LE PROGRAMME

Derrière une apparente improvisation, le peuple romain cultive un état d'esprit qui lui commande de faire rationnel et programmé. Cette volonté profonde peut se parer de raisons politiques et religieuses, la seule que nous retiendrons se définit comme socio-culturelle. Les Romains avaient le désir de vivre libres mais en collectivité bien ordonnée, le dessin des villes nouvelles en témoigne.

Ce programme se traduit par un plan que l'on peut résumer simplement: un quadrilatère établi sur le croisement de deux voies stratégiques, cerné de murs et flanqué de quatre portes. L'espace est décomposé en îlots carrés ou rectangulaires par un maillage de voies secondaires. Les îlots du centre sont réservés à une place de marché entourée de boutiques, le forum. Ce plan prévoit également des emplacements pour un théâtre, un amphithéâtre situés intra-muros et généralement un hippodrome à l'extérieur de l'enceinte. Si le site choisi est entouré de collines, théâtre et amphithéâtre sont installés hors les murs pour bénéficier d'un dénivelé favorable mais cette option ne sera prise qu'une fois le pays totalement pacifié. Ceci résume le dessin choisi qui, pour avoir résisté plus d'un millénaire à l'épreuve du temps, était remarquablement conçu.

Afin d'aller plus avant dans l'étude du sujet, nous n'aborderons pas les textes mis en vedette par certains historiens. En ce domaine, hier comme aujourd'hui, il y a toujours des personnalités qui n'ont pas grand chose à dire et rédigent abondamment et des techniciens qui réfléchissent en silence. Ils n'estiment pas nécessaire d'en informer la communauté mais entendent être jugés sur leur oeuvre et non sur leur discours. Tel est, pensons-nous, le caractère des ingénieurs romains sur lesquels nous n'avons aucune information.

LE PLAN DE MASSE

Les Romains n'avaient pas le langage technique de notre temps, mais leur approche et leur méthode étaient sans aucun doute semblables aux nôtres. Pour construire une ville antique, comme pour réaliser aujourd'hui un complexe industriel, la première étude à réaliser porte sur le plan de masse. De la judicieuse réflexion menée à ce niveau dépendra la bonne marche du chantier ainsi que la viabilité de l'ensemble achevé.

La première étude porte sur la situation de la cité dans le contexte économique. Elle doit se trouver en un point de convergence et ce sera le croisement de deux axes stratégiques dont le tracé est arbitraire. Est-il satisfaisant? La destinée d'une route est de véhiculer des hommes, des marchandises et des richesses. Si le potentiel est satisfaisant, l'avenir est assuré mais si les zones desservies n'ont rien à proposer sur le marché, la destinée de la chaussée est d'emblée bien compromise.

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Sur le détail (A) nous résumons les conditions nécessaires pour la formation d'une province. Aux confins d'un massif, une rivière prend son essor et reçoit de multiples petits affluents. Là nous trouvons trois niveaux distincts ayant chacun leur aptitude agricole. Une plaine propice aux récoltes céréalières (C), une zone de collines favorable à l'élevage (D), et enfin une ligne de crêtes (E) qui restera en partie boisée. Ce domaine homogène va engendrer des lieux d'échange, des bourgades tel A.1, A.2, A.3. et l'une d'elles, A.2, se trouve en position favorable pour devenir le centre économique prépondérant. Ultérieurement, celui-ci trouvera ses caractères de métropole avec l'installation du pouvoir politique. Sur la figure B, nous voyons, à l'intérieur d'un méandre, face à un haut fond (F) qui, de tout temps, a facilité le franchissement, une agglomération qui se développe selon les aléas de l'histoire. La zone basse (B.2) qui fut celle des agriculteurs, est maintenant occupée par des artisans, tandis que la hauteur dominante (B.3) qui fut sans doute à l'origine de la fixation forme citadelle de repli. C'est cette position forte qui regroupe les activités les plus lucratives ainsi que les notables et les hommes d'arme. Là va se fixer le siège du pouvoir provincial, la ville achève ainsi son cycle urbain empirique. En développement programmé, l'espace ouvert qui s'étend au pied de la citadelle sera traversé par une voie stratégique (X, X'), et une urbanisation à maillage régulier se développe sur cet axe. Cette nouvelle agglomération vide l'ancienne de sa substance économique mais le vieux site conserve une occupation minimum. Le rationalisme va également toucher les terres environnantes qui seront remembrées selon un plan cadastral rigoureux (B,4) et de gros propriétaires avisés y développent de vastes exploitations (B,5). La ville offre alors un cadre de vie séduisant avec son aqueduc (B,6) et son adduction d'eau (B,7) ses thermes et son amphithéâtre (B,8). Les propriétaires ruraux y font construire de riches demeures, laissant leurs terres à des régisseurs souvent avides. Ce transfert de richesses, frutueux pour la cité créé un déséquilibre économique qui se révélera dangereux en cas de récession. Au Bas-Empire, l'agglomération ouverte est abandonnée au profit d'une cité forte (B,9).


La seconde réflexion portera sur la viabilité du site. Il faut qu'il soit sur un sol stable et sain et que l'environnement permette des captations d'eau potable qui seront acheminées par aqueduc. Enfin il faut également que les artisans puissent disposer d'un cours d'eau de débit raisonnable pour satisfaire aux besoins de leurs activités. Traiter des peaux grâce à une adduction d'eau amenée à grands frais serait irrationnel.

Il faut ensuite trouver un espace relativement plan, mais sans excès. Des pentes régulièrement orientées incluses entre 2 et 5% sont les bienvenues mais toute cavité représente une difficulté et il faudra la combler pour éviter la concentration et la stagnation des eaux de ruissellement. Une disposition générale sur trois pentes est la plus satisfaisante. Elle permet d'établir sans gros problèmes des conduites et des égouts gravitères avec file d’eau optimum. Les intérieurs de méandre offrent toujours cette configuration mais les sols sont généralement constitués de dépôt d'alluvions ou de sable et gravier peu favorables.

Le responsable du plan de masse sait que les débuts d'une cité nouvelle sont toujours difficiles. Il faut un certain temps pour que les relations économiques s'instaurent et que le volume des transactions justifie l'arrivée d'une population importante. L'articulation choisie doit donc permettre une évolution harmonieuse. Les villes coloniales comme Aoste commencent en carré et s'agrandissent en rectangle pour finalement se doter de quartiers périphériques. Le pire pour un programme serait de fixer et de contraindre l'évolution, celle-ci doit être envisagée, facilitée.

Signalons également que si la menée du futur chantier n'est pas du domaine du plan de masse, il importe d'avoir à distance raisonnable des carrières de bonnes pierres et de sable, des exploitations forestières et des gisements pour la préparation des liants à la chaux. Il faut aussi que des routes ou voies fluviales aménagées ou aménageables permettent le transport de ces matériaux de chantier.

Une fois le plan de masse fixé, vient le temps des études d'aménagement. Le technicien est un homme responsable. Il ne dira jamais qu'il a trouvé le bon site mais simplement qu'il a atteint au meilleur compromis dans un faisceau de difficultés, la moins mauvaise des solutions en quelque sorte.

LES ADDUCTIONS D'EAU

Avant d'aborder le traitement romain dans les grands ensembles programmés, résumons la genèse des adductions d'eau. Parallèlement au village établi autour d'une source aménagée, et dont le développement sera nécessairement limité, nous trouvons, dès la plus haute antiquité, les agglomérations établies à cheval sur une petite rivière. Le cours d'eau est barré en aval pour former lavoir et abreuvoir pour les bêtes ainsi qu'en amont pour créer une fontaine. Après développement d'un habitat sur les pentes, l'eau du barrage amont sera dirigée par conduits vers plusieurs fontaines dont les débits de sortie seront dusés afin de préserver l'alimentation des suivantes. La ville se trouve alors desservie par un petit cours d'eau artificiel, en cascade. Après la desserte des fontaines destinées à la consommation, l'excédent est livré aux abreuvoirs et aux ateliers des artisans.

