LES RELIGIONS INSPIREES

De bon matin, à l’heure où les étoiles s’estompent, où le soleil se lève à l’horizon, l’homme de la campagne sort de sa maison, respire profondément pour chasser de ses bronches et de son esprit les odeurs et les ombres de la nuit, et s’offre alors quelques instants de réflexion.

Chez lui la démarche n‘est pas savante, embrigadée dans une idéologie quelconque, elle est simple et réaliste. Au fur et à mesure que le soleil se lève, réchauffe la terre et réconforte l’esprit encore inquiet du passage des ténèbres, notre brave Gaulois peut se pencher sur sa condition. Elle est bien modeste dans ce cadre grandiose. Que peut-il être sinon une créature? Et puisque la veille, en emmanchant deux morceaux de bois il a ressenti la fierté confuse de créer, il se persuade que l’Univers a également un Créateur. C’est le premier niveau de sa réflexion; elle est d’ordre métaphysique.

Une fois la journée entamée l’homme est absorbé par l’ouvrage quotidien mais est-il fondamentalement confiant ou inquiet? Les deux à la fois, telle est sa nature. Il faut donc développer sa confiance et chasser ses inquiétudes. Comme l’enfant, découvrant l’univers familial fait de joies, de peines, de gâteries et de remontrances, comprend bien vite qu’il doit croire en ses parents, maîtres de l’environnement, l’homme prend confiance en son créateur. Dès lors, nulle crainte, nulle prière puisque à la confiance du serviteur doit correspondre la responsabilité du Maître. Mais ce dernier a des charges et des devoirs que l’homme ne doit pas mettre en cause. « Pourquoi? dit l’enfant. Il en est ainsi répond le père«

Cette profession de foi est d‘abord un acte privé mais il va devenir collectif au sein d‘une communauté. Les cérémonies chargées de confirmer cette alliance entre l‘homme et la nature vont traverser l‘histoire et renaître avec la franc-maçonnerie du XVIII°s. Certaines symphonies de Beethoven sont de véritables Te Deum en l’honneur de la création et la Flûte Enchantée de Mozart est un oratorio païen. Précisons qu’en ce temps, la franc maçonnerie n’a plus rien de commun avec la fraternité des compagnons du bas Moyen Age qui sortaient des villes pour échapper à l’emprise des maîtres dont les charges étaient devenues héréditaires.

LES CROYANCES

Au sein des familles, parmi les enfants du père, certains sont pourvus de sagesse et acceptent l’ordre des choses ainsi que les conséquences de leurs actes. Ils sont dignes. D’autres, par contre, sont négligents et inconséquents. Alors, l’échéance venue, ils jouent de la prière et de la flatterie pour bénéficier de faveurs indues. Il en est de même parmi les hommes où nombreux sont ceux qui ont mal grandi et qui seront tentés de pratiquer prières et flatteries à l’égard des éléments naturels pour se faire pardonner leurs inconséquences et parer aux désordres qu’ils ont engendrés. Que va faire l’homme dont le comportement fut indigne face aux règles naturelles? Il lui faut pour ses prières une adresse, pour ses offrandes un lieu sur lequel les dieux risquent de jeter un regard. L’homme de l’antiquité vient d’entrer dans le domaine de la croyance.

Pour celui qui a mal travaillé sa terre, négligé les herbes folles et souffre de mauvaises récoltes, il est plus aisé de déposer quelques offrandes à la déesse de l’abondance, sous un arbre, au pied d’un rocher, que d’admettre ses erreurs et de corriger ses travers. Il en sera de même lorsque le temps ne sera pas à sa convenance. Si les pluies manquent ou ravagent ses cultures mal disposées, il lui faudra intercéder auprès des puissances responsables en quelques lieux désignés par les signes du destin. Si telle est son humeur, il en sera de même pour tous les désagréments de sa vie.

Au premier chef de ses préoccupations nous trouverons la prospérité. Pour l’acquérir il importe de se ménager la faveur des divinités de la nature, celles qui accorderont ressources et richesses. Mais comment les honorer, les satisfaire?

