NAVIGATION ANTIQUE

L’approche de la navigation antique se confond avec l’étude des civilisations mais, de prime abord, un choix d’école s’impose. Doit-on admettre une évolution continue avec quelques accidents de parcours comme la triste époque du Bas-Empire ou bine un phénomène cyclique où les périodes brillantes et localisées émergent d’un contexte demeurant très fruste dans ses formes d’expression? La seconde hypothèse semble la plus logique. Dans ce cas, la civilisation Gréco-latine ne fut pas le premier épanouissement de la société méditerranéenne et les palais crétois représentent l’une des facettes d’un développement correspondant au Bronze Final qui s’étendait du Nil à l’Atlantique. Le commerce, les échanges de technologie comme la navigation de charge, ont joué un rôle essentiel dans cet essor dont nous pouvons situer le sommet de la courbe vers 1700/1500 avents J.-C.

Les plus anciens témoignages que nous avons sur la construction navale viennent d’Egypte. Les représentations qui figurent sur les mastabas nous montrent de grands bateaux de bois navigant sur le Nil dès le Bronze Ancien. Ce sont, apparemment, des embarcations à fond plat manœuvrées par de nombreux rameurs occasionnellement assistés d’une voile. La gouverne est dynamique. Dès l’ancien empire (2780/2280 avant J.-C.), certaines de ces embarcations font plus de 45m de long et sont manœuvrées par 60 rameurs tandis que la gouverne est assurée par 10 hommes. Pareille coque demande de gros troncs d’arbres que le delta du Nil ne produit pas. Ils viennent donc du haut cours du fleuve, des forêts tropicales situées à plus de 3 000kms. Enfin, la réalisation de ces embarcations implique nécessairement des outils de bronze et si l’Égypte produit du cuivre en quantité, elle manque d’étain. Pour ce précieux métal, les peuples du Bassin Oriental de la Méditerranée semblent avoir été tributaires des mines d’Asie Mineure et du littoral atlantique, ainsi, là également, il nous faut admettre de longues voies commerciales.

Cette civilisation du bronze suit un crescendo régulier. L’alliage fait son apparition de manière ponctuelle vers 3 000 avent J.-C. et les quantités disponibles vont s’accroître progressivement pour devenir produits banalisés au début du 2ème millénaire. Ce sera ensuite le Bronze Final, époque où la civilisation méditerranéenne connaît une remarquable épanouissement, les routes maritimes sont devenues sûres et régulières et les bateaux performants. Cependant, si la construction navale doit son développement à l’outillage de bronze, les composants de cuivre restent nombreux, le fil métallique remplace avantageusement les ligatures de cuir ou de lin tandis que les clous et brides de cuivre continuent de tenir une grande place dans la construction des bateaux. Les procédés tout bois chevillé, dont témoignent les mastabas semblent propres aux embarcations de presque et sont peu crédibles pour des coques de 45m de long.

A cette époque, la technologie liée au bronze repose sur deux pôles métallurgiques; l’un se trouve au Proche Orient et l’autre sur le littoral atlantique. C’est donc un phénomène dépendant des grandes voies de communication et très exposé. Cette civilisation se lézarde dès 1500 avant J.-C., sous les coups des invasions venues du Nord. Enfin, l’éruption de Théra, l’achève en ruinant les liaisons maritimes qui reliaient l’Occident à l’Orient. Les gros navires de charge venant de Tartessos naviguaient presque exclusivement à la voile et choisissaient les périodes de demi-saison : printemps et automne. A ces époques, les vents sont d’intensité convenable mais ils peuvent être contraires d’où la nécessité de vastes mouillages bien abrités de l’île de Théra était, à cet égard, le site le plus favorable de la mer Égée.

Les navigateurs atlantes tenteront certes de maintenir leurs liaisons commerciales avec l’Orient grâce à un long périple de trois années contournant l’Afrique mais l’aventure était vouée à l’échec. La civilisation méditerranéenne entre alors inexorablement dans un long Moyen-Age.

Parallèlement à cette histoire, selon les textes, voyons si l’embarcation de haute mer est nécessairement liée à la construction de bois. A la fin de l’empire romain, Saint Brandan et ses amis venus d’Irlande, terre peu marquée par la civilisation romaine, entreprennent de longs périples qui vont les mener au Spitsberg, vers le Nord et aux Açores vers le Sud, avec une embarcation de peau. Bon nombre d’historiens ont jugé cette chronique peu crédible et, pour soutenir leurs opinions, faisaient références aux rares informations connues sur ce type d’embarcation. C’est une démarche peu convaincante, mieux vaut raisonner sur le possible que sur le connu et les carcasses ligaturées recouvertes de peaux permettent de réaliser des bateaux de grande taille et sans doute très performants.

Pour les peuples vivant dans un contexte où la chasse et la pêche représentent l’essentiel des ressources des moyens de navigation performants sont indispensables. En Europe, ces conditions se trouvent essentiellement à la hauteur du 60ème parallèle et nous pouvons considérer deux zones distinctes : les rivages de la mer du Nord allant des fjords de Norvège aux îles britanniques où l’arrière-pays n’offre aucun grand fleuve accessible en voie de pénétration et la mer Baltique qui donne accès à de nombreuses voies navigables en Europe du Centre et de l’Est. De ce côté, il est même facile de franchir certains seuils et d’accéder ainsi aux fleuves débouchant sur la mer Noire et sur la civilisation méditerranéenne.


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NAVIGATION ANTIQUE: CONDITIONS DE L'ATLANTIQUE NORD

La fin du Wurms modifie les conditions de vie dans le Grand Nord. Les peuples des glaces dont les embarcations sont faites de peau sur carcasses en fanons de baleines peuvent faire le tour du globe au niveau du 70° parallèle mais le volume du Groenland leur impose de tourner vers le Levant. Cette migration laisse à d'autres peuples des terres où la végétation s'installe. Ces gens pratiquent la chasse mais c'est la pêche aux ressources infinies qui l'emporte. Le bois remplace les fanons dans des navires de grande taille où les pagaies laissent la place aux rames tandis que les voiles font leur apparition. La côte norvégienne, l'Islande et le nord des Iles Britanniques forment alors une unité de civilisation (A). La poche saisonnière se pratique sur de grands bateaux de peau manoeuvres par une vingtaine d'hommes qui partent à l'aventure au printemps et à l'automne. Ils se nourrissent d'une part du poisson péché à la traîne et les glaces dérivantes leur fournissent l'eau douce. Leur rayon d'action est considérable.

Les peuples voisins installés sur les rives de la Baltique (B) se développent parallèlement mais la chasse, puis l'élevage du renne, leur assurent une existence plus stable. Leurs bateaux, également de structure ligaturée garnie de peau, leur permettent de remonter les fleuves d'Europe


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La technique des carcasses en bois ligaturé recouvertes de peau offre de grandes possibilités et tous les développements du procédé demeurent compatibles avec les moyens du néolithique. Les bois de structure sont de trois ordres: la houssine de petit diamètre (inférieur à 1 pouce), le baliveau de 2 pouces refendu avec un couteau de bois dur et enfin les bois fibreux que Ton trouve dans les marais et qui sont éclatés par torsion. Cet éclatement en fibres multiples peut se pratiquer partiellement afin d'obtenir des rayons de courbure réduits, il suffit alors de ligaturer la partie ainsi affaiblie. Pour les bois de plus gros diamètre, il faut avoir recours au cintrage à la vapeur ou à l'huile chaude. La totalité des assemblages est confiée à des ligatures en lanières de cuir.

La forme de la carène dérive de l'expérience mais également des procédés de fabrication. La partie avant (A) est relevée en courbe afin que l'enveloppe de cuir ne se déboite pas. Après introduction de la carcasse dans l'enveloppe, cette dernière est maintenue en place par une ligature (B) sur la partie arrière également relevée en courbe. Pour éviter l'entrée des paquets de mer, l'avant est protégé d'une peau (C) mise en tension par une branche (D), môme dispositif à l'arrière. Ces parties relevées sont garnies d'outrés gonflées pour éviter qu'elles ne se remplissent d'eau en cas de renversement, accident qui maintiendrait l'embarcation quille en l'air.

L'essentiel de la carcasse est formé de petits longerons (E) maintenus sur des couples (F), des longerons plus gros (G) établis en bordage permettent de tendre l'enveloppe (H), les rames passent dans des anneaux de bois ligaturés sur un cordage qui longe le bordage (J). Les pales de rames (K) sont formées d'une baguette cintrée garnie de cuir durci à la résine chaude. Ensuite, elles seront confectionnées de lattes de bois refendues. Les rameurs sont assis sur une selle de cuir (L) quant à la gouverne dynamique, son préposé, lassé de tenir la rame l'a fixée à demeure (M), tout en conservant son aptitude en rotation. C'est l'origine de la dérive. Le mât (N) demande des renforts (P) qui répartiront les efforts sur la carène. La voile (Q) est en peau légère. Enfin, l'enveloppe (R) est constituée de peaux épaisses cousues avec des lanières de cuir à l'aide d'un poinçon en os. Cette enveloppe est amovible pour être nettoyée de l'intérieur mais comme l'opération est délicate sur les grandes coques, la désinfection se fait à la fumée. La partie extérieure est garnie de graisse à la soude (savon gras). Le fond de l'embarcation doit comporter des dégagements (S) pour écoper.

C'est une coque souple et nous avons redécouvert les mérites de ce procédé avec les canots de caoutchouc. La tenue à la mer est excellente, c'est aussi une embarcation insubmersible. Les marins portent des vêtements de cuir à même la peau, ce qui correspond à nos modernes combinaisons de plongée.


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Au IIIème millénaire avant notre ère, les peuples de la Baltique qui disposent d'un domaine maritime fermé, de bateaux performants, de troupeaux de rennes ainsi que de nombreux comptoirs sur les grands fleuves de l'Est connaissent un essor démographique important, mais le contexte néolithique handicapait leur épanouissement et le métal fut pour eux une révélation, un produit miracle.

La classification du bronze fut proposée en un temps où l'archéologie faisait ses premiers pas tandis que les historiens n'étaient pas totalement débarrassés de la chronologie biblique. Ensuite, les datations des diverses périodes admises furent longues et difficiles à mettre en place, mais ce cadre daté ne précisait nullement l'origine et le cheminement du produit. Selon les ressources minières des deux composants, nous pouvons admettre que l'alliage fut d'emblée un monopole des Orientaux et des Atlantes. Cependant, l'alliage une fois acquis chez les négociants itinérants, il est possible de le refondre de nombreuses fois. L'expansion des peuples baltes en Europe de l'Est et leur pénétration en Méditerranée comme marchands puis comme conquérants au début du Ilème millénaire fut sans doute conditionnée par la quete de cet alliage précieux qui les faisait sortir d'un autre âge, celui du néolithique.

Dès que les peuples baltes réalisent toutes les possibilités offertes par l'outillage de bronze le besoin s'en impose, mais comment accéder aux sources de cet alliage précieux? En contournant l'Europe la route est longue et les peuples riverains pas toujours accueillants. Le plus simple est de franchir le seuil qui sépare les fleuves de la Baltique de ceux de la mer Noire. Les meilleurs itinéraires suivent la San et le Dniestr et la Dvina puis le Dniepr. Dans les deux cas, les voies terrestres sont courtes et l'ensemble des fleuves facilement navigable. Une fois arrivé sur les rivages méditerranéens, il suffit de prendre contact avec les marchands qui sillonnent la grande route maritime du Bronze et les premières transactions se feront en Mer Egée. Ce sera sur 3 ou 4 siècles un lieu d'échange très actif qui servira grandement les intérêts des deux partis. Mais la raréfaction du produit et la trop grande avidité des clients amorceront des conflits qui vont ruiner la civilisation égéenne. Déjà d'autres peuples avides et conquérants avaient débouché des plaines du Don et de la Volga ainsi que du Caucase et bousculé l'empire d'Egypte et leurs alliés Phéniciens, mais ces gens suivaient des routes terrestres. Seuls les Baltes qui deviendront les peuples de la mer marqueront la navigation antique en amenant des conceptions nouvelles en matière de construction navale. Ce sont sans doute les Phéniciens qui feront ultérieurement la synthèse entre ces coques venues du Nord et le savoir faire des chantiers navals égyptiens.