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Dans une configuration archaïque, l'eau amenée par conduit artificiel est traitée comme une simple déviation, l'écoulement est continu et la population concernée prend selon ses besoins. L'excédent est exploité par des artisans installés en partie basse de l'agglomération ou utilisé pour l'assainissement des égouts. En région méditerranéenne où le dénivelé est généralement important, il est presque toujours possible d'établir des fontaines avec un écoulement à niveau convenable. Le premier problème rencontré sera lié au rythme, le débit de l'aqueduc est constant et la consommation est périodique sur 24h, d'où l'idée d'un réservoir de stockage destiné à préserver les apports nocturnes. Il est compartimenté I,II,III et l'appoint ainsi fourni sera dusé en période de pointe par des ouvertures de sections différentes 1,2,3. Si les pentes sont faibles dans certaines zones de distribution les fontaines sont semi-enterrées, couvertes et protégées des pollutions venant de la rue (fontaine I) ou plus élaborées (fontaine II). L'eau s'écoule ensuite vers les usages artisanaux ou les lavoirs mais nous sommes toujours dans la configuration gravitera Enfin, si l'eau se fait rare, les réservoirs de stockage seront développés et la distribution se fera uniquement de jour. Ce système gravitère facilement réalisable si les pentes disponibles sont importantes, convient fort bien à l'urbanisme empirique cependant il devient plus délicat à traiter en zone de plaine.

Les plans hellénistiques programmés, comme les plans romains de même nature établis en région septentrionale, vont sérieusement compliquer le problème. Le maillage implique le franchissement de la voie perpendiculaire à chaque carrefour, il faut le faire en siphon et les faibles pentes ne permettent pas d'obtenir une alimentation à niveau convenable. Les programmes vont donc s'orienter vers l'alimentation forcée, du moins dans les situations les plus difficiles. Le procédé permet d'obtenir une fontaine facile d'accès (fontaine III) et d'envisager une distribution privée en conduite de plomb (A) avec robinet (B). Le plan maillé impose également de constants croisements entre les circuits d'alimentation et celui des égouts, ainsi les Romains finiront par composer judicieusement les deux systèmes en privilégiant les conduits forcés de moyenne pression en certains quartiers. Cette option permet la distribution en étages dans les immeubles résidentiels du centre ville.


Si la ville continue son développement, la même distribution sera étendue à d'autres quartiers puis reprise à un niveau supérieur à l'aide d'un nouveau barrage établi plus en amont. La conduite peut faire plusieurs kilomètres, ce sera le premier aqueduc.

Ce mode d'adduction d'eau commande nécessairement une urbanisation adéquate. Elle est dite empirique mais ne manque pas de justifications.

Les acropoles ne peuvent bénéficier de cette eau courante sans travaux considérables. Elles doivent se contenter de citernes ou de puits mais en certaines saisons cela ne suffit plus, il faut aller chercher l'eau dans les sources voisines ou à la rivière. Sur les cités de hauteur, comme à Spolète ou Arezzo, la ville s'est constituée à mi-pente autour d'une source établie à la base de la citadelle. Le développement ultérieur sera assuré par des puits. Enfin, les eaux de pluie qui ne sont pas récupérées dans des citernes sont collectées et dirigées vers des puits perdus qui vont recharger la petite nappe phréatique du site. Une fois filtrée, l'eau se retrouve dans les puits en service.

En condition comparable, les Romains vont suivre la même évolution technique que les Grecs mais leurs aspirations et leur mode de vie les porte à une plus grande consommation d'eau. Aux 3 litres journaliers qui constituent le volume de survie, ils vont ajouter une notion de confort et la demande va s'accroître régulièrement.

L'écoulement libre initial dusé à chaque fontaine coule jour et nuit et représente une perte importante. Prenons l'exemple d'une urbanisation programmée avec parcelles d'un hectare chacune. Si nous réglons chaque fontaine au débit de 600 litres heure, elle fournira 60 cruches de 10 litres dans ce laps de temps et les 250 habitants des 10 parcelles de 72 pieds situées de chaque côté de la rue seront fournies en 4 heures. L'attente n'est jamais bien longue mais si la population s'accroît à 600 personnes, la même distribution de 10 litres par habitant demande 10 heures. Des files d'attente s'installent.

Pour ne pas courir à la fontaine de rue aux heures de pointe, les ménages prévoyants vont s'équiper de fontaines d'intérieur. Ce sont de grosses cruches munies d'un robinet d'étain à la base que l'on remplit aux heures creuses. C'est un équipement ménager qui traversera les siècles. Par souci d'hygiène, les Romains vont imaginer des cruches doubles avec filtre de céramique poreuse. Le débit est faible mais l'eau rigoureusement pure. Ce type de filtre sera remis à la mode au XIX°, afin de limiter certains risques d'épidémies.

Selon le mode d'écoulement gravitère naturel, les 600 litres heure que nous accordons à chaque fontaine représentent 14,4 m3 jour. Pour une cité moyenne de 60 îlots chacun desservi par une fontaine la consommation globale atteint 860 m3 jour sans compter certains consommateurs privilégiés. Cette quantité est parfois difficile à obtenir en période de sécheresse, d'où l'idée d'une régulation par château d'eau qui permet de couper la distribution durant la nuit. L'économie ainsi réalisée est de 30 à 40%.

L'eau amenée de nuit dans les aqueducs est répartie dans de multiples bassins de faible profondeur afin de limiter les pertes de charge. Dès l'ouverture des fontaines, l'eau s'écoule dans des conduits maçonnés de taille suffisante pour être visités, nettoyés et entretenus. Il faut également qu'ils soient convenablement ventilés dans leur partie haute. Pour un écoulement régulier la pente de 2 à 3 pour 1000 est généralement suffisante. Arrivée à la fontaine, cette eau s'écoule en partie par un tube calibré tandis que le trop plein continue vers d'autres lieux de distribution. Mieux vaut prévoir une légère chute à chaque fontaine afin d'oxygéner l'eau. Les anciens n'avaient pas nos facultés d'analyse mais distinguaient fort bien les vertus de l'eau vive des inconvénients de l'eau morte. La fontaine coule dans un bassin, puis à l'égout, afin d'assurer un mouvement minimum.

DISTRIBUTION FORCEE

Comme le démontre notre bref résumé historique, cette alimentation gravitère en cascade fut conçue à l'usage de villes d'urbanisation empirique et l'articulation des quartiers était en partie conditionnée par la situation des fontaines. Le système demeure viable dans les villes programmées dont les dénivelés sont satisfaisants: 1,5 à 2% constitue une valeur optimum. Dans ces conditions le conduit gravitère aborde le carrefour de l'îlot en enterré puis sort de terre afin d'alimenter un écoulement situé à 2 pieds au-dessus du sol. Mais cette possibilité disparaît dans les sites de plaine ou de plateau où les dénivelés sont moindres. La formule simple consiste alors à concevoir une fontaine enterrée dans un petit édicule couvert mais avec un drainage de fond.

Les ingénieurs romains ont sans doute expérimenté un système hybride. En préservant la distribution gravitère dont le traitement était bien maîtrisé et les mérites reconnus ils prennent l'eau à un niveau enterré dans la parcelle amont puis la transportent en conduite forcée jusqu'à une fontaine de la parcelle aval. Ce conduit de petit diamètre est en plomb et peut franchir les obstacles en siphon, cependant il interfère avec les espaces privés et gêne parfois les aménagements projetés. D'autre part les habitants se demandent pourquoi on les oblige à aller chercher l'eau à 50/80m tandis que le conduit passe chez eux. Les mieux introduits auprès des instances de ville obtiennent alors le droit de fixer un piquage avec un robinet. L'idée de la distribution en charge fait son chemin et le phénomène coïncide avec l'arrivée abondante de plomb sur le marché.