Première remarque de l’homme; les divinités qui ont la charge des évènements et phénomènes naturels ont une tâche considérable. Elles sont donc mobiles et peuvent être négligentes. Il faut se faire remarquer d’elles. Après l’offrande viendra le sanctuaire, un petit édifice élevé sur les lieux de leurs manifestations coutumières ainsi, et par petites touches se forge l’idée que ces divinités ne sont pas partie intégrante de la création mais chargées de la gestion des phénomènes. Le croyant voit, là, des préposés avec une pointe de vanité à l’image des mortels et donc sensibles à la reconnaissance de leur grade comme à la flatterie. Un bel édifice élevé en leur honneur afin de recevoir les plus riches offrandes doit nécessairement les séduire, quelques cérémonies de dévotion complèteront la démarche. L’homme faible et vaniteux conçoit les divinités à son image.

LE SANCTUAIRE DES CHAMPS

Les premières constructions seront de petits édifices de plan simple: circulaires comme la tholos ou rectangulaires comme le fanum, destinés à sceller l’alliance et à recevoir les offrandes. Ils deviennent plus importants s’ils sont l’œuvre d’une communauté, mais formes et caractères, resteront constants.

Cependant, les grandes cités qui pratiquent des échanges et mènent parfois des conflits d’intérêts, n’ont pas le même degré de préoccupation. Il leur faut par conséquent une divinité plus spécifique afin d’obtenir des rapports privilégiés : c’est la divinité tutélaire à qui l’on consacre un sanctuaire beaucoup plus vaste et luxueux. Enfin, lorsque ces cités ont de grandes ambitions, elles feront nécessairement appel à Zeus ou à Jupiter roi des dieux ou dieux des rois.

Insensiblement les hommes se persuadent que les problèmes de l’existence ne sont pas liés à la création et au créateur mais à l’intendance de son trop vaste domaine. Ceci constitue le fondement de toutes les religions antiques. Il faut alors prier les divinités avec discernement en se basant sur l’expérience puisque les offrandes non rétribuées ne sont pas rendues.

Cette sélection va faire naître, par petites touches, un Panthéon bien organisé, bien hiérarchisé qui se substitue à une multitude de divinités particulières, sans les mettre en cause pour autant. De cette manière, toutes les croyances confuses seront finalement attribuées au personnage du Panthéon, d’où les affinités profondes qui lient les religions Greco-Romaines avec celles de l’Europe septentrionale. Les différences résident dans l’image et non dans la fonction, les unes étant simplement plus évoluées que les autres.

LES AUTELS RUSTIQUES

Après avoir été un acte privé, ces prières, ces offrandes vont devenir un phénomène de société et les formes et caractères manifestés seront liés aux préoccupations dominantes des fidèles comme au nombre de personnes intéressées. La population du petit village dont la vie dépend de la source voisine et des récoltes annuelles organisera des cérémonies collectives devant les lieux choisis, puis construira de petits édifices destinés à fixer l’attention des divinités, recevoir les prières et les offrandes. A l’origine, le volume de la construction importe peu mais il va grossir afin d’être mieux identifié par les puissances divines qui semblent parfois négligentes, ensuite il va se doubler d’un abri pour les fidèles. Les constituants du temple sont en place et les formes qu’il prendra au cours de son développement ultérieur seront conditionnées par les us et coutumes des populations mais également par les moyens technologiques disponibles.

Si les prières ne semblent pas convenablement exaucés, les croyants peuvent se dire que leurs offrandes ne sont pas dignes d’intérêt mais une autre explication vient à l’esprit : la divinité en question n’a pas identifié le sanctuaire qui lui a été dédié. A cela il faut remédier par un signe distinctif, une représentation figurée, une idole installée dans le sanctuaire. L’objet est d’abord à la mesure du sens esthétique de l’assemblée, très fruste, ensuite l’œuvre s’améliore pour faire plaisir aux dieux, sas doute, mais également pour la satisfaction de l’homme. Ce sont les premiers pas de l’art sacré.

Le sanctuaire et l’idole sont en place, restent à choisir la dévotion la plus spectaculaire et les incantations les mieux appropriées, soit le rituel de la cérémonie. En ce domaine, l’homme, a une fois encore, projeter sa psychologie sur le divin et ses déférences religieuses seront fort semblables à celles qu’il consacre aux puissants de ce monde. Ainsi la demeure de Dieu va parfois prendre les allures de la maison du maître.