L’EGYPTE

Dès le néolithique, les peuples vivant dans le delta du Nil se trouvent en conditions favorables, les îlots formés par le fleuve leur offrent une sécurité relative et des terres fertiles. Les roseaux qui abondent leur permettent de confectionner des embarcations rustiques dont la durée d'existence est certes limitée mais qui sont aisément remplacées. Les petites circulent sur les étangs du delta et dans les cours d'eau qui sillonnent les zones stabilisées, les plus grandes permettent de remonter une partie du cours du fleuve pour accéder aux pierres nécessaires à l'outillage puis à l'argile qui va s'imposer dans les constructions. Les pasteurs nomades sillonnant le nord de l'Afrique avec leurs troupeaux de bovidés amènent des bêtes qui vont utilement compléter les ressources de cette civilisation naissante dont l'activité majeure est maraîchère. La dépression du Fayoum est également occupée et là, sans doute, les Égyptiens découvrent des variété de bambous qui ont disparues d'Égypte aujourd'hui. Ces tiges longues de 5m et plus leur permettent de construire des embarcations de grande taille. Ce nouveau matériau plus précieux mérite d'être traité. Il faut l'enduire de graisse chaude et obturer la partie basse avec de l'argile mêlée de graisse afin d'obtenir une bonne étanchéité. Pour être de bon service, roseaux et bambous doivent être récoltés en fin de saison, une fois "dévitalisés".

Cette riche civilisation qui se développe en petites unités d'intérêts se structure peu à peu pour former des tribus distinctes mais le pas d'importance sera franchi vers 3.000 avant J-C avec l'exploitation du cuivre dans les mines du Sinaï. Ces communautés qui se sont longtemps développées en autarcie deviennent dépendantes des manufacturiers, des commerçants et des voies de communication, facteur qui favorise la création d'agglomérations, de structures socio-politiques et religieuses. Vers 2.800 avant J-C l'Égypte forme une nation homogène et la puissance impériale entend contrôler le fleuve sur toute sa longueur navigable. Le bambou se fait rare et les embarcations réalisées grâce à lui sont peu propices au transport des lourdes charges. Il faut maintenant exploiter les grands arbres que les reconnaissances ont découverts au-delà des Cataractes, et c'est sans doute la puissance impériale qui organise les premières expéditions vers l'Afrique tropicale. Là, les Égyptiens vont choisir deux essences de grande taille et faciles à travailler: l'acajou et surtout l'okoumé, plus tendre. Ces troncs seront abattus grâce aux outils de bronze mais également à l'aide du foyer de braise activé au soufflet et contrôlé grâce à des écrans d'argile, c'était le procédé régnant au néolithique. Ces billes seront ensuite transportées par flottage et permettront la construction de grands navires de charge indispensables à une économie qui se développe sur plus de 2.000km.

La construction navale égyptienne semble se consacrer essentiellement à la navigation fluviale et les coques à fond plat atteignent rapidement des dimensions considérables. Certaines représentations nous permettent d'imaginer des embarcations de 45m de long sur 8m de large et ce gigantisme est atteint dès 2.500 avant J-C, mais cette orientation des chantiers navals, trop exclusive, va sans doute priver l'Égypte d'une flotte de haute mer. A cette époque, deux millénaires après l'occupation des Cyclades, la Méditerranée était sans aucun doute sillonnée par de nombreux navigateurs mais nous ignorons tout de leurs embarcations. Il semble que les Égyptiens, d'abord tributaires des Sémites installés sur la route orientale du bronze, aient finalement admis de confier leurs approvisionnements stratégiques aux navigateurs phéniciens dévoués à l'empire.

L'économie de l'ancien empire est certes tributaire du bronze mais en réservant cet alliage à l'outillage et en exploitant le cuivre, très abondant, pour toutes les pièces d'usage courant et notamment en construction navale, l'empire pouvait soutenir son essor économique avec de modestes quantités d'étain: 2.000 à 5.000 kg annuels devaient suffire au remplacement de l'outillage usé et pareille charge était transportable par de petits caboteurs navigant à la belle saison le long de la côte africaine. Les Égyptiens découvrent alors une autre source d'approvisionnement venant de l'Ouest, les Atlantes. Ces producteurs d'étain et de cuivre organisent leur marine et entreprennent l'implantation de base pour assurer des liaisons entre les bassins orientaux et occidentaux de la Méditerranée.

Les premiers bateaux de mer figurant sur les représentations des mastabas sont tardifs, deuxième millénaire. Il semble que ce soit un aménagement opportuniste réalisé à partir d'une coque de rivière. Les grandes membrures latérales sont conservées et se joignent sur des pièces centrales pour former l'avant et l'arrière du vaisseau. Ces trois membrures majeures sont maintenues par de très grosses ligatures. Nous pouvons imaginer que la partie centrale se prolonge sous l'embarcation et donne au fond une forme triangulaire (le fond plat piège la houle et engendre des phénomènes destructeurs). Ces premiers bateaux de mer égyptien sont connus pour avoir participé à une expédition en mer Rouge, de 1541 à 1520 avant J-C. Ils devaient doubler la corne des Somalies pour atteindre le pays de Pount. En Méditerranée, des navires de même conception mais caractérisés par une proue très pointue, vont contacter les navigateurs atlantes en mer Égée.

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Les premières embarcations du delta du Nil sont constituées de roseaux ligaturés (1). Longues de 5 à 6m, elles sont formées de trois boudins (A,B,C) maintenus avec des lanières de cuir. Ce fut toujours le bateau du pauvre fabriqué avec les roseaux qui encombraient les petites "coulcttcs" de service nécessairement nettoyées chaque saison pour éviter l'envasement. Quelques siècles plus tard, les Egyptiens exploitent les bambous rencontrés plus haut sur le cours du fleuve. Aujourd'hui ils ont disparu d'Egypte cl pour les retrouver il faut remonter très haut vers les sources du Nil. Savamment assemblées, avec de multiples ligatures internes, (II C), ces cannes permettent de réaliser des embarcations de 10 à 12m de long, manoeuvrées par 7 à 8 pagayeurs, dont les extrémités forment un plumet caractéristique (II D). Pour améliorer le confort des occupants et recevoir les marchandises, l'assemblage est mis en courbe à l'aide de tiges de bois ligaturées (II E). Devenus rares à l'état naturel, ces bambous seront cultivés méthodiquement et la production permet de réaliser de très grandes embarcations de 16 à 2()m de long constituées de plusieurs boudins ligaturés indépendamment puis assemblés en forme, grâce à une armature de bois (II A). Pour améliorer la stabilité latérale, il est possible de faire varier la forme de ces boudins (II B). Ces embarcations seront manoeuvrées par 16 à 18 rameurs (II F) et porteront une voile (II G) sur un mât (II H), la gouverne est dynamique (IIJ).


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Livrées à l'empirisme, toutes les disciplines suivent une courbe expérimentale qui va de l'archaïsme au modèle achevé. Ce fut vrai pour l'architecture, ce le sera sans doute également pour la construction navale en bois façonné (antithèse du bois ligaturé). Devant un tronc d'arbre qui flotte la première idée de l'homme est de le chevaucher, après l'avoir stabilisé en rotation avec des balanciers. Souvent les branches subsistantes font cet office. Ensuite, il appparaît judicieux de l'aménager en taillant l'avant et l'arrière puis en le creusant à l'aide d'un feu de braise contrôlé (A), c'est la pirogue africaine. Les Egyptiens doivent transporter les troncs d'arbre sur 3.000 km, la matière devient précieuse il faut la rentabiliser. Pour cela il suffit de fendre le tronc, (A 2) en l'élevant sur une chèvre et en le laissant tomber sur un coin de bois engagé. Chaque flanc sera ensuite travaillé (B) et muni d'un fond de lattes jointives (B 2) lors de la mise en forme (B 3) à la chaleur, à la vapeur ou à l'huile chaude, ce dernier procédé est le moins préjudiciable pour le bois. Si le fond est mal ajusté, des joints de cuir ou de calfat viendront assurer l'étanchéité.

Le modèle C correspond à l'évolution naturelle du procédé. Pour les coques dépassant la longueur des troncs disponibles, il faut les ajuster bout à bout avec des tenons (C 1) ou en chevauchement (C 2). Si les bois disponibles sont de petite taille et l'outillage performant, les flancs du bateau seront constitués de plusieurs éléments superposés (C 3) assemblés avec des chevilles forcées avec un coin (C 4), ou cheville marine. A ce stade de la fabrication, le constructeur vient de réaliser un montage croisé et rencontre les premiers phénomènes de dilatation différentielle mais le calfat du fond absorbe la majorité des dilatations. Dès lors il faut se méfier du séchage, en service, l'embarcation doit rester humide.

La technologie de base est acquise. C'est le savoir faire des charpentiers de marine et l'équipement du chantier qui permet la réalisation de coques beaucoup plus grandes. Les membrures longitudinales (D 1) seront assemblées par deux ou par trois, les montages se font par chevauchement et tenons (D 2). Avec l'allongement de la coque et l'allégement des composants (afin d'optimiser le bois disponible), l'ensemble se déforme, il faut avoir recours aux raidisseurs et membrures perpendiculaires (C 3). Dans ces conditions, les dilatations différentielles deviennent considérables et les joints de cuir laissent place au calfat formé de tresses d'étoupe et de matière grasse. Les moyens utilisés pour maintenir ces étanchéités sont nombreux et chaque chantier a ses méthodes, ses petits secrets. En fin de cycle, les bateaux sont constitués d'éléments préassemblés (D 4) manipulés à l'aide d'une chèvre. Le montage se fait sur un chemin de roulement (D 5) avec des roules. En Egypte, ce niveau de haute technologie est atteint vers 2.400 avant J-C.


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Les longerons de base (A) formant l'ossature des grandes coques de 40 à 45m sont nécessairement constitués de plusieurs pièces de bois, 3 au minimum: le mât bipode (B), dont les bases s'écartent pour venir prendre appui à proximité de ces longerons, suggère un fond en planche qu'il est préférable de ne pas solliciter directement. Sur des largeurs de 5 à 8m les lattes perpendiculaires laissent place à des nervures de même disposition (C) et les planches de fond sont disposées longitudinalement (D). Cette faiblesse relative du fond doit imposer un plancher de charge indépendant, d'abord improvisé puis façonné mais amovible. Il viendra prendre appui sur les traverses. Le mât qui porte une voile accordéon en papyrus (E) est déboitable et rabattable (F) afin que l'embarcation puisse passer sous les nombreux ponts de bois qui assurent la circulation dans le delta. La partie avant plate et large montre que le bateau doit souvent décharger ou charger sur berge. Pour éviter de détériorer le fond, les deux longerons sont proéminents (G) et cette disposition réduit la dérive qui pourrait se révéler gênante dans les passages étroits. La forme longitudinale de la coque permet de dévaser ou de désensabler l'embarcation par balancement à l'aide de cordes fixées au sommet du mât. Cette opération n'est pas réalisable avec une coque quillée. Ensuite, avec les quais de bois, les bateaux seront chargés et déchargés latéralement ce qui évite les ennuis de l'accostage et permet la manutention de charges plus grosses. Le constructeur peut maintenant modifier la forme de la proue.

Dans la descente des fleuves, le bateau va souvent à la même vitesse que le courant, d'où l'intérêt d'une gouverne dynamique qui permet un redressement rapide en conditions critiques, sans avoir recours aux rameurs (marche à la voile). Cette fonction est confiée à 10 hommes (2 X 5) (H) tandis que l'avancement est à la charge de 60 rameurs environ (J). La hauteur du bordage, à vide notamment, impose à ces derniers de travailler pratiquement debout avec une rame de 5,50m environ (K) et sur un angle important (L) avec une pale courte et large (M). En remontant le courant l'embarcation doit naviguer au plus près de la berge, là où la vitesse de l'eau est la plus faible, ce qui explique la présence de sondeurs à l'avant. Lorsque le courant contraire est trop fort, il faut avoir recours au halage avec éventuellement des hommes en appoint. Il est à penser que les passages les plus délicats seront aménagés avec un canal indépendant ou intégré mais, dans la majorité des cas, la remontée s'effectue à vide et la descente en charge. Les bases prises pour notre restitution sont les suivantes: écartement minimum pour les rameurs sur un rang : 1,10m, soit 33m plus 2 fois 6m à l'avant et à l'arrière tandis que la largeur est estimée à 1 sur 5 ou 5,5.