Parallèlement, les cités se transforment. Certains quartiers négligés par leurs propriétaires se surpeuplent tandis que d'autres s'embourgeoisent et c'est là que le progrès technique se développe. La distribution d'eau en conduite forcée sera d'abord un aménagement des quartiers riches et la reprise complète du réseau à l'échelle de la cité fut sans doute exceptionnelle.

Les demandes d'eau sous pression seront diverses et nombreuses. Le propriétaire de la riche villa demande la quantité en des points précis, pour remplir une piscine, nettoyer périodiquement une vaste cour carrelée, ou bien encore installer une petite fontaine jaillissante dans le patio. Dans les demeures à étages du centre ville le commerçant du premier niveau demande de l'eau courante dans sa boutique et le propriétaire une distribution dans son logement situé à l'étage. Autant de problèmes qui seront traités de manière distincte mais, à cette époque, les techniciens romains disposent de conduits en béton coffré résistants à 1200/1500gr cm2 et de conduites de plomb dont la tenue est considérable mais celles-ci restent onéreuses.

A cette époque les tuyaux de plomb sont moulés par petites longueurs et assemblés par soudure à l'étain. Désormais les moyens techniques sont disponibles et c'est le coût du programme qui conditionne sa mise en oeuvre.

LES AQUEDUCS ROMAINS

Les romains connaissaient parfaitement le système de la pompe alternative à clapets mais, faute d'énergie motrice, le procédé était sans intérêt; restait l'alimentation gravitaire à partir d'une source aménagée. Dans son état commun, celle-ci marque le lieu où la dépression concentre ses écoulements mais, pour un litre visible à la résurgence, trois ou quatre vont s'évaporer. Si le terrain est rocheux, il n'y a pas grand chose à faire sinon un barrage pour capter les écoulements diffus qui se perdent autour du point d'eau.

En terrain sédimentaire, par contre, où les sources sont peu nombreuses et la diffusion plus grande, il est possible d'aménager des réseaux de captation. Les premiers furent réalisés par les agriculteurs pour alimenter les mares. Il suffisait de développer le procédé avec des canalisations de terre poreuse en amont, et des conduits étanches, en aval. Tous ces systèmes de captation aboutissent dans un terminal voûté, construit en maçonnerie et accessible pour l'entretien et le nettoyage, si d'aventure une très grande quantité d'argile et de limon s'y déposait.

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L'adduction d'eau ne fut sans doute pas l'invention des citadins. Fermes et villages de montagne savaient dès la plus haute antiquité capter des sources et des écoulements afin d'amener l'eau jusqu'aux fontaines et abreuvoirs grâce à des conduits de bois. Ce dispositif archaïque pouvait même franchir certaines dépressions sur des ouvrages. En région méditerranéenne, les agglomérations vont reprendre l'aménagement mais en maçonnerie et en section plus importante. C'est cette époque archaïque qui nous a légué le principe du cuvelage en blocage (A) et de la voûte appareillée (B) Fig. III. Dans ces conditions, le conduit ne doit pas se trouver saturé. Il faut choisir une pente convenable et l'expérience va montrer que les valeurs se situent entre 1 pour 2.000 et 1 pour 8.000, ce sont les problèmes hydrauliques rencontrés qui vont donner la juste mesure.

Voyons d'abord le débit disponible. S'il est important et régulier, le cuvelage pourra fonctionner à pleine veine en permanence et une faible pente 6 à 8.000 pour 1 est acceptable. Si le débit est irrégulier, la petite veine d'écoulement des périodes chaudes connaît d'importantes pertes de charge en ligne, il faut augmenter la pente: 4 à 6.000 pour 1, il est même possible de descendre à 2.000/4.000 pour 1 si les courbes sont à grand rayon. Des pertes de charge ponctuelles provoqueraient un écoulement perturbé et une montée du flux en amont. La meilleure formule semble être la forte pente avec des courbes très atténuées mais les grandes vitesses d'écoulement provoquent des entraînements d'argile ou de limon noir selon les régions. Certes il y a des décantations mais elles risquent d'être saturées en cas de fortes précipitations. Comme nous le voyons, les paramètres à prendre en compte sont nombreux et les constructeurs romains semblent les avoir parfaitement appréhendés.

Voyons maintenant les détails de construction et les ouvrages nécessaires. Le tronçon courant est enterré pour éviter les détériorations. Le meilleur parcours consiste à longer un flanc de vallée tout en captant les résurgences qui alimentent le cours d'eau. A Carhaix, le circuit capte huit sources (C,D,E,F,G,H,J,K) à l'aide de conduits auxiliaires. Si le suivi de la courbe demande un long parcours, mieux vaut creuser un tunnel (L). Si le circuit rencontre une dépression, elle sera franchie sur un ouvrage ou grâce à un siphon (M) réalisé en blocage (N), Fig. II. Les siphons de plomb acceptent de fortes pressions mais leur section est réduite, il faut donc accélérer le passage à l'aide d'un fort dénivelé. Ils seront abondammment utilisés en certaines régions favorables, comme à Lyon mais ils sont impossibles à curer en cas d'accident.


Il faut maintenant transporter cette eau, par gravité, jusqu'aux fontaines de l'agglomération. Le plus simple est d'aménager un conduit en suivant la courbe du terrain mais le parcours peut être très long. A Carhaix, la distance à vol d'oiseau est voisine de 11km et la galerie serpente sur 22km, pourtant le tracé économise 7km grâce à un tunnel de 900m de long. A Antibes, nous connaissons un tunnel de 5km. Enfin, à Carhaix, un siphon de 1050m, à moins 8m, réalisé en blocage, franchit une dépression et évite ainsi plusieurs kilomètres de conduit. Les siphons sont rares. Les plus anciens, comme ceux de Pergame, (époque hellénistique) sont constitués de tuyaux de bronze de petit diamètre. La pression admissible est grande: plus de 10kg au cm2, mais il est impossible de les nettoyer. Il faut alors y maintenir un écoulement rapide, avec une forte dénivellation (entrée-sortie) pour éviter les dépôts.

Après la conquête de l'Espagne, les Romains vont disposer de plomb en quantité considérable, c'est alors le sous produit des mines d'argent. Les aqueducs de Lyon seront

équipés de siphon de plomb, franchissant des dépressions de 60 à 130m, les pressions sont alors de 6 à 13kg au cm2. L'ensemble des neuf siphons qui desservaient la ville utilisait environ 15.000 T. de plomb.

Si les aqueducs doivent acheminer un volume d'eau considérable, les siphons ne suffisent plus, le constructeur choisit un franchissement sur ouvrage, comme à Nîmes (+ 49m) ou à Ségovie (+ 30m). Parfois, de très longs parcours sont réalisés au-dessus du sol, avec des arches de petite importance, comme à Tours, ou sur un mur très épais. Dans tous les cas, les conduits sont voûtés ou recouverts de dalles avec de fréquentes bouches d'aération.

Les aqueducs enterrés sont généralement constitués d'un cuvelage de béton et d'une voûte de protection, comme à Chartres. La largeur, égale ou supérieure à 50cm, les rend accessibles. A Chartres, ville basse, où la hauteur est de 0,90, la circulation s'y fait à genoux, mais dans l'aqueduc de la ville haute où la hauteur est de 1 m 90 les visites se font debout. La couverture en maçonnerie permet de récupérer des eaux de condensation sur le parcours. Ainsi aujourd'hui, des tronçons isolés continuent à fournir de l'eau, c'est l'origine de certaines sources apparemment inexplicables.