LE MEGARON

Cette démarche du croyant est parfaitement illustrée par l’évolution du sanctuaire archaïque dans le mondé égéen, c’est la genèse du temple grec classique. Pour les peuples de pasteur venus s’épanouir sur les rivages de la Méditerranée, l’habitat rustique construit à proximité des pâturages est très fonctionnel. Avec les pierres sèches qui abondent, l’homme aménage une base circulaire destinée à fixer un dôme de branchages qui sera recouvert de végétaux tressés et d’argile talochée. Ses bêtes seront parquées dans un enclos rectangulaire de même nature situé dans l’axe de la demeure. Avec le temps et le volume de pierres sèches amassées sur le site, les constructions seront réalisées en dur. La demeure de l’homme se coiffe d’un dôme de pierres savamment empilées et l’enclos des bêtes est fait d’un muret suffisamment haut pour assurer isolement et protection. Ce premier refuge établi sur les pâturages va donner le ton. La demeure construite au sein d’une collectivité respectera le même plan mais avec plus d’ampleur.

Le domaine des hommes devient carré avec une couverture de pierres plates établie en appentis interne. Au centre, nous trouvons un puits de lumière également destiné à évacuer la fumée du foyer. L’enclos pour les bêtes garde sa même forme et sa même facture. Nous avons là l’origine du mégaron ainsi nommé pour avoir été identifié initialement sur le site de Mégare. C’est la demeure d’une petite communauté qui vit sous la houlette du chef de famille, un personnage respecté qui se trouve au sommet de la hiérarchie. Le jour où cette société pastorale va construire un sanctuaire aux divinités maîtresses des éléments, le même respect et les mêmes marques de déférence se pratiqueront dans un cadre identique.

Les mégarons les plus connus comme ceux de Mycènes et de Tirynthe, sont bien en disposition de demeure noble, mais les princes nouveaux venus ont sans doute choisi le dessin du temple pour plan de leur demeure. Les chrétiens feront la démarche inverse en installant leur tabernacle dans l’abside basilicale naguère réservée à l’effigie de l’empereur. En Grèce, la dévotion aux divinités se fera dans un cadre identique à celui de la maison du maître. Le temple est issu du mégaron lui même issu du temple.

LA PSYCHOLOGIE ITALIQUE

Dans une société où les activités agricoles l’emportent sur le pastoral, les petits exploitants vivent sur leur terre tandis que les grands propriétaires gèrent de vastes domaines avec une domesticité nombreuse, là, le maître devient le responsable choisi ou supporté par les populations environnantes. L’homme a donc à charge de traiter les différends qui peuvent perturber la vie de ses « sujets ». Les audiences peuvent se tenir dans un cadre public tel Saint Louis sous son chêne, ou privé si les tenants du jugement sont plus complexes et moins aptes à frapper l’imagination populaire. Dans sa démarche religieuse, l’homme se juge en situation semblable. Il offre à la divinité une cella pour venir siéger, écouter les prières et accorder ses grâces. Les chrétiens du Moyen Age iront jusqu’à oublier le symbole de la croix pour représenter le Christ « en majesté » assis sur un trône avec les principaux saints en guise d’assesseurs. Ce sont les tympans romans. Religion et contexte sont différents mais la démarche humaine se plaît à suivre les mêmes méandres pour obtenir avantages des puissances divines.

Lorsque l’homme pénètre dans la salle d’audience où siège le maître, son émotion est grande, tout comme ses espérances. Du regard il tente de prendre la mesure de la situation. Sa requête est-elle recevable? Parfois dans son for intérieur il en doute et, comme la force n’est pas de son côté, il pense à la ruse mais elle peut se retourner contre lui. Alors l’intrigue lui paraît de bonne augure. Le maître a une épouse que l’on peut flatter mais, là encore, c’est un jeu scabreux. Un petit cadeau à la servante maîtresse serait plus judicieux. Cette démarche est humaine. Elle sera également projetée dans le monde du divin. C’est la raison de la triade capitoline dont les origines semblent remonter aux temps étrusques et même villanoviens.

Les serviteurs du maître proposés aux diverses tâches du domaine peuvent également être sollicités. Les dieux responsables des récoltes, de la vigne, des vents, de la santé, de la fécondité seront aussi honorés afin qu’ils ne manifestent ni négligence ou mauvaise volonté. Le Panthéon antique est en place. Quinze siècles plus tard, les chrétiens adresseront les mêmes prières aux Saints qu’ils ont eux-mêmes choisis et promus.