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Dès le début du 2ème millénaire avant J-C, la navigation sur le Nil connaît une évolution de caractère logique. Les très grandes embarcations qui avaient desservi le moyen cours du fleuve durant la période de colonisation subissent une certaine désaffection et des embarcations plus petites et plus polyvalentes s'imposent. D'autre part, les gros troncs primitivement exploités se font rares, mieux vaut utiliser des arbres plus petits et des pièces de bois plus facilement transportables. Le traitement des coques va se modifier en conséquence. Les grandes nervures latérales sont maintenant constituées par assemblage de pièces multiples façonnées et chevillées en superposition, les bordages ainsi que les fonds sont pareillement traités. Cette mutation donne plus de liberté aux constructeurs dans le choix des formes.

Les quais de bois se sont généralisés et les petites courses devenues nombreuses s'effectuent essentiellement à la rame. Dans ces conditions, les nervures latérales (A) qui protégeaient le fond lors des abordages sur grève et évitaient la dérive lors des longs déplacements à la voile ont moins d'importance, quant au fond, il devient légèrement bombé (B). Les avantages mineurs de cette disposition sont nombreux. Ils donnent aux nervures transversales une forme plus fonctionnelle tout en facilitant l'adaptation du platelage porteur. Cette courbure des planches facilite également la concentration des eaux d'infiltration sur un point d'écopage. Enfin, dans les fonds vaseux qui régnent sur le delta, cette forme permet un dévasement primaire par balancement latéral avant le dégagement par balancement longitudinal.

Dans ce nouveau contexte, le bas cours du fleuve et surtout le delta sont desservis par des embarcations de 25 à 28m de long et de 5m de large manoeuvrées par 26 à 30 rameurs. Le mât (C) est toujours bipode, déboîtablc et rabattable. La voile (D) est constituée de fibres tissées, enfin la gouverne toujours dynamique est confiée à 4 ou 6 hommes. Ce sont ces bateaux qui vont tenter les premières sorties en mer. La coque à fond légèrement arrondi aborde convenablement les petites houles en évacuant latéralement les poches d'air qui se forment sous l'étravc, mais le traitement de la proue qui n'a pas changé supporte mal les chocs et vibrations engendrés par les vagues, là porteront les modifications.


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Les maîtres charpentiers auront beaucoup de difficulté à concevoir des coques aptes à la mer. Le poids des coutumes et traditions les porteront à des aménagements successifs réalisés sur coque de rivière et les résultats ne seront jamais satisfaisants. Les premiers bateaux à s'aventurer en haute mer montrent que les fonds légèrement arrondis piègent toujours les bulles d'air formées par l'étrave, surtout lorsque l'avant du navire plonge sous l'effet du tangage. Une idée simple s'impose, mieux vaut fendre la vague que la frapper, les charpentiers vont donc introduire une pièce centrale (A) que viendront rejoindre les pièces latérales du bordage. Môme chose à l'arrière (B). Cette étrave ajoutée qui doit se limiter au tiers du vaisseau est mal intégrée aux pièces de forme qui remplacent maintenant la membrure latérale (C). Il faut ligaturer la proue (D) et la poupe (E) tout en laissant une libre dilatation des pièces longitudinales. Enfin cette étrave additive est trop importante pour être tirée d'un seul tronc, elle sera constituée de plusieurs pièces de bois également ligaturées (F) pour résister au choc des vagues. La poupe, qui respecte une forme traditionnelle est faite de pièces multiples accolées et chevillées. La tenue du système est meilleure. C'est cette expérience qui justifiera sans doute la confection de proues hautes et pointues sur les navires réalisés ultérieurement, mais la carène restera de même facture.

En mer, face aux coups de vent, il faut pouvoir carguer rapidement. Voiles et vergues (F, G) seront montées coulissantes sur un mât unique (H). En cas de surprise, l'ensemble de la voilure est descendu avec le cabestan (J) sur un platelage de filet (K) qui protège le pont des rameurs. Ce procédé était déjà exploité sur les bateaux de rivière où les gabiers avaient leur niveau d'intervention indépendant. La gouverne arrière (L) apparaît latérale mais elle semble avoir été conçue double et solidarisée avec des câbles et des guignols (M). La manoeuvre de la barre (N) se fait d'une passerelle arrière (P), une autre passerelle semblable, disposée à l'avant, est réservée au sondeur. Lors de l'expédition au pays de Pount, une flotte de navires de ce type va parcourir la Mer Rouge, contourner la corne de l'Afrique et naviguer jusqu'à la latitude du Haut Nil.


L’EUROPE

Au XIX° siècle les historiens tentent de traiter le passé avec méthode et rationalisme, cependant les textes vont peser d'un grand poids dans la démarche. Les chroniques greco-latines, la Bible et le déchiffrage de quelques écritures orientales, tels les hiéroglyphes, vont diriger la majorité de nos recherches archéologiques vers l'Orient et les analyses portant sur l'Europe occidentale prennent un retard considérable. Un concept simple s'impose: toute civilisation se propage à partir de son point d'origine, l'Europe a donc tout reçu de l'Orient. C'est l'orientalisme. D'autre part, les linguistes trouvent des filiations entre de nombreuses langues pratiquées sur un tracé qui va de l'Europe à l'Asie. C'est l'origine de la théorie des langues dites indo-européennes (Inde/Europe). En Europe septentrionale, des chercheurs engagés se basent alors sur l'évolution des produits et technologies pour affirmer que nos peuplements viennent également d'Orient, c'est la théorie des grandes migrations. Rapidement manipulée par des intérêts socio-politiques, cette conception devient école, d'où une réaction logique qui se traduira notamment par le mythe de la pureté des races, nous connaissons les effets de cette querelle. La plupart des chercheurs furent dépassés par le phénomène.

Les avancées réalisées grâce à l'archéologie sont indéniables mais à l'ombre d'un contexte historique trop présent, leur exploitation fut rapide et parfois tendancieuse. En ce domaine, comme dans bien d'autres, il faut distinguer la découverte de son exploitation et pratiquer cette dernière avec toutes les réserves d'usage. Un bon cadre socio-économique nous semble indispensable au développement de la démarche.

La civilisation néolithique règne en Europe sur environ 3.000 ans et son expansion, comme son développement, sont liés à la domestication puis à l'élevage des bovidés. Comme les bêtes se sont longtemps déplacées sans le secours de l'homme, il n'est pas nécessaire d'imaginer de grandes migrations pour le déplacement des espèces. D'autre part, il suffit de quelques géniteurs nouveaux chaque saison pour développer une race sans risque de consanguinité. Cette civilisation des grands enclos à bovidés est dite celtique mais sans que l'on puisse fixer de manière satisfaisante le contenu de cette définition. Les témoignages considérés se rencontrent majoritairement sur une bande de terre caractérisée située sur le Centre Europe et qui va des confins de l'Atlantique à la chaîne des Tatras. Nous dirons le chaînon Centre Europe.

C'est sur ces terres que naît l'agriculture phénomène marquant de l'étape suivante. Les premières expériences semblent se faire là où le chaînon Centre Europe voisine avec des plateaux de base calcaire particulièrement favorables aux récoltes sèches. Ces nouvelles terres seront d'abord réservées à la récolte du fourrage d'hiver puis retournées pour la culture de graines sélectionnées. Ce processus fixe l'homme à sa terre et là où il se pratique. C'est la fin des grands enclos et de la gestion collective du bétail.

Le travail de la terre demande de l'outillage et les avantages du métal ne se discutent pas mais les gisements sont difficiles à trouver, surtout dans les zones septentrionales où toutes les terres sont recouvertes d'une garniture végétale. Ainsi la métallurgie doit, logiquement, naître au niveau du 40° parallèle sur des terres sèches et rocailleuses. Selon nos découvertes, c'est le cuivre d'Asie Mineure qui s'impose le premier mais il est malléable et peu performant. Le bronze, mélange de cuivre et d'étain, se révèle beaucoup plus satisfaisant dans bien des usages et notamment pour l'outillage. Mais les gisements d'étain sont toujours très éloignés de ceux de cuivre et l'avenir de la civilisation appartient aux marchands, aux manufacturiers itinérants et aux voies commerciales terrestres ou maritimes. Les bêtes de charge qui forment les premières caravanes conjuguent leurs itinéraires avec les bateliers qui exploitent les voies navigables, ensuite des véhicules rudimentaires font leur apparition.

Les peuples, ou plutôt des familles ou des tribus vont, semble-t-il se spécialiser dans cette activité. Au temps d'Hérodote, les Grecs qui les connaissaient bien les nommaient Cygines. A cette époque, leurs voies de communication et leurs factoreries sont bien en place sur un tracé qui va de l'Asie Mineure à la Bourgogne. Ils utilisent comme véhicules des chariots bien fabriqués tirés par quatre petits chevaux ou poneys. Ces convois constitués de quelques centaines de personnes sont suffisants pour expliquer le déplacement des techniques et la formation d'une langue d'échange faisant la synthèse de tous les dialectes rencontrés, ce sera l'indo-européen. 1.000 ou 1.500 mots devenus indispensables sur les routes commerciales et qui s'imposent aux négociants et artisans, puis dans les cités et sur les lieux de marché, suffisent à marquer le langage.

Ces manufacturiers qui pratiquent la vente mais aussi la refonte du bronze, vont également rechercher des gisements miniers nouveaux. Ils ne prospectent pas directement mais se renseignent sur des découvertes encore non exploitées faute de technologie, ainsi quelques centaines de familles tracent une première carte des ressources européennes puis assurent les liaisons entre les zones minières susceptibles de créer l'alliage de bronze. Cette quête doit les mener vers l'Espagne, l'Atlantique et la Cornouailles, zone d'Europe occidentale où le cuivre et l'étain sont bientôt découverts et exploités: le pôle occidental du bronze était né. Il se développe dès le début du 3ème millénaire avant J.-C. mais longtemps les lieux de fusion resteront aux mains d'une caste de métallurgistes et ce sont les lingots de bronze qui circulent pour être ensuite confiés à des manufacturiers.

Tout au long du 3ème millénaire avant J.-C., le transport et la diffusion du bronze restent difficiles, les voies de communication sont longues et très exposées ainsi certaines régions d'Europe, comme la Scandinavie, demeurent pratiquement en dehors des marchés. Vers 2002/2000, la demande s'accroît et les provinces d'Espagne donnant sur l'Atlantique, les seules régions d'Europe à bénéficier des deux composants de l'alliage, organisent leur production et développent leur négoce; ce sera le pôle occidental et la naissance de la civilisation atlantique, ou atlante. Mais, des mines du Rio Tinto qui produit l'étain à celles de la Sierra Morena où est extrait le cuivre, les routes terrestres sont longues et difficiles, ainsi les liaisons se feront par bateau: c'est la naissance de la marine atlante. Les grandes zones de marché s'installent sur les estuaires et, pour les navigateurs venant de Méditerranée, le premier point de contact offrant un mouillage satisfaisant est l'embouchure du Guadalete, terre des Tartessiens.

Quelques siècles plus tard, les routes terrestres sont à nouveau exposées et les Atlantes dont les bateaux ont fait de grands progrès décident d'ouvrir une voie maritime du bronze, parallèle à la route terrestre. Elle les mène vers le bassin oriental de la Méditerranée et leur base maritime de diffusion se fixe alors en mer Égée. Leur principale rade de mouillage est la vaste crique circulaire de l'île de Théra. L'agglomération qui se développe sur l'îlot central deviendra cité des Atlantes, plus communément appelée Atlantis. Toute la civilisation égéenne profite de cet apport maritime et notamment de l'importation des bovins dont le minotaure restera le symbole.