Pour éviter les entraînements de limon les pentes sont faibles. Dans son histoire naturelle, Pline préconise une pente de 1/4800, mais les constructeurs tiendront compte des facteurs locaux. En région montagneuse où l'argile est absent et l'eau captée dans des ouvrages après décantation, le cours est plus rapide. A Nîmes, la pente est de 1/2500. A Carhaix, où l'agile n'est pas à craindre, elle est de 1/2300. A Chartres, ville haute, où les quantités d'eau à transporter étaient plus importantes, la pente est plus accentuée: longueur 29km, dénivellation 15m, rapport 1/2000. A Chartres, ville basse, par contre, le dénivelé n'est que de 0,97m pour 8350m de long, soit 1/9000. Mais l'alimentation était riche et le conduit devait fonctionner à pleine veine toute l'année, soit 60% de la hauteur.

LES EGOUTS

Le second volet du confort urbain à la romaine est le réseau d'assainissement. Les conduits d'égouts enterrés qui suivent les voies orientées selon la pente générale, collectent les eaux usées et probablement les eaux vannes (w.c) au niveau de chaque parcelle. A l'origine, ces propriétés sont acquises et bâties par des familles aisées et la domesticité collecte les eaux puis les vide dans un bac en pierre raccordé à l'évacuation par l'intermédiaire d'un siphon. Les volumes sont modestes et l'eau abondamment disponible aux fontaines permet un lavage régulier des installations sanitaires.

Avec le développement urbain et les immeubles collectifs des quartiers du centre ville, la première infrastructure d'assainissement rencontre ses limites. Le volume des eaux disponible évolue peu tandis que le pourcentage des déchets organiques, lui, s'accroît avec la population. A cela s'ajoute la négligence des personnes vivant en étage. Les installations s'engorgent. Chaque communauté d'îlot doit résoudre ses problèmes à la base mais des amalgames se forment dans les conduits de la rue, le problème s'est déplacé. Cependant, le système à la romaine qui implique des collecteurs de rue rectilignes offre un avantage particulier, il est possible de les nettoyer avec une chasse d'eau. C'est un volume de 2/3m3 stocké en amont à l'aide des excédents de la nuit qui sera brusquement lâché au petit matin, grâce à une porte en bois basculante. Si la vague provoque des remontées par les plaques d'égouts, le personnel de voirie nettoie ces incidents ponctuels.

En certaines périodes, l'eau de pluie collectée par les rues et absorbée par les plaques d'égouts participe à l'assainissement mais cet écoulement régulier est moins efficace que la chasse d'eau. Les collecteurs de rue ont une taille suffisante pour être visités et curés en cas extrêmes.

Ce conduit d'évacuation demande une pente relativement forte, 1/2% représente une valeur optimum et c'est 5 fois plus que la conduite d'eau potable. Ce sont les déversoirs des fontaines qui rattrapent la différence et les deux systèmes peuvent être juxtaposés dans une rue, l'égout au centre, l'alimentation en eau potable le long des façades, là où se trouvent les fontaines.

A cette époque, tous les rejets urbains sont pratiquement bio-dégradables et le grand collecteur qui reçoit les égouts de rue évacue ses effluents vers une rivière toute proche. Cependant, il est presque certain que ces eaux usées passaient par des bacs de rétention destinés à piéger les produits encore solides. Là également sera déversé le contenu des petits chariots utilisés par les éboueurs. En conception primitive, ces bacs sont formés de murs sommairement appareillés et simplement séparés de la rivière par une digue. Le fond des bacs assure la biodégradation et les effluents liquides et presque limpides gagnent la rivière. Si les fonds de bacs doivent être curés, le produit servira d'amendement aux cultures maraîchères environnantes. Cette fosse n'est pas sans odeur mais c'est une émission ponctuelle et située hors les murs. Il n'y a pas si longtemps, les habitants d'Achères en région parisienne, pouvaient d'un seul frémissement de narine identifier la natures des effluents amenés par le grand collecteur venant de Paris et les mauvaises langues disaient même que les poireaux de la région avaient un fumet à nul autre pareil.

Malgré ces inconvénients, la ville programmée de l'époque romaine offrait un cadre de vie relativement sain, beaucoup plus, à tous égards, que les villes du Moyen-Age qui baignaient dans les odeurs et les miasmes.

LES ILOTS ET PARCELLES

Si les premières villes romaines méthodiquement urbanisées sont de caractère colonial et doivent abriter un certain nombre de vétérans, la réussite du programme à long terme implique une articulation économique parfaitement équilibrée, avec commerces et artisanat de qualité afin de satisfaire aux besoins de la clientèle rurale environnante. Ceci implique naturellement une réflexion où doivent participer notables et grands propriétaires locaux. Ce sont eux qui vont gérer l'économie assurant ainsi la prospérité à venir. Comme le préconisait Viollet le Duc, il faut rechercher les termes du programmes et poser les questions simplement: Quel est le cadre de vie dont le client a besoin? Si l'ingénieur romain interroge l'acheteur potentiel, la réponse sera peut-être confuse mais il sera possible d'en dégager les grandes lignes.

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URBANISME PROGRAMME: EXPLOITATION

Si la programmation rigoureuse de l'espace urbain est très satisfaisante pour l'esprit, les contraintes d'exploitation s'y révèlent considérables et chacun tente de trouver une situation à sa convenance. Le commerçant qui traite un gros chiffre d'affaires dans un espace réduit recherche une façade dans le centre ville; c'est le client tout désigné pour les boutiques qui se créent autour du forum. De leur côté, les artisans qui fournissent ces boutiques finiront par être pénalisés par les marges de leurs revendeurs. Ils désirent un emplacement sur une voie passante avec cour et arrière cour pour les échoppes et le logement de leurs commis et opteront pour une parcelle donnant sur le cardeau et le decumanus. Là ils pourront toucher directement la clientèle et traiter des marchés seconds comme l'occasion, l'entretien et la réparation. Enfin, les entreprises de prémanufacturation et les sociétés de voiturage qui demandent beaucoup d'espace ainsi qu'un accès facile vers l'extérieur s'installeront naturcllemnt à la périphérie de la cité. Cette décantation des activités qui se faisaient en cercle concentrique dans l'urbanisme empirique doit maintenant se contraindre aux dispositions du maillage rectangulaire et chaque îlot va trouver une valeur en fonction de ses aptitudes. Si nous prenons pour maximum la cote 10, nous la trouvons en F.3, face au forum, elle tombe à 7 en C.4 le long du decumanus et au minimum à 1, en A.1, à l'angle du programme. Les valeurs données par les premiers chiffres cerclés sont celles du temps de l'acquisition mais elles changeront avec l'évolution. En saturation il faut alors considérer le second chiffre.

Dans ces conditions, nous voyons des ilôts périphériques mais proches des grandes voies, acquérir une plus value importante. Les propriétaires exploitants vont privilégier leur façade et développer leurs ventes. Là se situe maintenant la majorité des ventes et le forum tend à devenir un lieu de transactions où les marchandises ne figurent plus. Dans ces conditions, les commerçants de quartier vont aménager des placettes (N, P), c'est une réaction naturelle aux programmes d'ensemble jugés trop contraignants. Les angles de l'agglomération vont se modifier également, la population laborieuse devient très dense et l'adduction d'eau doit être exclusivement réservée aux besoins ménagers. Les activités artisanales sortent de la ville et se portent vers la rivière. L'augmentation du niveau créé par la semelle du pont permet une distribution en légère charge (H). D'autres artisans préfèrent s'installer sur l'île (K) et les activités ainsi rassemblées appellent une voie directe vers le centre ville (L,M). L'urbanisme programmé qui fixe un cadre à toute chose rencontre bien vite ses limites.