LES MYSTERES DE LA VIE

Si le souci premier de l’homme est d’assurer son existence, il lui arrive aussi de se pencher sur lui même et de s’interroger sur la vie. Comme les moyens d’analyse lui font singulièrement défaut, tous les doutes sont permis, toutes les hypothèses défendables. Les mécanismes de la fécondité s’observent mais comment faire la part de la création et de la mise en œuvre? D’où vient la vie et notamment celle des infiniment petits? D’où vient la mouche qui sort du fumier, le moustique qui semble naître de l’eau ou le ver qui semble engendré par la terre? Au XIX°s. encore, le matérialisme objectif les faisait naître d’une conjoncture de la lumière et de la matière. C’était la conception de la génération spontanée qui ne disparaîtra définitivement qu’avec les travaux de Pasteur.

Parmi les animaux dont la naissance et les mécanismes de reproduction ont longtemps échappé à l’entendement commun, nous trouvons le serpent. L’aspect rébarbatif de l’animal ne porte guère à son étude objective et protège son mystère. Il va donc tout naturellement faire son entrée dans les attributs mythiques de la vie. La déesse crétoise qui brandit un serpent d’une main et une poignée de végétaux dans l’autre, annonce aux hommes qu’elle maîtrise les secrets de la vie et de la germination. A Delphes, dans la profonde crevasse qui déchire la montagne, on y vénérait; à l’époque mycénienne, le serpent Python fils de Gé, et les oracles étaient déjà proposés en son nom aux simples mortels. Mais bientôt cette croyance archaïque, qui donnait la vie comme venue des profondeurs de la terre, ne fit plus recette et le culte d’Apollon s’imposa. Il fallait trouver une transition. Alors, le jeune Dieu vint au pied du Parnasse et tua Python puis se soumit à quelques années de « Purgatoire » avant de revenir prendre possession de l’espace conquis. Cependant, comme les oracles étaient toujours très courus, ils reprirent sous la protection du nouveau Dieu.

Le serpent figure aussi dans l’Ancien Testament mais comme culte néfaste. La vie d’en haut et non des profondeurs de la terre et la faute d’Ève allaient se répercuter de génération en génération. Dans le monde méditerranéen, bien après la mort de Python, le serpent qui figure sur le caducée des médecins témoigne qu’il était toujours synonyme de vie.

Cependant, l’homme emporté par son évolution intellectuelle, voulut se différencier de la gente animale. Les mécanismes de génération lui parurent secondaires. Il se découvrit détenteur d’un esprit, d’une âme, et cette partie noble de lui-même, peu à peu se distingua de son enveloppe charnelle. Cette préoccupation est à l’origine des attentions réservées aux dépouilles des défunts, comme les sépultures monumentales des grands de ce monde, les Pyramides des Pharaons ou le tombeau de Mausole, et tant d‘autres.

Après la profession de foi où l‘homme reconnaît son créateur, après les Dieux qu‘il faut prier pour améliorer les relations et obtenir quelques faveurs non méritées, après l’organisation d’une hiérarchie au sein du Panthéon, après les héros à qui l’homme a confié la charge de ses grands problèmes ou plus précisément les faits de ses négligences, viendra le temps des religions révélées dont l’Orient semble avoir le privilège.


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Les religions inspirées de l'observation du ciel et de la terre et des différents phénomènes auxquels l'homme est confronté donnent lieu à un classement de rang, d'importance, où les éléments fondamentaux vont se distinguer de leurs manifestations. Ensuite, ces dernières seront attribuées à des puissances particulières, les Dieux, distincts de la création. Pour ces derniers il faut également un classement de rôle et d'importance ainsi qu une distribution d'attributs. L'homme sera donc dominé par deux, trois, quatre et enfin cinq classes célestes.