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Au Illème millénaire avant J-C, l'Europe vit avec le bronze venu du pôle oriental (A) mais les voies terrestres sont longues et très exposées et les charges portées par les bêtes de bât très limitées. Vers 2300/2000 avant J-C, la demande s'accroît et les spéculateurs, puis les pillards, mettent l'approvisionnement en danger. Cette situation inspire les producteurs et marchands du pôle occidental qui vont ouvrir une route maritime (B) en Méditerranée. Sur les côtes européennes, les bateaux se transforment en comptoir flottant et le négoce se fait en toute sécurité. La mer Egée (C) devient un grand carrefour d'échanges et les négociants et potentats locaux se font construire de somptueux palais. Celte civilisation qui vit par la mer sera détruite de la mer (D)


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Le territoire français dispose de nombreuses terres propices à l'élevage, bovins, viandes et peaux sont abondants et les terres limitrophes, le Nord le Berri et la Charente sont favorables aux cultures céréalières. Ceci constitue, dès le Bronze Ancien, une richesse alimentaire susceptible d'assurer un développement démographique important mais les agriculteurs ont pris coutume d'utiliser le bronze et parfois ce métal devient rare. Par contre l'Espagne est le seul pays d'Europe à disposer en quantité de cuivre et d'étain mais son sol est moins favorable à l'agriculture. Un équilibre doit s'instaurer entre ces deux grands domaines du littoral atlantique et les liaisons se feront par mer. Les navigateurs ibériques pénètrent par les grands fleuves français pour échanger leur production métallurgique contre des denrées alimentaires. Les places de marché qui se développent alors en Occident sont dépendantes de la navigation et les richesses se concentrent dans les ports et les estuaires. Pour assurer ces communications il faut de nombreux types d'embarcation dont des bateaux de charge aptes à tenir la haute mer. Ce sont eux qui vont se lancer sur les routes méditerranéennes, dès le début du Ilème millénaire.


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A l'origine de la filière technique, nous placerons l'embarcation dite canoë indien où l'enveloppe est maintenue en tension par un jonc (1). Avec l'agrandissement des coques, les membrures longitudinales (2) maintenues sur couple (3) sont relevées à l'avant comme à l'arrière et liées sur un moyeu (4). Parfois celui-ci est remplacé par un fagot qui prend la forme d'une tête de dragon (5). Il s'agit là d'une identification pour les initiés. L'épaisseur relative de l'enveloppe décroît sur les grandes embarcations qui se fragilisent. Il faut multiplier les membrures longitudinales qui, finalement, deviendront jointives (6). Aux extrémités, elles se chevauchent pour réduire leur nombre sur la ligature (7). Cette évolution suppose plusieurs procédés de détails, l'enveloppe est exposée aux piétinements internes et aux chutes d'objet, il faut la protéger par un platelagc de fond (8). Les assemblages sont toujours ligaturés (9 et 10). La protection de l'enveloppe fut d'abord confiée à des claies intermédiaires (11) maintenues par de petits joncs (12) les entretoises (13) maintiennent les membrures majeures en position. En phase élaborée, le fond est localement doublé d'un plateau de charge (14) et la forme de la carène est façonnée par des raidisseurs (15). En phase finale, avec les membrures jointives, l'enveloppe lent à disparaître et laisse place à de petites tords d'étanchéité (16). Les longerons sont travaillés (17,18) pour éviter l'usure des ligatures. Mais les tords se déboîtent et l'évolution s'oriente vers le façonnage des membrures refendues (19), puis travaillées en planchettes (20), montées avec chevilles marines (21) ou ligatures de fil de cuivre (22). Elles reçoivent alors un calfat forcé (23). Les couples sont également travaillés (24). A ce point les coques s'agrandissent et les constructeurs découvrent les dilatations différentielles. Les bois sont mis en chevauchement(25) mais toujours calfatés. Parallèlement, le clou à soie (26) fait son apparition.


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Les premières grandes embarcations qui navigueront sur les fleuves d'Occident seront légères et destinées à de faibles charges. Le principe de la carcasse ligaturée avec enveleloppe de peau permet de réaliser des coques dont le poids ne dépasse pas 30 à 40kg par homme d'équipage. A vide, il est donc possible aux hommes de porter leur embarcation dans les passages de hauts fonds tandis que les charges seront, si nécessaire, transportées à dos d'hommes. Les cargaisons comportent des peaux, des poteries, du sel, des viandes fumées et des poissons séchés ou salés.

A la belle saison, ces embarcations vont caboter et joindre les divers estuaires. En cas de gros temps, et comme pour les escales ordinaires, elles seront tirées à grève. Ce mode de transport déjà développé au néolithique est satisfaisant mais les tonnages transportés restent très faibles. Dès l'exploitation du métal, et surtout au Bronze Final, les besoins s'amplifient et les embarcations vont se spécialiser, rivière, mer, pêche, charge et course, mais seront toujours réalisées selon la filière technique que nous avons résumée. La qualité des coques dépendra des moyens disponibles et de l'expérience des charpentiers de marine. Les progrès vont se localiser dans les zones où l'économie est florissante et notamment dans les estuaires où se pratiquent les échanges, mer/rivière. Les grandes criques de mouillage où les navires de mer se concentrent à la mauvaise saison, et où convergent des voies de communication terrestre, seront également privilégiés. Le contexte le plus favorable est le site polyvalent où la grande crique est liée à un estuaire desservant un arrière pays riche, tel celui des Venettes qui peuvent conjuguer un grand mouillage avec l'estuaire de la Loire tout proche. Les profondes criques de Galice, favorables aux navires de mer et qui voisinent avec les rivières donnant accès aux ressources minières, constituent un deuxième pôle favorable au développement de la marine. Enfin, la baie de Gadès ou golfe des Tartessiens donnant accès aux richesses du Guadalete et du Guadalquivir ainsi qu'aux nombreuses ressources minières des sierras environnantes constitue le troisième pôle favorable de la côte atlantique. Ce dernier ouvre également sur la Méditerranée vers un nouveau marché potentiel que les Tartessiens vont découvrir et développer, d'où la confusion ultérieure entre Tartessiens, Atlantes et leur base de mer Egée, Atlantis.

Une peinture sous abri de l'arrière pays tartessien nous offre une très intéressante représentation de la multitude d'embarcations qui mouillaient et transitaient par le vaste golfe, où se jetait le Guadalete, et cela avant que les alluvions ne l'encombrent. Cette image pourrait être une vue de la rade saisie du haut du mont des Tartessiens aujourd'hui dévoré par les carrières. En 1 figure une grande barque de rivière, sans doute destinée au Guadalquivir dont la remontée est gênée par le banc de cailloux au niveau de Séville, les Romains y construiront un canal abandonné vers 1300 et repris à l'époque contemporaine. En 2, il s'agit d'un bateau à voiles triangulaires avec une proue volumineuse et dépourvue de rames, l'ancêtre des tonneaux comme les appelait péjorativement les Grecs. 3,4, et 5 sont de grandes embarcations à voiles et à rames qui doivent remonter les rivières et caboter à la belle saison. En 6, nous voyons une petite barque à voiles qui peut servir aux pêcheurs du delta et enfin en 7, l'embarcation la plus intéressante, un grand voilier avec grééments à la Livarde, gouvernail, dérive et rames que nous allons considérer comme le navire de charge au long cours susceptible de s'aventurer en Méditerranée comme sur les côtes d'Afrique.


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Le navire de charge tartessien possède un avant fortement relevé tandis que la partie arrière n'est pas proéminente, la forme de la proue a donc été conservée pour sa tenue à la mer et non pour faciliter un mode de construction à base de membrures ligaturées et enveloppe de peau. Nous avons donc une carène tout bois que nous pouvons restituer selon des procédés archaïques mais avec un traitement soigné. Les couples (A) sont légers, mis en forme, et nombreux, probablement 2 par mètre. Le carénage est constitué de lattes de bois refendues (B) puis travaillées (C) et ligaturées sur le couple, peut-être avec fil de cuivre. L'étanchéité est sans doute toujours confiée à des joints de peau. Ce mode de construction conserve à la coque toute sa souplesse antérieurement appréciée sur les embarcations avec enveloppe. C'est une caractéristique qui se retrouvera également sur les drakkars de l'époque historique. A la voile, le cap est assuré par deux dérives (D) articulées et maintenues en position de travail par deux arcs de bois (E). Il suffit de décrocher le système pour échouer le bateau à grève. A cette fin, la grande gouverne (F) coulisse dans des anneaux de cordage (G). Cette coque n'est pas totalement étanche, il faut souvent écoper à fond de cale mais la petite quantité d'eau assure l'humidité nécessaire au bois, ainsi les marchandises transportées le sont dans des cales indépendantes (H et J) étanchées à la cire ou à l'aide de peaux. Les réserves alimentaires sont également conservées dans des compartiments étanches ou dans des tonnelets. Le pont (K) est garni d'un lattis recouvert de peaux ou d'un plancher et les paquets de mer embarqués s'écoulent par les orifices (L). Le bastingage possède également des orifices (M) pour l'utilisation de rames (N). C'est une coque relativement légère, souple et sans aucun doute de bonne tenue à la mer. Enfin le gréément se distingue de toutes les options méditerranéennes.

La grand voile (P) s'articule sur une vergue oblique (Q) ce qui permet de la basculer en tirant des bordées, l'opération se fait avec une barre de manoeuvre (R). Parallèlement, une petite vergue (S), coulissant sur le mât (T) assure la manoeuvre d'une voile triangulaire (U) située à l'avant du centre de gravité. Le positionnement se fait grâce à une barre de bois (V) qui peut se fixer en divers points sur une coulisse liée au bastingage (W). Tout ce gréément hissé grâce à un treuil (X) peut être cargué rapidement grâce à une multitude d'anneaux de bois (Y) mais ce système de voile implique un mât (Z) soigneusement travaillé et issu d'un seul tronc. Les échouages sur grève qui représentent le mode majoritaire dans les petits ports de l'Atlantique maintiendront ce bateau dans des tailles moyennes 18/ 22m, mais le complexe méditerranéen va l'affranchir de cette servitude. Sa voilure lui permet de bien manoeuvrer, d'éviter les écueils et sa coque est très à l'aise sur les courtes vagues de cette mer fermée. Enfin, l'absence de marée permet l'accostage. Dans ces conditions les coques tartessiennes vont grossir, 26/30m et plus, et ce sont ces embarcations qui, dès l'Age du Bronze Final, vont tenter et réussir le tour de l'Afrique.


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Pour le Bronze Final nous proposerons le schéma suivant. Vers 2000 avant J-C la roule terrestre où l'alliage circule (A) connaît des difficultés et les Tartessiens (B) qui disposent de bateaux performants imaginent des liaisons maritimes (C) qui doivent desservir de nombreux demandeurs répartis sur la côté méditerranéenne de l'Europe. La mer Egée où débouchent également les bateaux de la mer Noire devient un carrefour très fréquenté et les Atlantes s'y installent à demeure. En Crète et en mer Egée, les richesses s'accumulent et font des envieux. Les navigateurs du Nord deviennent exigeants puis agressifs. En 1780 avant J-C, les Hyksos avec char de guerre traversent l'Asie Mineure, et vers 1750 abordent le delta bientôt conquis. Deux siècles plus tard ils en sont chassés mais ceux qui se sont fixés au pays des Garamantcs ont déjà traversé l'Afrique Occidentale. Vers 1400 les Hittites interviennent à leur tour en Asie Mineure puis ce sont les Lybicns nomades, en surpopulation, qui abordent le delta vers 1370. Entre temps les Doriens venus du Danube chassent les premiers conquérants de la Grèce et enfin, vers 1085, de nouveaux venus franchissent les détroits, sont refoulés par les occupants de la mer Egée et abordent l'Egypte, ce sont les peuples de la mer.