En région septentrionale, le futur maître de maison veut une cour pour tourner avec ses voitures. Un rayon de giration de 3m, plus le volume du véhicule et les espaces de sécurité (les chevaux ne suivent pas une trajectoire régulière), donnent une cour de 10/11m de large. Cet espace sera bordé d'un côté par les écuries surmontées du logement des palefreniers et, de l'autre, par les bâtiments à usage domestique avec le foyer principal. Chaque corps de bâtiment faisant approximativement 5m de profondeur nous obtenons donc un parcellaire de 20/22m de large. Le client qui réfléchit en pieds, selon la méthode ancestrale, suggère une valeur de 72 pieds. L'ingénieur qui calcule de préférence selon le système décimal, traduit 70 pieds, soit 20m environ.

Voyons maintenant la profondeur. Le rayon de giration du véhicule attelé se raccorde à deux contre-courbes afin de rejoindre la porte cochère qui se trouve dans l'axe de la parcelle. Si la largeur est de 10m, la profondeur sera de 15m auxquels nous ajouterons 6m pour le corps de bâtiment situé en façade plus 8 et 2 fois 2, soit 12m pour la demeure des maîtres. Nous obtenons donc une profondeur de 34/35m. Ajoutons un jardinet d'agrément de 8/10m donnant sur une desserte médiane, la profondeur optimum sera de 43/45m, soit 50/52m à l'axe des rues. Enfin, si nous choisissons (très arbitrairement) un îlot carré ou légèrement rectangulaire, nous obtenons 4/5 parcelles par façade et 10 par îlot.

Les caractères socio-économiques énoncés pour le choix de la demeure de ville sont ceux propres aux grandes exploitations qui figurent en terre septentrionale, dans l'ouest, mais également en Gaule cisalpine et c'est là que nous trouverons les premières cités coloniales.

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LES PREMIERS AMENAGEMENTS DU PROGRAMME CADRE

L'ilot carré ou rectangulaire de trois ou quatre actus de côté ne sera pas remis en cause. Avec une orientation de maillage correspondant à la pente naturelle du terrain il permet une distribution et un assainissement rationnels. Mais, comme la majorité des écoulements sont gravitaires, les deux circuits sur la même voie posent de multiples problèmes de chevauchement; mieux vaut les dissocier. La distribution se fera sur les voies majeures (A) et les évacuations sur des dessertes médianes (B). Ces dernières ont l'avantage de faciliter l'exploitation des parcelles en offrant une sortie côté cour. Selon les études réalisées par Mathéra, certains quartiers de la ville augustéenne de Limoges avaient adopté cette disposition.

Le second problème d'importance vient du parcellaire. Sa distribution doit répondre aux besoins les plus divers et les intérêts deviennent vite contradictoires. A l'origine, le plan d'urbanisme tend à optimiser l'infrastructure et quatre à cinq points de distribution par façade d'ilot semblent logiques, ce qui donne huit à dix parcelles de 20 à 25m de large. Ce sont des surfaces relativement grandes et leur profondeur voisine de 50m permet d'établir plusieurs corps de bâtiments commandés par une entrée commune. C'est une contrainte, mais les premiers acheteurs désireux de fixer leur patrimoine y trouvent avantage.

L'aménagement d'une grande parcelle peut se faire à usage de villa, dans les ilôts périphériques (C), avec des communs sur la rue (D), la demeure de maître (E) en retrait et les dépendances (F) disposées latéralement. Un jardin privé (G) donne sur la desserte de revers avec une sortie particulière (H). C'est le plan de la villa romaine aménagée en zone septentrionale. Par contre, dans le centre ville où se traitent les affaires, le même parcellaire (J) sera rentabilisé au mieux. Un immeuble de façade (K) comporte plusieurs boutiques surmontées d'un étage bourgeois et la cour intérieure se trouve garnie d'échopes (L), avec logements à l'étage. Enfin, la façade sur desserte de revers reçoit un vaste magasin (M) accessible par chariots. Mais pareille distribution sous entend que les parcelles ne seront pas démembrées lors des successions. Les contraintes urbaines plus que les règlements toujours faciles à tourner vont maintenir le découpage en l'état un certain temps mais, le développement économique aidant, l'espace centre ville est de plus en plus cher et une décomposition des propriétés devient inévitable. Les parcelles donnant sur les perpendiculaires (N et P) sont les plus faciles à modifier. Il suffit de les partager en quatre ou cinq propriétés de dix à douze mètres de façade (Q) avec une desserte privée sur le revers (R). C'est très satisfaisant pour établir une boutique de détail.


Ces réflexions que nous avons prêtées aux clients septentrionaux peuvent également se retrouver chez les Latins. Sur cette parcelle optimum nous pouvons concevoir la traditionnelle villa romaine. Les bâtiments de façade occupent 5/6m de profondeur. La première cour fait 10m de long. La seconde, celle des maîtres avec l'impluvium en son centre, environ 8m. Comptons également deux corps de bâtiments privés d'une profondeur de 6m plus 2/3m de galeries couvertes nous obtenons un total de 42/43m, soit sensiblement la même valeur que pour la demeure du type septentrional. La seule différence notable constatée dans le programme latin est l'absence de rayon de giration destiné aux véhicules attelés. Le Romain de classe moyenne (la caste équestre) ne manquait pas de main d'œuvre et se contentait de chevaux de selle. Nous pouvons, dans les deux cas, remarquer les mêmes coutumes et aspirations de la part de sociétés qui, sans doute, se reconnaissaient dans les mêmes usages ancestraux.

Les surfaces ainsi proposées aux acheteurs et bâtisseurs sont rationnelles et peuvent convenir à de multiples programmes. Nous pouvons remplacer la demeure des maîtres par deux immeubles de rapport, l'un en façade avec boutiques et appartement bourgeois, l'autre, sur cour, d'un caractère plus ordinaire. Le premier sera pourvu d'une porte cochère séparant deux magasins avec entresol tandis que les propriétaires se réserveront la surface du troisième niveau. Enfin, la longueur de la parcelle permet d'envisager des ateliers et échoppes donnant directement sur la desserte de revers. La plus value obtenue par les héritiers de la 3ème ou 4ème génération sera considérable et les ensembles demeurent très viables.

Le choix de la grande parcelle et sa gestion familiale en tant que patrimoine se retrouvera tout au long des siècles où la voiture hippomobile est considérée comme indispensable au standing des maîtres comme à l'activité des services. Aujourd'hui nous dirons que c'est un programme bourgeois. Dans la société romaine et romanisée, c'était sans doute une mutation propre à la caste équestre.

Après l'éclatement ou la ruine des grandes familles, les boutiquiers sur rue et les artisans sur cour sont les seuls à disposer des moyens nécessaires pour racheter et gérer les ensembles du centre ville. Dès lors, le parcellaire se décompose en bandes étroites de 8/10m de façade et parfois moins. Le boutiquier, cet homme toujours aimable mais foncièrement suffisant n'a d'intérêt que pour son magasin. Ainsi, commis et marchandises vont s'entasser dans de médiocres bâtisses installées sur les 15 premiers mètres, tandis que l'accès se réduit à une porte à deux battants de modeste largeur qui permet, au mieux, le passage des voitures à bras. Après une course d'obstacles sur 15m nous trouvons une première, puis une seconde courette, chacune délimitée par des bâtiments qui engendrent à nouveau des passages difficiles, c'est le domaine des artisans et des petites gens à leur service. A la moindre récession, pauvreté et insalubrité s'installent dans ces arrières cours tandis que les occupants de façade conservent leur standing.

La densité de population paraît alors considérable et cependant elle n'est pas supérieure à celle que pouvait absorber le traitement bourgeois des espaces urbains. Nous n'avons pas fait une peinture réaliste des villes du XIX° à la manière de Balzac et de Zola, les cités du Bas-Empire ont connu pareil phénomène. Les époques et les costumes changent mais la "comédie humaine" demeure.