Tout se passe sur la terre et dans le ciel, c'est "l'existant", le patrimoine des Dieux et des hommes. Une approche plus précise permet de distinguer les Océans, les extrémités de la terre. Enfin tout cela est en mouvement d ou une notion de temps "kronos". Puis viennent par voie de conséquence le soleil, la lune, l'aurore autant de phénomènes que l'homme ordinaire admet comme tels mais que le curieux, le chercheur tentent de comprendre, c'est le domaine de la métaphysique. Plus l'étude avance, plus l'Univers apparaît comme une admirable création et l'esprit objectif ne peut manquer d'imaginer un Créateur mais le contexte des croyances est tel que le sujet est très délicat à aborder. Dans toute société organisée, les religieux ont déjà identifié une multitude de Divinités auxquelles ils ont voué des cultes, construit des temples, ainsi se distinguent les regards analytiques dirigés vers le haut et les regards inquiets dirigés vers le bas. Les quelques penseurs absorbés dans leurs réflexions n'auront que peu de poids face à la masse des croyants convaincus qui élèvent des sanctuaires, accordent des offrandes, voire des sacrifices, et attendent de cela divers avantages.

Ces gens ont besoin d'une adresse, d'un Panthéon fonctionnel capable de répondre à toutes les interrogations, de subvenir à tous les besoins et bientôt une question se pose. Ces Divinités gèrent les différents phénomènes que l'on peut identifier dans l'Univers mais quels rapports ont-elles avec le domaine lui-môme? Serviteurs, c est peu convaincant. Des liens de parenté seraient plus réconfortants pour les demandeurs. Ceci amène a l'identification de Zeus et de son épouse Héra, tous deux issus du niveau supérieur comme il se doit. Dès lors, tous les Dieux de service ont leur légitimité. Le Panthéon s'agrandit encore avec les neuf muses mais là s'arrête le niveau des Immortels. Ensuite viennent les Héros auxquels les hommes confient des besognes plus vulgaires mais parfois ces derniers accéderont à l'immortalité.

Dans les cités, les sanctuaires prennent une importance considérable et les religieux organisent rites et cérémonies. Dès lors les fonctionnaires attachés au temple deviennent nombreux et très susceptibles quant au respect des croyances. Les interférences politico-religieuses voient le jour.


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Ces figurines que nous trouvons sur des céramiques d'usage courant nous permettent une bonne approche des synthèses religieuses réalisées à l'époque gallo-romaine. La représentantion tend à prouver que ces croyances étaient profondément influencées par la mythologie grecque. Au sommet Zeus-Jupiter ne gère aucun phénomène en particulier et n'a pas d'assises métaphysiques si ce n'est une planète mais uniquement dans la vision romaine. Il n'est que le maître des Dieux, ce qui lui vaut tous les honneurs mais également tous les ennuis au sein de sa turbulente tribu. Les Grecs lui ont donné la foudre, les Romains l'aigle et le sceptre. A ses côtés nous trouvons son épouse légitime, Junon, avec un sceptre également, et un paon signe de majesté. A sa main gauche se place Minerve, héritière d'Athéna, une femme de tête, la chouette lui donne le regard sur toute chose, tandis que la lance et le bouclier lui procurent la force. Ces deux femmes sont intimement liées à Jupiter.

Ensuite viennent les Dieux de fonction : Mars responsable des guerres est vu comme un jeune homme armé et casqué, brave, téméraire même et parfois inconscient. En bonne place figure également Apollon dont l'histoire est longue et confuse, le soleil est son attribut. Sur son char il mène une course sans fin. A l'origine Hercule n'était qu'un héros mais la ferveur populaire lui accordera l'immortalité. Il est lié aux grands travaux où les hommes ont échoué et sa tâche est immense. Mercure veille aux destinées du commerce et des voyageurs. Il lui faut de bonnes chaussures, une bourse et un bâton. Les bergers itinérants lui prêteront un agneau. Au cours d'un long périple qui les mènera de l'Olympe à Rome et de là chez les Gallo-Romains, les divinités ont préservé leur caractère tout en répondant à des demandas toujours changeantes, et si leur histoire porte à sourire, elles demeurent incontournables dans l'esprit populaire. Les villes de leur côté sont très attachées aux divinités tutélaires qu'elles ont choisi. Les désordres du Bas-Empire seront tout naturellement attribués à la désaffection dont sont victimes les cultes traditionnels et les Chrétiens, ainsi que leur croyance nouvelle, seront jugés responsables. La société se divise sur les plans religieux et politiques ce qui a pour effet d'accentuer sa décadence.