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Dans l'archipel des Cyclades, l'ile de Strongylé (la ronde) qui deviendra Théra constitue un volcan en modification lente. Le cône émergent se compose de deux cheminées, une principale (A) qui, lors d'éruptions successives, a formé un vaste cratère ouvert occupé par la mer et une autre plus petite (B) stabilisée de longue date. Les navigateurs au long cours venus de l'Atlantique avaient apprécié celte vaste crique circulaire avec, au centre, un ilôt relié à la couronne (I C). C'était pour eux un excellent mouillage en période de vents contraires. L'îlot central sera aménagé et portera la ville qui prendra le nom des navigateurs atlantes, Atlantis (I D). Vers 1460 avant J-C, le volcan entre en éruption et les phénomènes connus par l'archéologie nous donnent une idée de ses caractères. La grande cheminée qui produit en permanence de petites quantités de lave ayant formé l'ilot central dégage brusquement une grosse quantité de magma chargé de gaz. Le phénomène détruit l'ilot ainsi que la ville et projette une masse de pierres ponce et de cendres. Ces dernières recouvrent totalement le site périphérique de Théra qui fut en partie protégé des effets mécaniques directs par le cône du petit cratère culminant à 584m. Dans un second temps, le magma décomprimé de son énergie gazeuse s'affaisse tel un soufflé et la mer pénètre dans la cheminée dégageant ainsi une énorme quantité de vapeurs qui se propagent de manière concentrique. Ensuite elles se refroidissent au contact des hautes couches de l'atmosphère et forment de violentes précipitations sur une couronne périphérique (IV J), telles les gouttelettes de condensation sur le bord du couvercle de la marmite. Ce cercle de pluies chaudes, chargées de poussière, va se déplacer, poussé par les émissions issues du cratère. Le phénomène touchera l'Acropole d'Athènes, comme en témoigne le Critias de Platon. Ultérieurement, les amalgames de cendre qui se sont fixés à la périphérie du cône s'affaissent rongés par les eaux de mer. La partie (E) disparaît en 236 avant J-C et la partie (H) en 1570 après J-C. Depuis 2.000 ans et plus, la cheminée centrale poursuit son éruption lente et reforme peu à peu l'ilot du centre (K).


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Vers 1500 avant notre ère, la brillante civilisation du Bronze Final qui s'était développée dans les Cyclades entame son déclin. Aux divers phénomènes socio-économiques qui la perturbent s'ajoutent les incursions des peuples de navigateurs venant de la Mer Noire et des grands fleuves de l'Est européen. L'éruption de Théra lui portera le coup final. Sur les siècles qui vont suivre, les envahisseurs venus du Nord vont s'installer sur des sites ruinés et créer une civilisation de caractère féodal, violente de moeurs et très pauvre d'esprit. Les forteresses de Mycènes et de Tirynthe sont leur oeuvre. Venus de la mer ils préserveront leur force maritime. Leurs embarcations sont très caractéristiques et les rares représentations conservées les représentent longues et fines garnies d'une multitude de rames (les mille pattes de la mer). La proue et la poupe fortement relevées sont de forme rectangulaire (A 1).

La guerre de Troie et l'épisode du cheval, la ruse contre la force, un thème cher aux Grecs, sera romancée et contée par les poètes. Il s'agit là sans doute d'une action menée par les peuplades déjà installées dans les îles afin de se préserver la libre circulation dans le détroit. Un fragment de bas-relief (B 2) qui illustre l'épisode, nous montre une embarcation apparemment toujours conforme au modèle A.

Ces navires participant à la guerre de Troie, vers 1250, nous apparaissent comme l'évolution finale du modèle septentrional à membrure ligaturée (C). La carène est constituée de bois sommairement ajustés, mis en forme à la vapeur et majoritairement assemblés par ligature (C 1). Pour simplifier le montage, le flanc, (D) se prolonge sur la proue et sur la poupe, selon les coupes X, X' et Y, Y', tandis que le fond de carène (E) demeure d'un développement constant, grâce à la forme en éperon. Ces grandes embarcations, de 23 à 25m de long sur 4,50m de large, ont une hauteur de bordage telle que les rameurs doivent se placer sur le niveau C' 3, avec éventuellement un banc perpendiculaire C' 4.


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Des embarcations légères qui vont mener les Egéens sous les murs de Troie aux pantecontores de la Haute Epoque hellénique, révolution est considérable. Le travail du bois qui s'inspire alors des techniques égyptiennes et phéniciennes s'applique à des formes toujours fidèles aux options d'origine. L'ouvrage semble donc une synthèse des formes empruntées au peuple de la mer et du savoir faire des charpentiers du Nil. Sur les grands fleuves de l'Europe de l'Est et sur les rivages de la mer Noire, les carènes septentrionales devenues trop lourdes pour être portées sont tirées à grève sur des roules, et la nervure centrale qui préfigure la quille s'impose et se développe à cet effet. Les baliveaux, taillés, mis en forme et ligaturés laissent place à des nervures de bois assemblées par chevilles (A), le montage avant en éperon qui facilitait l'assemblage par ligatures et donnait prise pour tirer à grève sera conservé. Il sera garni de métal (B) et servira d'éperon pour briser les coques adverses. Naguère, cette action était peu efficace sur des embarcations légères et à faible tirant d'eau. A la proue et à la poupe, les ensembles ligaturés laissent également place à des pièces de bois travaillées et chevillées (C), même mutation pour les couples internes, les pièces en forme étaient petites et proches les unes des autres, deux au mètre environ, les nouvelles sont trois fois moins nombreuses et imposent une carène constituée de planches plus épaisses. Quelques longerons auxiliaires (E) subsistent pour faciliter la mise en forme. Une nervure de rive (F), assure la liaison carène (G) plancher (H), une autre (J) forme bastingage et porte l'articulation des rames (K). Ces coques sont devenues plus lourdes et rigides mais leur capacité de charge a sérieusement augmentée. Les marchandises sont placées sur un plancher de fond et, faute de volume étanche, elles sont transportées en amphores. Le modèle standard romain deviendra l'unité de mesure pour les capacités de charge.

Les vaisseaux de taille moyenne, longs de 24 à 26m et larges de 4m, se contenteront d'un rang de rames mais il faut doubler le système sur les coques de 30/32m de long et de 5,50m de large. L'aviron extérieur se place sur une entaille du bastingage (L), celui de l'intérieur (M) traverse ce dernier. Les 50 rameurs assurent au bateau une vitesse de croisière de 4km/H, soit plus de 100km par 24H. La direction est assurée par une grande gouverne latérale (N). L'avant comporte une plateforme (P) réservée aux sondeurs mais avec des protections (Q) elle peut recevoir des hommes en arme qui vont sauter dans l'embarcation adverse (R) après éperonnage. Ces coques rigides et lourdes qui ont conservé la forme d'un modèle souple et léger sont devenues très sensibles à la houle ainsi l'essentiel de la navigation se fait hors les périodes venteuses et la voile (S) n'a qu'un rôle auxiliaire. Ces navires sont pratiquement incapables d'affronter l'Atlantique. Si nous développons cette coque (T) avec le même système de rames (U), à vide, elles travaillent sur un angle (V) très défavorable. Les Phéniciens vont tourner la difficulté.


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Grecs et Phéniciens seront les deux grandes puissances maritimes du Bassin Oriental de la Méditerranée mais leurs conditions d'existence et leurs impératifs de navigation seront très différents. Les Hellènes devenus très nombreux exploitent l'Asie Mineure, maîtrisent l'accès à la Mer Noire et, pour palier à leur carence céréalière, vont coloniser l'Italie du Sud et la Sicile qui sera leur grenier à blé. De ce côté les routes maritimes sont courtes, le pantécontore peut, avec 50 rameurs, franchir 110km à vide et 90 en charge sur 24H. La route de Sicile longue de 600 à 800km sera donc parcourue en moins de 10 jours et chaque bateau peut faire 10 à 12 rotations annuelles. Les Phéniciens, par contre, boutiquiers dans l'âme, et artisans très qualifiés refuseront longtemps l'idée de nation et préféreront vivre un pied sur terre l'autre sur le bateau. Peu nombreux et vivant essentiellement du commerce, ils vont répartir leurs comptoirs sur l'ensemble de la Méditerranée et les liaisons qu'ils assurent sont très longues. De l'Orient à l'Occident méditerranéen, leurs bateaux peuvent, au mieux, réaliser deux rotations annuelles. Ainsi vont-ils s'orienter vers des coques plus lourdes qui se révéleront d'une meilleure tenue à la mer, certaines seront même capables d'affronter les vagues longues de l'Atlantique.

Grecs et Phéniciens exploitent les mômes filières techniques mais ce sont sans doute ces derniers qui firent la synthèse entre les coques des peuples de la mer et les charpentiers du Nil. Dès 750 avant J-C, les chantiers navals de Tyr réalisent des embarcations où les 50 postes de rame sont conditionnés comme sur le pantécontore mais dont la coque peut faire 36m de long sur 8m de large avec un aménagement sur deux ponts. Son déplacement en charge est égal à deux fois celui du navire grec. Pour éviter de faire travailler les rameurs en conditions défavorables, le niveau d'action (A) reste inférieur à 1,80m à vide et à 1,30m en charge. C'est l'augmentation de largeur (B) ainsi que le dessin du fond de carène (C) qui permet de doubler la charge tout en respectant cette fourchette. Si la grande largeur relative augmente la "traînée" et réduit les performances, elle permet d'établir un pont supérieur (D) totalement indépendant du niveau où travaillent les rameurs (E). Le pont supérieur permet d'embarquer des soldats en cas de conflit ou des émigrants sur les lignes régulières. Les Phéniciens vont ainsi peupler leurs différentes colonies méditerranéennes et les quantités de personnes déplacées seront considérables. Cette coque à fort tirant d'eau interdit la remontée des fleuves mais sa tenue à la mer est excellente. Avec une charge lourde concentrée (F) qui se situe au dessous de la ligne de flottaison et sur le tiers central, ce bateau dispose d'un volume avant (G) et arrière (H) ainsi que de caissons latéraux (J) qui lui assurent d'excellentes réactions dans le roulis et le tangage. Il est donc apte à supporter la houle longue de l'Atlantique.


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En 670 avant J-C, au temps de Necos Ier, les Egyptiens demandent aux Phéniciens qui possèdent maintenant d'excellents bateaux de mer de contourner l' Afrique pour leur compte. Ils ont conservé de précieux renseignements sur ce périple encore effectué par les Tartessicns sept siècles plus tôt. Les scribes de l'empire informent l'expédition que la route est trop longue pour être effectuée en une année et deux années imposent de passer le cap des tempêtes à la mauvaise saison. Le programme est donc fixé tel qu'il était pratiqué par les Atlantes, sur trois ans, mais les bateaux ne peuvent emporter de provisions suffisantes. Il faut donc établir deux escales, semer le blé puis le récolter. Pareil programme fut nécessairement conçu sur la foi de comptes rendus précis, preuve que les Tartessiens avaient bien fait le tour de l'Afrique. L'expédition de Necos se réalisa comme prévue. L'expédition d'Hannon, qui date de 350 avant J-C,.selon Pline, engagea 60 bateaux et déplaça, par étapes successives plus de 30.000 personnes qui vont établir des comptoirs sur la côte occidentale de l'Afrique. Les bateaux éclaireurs atteindront, eux, les rivages du Mont Cameroun appelé le Char des Dieux sans doute par les explorateurs de la route des Chars au XV°/XIV° siècle avant J-C. En 1497, Vasco de Gama pensait être le premier à doubler le cap des tempêtes mais ses compatriotes les Tartessiens avaient déjà réalisé l'exploit 30 siècles plus tôt.