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VALENCE BESANCON: DESCRIPTIF

La décomposition du parcellaire se fera dans les conditions les plus diverses. A Valence, l'ilot I a conservé sa desserte médiane (A). La période du Bas-Empire a même créé une seconde desserte (B). Sur l'autre demi-ilôt, un aménagement semblable fut amorcé (C) mais n'a pas débouché. Par contre, sur l'ilot II, la présence d'une église (D), d'un domaine ecclésiastique et d'un cimetière (E) a bloqué toute évolution ultérieure, seule une petite desserte d'angle (F) permet une meilleure exploitation des parcelles décomposées, certaines d'entre elles (G,H,J) forment de véritables boyaux bien difficiles a bâtir et à desservir. A Besançon, le problème est plus aigu. La réduction du parcellaire s'est faite sans la présence d'un desserte médiane et les parcelles qui se développent sur une longueur de 45/50m sont devenues difficilement exploitables. Il faut recourir à des espaces de lumière (K,L), qui parfois se conjuguent avec ceux de la parcelle voisine (M). Ici, le souvenir de la iramc antique demeure mais le tracé des voies (N,P), connut de sérieuses modifications d'alignement, la trame perpendiculaire (Q,R) a souffert davantage. Les parcelles en couloir engendrées par le partage des propriétés peuvent atteindre des proportions aberrantes, comme à Besançon (Fig.S). Au Moyen-Age et jusqu'au XIX0 s., la notion de parcellaire et de cadastre disparaît complètement, la propriété se trouve consignée en espaces bâtis.


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Après avoir traité ces problèmes fonciers de manière empirique et en avoir perçu les inconvénients à long terme, la société romaine se fixe un cadre législatif fondamental qui donnera toute satisfaction. Afin d'assurer la cohésion de la cellule familiale sur qui repose le cadre républicain, la propriété foncière est consignée dans un cadastre et traitée en grandes parcelles justifiables du droit public. Aux héritiers de gérer leurs menus problèmes selon le droit privé. Ce cadre et la notion de civisme qu'il implique assurera la cohésion de la société romaine, la République française du XIXe s. retrouvera ces règles qui seront fixées dans le code civil (code Napoléon). La parcelle (A) encadrée par une rue (B) et une desserte de revers (C) est bâtie selon un programme optimum: c'est le plan I. Après la crise de 250/275, le cadre se lézarde mais l'infrastructure demeure, plan II. Dès le V° s. Le parcellaire se décompose davantage, le droit public disparaît et les possesseurs de petites propriétés (C,D) veulent un débouché. Il faut dégager une nouvelle desserte de revers c'est le plan III. Le Moyen Age ne fait qu'accentuer la décomposition du parcellaire plan IV et, dès 1820, les chargés du cadastre de la République trouvent un inextricable découpage plan V. Les remembrements de parcelles commenceront sous Napoléon III et se poursuivront ensuite. C'est une restauration du cadre romain.


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Sur la période qui suit le lancement du programme, la ville est un vaste chantier et personne ne sait comment l'habitat va évoluer. Les artisans choisissent la périphérie, les commerçants le centre ville mais les grands propriétaires terriens qui voient dans la cité la future métropole politique, acquièrent une majorité de parcelle à fins spéculatives. Pour eux, le premier aménagement (plan et coupe A), est proche de leur demeure rurale avec trois corps de bâtiments (Al,A2,et A3). Deux ou trois générations plus tard, le logement a été transporté sur la façade (B,l). En fin de cycle (plan et coupe C), la façade est occupée par un immeuble de rapport bourgeois (Cl), le volume médian (C,3) par un immeuble ordinaire et le revers (C,2) par un gros volume bâti pour activités diverses.


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HABITAT ANTIQUE, DEMEURE DE RAPPORT (I)

Le plan augustéen impose des parcelles rectangulaires et les surfaces de propriété correspondent aux points d'eau établis primitivement. Au nombre de cinq ou de six par façades d'ilôts, ces parcelles font généralement 60 pieds (1/2 actus) ou 72 pieds ( une demi grosse) de largeur sur une profondeur d'un demi îlot, soit 40 à 50 m, environ, et le programme qui va définir l'oeuvre de façade doit prendre en compte la gestion de la parcelle. Pour combattre la fâcheuse manie des architectes de l'époque classique, qui construisaient des façades à aménager tant bien que mal sur le revers, Viollet le Duc mit en évidence cette notion de programme: gestion du parcellaire et bonne disposition à l'usage des activités que l'immeuble doit abriter. Le décor de façade et le style apparent n'étant que l'habit souvent pratique et parfois de prestige.

Dans un programme optimum, le premier niveau doit comporter une porte cochère (A) permettant l'accès des véhicules à la cour première. Sur un parcellaire de 72 pieds permettant d'établir des constructions en appentis sur les deux murs latéraux, elle sera naturellement placée au milieu. Les rez-de-chaussées droite et gauche sont réservés à des boutiques ayant directement accès aux constructions en appentis qui les jouxtent sur le revers. Dans un programme modeste et fonctionnel, l'habitat du commerçant se trouve au-dessus de la boutique et le plus riche des deux pourra disposer de l'espace dominant la porte cochère en y installant éventuellement une loggia (B). Comme le programme est modeste, tous les linteaux sont en bois (C) et les élévations n'ont pas à prendre en compte un volume d'arcs.

Premier et deuxième niveaux seront en dur mais l'étage de service réservé au personnel est en structure légère, charpente de bois avec garniture de pisé ou de torchis. Il en sera de môme pour le grenier séchoir sous combles. Le contreventement permettant d'édifier charpentes et toitures et d'obtenir le hors-d'eau avant de traiter cloisons et planchers, est une technique qui semble propre au Moyen-Age. La couverture en tuiles romaines plates avec couvre-joints est relativement légère, 45 à 60 kg au m2, mais elle est plus lourde que le bardeau qui devait régner à l'époque gauloise, 15 à 20 kg au m2.



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HABITAT ANTIQUE, DEMEURE DE RAPPORT (II)

La société gallo-romaine qui s'est implantée dans les cités augustéennes, tire bénéfice de ces investissements judicieux. Le parcellaire demeure l'unité de propriété mais le volume d'activités, comme la population abritée, s'accroît et le corps de logis établi en façade en porte la marque. Au premier niveau, la disposition centrée, imposée par les aménagements sur cour, demeure, mais la totalité du rez-de-chaussée est maintenant occupée par des boutiques avec accès libre. Les linteaux de bois à existence limitée sont remplacés par des arcs de briques (A). C'est plus économique et tout aussi satisfaisant que la pierre. La Gaule qui ne l'avait pratiquement pas exploité découvre ce matériau et en fera grand usage. Un arc de briques coiffe également la porte cochère (B) mais le volume dépasse la hauteur requise par les boutiques sans permettre toutefois d'établir un véritable niveau. Ce sera l'origine des entresols. Il sont directement accessibles des magasins et servent d'abord de resserre à produits secs puis de logement aux exploitants dès que les commerces sont mis en gestion par le propriétaire qui adopte un style de vie dit bourgeois.

Pour profiter de ses revenus et marquer le rang auquel il prétend, ce dernier se fait construire un étage luxueusement aménagé. Les fenêtres s'agrandissent, se coiffent d'un fronton. La loggia est également plus soignée. Réalisée en bois sur corbeaux dans les constructions ordinaires, elle est maintenant en dur, portée par deux colonnes (D) avec chapiteaux. La décoration (E) est en panneaux de terre cuite. C'est un luxe ordinaire. Les autres éléments décoratifs de la façade (F) sont en mortier de chaux lissé avec de la poudre de pierre dure, parfois de marbre; c'est le stuc. Le quatrième niveau, toujours réservé au personnel de service est de structure légère, directement sous combles. Il permet aux serviteurs de répondre rapidement à l'appel des maîtres. C'est un aménagement rationnel qui traversera les siècles mais disparaît dans les grandes demeures renaissances avec façade de prestige dessinée par un architecte soucieux du style.