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Les divinités les plus illustres seront celles choisies par les grandes cités, en guise de tutelle. Leurs sanctuaires seront grandioses et les nombreuses représentations de théâtre sacré données en leur honneur enrichiront leur mythologie, mais sont-elles plus vénérées pour autant? Les villes ne regroupent qu'une infime partie de la population et les préoccupations des citadins sont parfois aussi futiles que prétentieuses. Les croyances populaires profondes iront à des divinités plus proches des soucis journaliers, plus intimement liées aux préoccupations des ménages et des besogneux. Diane, déesse des chasseurs mais aussi des femmes fidèles regroupe les responsabilités de trois divinités grecques dont Arthémis. Elle sera très sollicitée. Vénus qui doit veiller sur les espérances des jeunes filles et des femmes qui veulent séduire aura également de nombreux adeptes. Bacchus a toutes les attentions des vignerons comme des bons vivants tandis que Vulcain protège les artisans du feu. Abondance veille sur le destin des agriculteurs tandis que Victoire récompense certes le guerrier, mais également toutes les réussites. Dcmétcre qui est chargé de la fertilité du sol et de la germination est ici représenté avec sa fille Corée. Quant à Neptune il doit veiller sur les navigateurs et voyageurs de la mer. Les plus croyants sont persuadés que leur vie de chaque jour est liée à la bienveillance de ces divinités que les citadins négligent. Enfin, les champs, les bois les pâturages sont parcourus par les faunes tandis que le Dieu Paon poursuit les bergers. Le Centaure se cache parmi les troupeaux qu'il protège, et garçons et filles accusent Cupidon de les avoir motivés dans leurs passions. Enfin, rivières et lacs constituent le domaine de Triton,. Nous avons là le Panthéon champêtre.


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Pour l'homme, les marques de déférence accordées au maître d'ici bas seront, sans aucun doute, agréables aux Dieux et les sanctuaires de ces derniers doivent être comparables aux plus belles demeures. D'autre part les deux constructions vont bénéficier du summum de la technologie ce qui les rapproche également. La hutte ronde des premiers pasteurs (A) sera flanquée d'un parc pour les bêtes (B). Ensuite le plan rectangulaire (C) s'impose. Le riche améliore son habitation (D,E) mais le découpage des surfaces reste le même. Le très riche développe l'abri familial (F) maintenant flanqué d'un local pour les serviteurs de maison (G) tandis que les bêtes auront leur abri (H). Au stade suivant, le cheptel sort de l'habitat et les serviteurs prennent leur place (J). A ce niveau, le toit en appentis interne (K) disparaît et les communs deviennent vestibules (L). Les serviteurs liés à l'exploitation gravitent autour de la demeure. Ce plan est déjà compatible avec les petits sanctuaires. Si les solliciteurs viennent en procession, l'appentis périphérique (M) rend service. Ensuite le temple prend ses formes particulières, le sanctuaire s'agrandit (N) et une salle du trésor prend place (P). Tous ces édifices sont conditionnés par des colonnes et charpentes en bois, nous les dirons antérieurs au VIIP siècle. L'histoire du sanctuaire romain semble plus simple et moins tributaire de l'architecture civile. Le sanctuaire (Q) se double d'un abri (R) qui devient périphérique (S), ensuite nous allons retrouver le plan axé (T). La cella (U) devient trop large pour la charpente, d'où les supports internes (V). Nous avons alors l'amorce des trois cella du temple étrusque (W). Le plan circulaire des tolos (X) se retrouve à Rome comme dans les sanctuaires gaulois (Vésone).


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Dès que le volume de matériaux sur site le permet, la construction prend la forme d'une enceinte rectangulaire en pierre où l'habitat (A) est garni d'un abri en appentis (B) avec charpente rustique (C) et couverture de pierres plates (D). Les supports (E) sont formés de troncs d'arbres posés sur leur base (F). Une grande pierre plate (G) donne la surface nécessaire pour installer les poutres. Dans un programme plus élaboré (H) le comble est à deux pentes avec une faîtière (J) posée sur une pilette (K) elle-même reposant sur la poutre maîtresse (L). Les murs qui sont toujours en maçonnerie d'argile sont protégés des ruissellements par un appentis (M). Nous avons là le parti du plan archaïque. La pierre de "répartition" sera taillée (N), les poutres (P) également. C'est l'origine du chapiteau sur piles de bois (Q) ou colonnes de pierres (R). Le poids de la couverture en dalles impose des piles intermédiaires (S). Les bois sont alors soigneusement taillés mais respectent toujours le principe archaïque. Toute la charge repose sur la pilette (T) ce qui fait travailler la poutre en flexion (U). Le temple archaïque conserve les mêmes caractères. L'extrémité des poutres est garnie de plaques de pierres (V) tandis que des motifs d'argile (W) garnissent les intervalles. Une plaque de pierre (X) recouvre la poutre (Y) ce qui impose une réduction de l'cnirecolonnemcnt (Z). Le parti est prêt pour recevoir le traitement classique.