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Au début du premier millénaire avant J-C, les Phéniciens peu nombreux mais disposant d'une puissante marine se fixent sur des bases côtières et vivent de leur négoce sans interférer avec les systèmes politiques de l'arrière pays, ainsi toute poussée démographique les incite à fonder de nouvelles colonies. Les lieux choisis pour les bases maritimes étaient caractéristiques: Carthage, Gadès et Peniscola formaient en ces temps là des rochers isolés de la côte. C'étaient des positions sûres mais peu favorables au mouillage d'une flotte à la mauvaise saison, les bases privilégiées seront celles contiguës à une baie plus ou moins prononcée mais peu profonde. Là les bateaux étaient ancrés sur une ou plusieurs poches de filets garnis de cailloux. Ces charges de 3 à 5m3 représentaient des poids relatifs de 4 à 6 tonnes et pouvaient se déplacer légèrement en cas de grosse sollicitation, ainsi le filon ne cassait pas. Sur les 3 derniers siècles avant J-C, la concurrence est rude en Méditerranée et les Puniques développent Carthage afin de s'assurer la maîtrise du bassin occidental. La ville devient la métropole d'un vaste territoire. Gadès qui contrôle toutes les routes maritimes au-delà des Colonnes d'Hercule connaît le môme développement. L'Andalousie et la Costa del Sol deviennent possession des Puniques qui fondent Carthagène. Cette nouvelle puissance territoriale fait de l'ombre à Rome, ce sera sa perte. A Carthage, la lagune (A) protégée par des compressions dunaires (B) s'ensable rapidement, il faut réaliser d'importants travaux pour maintenir en eaux profondes deux bassins à vocation militaire (C,D) et deux autres à vocation commerciale (E,F). La cité s'appuie sur une citadelle (G) et se développe en retrait des bassins, tracé probable en 250 avant J-C (H,J,K). Tout sera détruit par les Romains qui construiront une nouvelle ville de type augustéen avec cirque (L) et amphithéâtre (M). Un maillage beaucoup plus vaste (P,Q) doit servir à fixer les populations d'origine indigène.


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L'ilot rocheux de Gades (A) protège une vaste baie où se jette ie fleuve du pays des Tartessiens (B). Le site va tenter les navigateurs venant de Méditerranée. De là ils peuvent commercer avec les Atlantes sans interférer avec leurs prérogatives politiques, l'oppidum de ces derniers étant installé sur le mont des Tartessicns (C). Les Phéniciens seront les premiers à prendre contact vers 1200 avant J-C mais sans se fixer. Leur installation permanente semble dater de 700. Vers 600, les Grecs arrivent a leur tour et choisissent une petite crique (D) située à l'embouchure du fleuve (E). Ils fondent Port Ménesthée (F) et vivent en bonne intelligence avec les autochtones. Ultérieurement, les Carthaginois pourchassent les Grecs qui abandonnent le domaine atlantique mais ils seront vaincus par les Romains qui s'imposent à leur tour. Les alluvions charriées par le fleuve encombrent la baie (G), et les digues des voies romaines (H,J,K) achèveront son envasement.


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Instrument de leur hégémonie maritime, la trirème tint une grande place dans le coeur des grecs mais la conception révéla vite ses faiblesses techniques. Afin de restituer cette embarcation "mythique" procédons par ordre. D'abord un aviron de longueur moyenne (5,20m) et de 7 à 8 kg bien équilibré (A), moins de 1 kg pour la pelle immergée (B). Une disposition en charpente (C) nous semble indispensable, elle donne une largeur de plateau de 6m (D) recevant 60 rameurs (6 x 10). La longueur sera de 17m environ (E). Maintenant plaçons ce plateau de rames de 17x6 sur une coque de 32/33m hors tout (F). Le profil demeure satisfaisant mais l'excellent rendement hydrodynamique sera donné par le très faible tirant d'eau (G). De construction légère, cette coque pesé moins de 23 tonnes et 34 tonnes avec 90 hommes à bord. Le rapport poids puissance donne une très bonne accélération, facteur essentiel pour se mettre en condition d'éperonnage. Face aux coques civiles réquisitionnées par leurs adversaires, ce bateau de guerre, spécifique mais fragile, va dominer le contexte de la mer Egée.


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Certains auteurs tiennent à imaginer les rameurs de l'antiquité installés sur des bancs perpendiculaires, c'est irrationnel et peu probable. Cette disposition (A) qui donne une action optimum (B) sur 80/85cm ne convient qu'aux avirons de 15 pieds sur embarcation de très petit bord (inférieur à lm). Pour les coques plus grandes dont le point d'articulation se situe entre 1,40m et 1,70m, selon la charge, l'aviron optimum doit faire 20 pieds (D) et son poids voisine 10kg. Sa manoeuvre sera beaucoup plus rationnelle avec une selle glissante (E) et un cale-pieds (F). L'action se développe alors sur 1,15m environ. Les selles glissantes seront liées par une baguette (G) encastrée dans une rainure (H), ceci afin de mieux synchroniser la ligne de rames, nous pouvons même imaginer un dispositif couplant les deux lignes. Une rame de 20 pieds avec un rapport de 1-2,3 donne alors un diagramme d'action se développant sur 2,80m environ. Après un passage en négatif (J) pour l'introduction de la pelle, le temps travail se développe sur 2m avant la sortie (L). Le coup de rame varie selon l'effort, 12 à 16/10° de seconde au démarrage, 10 en accélération et 8 en navigation soutenue. La vitesse de la pelle est alors voisine de 2,5m/s, ce qui autorise une vitesse de 7km/h (si le rapport poids puissance l'autorise). Le navire parcourt 160 à 170km par 24H. Sur les grandes galères romaines, les rangs de rames (M,N) sont placés sur une charpente (P), indépendante de la carène. C'était l'innovation réalisée par les Grecs sur les trirènes. Les rameurs sont protégés d'un filet (Q) qui sert à la manoeuvre des voiles. Il est accessible par une coursive centrale (R). Une coursive latérale (S) permet de circuler hors du domaine de manoeuvre. Les Romains qui n'avaient aucune expérience maritime vont confier leurs premières galères à des soldats devenus rameurs et, pour le légionnaire embarqué, un confort minimum est de rigueur. La partie centrale est garnie de couchettes (T). Les navires à qui l'on confie des courses rapides peuvent alors embarquer un excédent de rameurs qui assureront les relèves. Ces navires de guerre ne transportent aucune charge. Les bateaux marchands vont eux, prendre une orientation radicalement différente.


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Avec 80 rameurs sur une coque de 40m de long sur 6m de large (la carène), et une construction légère, planches de carène 25 à 28mm, plancher de pont 20mm, couple épaisseur 80mm, nous obtenons un navire de 45/50 tonnes avec équipement et gréément. Ajoutons l'équipage, 100 hommes avec vivres pour 4 semaines, soit 20 tonnes, nous arrivons à 70 tonnes sur une coque bien profilée. Elle peut atteindre 8,5 km/H grâce aux 16/18 H.P développés par les rameurs en plein effort (36/40kg dynamométrique sur l'aviron). L'avant comporte un éperon (A) une passerelle d'abordage (B) des rampes d'accès articulés (C) la gouverne est à deux rames (D,E) reliées par des câbles (F) et des guignols (G). Le câble est manoeuvré par un cabestan (H) et bloqué à la pédale (J). L'ensemble est relevablc avec le treuil (K). Les galères avaient peut être des dérives (L) escamotables (M). Le château arrière (N) est équipé en cambuse (P) et reçoit le pilote, ses cartes et ses instruments.


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Avec le développement économique qui caractérise la période de la Tène, dès 600 avant J-C, le progrès technique implique des produits de provenance très diverses. Il faut les rassembler, et si les charges sont importantes la navigation fluviale s'impose. Initialement, les demandeurs organisent une course pour aller chercher les produits nécessaires mais avec le développement du trafic, les marchandises sont prises en charge par des bateliers spécialisés. Pour rentabiliser leur rotation et développer leur flotte ceux-ci vont répondre à la demande et proposer des produits nouveaux. Le poisson de rivière qui doit parer à certaines carences alimentaires ne suffit plus, les clients demandent du poisson de mer et la pêche côtière qui couvrait naguère les besoins des villages riverains connaît ses limites. Il faut maintenant s'éloigner de la côte avec des bateaux plus gros, préparer le poisson péché et le préserver avec du sel, le produit sera ensuite acheminé vers l'arrière pays. Une fois le marché lancé, la demande va s'accroître considérablement. Les bateaux de pêche se spécialisent et se distinguent des navires de charge comme des coques polyvalentes qui pratiquent les fleuves et le cabotage. La pêche à la traîne ne suffit plus. Il faut travailler avec des filets et les marins découvrent que ce mode de travail est surtout performant pour les poissons qui se déplacent en bancs telle la morue. Une fois sur le lieu favorable, il faut se maintenir longtemps en haute mer, une semaine et plus. La construction navale doit répondre à la demande spécifique des pêcheurs.

Les embarcations se présentent comme de grosses barques pontées, 12 à 16m de long pour les petites, 16 à 22m pour les grosses. Aux coupes multiples de l'Age du Bronze succèdent, des pièces travaillées et chevillées, moins nombreuses (A) tandis que le carénage est fait de planches en superposition. La coque qui doit affronter de fortes houles possède un avant volumineux (B) qui se dégage bien de la vague. L'arrière a conservé la technique des bateaux mixtes avec une grande gouverne (C) comme sur les gabares. Le bastingage porte des emplacements de rames (D) mais la navigation de mer se fait essentiellement à la voile, une grande (E) qui sert à la propulsion et une petite (F) qui facilite les manoeuvres. Ce sera le gréément adopté par les navires de charge romains. Le système est moins performant que la disposition avec livarde mais aussi moins fragile aux forts coups de vent. Les Tartcssiens avaient déjà admis cette contingence. Pour le conditionnement du poisson, les petits tonnelets qui suivaient le produit laissent place à des tonneaux de charge (G) maintenus en place par des cales de bois. Le poisson sera reconditionné à terre selon la demande. Ces tonneaux manutentionnés (H) avec un mât de charge (J) seront stokés en position externe (K) puis placés au centre de gravité (L) pour le chargement et le retour. Sur l'Atlantique ces tonneaux deviendront la mesure de charge, ce sont probablement ces gros bateaux de pêche que César dut affronter chez les Vénettes.


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Vers 300, les Romains manquent de grain, ils ont recours au marché de Putéoli approvisionné par les bareaux grecs. Ensuite, ils prennent contact avec les Gaulois et découvrent l'énorme potentiel céréalier de ce pays mais le Rhône ne donne pas un accès direct aux bonnes terres septentrionales. Les grands fleuves de pénétration débouchent sur l'Atlantique. Après la destruction de la puissance carthaginoise, la route océane est ouverte aux Romains mais ses eaux sont soumises à marée, un contexte nouveau pour les constructeurs greco-latins. Ici les bateaux sont échoués à grève, puis déchargés et chargés avant que la marée les remette à flot, au mieux les riverains installent une chaussée de pierre pour éviter que le fond de coque ne s'envase. Pour les Romains, tout est à concevoir: bateaux de charge, installations portuaires, mais aussi articulation optimum des voies commerciales. Les marchands venus de Méditerranée avaient déjà constaté qu'il existait sur les grands fleuves des points où courants et marées s'équilibraient et ce phénomène permet d'établir des quais avec niveau d'eau constant. Lisbonne, Bordeaux, Nantes, Rouen et Londres qui bénéficient de telles conditions seront les grands ports romains, restent à concevoir les navires de charge et là, ces gens pleins de ressource seront, semble-t-il, handicapés par le mode de gréément traditionnel. Les premiers cargos de 3/4.000 amphores destinés à l'Atlantique restent fidèles au mât unique (A) avec voile rectangulaire (B) montée sur une grande vergue coulissante (C), ainsi le mât doit être tiré d'un seul tronc, ce qui limite la hauteur du gréément à 15/18m au dessus du pont, soit au mieux 250 à 300m2 de toile. Une petite voile avant (E) facilite les manoeuvres. Avec ces gros navires, il n'est plus question de s'échouer sur une grève providentielle en cas de problèmes, ils vont donc naviguer à la belle saison avec des vents modérés et des vitesses très faibles. Le temps de rotation des ports de l'Atlantique à la Méditerranée permet, au mieux, deux à trois voyages par saison. Dans ces conditions, les armateurs qui entendent diminuer les coûts choisissent de développer les tonnages, soit 6.000, 7.000, voire 8.000 amphores pour des coques qui atteignent 3m de tirant d'eau. Le grand port de Trajan à Rome offrira une profondeur de 4m. Pour manoeuvrer ces monstres de 55m de long sur 10m de large il faudrait des rames de 24 pieds (F) travaillant sur un angle défavorable. Ce mode de propulsion est abandonné pour le long cours et les postes de rames (G) qui subsistent sont confiés à des marins embarqués à l'approche des ports. Ces cargos avec couple charpenté (H) et carène calfatée (J) préservent un fond de cale humide (K) et disposent de volume étanche (L). L'affrètement se fait dans une petite cale avant (M) et dans une grande (N) située en arrière du mât au centre de gravité. Ces cales étanches ne représentent que 2/3 de la capacité mesurée en amphores. C'est le seul volume exploité sur l'Atlantique afin de limiter les effets du tangage (P) acceptable sur une amplitude de 15 à 18° (Q). Pour réduire le mouvement il faut augmenter le volume de proue (R) comme sur les carènes gauloises.