Comme la précédente, cette demeure est réalisée en blocage et parement, sur le principe du mur porteur. Les planchers sont sur poutres de bois et l'ouvrage est très sensible au feu.


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LES AMENAGEMENTS OPPORTUNISTES

L'aménagement classique avec immeuble de façade, volume sur cour et atelier ou magasin sur la desserte de revers correspond à la parcelle courante. A l'angle, sur la voie perpendiculaire, le problème change; là il est plus rationnel d'exploiter le grand côté en guise de façade mais la profondeur devient modeste, il faut donc imaginer un programme adéquate.

Si nous reprenons le rapport de 1/2, la profondeur de 20/22m autorise un immeuble de 10m de façade. La cour sera accessible par une porte cochère mais il est difficile dans ces conditions de concevoir un second gros volume. L'espace est exploitable en échoppe, en atelier et l'immeuble de façade intéresse un artisan négociant. Nous avons tracé les grandes lignes d'une construction adéquate sur trois niveaux: Fig. 1. Sur une façade de 10m nous trouvons une porte cochère (A) un étal (B) et une reserre (C). C'est le niveau fonctionnel. Le second niveau est aménagé pour l'habitat des maîtres avec balcon sur la pièce de réception (D). Enfin, le troisième niveau, plus léger, en charpente et torchis sert au logement du personnel mais comporte également des volumes de séchage. Ce programme convient bien aux parcelles latérales Fig. II, ainsi qu'aux grandes parcelles décomposées en deux après litiges de succession: Fig. III.


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FAÇADE BAS EMPIRE (A) HAUT MOYEN AGE (B)

La société romaine avait produit des briques en quantité considérable, et sur le premier millénaire il en reste suffisamment pour structurer les bâtisses avec des piles d'angle (A,2). Au premier niveau, le mur de façade est très ordinaire, souvent maçonné à l'argile, garni de mortier de chaux et de sable parfois accommodé de tuiles broyées. Le parcellaire est trop étroit pour recevoir deux appentis sur cour et la porte donnant accès au couloir (A,3) se trouve naturellement sur le côté. C'est une période inquiète. Les fenêtres du rez-de-chaussée (A,4) sont très étroites et doivent interdire le passage d'un mal intentionné. Elles sont coiffées d'un linteau de pierre souvent de récupération.

Le deuxième niveau est traité beaucoup plus léger, même si des piles de briques l'assurent toujours aux angles. Bois et pisé s'imposent dans la façade mais les fenêtres sont plus grandes, la croisée est en bois et la clôture s'obtient avec des volets de bois pleins. Le troisième et dernier niveau est de même nature, mais plus léger encore. Enfin, un grenier séchoir est aménagé sous le comble. Comme le mortier et le pisé qui garnissent la façade sont sensibles au ruissellement, les niveaux sont en encorbellement successifs, traitement qui s'accentue à l'étage du grenier (A.5). Le larmier peut déborder de 3 à 4 pieds sur les fondations. C'est dans ces demeures de ce type que vont se développer, sur plusieurs siècles, des murs mitoyens très puissants qui serviront de structures aux bâtisses légères du Moyen-Age.

L'apparence va se modifier profondément mais le cadre architectonique demeure et les moyens disponibles ne changent guère. A chaque reconstruction, la bâtisse nouvelle se réinstalle dans le volume ancien. Par contre, le large accotement qui facilitait la circulation à l'époque antique se trouve progressivement "grignoté" et la façade se détache des murs mitoyens fixés par les constructions contigùes. Les piliers latéraux (B,2) se distinguent des maçonneries. Tous les niveaux sont réalisés en bois et torchis et chacun est en encorbellement sur le précédent, disposition qui assure un encastrement des solives. Les fenêtres sont à croisée de bois et les vitrages en losange sertis de plomb font leur apparition, mais c'est une fourniture coûteuse et les surfaces garnies restent faibles. Enfin, pour des raisons déjà analysées, la façade devient pignon et la couverture en bardeau jouxte la voisine. La collecte des ruissellements se fait avec des plaques de plomb, le chéneau caractérisé viendra ensuite.


LE FORUM ET SA FONCTION

Selon la règle fondamentale, une métropole est une bourgade qui a bien réussi sur le plan économique et de son état primitif elle conserve le lieu d'échanges où le grand négoce apporte les marchandises étrangères, où les clients de l'assiette rurale viennent s'approvisionner; Athènes avait son agora et Rome son forum. Dès que la cité atteint un certain niveau il faut maintenir en ce lieu un équilibre délicat entre les intérêts des artisans et commerçants qui ont pignon sur rue et ceux des marchands ambulants qui proposent des produits venant de l'extérieur. La prospérité est à ce prix. Au stade suivant, l'agglomération devient métropole et va privilégier son rôle politique et religieux. D'autre part le volume des échanges s'accroît et dépasse le cadre offert par le premier emplacement. Des marchés annexes et parfois spécialisés se créent à la périphérie de l'agglomération ou le long des voies principales, routes ou voies d'eau.

Dans ces conditions, l'ancien forum ou agora devient lieu d'activités politiques et religieuses et peut également abriter un marché fictif où les grands négociants traitent des échanges très importants sans que les marchandises elles-mêmes transitent par le lieu. Les Grecs qui vendaient ou achetaient des cargaisons toujours en pleine mer avaient conçu à cet usage les stoa, vastes espaces couverts, avec galerie des pas perdus et petits bureaux où les scribes rangeaient leurs papiers. Les Romains feront de même avec le marché aux céréales dans les grands ports, à Alexandrie notamment, et dans les villes du Nord de la Gaule où les marchés aux grains seront traités par des spéculateurs qui vont anticiper sur les récoltes et les consommations. Le marché devenu fictif, le cadre perd de son importance, ainsi le forum et l'agora sont des lieux en constante mutation: fixer un programme est toujours aléatoire. Cependant, en offrant un cadre favorable à toutes les activités, l'urbaniste a quelques chances de gagner son pari. Ce sera le forum romain des villes augustéennes; voyons les contraintes du programme.

Il faut d'abord abriter le marché ordinaire, celui des viandes, des légumes et des laitages. Ces produits périssables doivent voyager de nuit et seront ensuite stockés dans de vastes caves collectives: les cryptoportiques. De bon matin ils seront proposés à la clientèle dans une salle couverte et dallée. Les opérations se terminent vers 11h, le local est ensuite lavé, désinfecté. Cet espace de marché est loué par portions mais les concessions deviennent vite permanentes. D'autre part, la ville doit assurer sa sécurité en grains et 200kg annuels par habitant suffiront. Une ville moyenne doit donc pouvoir stocker 2.500 tonnes de grains dans un vaste grenier bien aéré, l'étage supérieur du marché couvert peut convenir. Ce stockage permet également de mettre la population à l'abri des flambées de prix engendrées par les spéculations. Ce bâtiment sera alimenté par l'extérieur tandis que l'intérieur formera une esplanade pour les commerçants ambulants. Là, peut se trouver également le temple et le terre plein accueillera les manifestations religieuses.

Le forum qui marque le centre ville comportera aussi des boutiques ouvertes fort tard le soir. Là s'installent traiteurs, marchands de boissons, barbiers, apothicaires, changeurs pour les voyageurs. Chacun loue une petite boutique en dur établie autour d'une seconde esplanade.