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Mycènes et Tyrinthe sont des citadelles qui témoignenet d'une période trouble et de phénomènes de récession suivant la brillante période Cretoise. Ces mégarons élevés dans des enceintes réduites ont tous les caractères de demeures nobles, c'est la maison du riche propriétaire terrien de la période précédente transportée et comprimée dans un ensemble clos où la densité de construction est grande. Nous sommes alors au milieu de la filière architectonique proposée. Les restitutions sont délicates. Nous ne retiendrons pas celles de caractère orientaliste. Pour Mycènes, imaginons un ouvrage de caractère fruste avec ouverture pour la fumée. A Tyrinthe, le parti est identique mais le traitement semble plus élaboré. Les murs sont mieux appareillés, les bois mieux taillés et nous pouvons imaginer l'introduction d'éléments décoratifs en terre cuite.


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Le temple étrusque repris par les Romains semble avoir pour origine une cella proche du carré précédée d'un vaste auvent et les formes à venir seront tributaires de ce caractère fondamental tandis que les volumes toujours plus vastes interdiront le passage au linteau de pierre. Après la cella unique où les portées imposent une décomposition interne, viennent les trois volumes juxtaposés (A,B,C) et un auvent à deux rangs (D,E) de quatre colonnes correspondant aux quatre murs de la cella (F,G,H,J). Enfin, les portiques latéraux (K,L) donneront un troisième rang de colonnes en façades (M). Celle-ci reçoit alors six colonnes et toutes les poutres maîtresses, internes et externes, préservent leur alignement. Nous avons alors 5 X 6 = 30 travées carrées ou légèrement rectangulaires dont les surfaces seront limitées par les bois disponibles. Au temple de Jupiter Capitolin à Rome, nous pouvons imaginer la composition suivante: des colonnes probablement à tambours (N) avec un petit chapiteau et de vastes tailloirs (P) portent des poutres composées (Q) aménagées en plafond à caissons (R). Le système est rationnel mais l'énorme volume du comble rend l'édifice fragile. Enfin, en cas d'incendie, l'effondrement de la couverture peut entraîner la ruine complète.

Le temple de Zeus à Olympie, parfaite illustration du parti archaïque, semble porter l'hérédité du mégaron. Son plan est très différent, avec une colonnade périphérique (péristyle) qui ceinture l'édifice sans rapport rigoureux avec les structures internes. Le sanctuaire (naos) (S) trop large pour être couvert d'une seule portée se trouve décomposé en trois vaisseaux par deux colonnades internes (T). Ce volume réservé aux Dieux, précédé d'un vestibule (U) le pronaos, est prolongé d'un volume équivalent l'opisthodome (V). La façade comporte six colonnes. Elles passeront à huit au Parthénon où la chambre du Trésor renoue avec la disposition du mégaron. Enfin nous trouverons douze colonnes au portique de Philon à Eleusis. Avec son entrecolonncment étroit maintenant garni d'un triple linteau de pierre et un entablement tout pierre également, qui assure une bonne liaison avec la couverture dallée, le temple dorique protège totalement ses bois internes. Ce fut la raison de sa longévité. Ajoutons enfin que l'entrecolonnement étroit offre une bonne stabilité face aux secousses sismiques fréquentes en Grèce.


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Le temple de Jupiter Capitolin construit à Rome au temps de Tarquin le Superbe, reprend le parti Etrusque et le développe avec une double colonnade latérale. L'édifice atteint les dimensions extrêmes permises par la charpente archaïque où les bois travaillent en flexion et compression. L'ensemble est impressionnant mais fragile, il faudra le reconstruire aux derniers temps de la République.


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Le temple de Zeus à Olympie, presque contemporain, représente l'ultime développement du parti dorique archaïque et bénéficie, lui, d'un entrecolonnement éiroit innové au temps des protections de pierres. Ce modèle achevé comporte des linteaux de pierre et un lourd entablement à l'échelle du volume d'ensemble.