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Aux premier temps de la République, un petit nombre de navires de mer remontent le fleuve pour accoster en aval du haut fond de l'Ile Tibérine. Ce port sera inclus dans le périmètre du mur servien. Dans sa configuration naturelle le site d'Ostic n'offrait alors que peu d'intérêt pour les navires de charge mais les pêcheurs y sont nombreux. Au large, les alluvions (A) apportés par le fleuve vont se mêler au sable que les courants (B) brassent sur la côte et l'amalgame forme un haut fond (C) dont il subsiste l'île (D). La profondeur d'eau tombe à 4 pieds en un temps où le tonnage des bateaux s'accroît, il faut maintenant décharger les coques moyennes et grosses et transporter les marchandises jusqu'à Rome (25km de route, 40km de rivière). Ce transbordement nécessaire fait la première fortune d'Ostie mais les bateaux qui s'amarrent face à l'estuaire sont exposés aux coups de vent et certains préfèrent s'abriter à 5km au nord, dans une baie (E) protégée des sables par une petite presqu'île en dur (F), celle qui a justifié le méandre du fleuve (G). Au temps de Claude, vers 44/50 après J-C, cette baie est aménagée avec des quais en dur et des magasins de transit. Ultérieurement, des bassins artificiels (H) compléteront l'équipement portuaire et l'ensemble sera relié au fleuve par un canal artificiel (J) communiquant directement avec la mer (K). Les eaux du Tibre trouveront là un circuit préférentiel ce qui évitera l'envasement. Rome a maintenant son port de mer avec une baie de mouillage de lOha environ (L). Ostie devient un port d'attache, ce sera sa seconde fortune, mais les bassins de déchargement deviennent vite insuffisants. Deux générations plus tard, il faut mettre en chantier le grand port de Trajan (M).


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Au siècle d'Auguste, Rome se développe et s'enrichit. Il faut maintenant nourrir le million et demi de personnes que compte la métropole et sa grande banlieue. Il faut également fournir en superflu les patriciens et riches bourgeois nombreux à suivre les goûts de luxe manifestés par certains empereurs et leurs courtisans. Le volume de marchandises qui transite par le nouveau port de Claude (A) s'accroît sans cesse et les temps de manutention restent longs. Certes l'aménagement portuaire comporte des grues mobiles de 10 tonnes et des chèvres fixes de 20 tonnes mais ces engins impliquent un accostage de bord qui réduit la capacité des quais. D'autre part, la majorité des marchandises a été conditionnée dans de petites installations portuaires selon un mode manuel. Maintenant les quais d'Ostie fourmillent de ces porteurs qui, telle une longue chenille, tournent de la cale aux quais par deux passerelles installées sur la proue des navires. Le port de Claude est bientôt saturé ce qu'il faut c'est un grand développement de quai avec un vaste bassin facilitant la mise en place des grosses coques. Le port est maintenant équipé de remorqueurs, des grands plateaux sur flotteur, où s'activent 40 à 60 rameurs sur quatre rangs. C'est le nécessaire pour manoeuvrer les gros cargos de 6 à 8.000 amphores, soit 5 à 700 t. métriques, selon le fret.

Le port de Trajan forme un vaste polygone à six côtés de 357m (B). Il est implanté dans l'axe du bassin principal de Claude (C) mais séparé par une large bande de terre de 50m de large (D) qui sera abattue pour la mise en eau. Les quais sont réalisés en bel appareil sur fondations puissantes. La capacité maximum de ce nouvel ensemble est de 80 grosses coques, 110 moyennes et 170 petites. Le canal Tibre/mer (E) déjà relié au port de Claude (F) est à nouveau joint par un chenal (G). La digue de 200m (H) réalisée en sacrifiant la grande galère de Caligula, longue de 100m (J) et qui donnait accès au phare de Claude (K) sera prolongée de 350m avec des fanaux auxiliaires (L). Le passage réduit à 170m évite les rentrées de sable. Les navires sont mis en attente sur les quais externes (M,N). Le véritable grenier de Rome se trouve maintenant à Ostie. Là également seront stockés les marchandises qui doivent remonter le Tibre vers l'arrière pays et les bâtiments construits autour des deux ports sont nombreux et de très gande taille. Le grenier (P) mesure 50 x 148m, ses voisins (Q,R) 40 x 180 et 170 et chacun comporte un minimum de trois niveaux. Tout cela sera détruit et recouvert par les alluvions. Nos connaissances sont dues aux fouilles récentes réalisées lors de la construction du nouvel aéroport de Rome.


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Mis à part les 370 tonnes de l'obélisque du cirque de Caligula nécessitant une embarcation spéciale, les monolithes de 10 à 50 tonnes étaient courants. Les grosses colonnes des caldarium pesaient plus de 45 tonnes, celles des basiliques du forum 20 à 30 tonnes et les fûts de 8 à 12 tonnes étaient d'usage fréquent. A cela s'ajoutaient les pierres brutes de 6 à 12 tonnes. Une bonne part de ces matériaux venait des rives sud de la Méditerranée et prenait place comme fret ordinaire, il fallait donc les décharger avec des grues portuaires et les installer sur des barges remontant le Tibre. Nous connaissons, par un bas relief très précis, une chèvre de chantier de 10 tonnes (A) précédemment étudiée, et les procédés techniques exploités nous permettent d'imaginer un mât de charge de 20 tonnes. La rotation se fait sur un socle (B). Les cages à écureuil (C) soulèvent la charge, les auxiliaires (D) manoeuvrent le mât. Ces éléments ne posent aucun problème, les points critiques se trouvent aux petites articulations où les contraintes deviennent considérables. Les poulies (E) et (F), ainsi que le moufle (G) demandent des ferrures externes et sans doute des paliers de cuivre ou d'étain moulés ou roulés sur les axes.


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En Méditerranée, la navigation antique se fait à la rame et la voile n'est qu'un appoint oceasionnel mais le développement des coques va rendre ce mode de propulsion peu efficace. Les navires de la Guerre de Troie exploitaient des avirons de 16 p.r et de 6 à 7 kg sur une hauteur de bordage variant de lm à 1m 20. A l'époque classique, pentécontores, trirèmes et galères romaines limitent leur hauteur de bordage sur une plage optimum allant de lm 4() à lm 80 et les avirons passent à 20 p.r pour un poids de 10 kg environ. L'énergie absorbée par le mouvement alternatif s'accroît, diminuant d'autant le rendement des hommes. Avec l'accès à l'Atlantique, le dessin des carènes change radicalement. Sur les gros cargos le point d'articulation de la rame se situe entre 3 et 4m ce qui nécessite un aviron de 24 p.r, d'un poids de 14 à 15 kg. Le rendement du rameur devient dérisoire d'autant que l'angle d'action (A) qui atteint 5$° demande un mouvement angulaire (B) voisin de 30°. D'autre part, la position du rameur (C) varie selon la charge. Ces gros cargos conservent leur poste de rame mais l'usage en devient exceptionnel, il faut replacer le rameur en condition optimum, d'où l'idée d'un plateau de remorquage destiné aux manoeuvres dans les estuaires et dans les bassins. L'expérimentation a orienté l'évolution comme suit: retour à l'aviron de 16 p.r. Pour un travail en puissance la vitesse de la pale n'a pas d'intérêt et nous choisirons un rapport de 1 à 2 (D,E). Notre restitution place 40 rameurs sur un plateau de travail de 16 x 5m 20 installé sur deux flotteurs (F) de 15 x lm 80. Cette disposition contrarie la mise en rotation de l'engin, l'élinguc se fixe en (G) pour éviter le cabrage, elle est maintenue dans l'axe par le portique (H). L'engin peut également pousser grâce au matelas de corde (J), la coupe (K) donne des cotes jugées satisfaisantes.


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Rome a toujours vécu au-dessus de ses moyens. Avec une assiette économique d'un développement optimum, cette métropole moyenne voit sa population limitée à 20/25.000 personnes, 30/35.000 avec des transferts de richesses de caractère privé, un seuil qui fut franchi très tôt. Par le jeu de l'impôt qui se superpose aux revenus du libre échange, la ville va exploiter loujors davantage les richesses de l'Italie centrale et, bientôt, la productioin rurale ne suffit plus à nourrir les bouches citadines, il faut importer du blé. La cargaison des bateaux qui naviguent à la belle saison vient de la récolte précédante, d'où le rôle capital du stockage où les négociants privés se transforment vite en spéculateur. La métropole doit gérer elle-même des réserves importantes afin de bénéficier de la libre concurrence qui règne sur les marchés méditerranéens. Après un bon siècle où ce sont les conquêtes de l'armée romaine qui nourrissent Rome, il fallait que la ville assure ses besoins par le négoce régulier. La consommation moyenne journalière d'un individu se situe vers 700gr de pain, ce qui représente 850 à 900 gr de blé. Comme les bouches à nourrir dans le grand Rome dépassent 1.500.000, la sécurité pour une saison de 300 jours représente 270kg par habitant, soit 400.000 tonnes pour l'agglomération dans son ensemble. Pour nous c'est un très gros tanker, pour la navigation antique c'est 1.000 cargos de tonnage moyen.

Le grain est placé sur un dallage de briques porté par un plancher de bois. Le grenir mis en obscurité relative le jour est aéré durant la nuit. Des tiges de bambou percées sont plantées dans les tas de grain pour aération, elles donnent également les signes avant coureurs de la fermentation. Il faut alors brasser le stock incriminé. La sécurité implique des tas de faible épaisseur, nous dirons 300.000m2 pour 400.000 tonnes. La grange céréalière représentée dont nous connaissons les fondations se situe au sud du port de Trajan. Les deux niveaux de cet énorme bâtiment représentent 14.000m2 utiles. Il faut donc une vingtaine de greniers de ce type pour assurer la sécurité alimentaire minimum de Rome, mais nous devons prendre en compte les constructions du vieux port et les stockages privés (meuniers et boulangers).

Le bâtiment représenté comporte un premier niveau (A) bien aéré mais obscur, ce sont les conditions d'une cave. Là sont stockées les amphores d'huile et de vin. Des viandes fumées placées sous voile de lin sont isolées dans des locaux que l'on peut mettre en fumée pour désinfection. Rome stockait également des viandes salées en barrique, selon le procédé gaulois. Les étages à grain (B,C) sont sérieusement aérés, le circuit part du premier niveau, passe par les cheminées (D,E) pratiquées dans les plafonds et l'aération finale débouche sous un hangar (F) établi sur la terrasse. Toutes les aérations sont garnies de grillage métallique, mais pour se protéger des rongeurs dont l'adresse et l'imagination sont sans borne, les Romains importeront le chat égyptien qui avait fait ses preuves dans les greniers d'Alexandrie. C'est peut-être l'origine de notre matou domestique.