Enfin la ville doit comporter un lieu de conciliabules et d'informations, un espace clos, couvert et vaste qui peut abriter des assemblées politiques ou électorales. En ce temps là, l'orateur qui lit les dépêches ou développe l'information au risque de manipuler l'opinion joue un rôle très important. Ce lieu est la basilique civile.

Les urbanistes romains vont créer des ensembles très satisfaisants. Le forum optimum couvre une surface de 2ha environ au centre d'une cité de 15/20.000 habitants répartis sur 40ha rationnellement urbanisés. Bien que modeste dans son développement, Bavay constitue un programme exemplaire mais l'agglomération mal située n'obtiendra jamais sa population optimum et le marché économique se fixera à Tournai.


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Le programme urbain de Bavay est articulé sur une voie stratégique (A,B) menant de Vcrmand au pays de Brabant. L'agglomération précoce et de caractère augustéen était destinée à regrouper les activités politiques et économiques des Nervicns dont le domaine était centré sur la haute vallée de l'Escaut. Les autres voies, (C,D,E,F,G) sont également de caractère stratégique mais rayonnantes donc ultérieures au programme. Le plan primitif comportait 28 îlots de 125m X 110m environ (H), c'est lui qui donnera les points d'épure (J,K) mais seuls les îlots contigiis au forum (L) seront convenablement urbanisés. L'ensemble sud-est sera ultérieurement repris selon un maillage plus dense. Une esplanade (M,N) séparait les deux programmes.


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L'esplanade de Test est bordée de boutiques destinées aux artisans manufacturiers (H). C'est le domaine des produits à forte valeur ajoutée. Nous trouvons là galerie couverte (J) et logements à l'étage. L'ensemble est clôturé à l'est par une basilique civile (K) comportant nef centrale (L) bas-côtés périphériques (M) et galeries de bureaux (N). Egalement une pièce forte pour les changeurs (P). Les caractères de l'accès monumental (Q) sont incertains et nous n'avons pas trouvé trace d'abside. La construction était de structure légère en appareil alterné et entièrement couverte sur charpente. La surface interne de 2.10Om2 donnait 2.000m2 d'espace utile, soit une contenance de 4.000 personnes avant saturation.


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La partie "alimentaire" du forum de Bavay forme un ensemble en U (fig.l). Le premier niveau (A) semi enterré fut d'abord couvert sur charpente avant d'être voûté, ce sont les cryptoportiques. Là les produits alimentaires, légumes, laitages, viandes, sont stockés après avoir été déchargés de nuit par la rampe (B). Le malin suivant ils seront vendus sur des étals (C) du deuxième niveau (D) également accessible de l'extérieur par une rampe (E). Des fontaines (F) sont installées aux extrémités est. La cage (G) peut contenir un élévateur pour la manutention des marchandises. Si l'ensemble est pourvu d'un niveau grenier (H), la surface de 2080 m2 permet de stocker 2200 à 2400m3 de céréales, soit le volume de sécurité pour une agglomération de 10.000 personnes. Dans ce cas, l'élévateur sera développé (J). Les boutiques permanentes de l'ensemble est sont constituées d'un grand magasin (K) côté esplanade ci d'un petit côté rue. Ces bâtiments comportent un auvent (L), un logement (M) cl un grenier (N). Enfin, le temple installé en partie ouest, est du type classique avec cclla unique (P).


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A l'heure de la Conquête, la métropole des Parisii possède une articulation économique satisfaisante. L'Ile de la Cité regroupe les composantes bourgeoises religieuses et administratives tandis que des faubourgs se sont développés sur les rives de Seine et le long des voies Nord et Sud. L'essentiel des approvisionnements se fait par bateau. La construction d'un temple à la pointe aval de la Cité semble indiquer que les Romains vont, pour un temps, adopter cet ordre des choses. Ensuite, la nouvelle bourgeoisie Gallo-Romaine demande une ville nouvelle qui sera installée sur la colline Sud. Les débuts de cette agglomération sont modestes mais, d'emblée, la population s'empare des destinées politiques de la métropole ci fait construire une basilique civile avec des boutiques d'artisan autour de l'esplanade (A). Bientôt cette agglomération comporte 5 à 8.(XX) personnes et la population demande alors un forum avec des commerçants de bouche ainsi qu'un marché pour le grain qui arrive maintenant des grandes exploitations du Sud: ce sera le second programme (B). Les trois corps de bâtiment (C,D,E) sont de facture classique avec niveau semi enterré (F) accessible par rampe (G), niveau de marché couvert (H) et peut ûtre un grenier a grain (J). Les liaisons inter niveaux se font par les élévateurs (K,L,M).


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Dans la société romaine, le forum se dégage peu à peu de la place de marché où les réunions programmées ou spontanées se développent librement. A l'air libre, la voix se perd, le vent la dérive et les orateurs sont mal entendus, d'autre part, la majorité du public se désintéresse de toute chose face aux intempéries. En cas de difficultés, les responsables se portent alors vers une surface couverte dont la fonction primitive est tout autre et qui convient mal aux réunions publiques. Ainsi naît l'idée d'un bâtiment spécifique, la basilique civile. Réunions, informations, lecture des documents et dépêches s'y feront en bonnes conditions mais le phénomène de masse plus ou moins spontané doit être préservé, la basilique sera donc flanquée d'une esplanade susceptible d'accueillir les très grandes foules.

L'idée de la basilique civile naît avec la République mais sa destinée sera contrariée par les us et coutumes politiques des Latins où les réunions se font par classe. L'édifice va trouver sa véritable fonction dans les villes coloniales où la population romaine, isolée, menacée parfois en terre étrangère, éprouve le besoin d'un lieu de rencontre et d'information qui finit par constituer le sanctuaire laïque de la romanité. L'ensemble forum et basilique révèle sa spécificité dans les villes de la cisalpine puis gagne peu à peu l'ensemble de l'empire. En Gaule et dans les terres septentrionales, forum et basilique sont acceptés d'emblée par la bourgeoisie locale acquise à l'ordre romain. Le sénat provincial voit là un excellent cadre pour gérer ses intérêts sous l'égide de l'empire.

A Rome, l'institution va se dévoyer, la ville devenue énorme s'organise en quartiers et les marchés alimentaires, les lieux de culte, comme les espaces de réunion publique se multiplient. Sur l'emplacement du vieux forum, le marché aux boeufs et les grandes foires qui se tenaient sur la route du sel sont totalement oubliés. L'espace se garnit de monuments et développe essentiellement ses caractères politiques et religieux. Dès l'Empire, le lieu est si encombré qu'il ne répond plus aux besoins; c'est la naissance des forum impériaux. Ce sont des ensembles imaginés par les personnes bien introduites dans les instances publiques. La basilique Ulpienne est à inscrire dans un programme de ce genre.


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La basilique civile de Bavay est formée d'un corps de bâtiment de 65 x 14m, soit 910m2. Un bas-côté périphérique apporte à l'ouvrage 980m2 supplémentaire, la surface utile esi donc de 1900m2, soit une capacité d'accueil de 3.500 personnes en condition optimum et de 5.000 en condition extrême. L'ensemble est largement éclairé par un niveau de fenêtres hautes (H) réparties à raison d'une par travée, soit 32 ouvertures. Les bas-côtés sont également dotés de grandes fenêtres réparties selon les mêmes critères. La charpente haute (C) d'une portée de 14m (entrait composé) reçoit une couverture en tuiles plates. Les charpentes des bas-côtés (D) sont traitées en appentis. L'édifice semble avoir été réalisé de manière fonctionnelle avec piles rectangulaires (E) en maçonnerie ci archivoltes (F). L'accès monumental est incertain. Petit fronton (G) ou grand fronton (H), masquant partiellement les fenêtres hautes. Les bas-côtés d'extrémité comportent des accès secondaires (J,K).