétorix dont les forces étaient concentrées sur le cours du Rhône, en aval et en amont de Lyon, avait à parcourir une distance approximativement égale. Comme le Gaulois ne pouvait connaître les intentions de César, il lui était donc impossible d'arriver le premier à l'entrée de la passe, sauf bien sûr si les forces romaines ont marqué le pas et attendu que l'adversaire soit en nombre et en situation pour un engagement favorable.

En cette fin de saison, et avec les énormes forces dont il entend disposer, Vercingétorix est conscient de jouer son ultime carte et le voilà persuadé que César lui échappe. Il va donc tenter la manoeuvre de la dernière chance, rassembler à la hâte ses forces personnelles et les contingents qui lui sont attachés, soit 40 à 50.000 hommes dont 5 à 6.000 cavaliers et faire tout son possible pour barrer le passage à l'armée romaine qu'il imagine fuyant la Gaule. Mais la réalité est toute autre. César attend son adversaire. Lorsque le Romain juge le moment opportun, il fait avancer son armée et cherche un affrontement en bonnes conditions stratégiques.

En résumé, César n'eut jamais l'intention de quitter la Gaule. S'il avait voulu s'engager dans la passe pourquoi faire appel à de la cavalerie germanique secondée d'infanterie légère? Tenir deux jours les accès au passage était à la mesure de la cavalerie romaine, son objectif était d'attirer à lui les forces gauloises installées sur les rives du Rhône afin de les écraser par contingents successifs. La cavalerie germanique devait parcourir la vallée de la Saône et protéger son flanc tandis que l'infanterie légère qui l'accompagnait aurait formé dans les vallées un flanquement rapproché. Ce plan simple et rationnel est abandonné dès l'heure où César réalise qu'il vient de piéger le chef Arvernes, l'âme de la révolte.

Porter un rapide secours à la province ne veut pas dire transporter ses forces sur la rive sud du Rhône. Les légions de César ne sont pas des unités que l'on transforme en gardes frontières et l'homme n'est pas de ceux qui se contente d'une brillante défensive.


la trêve de l'été

Au coeur de l'été 52, César qui vient de concéder un succès de prestige a son adversaire doit se montrer fin politique. Auprès de ses alliés de Champagne/Ardennes qui l'accueillent, il lui faut jouer le protecteur, offrir des arguments à ses partisans et ne pas perturber la vie des provinces qu'il occupe de fait. Ses forces sont donc disposées en arc de cercle (A,B) à quelque distance du cours de l'Armençon (C) et de la ligne de crête (D,E) formant frontière. Si le Romain peut maintenir cet équilibre jusqu'à l'automne, il a gagné sa saison. Vercingétorix en est conscient, il va donc attaquer la province romaine pour forcer son adversaire à descendre vers le sud. Pour l'armée romaine, cette hypothèse d'opération est vraisemblable, il lui faut donc préserver de toute occupation adverse les franchissements de la ligne de seuil, la haute vallée de l'Aube (F), de la Seine (G) et de la Brenne (H).