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Demeure de fonction
Demeure de fonction (I)
Les grands chantiers des collégiales et des cathédrales qui se développent en ville, dès le XII°, connaissent des interruptions et ne sont sans doute pas suffisants pour occuper tous les maîtres d'œuvre et compagnons disponibles. Beaucoup d'entre eux sont sans emploi et tentent de motiver un noble ou un grand bourgeois afin qu'il entreprenne une construction de nature à mettre en évidence l'état auquel il aspire. La vanité du client a toujours été un excellent recours pour les bâtisseurs. Ainsi le XII° voit s'élever de riches demeures avec des fenêtres qui ont tous les caractères des arcs de cloître (A). La formule n'offre aucun intérêt. Elle est coûteuse et gêne l'installation des volets et croisées d'intérieur. Ainsi le décor est souvent de façade et le revers traité en embrasure rectangulaire pour faciliter le montage des cadres de bois. Ces baies (B) sont généralement réservées à une salle d'apparat qui occupe la majorité du deuxième niveau. Elles sont complétées par de petites fenêtres en plein ceintre (C et D). Au premier niveau, l'accès à la cour intérieure se fait par une porte (E) qui doit permettre le passage d'un cavalier monté. Les piétons utilisent la chattière (F). Une moitié du rez-de-chaussée est occupée par une pièce commune (G), l'autre moitié est aménagée en cellier. Dans les régions où la bonne pierre est abondante, le grand appareil s'impose en parements. Le mur est généralement de trois pieds nominaux et toutes les fenêtres sont avec embrasure (J). Les planchers établis sur solives (K) et poutres maîtresses transversales (L) sont garnis de dalles de pierre (M) ou de briques surfacées (N). C'est un luxe ordinaire.
Ces deux étages en dur sont coiffés d'un vaste comble où les chambres des serviteurs ouvrent sur des lucarnes (P) et la couverture généralement en bardeaux porte sur une charpente en faisceaux avec niveaux en encorbellement (Q). La composition impose de grosses solives multiples disposées en perpendiculaire (R) mais le dernier plancher ne reçoit que peu de charge. Ce modèle de combles fit l'objet d'une querelle de spécialistes, au XIX°. Viollet le Duc défendait leur existence, d'autres la niaient catégoriquement, pour la France du moins. C'était une charpente à la germanique, disait-on. Ces demeures bourgeoises de ville offraient alors un confort bien supérieur à celui que nobles et féodaux trouvaient dans leur donjon. A cette époque, l'art de vivre se développe dans les maisons de villes et les demeures d'abbés.
Demeure de fonction (II)
Fin XII°, début XIII°, la demeure de genre cesse d'être romane et devient gothique. Aucune innovation d'importance sous cette nouvelle étiquette mais les arcs précédemment en plein cintre prennent un profil brisé. La porte cochère (A) est toujours accessible à un cavalier monté et la circulation des piétons se fait par la chattière (B). Le deuxième niveau conserve son caractère d'apparat mais son utilisation est saisonnière. L'hiver, le maître de maison et sa famille s'organisent dans une salle commune du premier niveau (C) dont les fenêtres deviennent beaucoup plus soignées. Un grand cellier (D) occupe le côté opposé (E). C'est un lieu de resserre qui se distingue de la cave.
La grande innovation du XIII° réside dans les parties hautes. Les ruissellements de la toiture, maintenant réalisée en tuiles à crochets, sont reçus dans une gouttière de pierre (F) portée par de petits arcs (G) établis sur des corbeaux (H). Les eaux ainsi collectées sont dirigées vers une citerne où le plus souvent vers un puits sacrifié, dit puits perdu. Il charge la nappe et l'eau se retrouve filtrée dans les puits voisins. Les lucarnes, naguère en bois, sont maintenant en pierre avec des arcs brisés pour sacrifier au style (J). Le mur pignon (K) domine le comble et l'étanchéité se fait par un larmier de pierres (L). L'édifice est donc totalement isolé des constructions voisines.
Le traitement intérieur ne change guère. Le bâtiment est toujours à simple corps et les planchers et solives (M et N) portés sur des poutres maîtresses perpendiculaires (P). Le carrelage remplace la brique ordinaire mais il est toujours posé sur un lit d'argile. Le comble, par contre, devient plus complexe. Les lucarnes qui ouvrent maintenant sur des chambres bien aménagées gênent l'installation d'une ferme traditionnelle. Un entrait convenablement disposé (Q) couperait le couloir de distribution et la fonction de l'arbalétrier se décompose: une jambe portante (R) et un rampant (S).
Comme tous les programmes précédemment traités, cette belle demeure gothique conserve le principe du mur porteur et reste très exposée au feu. D'autre part, toutes les structures des niveaux sont en bois et ne durent guère plus de quatre siècles; ainsi l'ouvrage connaît une échéance critique à la Renaissance et sera souvent mis en cause, seules les œuvres du XV franchiront sans encombre cette période qui entend condamner l'architecture médiévale.