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Le phare d'Alexandrie, l'une des sept merveilles du monde antique qui s'écroula en 1302 après J-C fut victime de sa qualité. Le fût polygonal dont les arêtes étaient structurées d'énormes blocs de pierre récemment identifiés dans le bassin du port représentaient un poids énorme et le constructeur qui s'était fié à une couche de sable et de gravier ignorait qu'il s'agissait là d'un ultime strat de l'énorme delta. Le fût (A) va poinçonner sa base (B) composée de matériaux tout venant, probablement sans mortier (C) et cet affaissement lent et progressif va entraîner une inclinaison inquiétante. Quelques siècles plus tard, il faut "manchonner" le fût avec une énorme structure quadrangulaire (D) truffée de galeries (E) pour en réduire le poids. Cette base sera sans doute transformée en défense ou en casernement à l'époque du Bas Empire. Le fanal du sommet (F) a fait couler beaucoup d'encre. Les diverses portées données par les textes prouvent que le système de feu fut plusieurs fois modifié, amélioré. Les 70km parfois mentionnés supposent une combustion gazeuse à longueur d'onde courte


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Les premiers navigateurs vont mémoriser les routes suivies, ensuite, ces précieux renseignements seront consignés par écrit et confiés aux géographes. Pour gagner l'Italie, les bateaux grecs longent la côte d'Epire et de la pointe septentrionale de Corfoue, marchent au couchant (A). Il faut donner la description des côtes pour identification des terres puis fixer les caps successifs, selon une référence commune, et enfin estimer le temps de navigation. Celui-ci est mesuré en journées de rames et le cap donné par rapport au soleil dont la course est décomposée en douze secteurs équivalents. La nuit le sera également. La route d'Italie suivie par les Grecs peut se transcrire ainsi: 1er tronçon (A,2) à la troisième heure de nuit avec repère sur la côte, Ilème tronçon (A,3) une bonne journée de rame au couchant. Cependant, en mer, et faute de repère, les marins ne peuvent que mesurer la hauteur du soleil (B) mais elle varie constamment selon les saisons. Il faut exploiter une table qui précise que la hauteur (B,3) correspond à la 3ème heure sur une course annuelle de l'astre (B,4) à préciser sur le calendrier. La hauteur du soleil était mesurée sur terre par la projection de l'ombre d'un stylet (B,l), môme chose sur mer, (B,2). Mais, très vite, les navigateurs vont constater que les tables donnant les variations annuelles du soleil ne sont pas les mêmes à Rome, à Carthage ou a Alexandrie (C). Les angles de référence X,Y,Z qui représentent la hauteur du soleil de midi mesurée le jour du solstice d'été vont fournir une première indication des latitudes Cl, C2, C3, où se trouvent les villes méditerranéennes. Entre temps, les géographes ont codifié chaque route et pour joindre A4 et A5 en direct, il faut 4 1/2 jours de rame en navigant à la 1 lème heure de jour. Affinées, les tables donneront les latitudes correspondantes. Cependant, faire le point A6 reste très difficile, une seule mesure possible s'offre aux marins. S'il s'est écoulé 23h 3/4 entre deux passages du soleil au zénith, le bateau s'est déplacé vers le Levant, il a navigué vers le Couchant si la mesure donne 24h 1/4, d'où l'importance capitale de la mesure du temps journalier pour le positionnement en longitude.


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La première mesure du temps journalier fut donnée en mesurant l'ombre portée d'un bâton (A) avec une cordelette à noeuds (B). Ces observations consignées permettaient d'obtenir l'angle (C) et, par conséquent les points cardinaux à toute heure du jour. Ce procédé donnera une figure de référence dite cadran horaire. Le tracé au compas fournit les points 2,4,8,10, les autres sont obtenus par les bissectrices (D). A l'intérieur du secteur horaire, elles donneront également les fractions toujours en usage, la demi-heure, le quart d'heure. Cette figure va inciter les astronomes à découper la journée en 24 fractions égales; ce sera l'heure astronomique en opposition avec l'heure solaire qui varie selon les saisons. Les premières horloges astronomiques exploitent l'écoulement de l'eau (E) dans un trou calibré (F) régularisé par une hauteur de charge constante (G) fournie par le trop plein (H). Il suffit ensuite de remplir équitablement 24 éprouvettes (J) entre deux zénith. Une fois l'horloge réglée et en place dans un local saturé d'humidité pour éviter l'évaporation, il suffit de lire les fractions horaires sur l'éprouvette (K). Les plus petites donneront les minutes mais la genèse de cette décomposition sera longue et passe par l'étude des cadences usuelles. Chaque ville antique aura son horloge astronomique, les marins, eux, utiliseront le clepsydre où l'écoulement du réservoir (L) demande une heure, mais la charge est variable, ce qui interdit une décomposition graphique (M) des fractions horaires, il faut les graver selon une horloge astronomique. Le sablier, lui, donne un écoulement constant mais pas les graduations intermédiaires. Ce sont les militaires qui, les premiers, vont mesurer le pas horaire, la cadence, et c'est l'origine d'un fractionnement très arbitraire en 3.600 (60 x 60) secondes, mesurées avec un goutte à goutte maintenu en charge constante (N) en l'inclinant (P). Il servira aux premières mesures de vitesse sur mer (nombre de noeuds équidistants d'une cordelette filés dans la main en un temps X, à partir d'une ancre flottante).


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Pour le paysan du delta du Nil, les phénomènes saisonniers se répètent selon un cycle et cette évolution semble liée aux mouvements du soleil, trajectoire haute à la saison chaude et basse à la saison fraîche. Mais cette notion demeure très aléatoire, chaque petite communauté, chaque village se base sur l'observation d'une ombre portée prise en référence, mais rien n'est consigné. Un jour un esprit, que nous dirons carthésien avant l'heure, entreprit de mesurer le phénomène. Sur une pierre planée au niveau à eau il plante une tige métallique dressée au fil à plomb, ensuite il entreprend de marquer ses observations journalières puis de les consigner parallèlement sur une tablette. Quelques années plus tard, il a déterminé deux constantes annuelles, une ombre portée mini, correspondant au milieu de la saison chaude et une ombre portée maxi. correspondant également au milieu de la saison fraîche, le cycle complet demande 365 jours. La table qu'il venait de rédiger constituait le premier calendrier. Nous avons conservé la définition latine de ces mini, et maxi., ce sont les solstices d'hiver et d'été. Ensuite, dès que l'heure astronomique supplantât l'heure solaire, l'équivalence jour/nuit devint l'équinoxe. Au Moyen Age, l'église qui se méfiait des astronomes fixe son propre calendrier en comptant les jours, mais le chiffre de 365 n'est pas exact, d'où un lent décalage au fil des années. Il faut revenir aux solstices. A Chartres, la mesure était faite grâce à l'impact sur le dallage d'un rayon lumineux issu d'un orifice dans la rosace sud. Le repère sera ensuite marqué d'un petit pavé de bronze. Mais cette mesure astronomique renaissante ne modifiera pas le calendrier lithurgique.

A cet instrument formé d'un stylet sur une surface plane, nous donnons aujourd'hui le nom grec de gnomon (indicateur). Exploité selon l'heure astronomique sur 24 heures, puis à l'aide de tables précises sur 365 jours, ses aptitudes théoriques deviennent considérables. A l'usage des navigateurs, il est constitué d'un stylet métallique (A) sur un plateau de bronze (B) et devient transportable, la mesure de l'ombre portée se fait à l'aide d'un curseur (C) quant à la planéité elle sera donnée par une visée (D) sur l'horizon, c'est le plus sûr moyen dans un bateau en perpétuel mouvement. Le gnomon devenu compas donne la position en latitude de la manière suivante: exemple, au 34ème jour après le solstice d'été, l'ombre du zénith se situe à la valeur X à Rome et Y à Carthage, les valeurs mesurées donnant les positions intermédiaires. D'autre part, au sol, les quatre points cardinaux sont connus mais pas en mer, le gnomon-compas permet de les déterminer de la manière suivante. Au 34ème jour, la table dit que la hauteur du soleil de la 3ème heure sera de X' à Rome et Y' à Carthage, il suffit alors de mettre l'ombre portée sur la graduation et le curseur sur la 3ème heure pour avoir les points cardinaux et fixer ensuite le cap de navigation.

Nous avons suivi l'évolution technique de manière intemporelle mais le cheminement analytique semble achevé à la fin du siècle d'Auguste. Le tracé des voies romaines en Gaule témoigne d'une très bonne connaissance des positions relatives des cités mais les agents voyers romains manquaient de références scientifiques pour consigner leurs observations.


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Au temps de Strabon, les navigateurs méditerranéens ont pris coutume de se fixer sur une latitude arbitraire passant par Rhodes (A) et les colonnes d'Hercule (B). C'est notre 36eme parallèle et toutes les valeurs estimées en stade (C) sont données par rapport à cette référence, mais les grecs, en froid avec Carthagc, n'ont que très peu de renseignements sur le Bassin Oriental de la Méditerranée et moins encore sur la côte Atlantique. L'ouvrage de Strabon porte la marque de cette lacune. Le dessin des côtes, (D,E,F,G) est aberrant. D'autre part, l'auteur qui va réaliser la plus importante compilation géographique de l'antiquité entend projeter sur le monde connu une vision apparemment rationnelle. Les distances qu'il donne sont satisfaisantes mais sa planisphère se trouve comprimée dans une ellipse où la représentation de l'Inde et de l'Afrique sont fantaisistes (H,J,K,L). Cette interprétation sera lourde de conséquences pour les navigateurs des siècles à venir qui se figurent le monde comme une unité entourée d'eau et dont il est dangereux de s'éloigner. Les Scandinaves, qui se fient aux glaces dérivantes pour juger l'Atlantique Nord comme une mer fermée, seront beaucoup plus audacieux.


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CONCLUSION

Sur cette brève étude consacrée à la navigation antique, nous avons choisi de planter le décor socio économique et de traiter les embarcations selon des filières technologiques où les besoins seront satisfaits dans la mesure des moyens. Cette démarche apparemment arbitraire nous a permis de placer less rares témoignages conservés en bonne position sur une échelle logique et de mettre en évidence les lacunes à combler. En Méditerranée, la synthèse des coques égyptiennes avec les formes des navires de course venus de la mer Noire, mèneront aux gros bateaux de Tyr exploités par les Phéniciens vers 800/700 avant J-C, mais sur ce long chemin parcouru, nous pouvons imaginer une demi douzaine de phases intermédiaires. Même chose dans le domaine Scandinave. Des navires de peaux sur carcasse ligaturée, jusqu'aux drakkars de l'époque carolingienne, il faut admettre une multitude de phases intermédiaires où figurent la remontée des influences méditerranéennes ainsi que les contacts avec les artisans romains. Enfin, sur Y Atlantique, ce même navire de peau donnera après une longue mutation de 20 siècles, le gros navire de Tartcssos tandis que les 10 siècles suivants aboutiront aux navires Gaulois, le tonneau, davantage embarcation de pêche que de charge. Cependant, sur ces vastes zones d'ombre, la règle applicable nous semble toujours la même; les moyens de navigation mis en oeuvre doivent répondre aux besoins mais dans la mesure du possible. Mieux vaut traiter ainsi la navigation antique que d'exploiter outre mesure les trop rares témoignages disponibles. D'autre part, cette évolution préhistorique nous permet de rejoindre de manière rationnelle les bateaux de l'époque historique.

Avec les ponts établis sur les grands ports d'estuaires, comme Sévillc, Bordeaux, Nantes, Rouen et Londres, les bateaux de mer ne peuvent plus remonter les fleuves. Il faut de ce côté concevoir un navire spécifique de fort tonnage, ce sera l'ancêtre de la gabarre ou de la besogne (A), une embarcation de 12 à 16m de long sur 3m de large avec deux pistes (B) pour avancer à la perche sur les hauts fonds. Elle comporte également une voile (C) pour un usage opportuniste. Enfin, la gouverne est assurée par une très grande rame comme celle exploitée sur le Nil trente siècles plus tôt. Sur mer, la nave (D) est une embarcation directement dérivée du tonneau gaulois, avec seulement un avant plus volumineux (E) afin de mieux réagir à la lame. Les couples visibles (F) représentent une originalité de conception qui peut s'expliquer par le manque de grandes lames de scie. Le carénage est constitué de petites planches (G) refendues. La même filiation peut se concevoir pour le drakkar. Ce bateau de course, qui va surprendre les navigateurs de l'époque carolingienne voués aux grosses coques de haut bord, était l'héritier lointain des grands bateaux de peau sur membrure ligaturée mais il descendait plus directement des embarcations qui, 15 siècles plus tôt, avaient traversé l'Europe de l'est pour déboucher en Méditerranée. Ce drakkar avait conservé les deux dérives (H) que nous avons remarquées sur le navire de Tartcssos. A défaut de certitude, nous avons là une filière logique permettant de placer en bonne situation les découvertes ultérieures.